L’abrutissement généré par les réseaux dits « sociaux »

Avez-vous remarqué combien sont nombreuses les personnes de votre connaissance s’informant exclusivement « sur les réseaux sociaux » ? Il y en a beaucoup, même au sein de populations qui ont les moyens financiers et intellectuels de s’abonner à un ou des vrais journaux écrits (en ligne ou sur papier, voire sur les deux supports) par de vrais journalistes ? Ces personnes cèdent au mirage du « gratuit » et à l’illusion de l’information alors que, le plus souvent, elles accèdent, au mieux, à de la publicité, au pire, à de la propagande.

Les écrans de smartphones, tablettes ou ordinateurs sont livrés avec des applications natives dont les algorithmes harcèlent leurs propriétaires en leur sélectionnant des « informations » de quelques lignes sur des sujets qui collent aux « préférences » de leurs lecteurs grâce à la magie de l’algorithme. Il s’agit le plus souvent de nouvelles relevant de journaux pipole ou sportifs. On peut généralement s’en défaire en déconnectant toutes les notifications des applications livrées avec l’écran, ou celles que l’on télécharge ultérieurement, mais la plupart des utilisateurs ignorent comment faire, ou ne prennent pas les cinq minutes nécessaires pour comprendre comment procéder à cette déconnection. C’est d’ailleurs la première victoire de ces diffuseurs « d’information » : leur caractère intrusif est accepté par leurs cibles.

Alors les notifications pleuvent sur les écrans comme à Gravelotte et les cibles se laissent séduire en les lisant. Ils tombent sur les « pensées » de Cyrille Hanouna ou des méthodes pour perdre du poids. L’objectif de ces notifications est de faire en sorte que ceux qui les reçoivent cliquent sur un lien, faisant ainsi tourner l’économie Internet tout en décérébrant les utilisateurs qui ne choisissent plus ce qu’ils souhaitent lire, laissant les algorithmes commerciaux en décider pour eux. Il y a donc une espèce de double peine : le niveau consternant des publications disponibles et le choix de celles-ci réalisé par la machine et non plus par le lecteur.

Pour ceux dont l’ordinateur est équipé de Windows, le gloubi-boulga informatif servi de façon contraignante lorsqu’on clique sur le bouton en bas à gauche de la barre des tâches, en est une excellente illustration.

Sur ce panneau Microsoft chaque « tuile » est en réalité un lien URL menant sur le site commercial du fournisseur de « l’information ». Certes, les sources commerciales de ces « tuiles » sont plus ou moins paramétrables mais il est impossible à l’utilisateur de Windows de faire disparaître le panneau. Il apparaît par défaut et s’impose à tous, sauf, peut-être à avoir des capacités de développeur.

Le stade suivant de l’abrutissement des masses est l’abonnement aux pages animées par des « influenceuses » à forte poitrine, et déficience de neurones actifs, sur les réseaux dits « sociaux ». Nabilla (photo) a 9,3 millions d’abonnés à son compte Instagram (14% de la population française) et 2,7 millions sur son compte X (ex-Twitter). La nature de ses publications mérite le détour pour prendre conscience de l’étendue du désastre. Dans une publication en 2018 sur Twitter restée célèbre Nabilla vantait les mérites du bitcoin « grave en train de se développer ». L’Autorité des marchés financiers (AMF) avait dû publier un contre-communiqué pour avertir des risques que présente un investissement en cryptomonnaie. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

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L’étape ultime est l’utilisation de ces réseaux dits « sociaux » pour des objectifs de propagande politique. C’est beaucoup plus pernicieux compte tenu de la paresse intellectuelle des cibles qui prennent le plus souvent pour argent comptant ce qu’ils lisent. Les dictatures en lutte contre l’Occident usent et abusent de leurs multiples comptes sur les réseaux dits « sociaux » pour mener le travail de sape des sociétés de l’Ouest, complémentaire des guerres idéologiques et, parfois, militaires menées sur le terrain. C’est la version 2.0 de « l’agit-prop » (agitation et propagande) chère aux mouvements gauchistes des années 1960 (maoïstes, trotskystes, communistes…) qui en firent leur miel pour essayer de faire tomber la société libérale. Cette nouvelle version est bien plus efficace car touchant facilement des millions de personnes et ne nécessitant pas de violence physique, au moins dans un premier temps.

Alors désormais dans les dîners en ville nombre de convives assènent comme des vérités des publications collectées au hasard des réseaux dits « sociaux » ou des notifications intempestives de leurs téléphones qualifiés de « smart ». Pendant ce temps, la presse se meurt, ou est rachetée par de grands groupes industriels qui l’utilisent pour diffuser leurs idées, mais encore le font-ils via des journalistes professionnels respectant un minimum d’éthique.

L’Occident qualifié de « collectif » par le « Sud global » a inventé ces outils numériques qui aujourd’hui sont en partie utilisés contre lui. Outils de marketing et de propagande, ils aboutissent aussi à l’abrutissement des masses ce qui n’est jamais de bon augure. Mais ce ne sont que des outils et, pour rester optimistes, il suffit de les utiliser autrement pour rendre leurs effets plus positifs. En attendant, un simple abonnement à un journal en ligne qui vaut 10 EUR/mois permettrait d’asséner moins d’inepties dans les dîners en ville.