« Lee Miller » d’Ellen Kuras

Une production américaine avec ses biais habituels, notamment un peu de grandiloquence, mais un film qui a le grand mérite de faire porter le projecteur sur la photographe Lee Miller (1907-1977), une personnalité intéressante et émouvante qui a parcouru le XXe siècle et ses tragédies, dont elle ne s’est jamais vraiment remise, aggravées par ses propres drames qui ne sont à peine abordés dans le film dont son viol alors qu’elle était encore enfant.

Emigrée des Etats-Unis vers l’Europe en tant que mannequin, elle devient photographe, rencontre les surréalistes Picasso, Cocteau, Eluard et Nush (qui apparaissent dans le film), devient la collaboratrice et amante de Man Ray, puis le quitte, réalise des photos de mode, se substitue à Man Ray dans nombre pour de ses commandes, repart aux Etats-Unis, revient au Royaume-Uni lorsque la IIe guerre mondiale éclate. Elle fait l’impossible pour être reconnue comme reporter de guerre pour Vogue et avoir accès au front, accès qui était alors refusé aux femmes. Finalement elle est envoyée à l’été 1944 à Saint-Malo où les combat entre les alliés et les Allemands font encore rage. Elle va suivre l’armée américaine dans sa marche vers l’Est, photographier l’ouverture des camps de concentration de Dachau et Buchenwald en avril 1945 où elle découvre l’indicible. Ses photos des déportés, survivants et morts, sont tellement effrayantes que Vogue refusera de les publier au Royaume-Uni. Elles ne seront dévoilées que dans l’édition américaine de Vogue. Le jour où Hitler se suicide à Berlin, elle accède à la demeure privée du Führer à Munich et fait prendre par son collègue-amant de guerre une photo d’elle en train de se baigner dans la baignoire d’Hitler !

La suite est tout aussi tragique. Lee sombre dans l’alcool et ses dépressions se succèdent. En 1947 elle a un fils, Anthony, avec Roland Penrose dont elle partageait la vie à Londres en 1940. Elle continue son activité de photographe de façon intermittente. Après son décès en 1973 Anthony veille sur l’œuvre de sa mère (60 000 clichés). Selon le scénario il découvre ces photos après son décès et réalise le parcours suivi par sa mère au cœur de la barbarie européenne. Ces photos seraient restées relativement anonymes durant l’après-guerre jusque dans les années 1970, une époque durant laquelle il est vrai les horreurs de la guerre n’ont guère été révélées ni étudiées.

Un film dispensable sur une femme exceptionnelle qui a développé une énergie hors du commun pour rendre compte du choc de la guerre. Elle y laissé son âme. En quittant la salle de projection, les spectateurs s’interrogent sur les hasards du destin qui transforme une femme issue du milieu éphémère de la mode en une reporter de guerre restée un modèle pour toute une profession.