Le dernier conseil des chefs d’Etat et de gouvernement des 28 pays membres de l’Union européenne (UE) qui s’est tenu à Bruxelles les 17 et 18 octobre a eu à examiner une demande d’ouverture de négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord. Oui, vous avez bien lu : l’Albanie et la Macédoine du Nord souhaitent adhérer à l’UE, on peut le comprendre, mais la Commission européenne propose d’ouvrir les négociations et il se trouve que seuls la France et les Pays-Bas se sont opposés à l’approbation d’une telle ouverture de négociations.
Ce qui veut dire que sur 28 pays membres, 26 envisagent à peu près sereinement de cohabiter au sein d’une même union politique et économique avec l’Albanie et la Macédoine… Quand on voit les difficultés qu’il y à marcher ensemble dans la même direction à 28 (ou même seulement 27 si l’on considère que le Royaume-Uni est déjà sorti) on a du mal à croire que ces deux pays balkaniques ne seront pas une nouvelle source de division et de blocage pour une institution qui n’en a vraiment pas besoin.
Comme toujours, les partisans de l’élargissement à ces deux pays font valoir son côté « stratégique », la nécessité « d’accrocher ces nations au train européen » sous peine de voir d’autres influences (Chine, pays du Golfe persique) prendre la place, l’apaisement des conflits locaux, etc. Ces arguments sont systématiquement employés pour justifier de nouvelles adhésions à l’UE et une fois acquises, celles-ci se transforment en casse-tête institutionnel bloquant progressivement l’action par impossibilité de décision commune de la part d’un groupe de pays aux intérêts si divergents.
Nous sommes en Europe donc les considérations d’efficacité et d’intérêt général sont facilement oubliées, chaque pays regardant à l’aune de ses propres intérêts ou de sa capacité de nuisance vis-à-vis des autres. C’est ainsi que l’on voit la Hongrie et Pologne fervents défenseurs de l’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord alors que Budapest et Varsovie n’arrêtent pas depuis plusieurs années de critiquer l’aspect multinational de l’UE, refusent d’endosser nombre de ses politiques, sauf celles en leurs faveurs, conteste la libre circulation des personnes et ont plutôt tendance à se replier sur eux-mêmes sur le thème favori des directions populistes : « chez nous c’est bien, nos problèmes viennent de l’étranger, et tout particulièrement de l’Union européenne ». Qu’importe, en soutenant l’adhésion des confettis balkaniques qui seront à priori plus proches de l’Europe centrale que de sa partie occidentale, ils enfoncent un coin dans le pouvoir et l’influence des pays fondateurs, déjà bien entamé.
On reste curieux d’entendre et d’analyser les arguments qui seront développés à Berlin, Rome ou Varsovie, pour expliquer aux citoyens agités par des forces populistes et de d’extrême droite, l’intérêt qu’ils ont à accueillir l’Albanie et la Macédoine du Nord au sein de l’Union !
Le combat de la France et des Pays-Bas est sans doute vain puisque la grande majorité des pays membres est favorable à cette adhésion et c’est là le point le plus incompréhensible pour le citoyen lambda qui n’arrête pas d’entendre que l’Europe est bloquée. La constitution française prévoit en son article 88-5 stipule que toute nouvelle adhésion d’un Etat à l’UE devra être approuvée par référendum ou par une majorité trois cinquièmes des deux assemblées du parlement. La France aura toujours, en principe, la capacité de ne pas ratifier l’adhésion, si la constitution n’a pas été changée d’ici-là.
Les conclusions du conseil européen sont lapidaires et ne font que reporter à plus tard la décision, le temps de faire céder Paris et La Haye :
ÉLARGISSEMENT Le Conseil européen reviendra sur la question de l’élargissement avant le sommet UE-Balkans occidentaux qui se tiendra à Zagreb en mai 2020.
Conclusions réunion du Conseil européen (17 et 18 octobre 2019) – réf. : EUCO23/19, CO EUR 22, CONCL 7