Le camp du Struthof (KL Natzweiler) a été établi en mai 1941 dans la commune de Natzweiler à 60km de Strasbourg dans le Bas-Rhin. C’était à l’époque dans l’Alsace (de nouveau) annexée par le Reich allemand. C’était un camp de concentration pour le travail, pas un camp d’extermination, mais la vie n’y était pas rose. Situé dans les pré-montagnes à 800 m d’altitude, il a été installé à cet endroit pour pouvoir exploiter la carrière de granit rose située juste à côté. Les conditions de travail y étaient très dures ce qui, additionnées au traitement sauvage des prisonniers, entraînait un taux de mortalité très élevé de 40%. Environ 52 000 prisonniers sont passés au Struthof et dans ses camps annexes, originaires de toute l’Europe, y compris d’Allemagne, et d’une trentaine de nationalité dont plus de 7 000 Français.
Les baraques ont été construites sur un terrain en pente de 4,5 ha aménagés en terrasses. Cet environnement permettait une surveillance facilitée depuis les miradors et baraquements des SS situés en haut de la pente. C’est par là que se faisait l’accès des prisonniers hier, et, encore aujourd’hui, celui des visiteurs. Seules deux baraques de prisonniers sont toujours debout sur la terrasse du haut. Ils sont en cours de rénovation pour être rouverts à la visite le moment venu. A côté, la potence destinée aux exécutions a été maintenue en place et diffuse son image morbide pour rappeler où nous nous trouvons… En bas de la pente, deux baraques subsistent et sont visitables, l’une contenant le four crématoire et « l’infirmerie », ces deux fonctions étant complémentaires pour les Nazis qui menaient des expériences médicales sur certains détenus, l’autre étant réservée au bloc cellulaire. A côté, la fosse où était jetées les cendres des cadavres incinérés, transformée aujourd’hui en espace mémoriel et de recueillement.

Entre le sommet de la pente et le bas, reste uniquement l’étagement des terrasses et les escaliers de pierres qui étaient montés et descendus en permanence par les déportés dans un état de faiblesse avancée. Il y avait à l’époque 14 baraques de détenus qui n’ont pas été conservées.
En 1943 arrivent des déportés Nacht und Nebel (NN), les opposants au Reich au sein des pays occupés et de l’Allemagne, souvent des résistants à l’occupant, sorte de prisonniers politiques. Ils sont isolés des autres et connaissent un sort encore plus funeste. Beaucoup de ceux qui survécurent aux conditions de travail effroyables seront purement et simplement exécutés. Himmler avait demandé que tous les « NN » d’Europe de sexe masculin soient transférés au « KL Natzweiler », un ordre qui fut plus ou moins suivi.
A deux kilomètres en aval de l’enceinte du camp subsistent deux bâtiments, l’un était un « L’Auberge du Struthof » qui accueillait avant la guerre les habitants de la région venus faire du ski l’hiver et profiter du bon air de la montagne l’été. Les Allemands y ont installé leur quartier général durant la construction du camp. A côté, l’annexe de l’auberge dont une pièce fut utilisée comme chambre à gaz expérimentale. Les effets de gaz de combat y furent testés sur des déportés tsiganes dont peu survécurent. Des tests de vaccin contre le typhus furent également effectués sur des cobayes humains. A côté de la chambre à gaz se trouvent encore les installations où les résidents de l’auberge déposaient leurs skis…
A la fin de la guerre, face à l’avancée des troupes alliées, la fébrilité des Allemands les pousse à assassiner en masse les occupants du camp et ceux, nombreux, qui y arrivent. Les Américains le découvrent un peu par hasard le 25 novembre 1944, deux jours après la libération de Strasbourg. Il a déjà été vidé de ses occupants partis vers d’autres camps à l’Est au cours des sinistres « marches de la mort » où beaucoup des déportés périrent.
Après la guerre le camp fut réutilisé quelques temps comme camp d’internement où furent enfermés des collaborateurs. Le sinistre commandant du camp, Joseph Kramer, avait été muté à Bergen-Belsen qu’il commandait en 1944. Il est fait prisonnier par les Britanniques, condamné à mort et pendu en fin 1945. D’autres dirigeants du camp, moins emblématiques que Kramer, connurent un sort similaire. En revanche, les médecins allemands ayant dirigé les expériences médicales sur les détenus ont été condamnés à de la prison, libérés avant le terme de leurs peines en 1955. Ils retournent alors en Allemagne où ils reprennent leurs activités médicales !
En 1960 un Mémorial national de la déportation a été érigé au-dessus de l’enceinte du camp, vaste monument de 40 mètres de haut inauguré par le Général de Gaulle et autour duquel a été aménagée une nécropole regroupant plus de 1 000 tombes de déportés dont les corps ont été ramenés de différents camps européens.
Des investissements significatifs sont réalisés dans ce lieu d’Histoire pour maintenir et transmettre la sinistre mémoire des lieux de déportation. Un Centre européen du résistant déporté a été institué qui offre l’accès à des archives nombreuses aux chercheurs. En plus de visites guidées très intéressantes et bien menées, des expositions permanentes et temporaires sont organisées dans le grand bâtiment d’accueil des visiteurs.
Aujourd’hui, alors qu’une tempête de neige souffle à l’extérieur les visiteurs se retrouvent dans la cafétaria où une joyeuse bande de collégiens pique-niquent un peu bruyamment au point que leur responsable leur rappelle le lieu de mémoire où ils se trouvent pour leur demander un peu plus de calme, qu’il obtient d’ailleurs sans difficultés. En dépit de cette barbarie symbolisée ici au Struthof, la vie continue malgré tout, et heureusement ! Il est bien que cette jeunesse en baskets-casquettes et téléphones mobiles soit amenée ici pour, peut-être, prendre conscience de la noirceur du monde qu’elle pourra chercher à adoucir pour son propre avenir.

Voir aussi : https://www.struthof.fr/