« Le Mur de Berlin. Un monde divisé » à la cité de l’Architecture

Ce sont les derniers jours de la très intéressante exposition sur le mur de Berlin à la cité de l’Architecture, la foule se presse et toutes les réservations sont closes pour le week-end. C’est toute l’histoire de Berlin de 1945 à 1989 devant laquelle défile les visiteurs, l’histoire en fait d’une bonne partie de l’Europe de l’après-IIe guerre mondiale tiraillée entre deux idéologies en conflit : le libéralisme vs. le communisme. Les « boomers » ont déjà vu nombre des photos et des vidéos montrées mais on ne se lasse pas de les revoir tant ce qu’elles montrent a marqué une époque où ce qui se passait en Europe importait pour le reste de la planète, ce qui est de moins en moins vrai aujourd’hui.

Cette exposition est aussi l’occasion de plonger dans les ravages que peut provoquer la division d’un pays qui, dans le cas de l’Allemagne, symbolisait aussi la division du monde. Après la guerre et l’implication du monde soviétique dans la victoire alliée, l’Allemagne de l’est fut durant des décennies le bon élève du communisme mise en œuvre par une nomenklatura locale, sous l’œil attentif de Moscou, car ce sont des Allemands qui gouvernaient la République démocratique d’Allemagne, ce sont des Allemands qui composaient la redoutable police politique STASI, ce sont des Allemands qui gardaient la frontière côté Est et tiraient sur les fugitifs. Certes les soldats soviétiques « frères » n’étaient jamais loin, et sont d’ailleurs intervenus militairement lors des émeutes ouvrières de 1956 à l’Est, mais les dirigeants d’Allemagne de l’est étaient tout simplement Allemands, avec leurs convictions certainement sincères pour nombre d’entre eux.

Et puis le mur est tombé en 1989, l’URSS a suivi deux années plus tard. Globalement les citoyens allemands lorgnaient et fuyaient plutôt de l’Est vers l’Ouest, du communisme vers le libéralisme, que dans le sens inverse… et pas grand monde à l’époque n’a pleuré la fin du communisme. Aujourd’hui peu de gens appellent à son retour dans le monde et les quelques pays qui se rangent encore sous cette bannière (la Chine, la Corée du nord) n’en retiennent plus vraiment l’idéologie mais se contentent d’en appliquer les méthodes dictatoriales.

Et puis l’Allemagne s’est réunifiée avec des difficultés dont certaines ne sont pas encore totalement résolues. Berlin est redevenue l’unique capitale du pays. La fusion entre les deux Allemagne, la « fédérale » et la « démocratique », a marqué la victoire idéologique et économique du clan libéral. Les vidéos montrent les derniers moments politiques des dirigeants de l’Est tentant une dernière résistance pour maintenir leur pouvoir communiste. La puissance du rejet populaire va les balayer. L’ouverture des archives de la Stasi a permis de se rendre compte de l’ampleur de la nature policière de l’Allemagne de l’est et, parfois, de la compromission de ses voisins de palier. On dénonçait pour survivre mais aussi souvent par conviction. Trois salles sont consacrées à de très intéressantes interviews de citoyens (ou de leurs enfants) acteurs de cette période révolutionnaire.

Hélas, en notre XXIe siècle où le populisme et le nationalisme bêtes et méchants ont tendance à se mondialiser, c’est le retour de la division dans nombre de pays, ce qui se passe aux Etats-Unis d’Amérique étant à cet égard le plus extrême. Plus inquiétant, le niveau intellectuel et moral des nouveaux dirigeants qui comptent semblent bien en deçà de celui de ceux qui ont mis fin à la guerre froide. Les Mitterrand, Gorbatchev, Kohl, Reagan ont su gérer la transition post-communiste avec habileté, au moins sur le court terme. Leurs successeurs, et leurs populations, semblent empêtrés dans de nouveaux conflits, toujours idéologiques, parfois guerriers.

Pas sûr que les nouvelles divisions se résoudront aussi pacifiquement que celles du XXe siècle !

Voir aussi : Berlin