Une journée de revendication est programmée pour le 5 décembre prochain en France. Différentes corporations veulent afficher leur opposition au projet de réforme du système des retraites. Des grèves lourdes sont annoncées dans les transports publics et vont sérieusement perturber le fonctionnement du pays. Elles sont renouvelables.
La presse qui adore faire peur à l’annonce de ce genre d’évènement et vendre cette angoisse à ses consommateurs, passe son temps et ses articles à deviser sur l’écume des choses. Les habituels « experts » de plateaux télévisés sont convoqués à longueur d’émissions pour échanger à l’infini sur le niveau de blocage du pays, et sa durée, que provoquera cette grève. Un sujet « clé » également répété ad nauseam est le résultat des sondages exprimant le niveau de soutien à cette grève des personnes sondées. Des débats sur le fond de la réforme proposée ? Nenni, on préfère ânonner que la réforme n’est pas claire et que les citoyens ne sont informés de rien ! Le contraire fut étonnant tant la majorité des médias se refusent à aborder le fond du projet.
Celui-ci est fort bien expliqué dans le rapport Delevoye « Pour un système universel de retraite » de 138 pages. Ensuite la loi définitive sera celle qui sera votée par le parlement mais en attendant, tous les grands principes et changements du projet sont sur la table. Il suffit de télécharger ce rapport, de le lire et d’en débattre. C’est en principe le rôle d’une presse intelligente.
De deux choses l’une : soit les journalistes n’ont pas même pris le temps de lire ce document, auquel cas nous leur indiquons bien volontiers le lien de téléchargement, soit ils l’ont lu mais préfèrent débattre de l’accessoire pour vendre de l’émotion plutôt que de la réflexion. Dans un cas comme dans l’autre ils participent avec enthousiasme à l’abrutissement des masses au lieu d’en élever le niveau de compréhension sur ce sujet complexe.
L’un des sujets favoris des journaux télévisés est le reportage sur Mme. Michu retraitée qui explique que « après avoir payé toutes ses factures » il ne lui reste que 300 euros pour vivre. On ne sait pas bien ce qu’il y a dans « toutes ses factures » mais qu’importe le gogo est accroché et sort ses mouchoirs. Ce que l’on attend d’une presse intelligente est d’expliquer les différentes solutions et alternatives possibles pour améliorer le sort de Mme. Michu et non pas simplement faire sangloter dans les chaumières. Elles sont de plusieurs ordres :
- On baisse les factures à payer par Mme. Michu, ce sont alors ses fournisseurs* qui doivent rogner sur leurs revenus,
- On fait payer tout ou partie de ces factures « par l’Etat », ce sont alors les contribuables qui verront augmenter leurs impôts ou d’autres citoyens qui verront baisser leurs prestations
- On augmente la retraite de Mme. Michu, ce seront alors les cotisants (employés et/ou employeurs) qui verront augmenter leurs prélèvements ou d’autres retraités qui verront baisser leurs prestations
- Ou un mix de toutes ces mesures
* Certains d’entre eux proposent déjà des offres low cost comme les fournisseurs d’accès internet et de téléphone. Le chroniqueur s’en félicite d’ailleurs qui bénéficie d’un abonnement mobile à 10 EUR/mois 4G avec appels et SMS illimités en France et vers les départements d’outre-mer hors Mayotte, plus 40Go d’internet mobile par mois. La box internet haut-débit est facturée 20 EUR/mois sans accès à la télévision (qui n’est pas vraiment nécessaire puisque la télévision numérique publique offre une trentaine de chaînes financées par la redevance déjà payée par la grande majorité des citoyens). Le coût total de communications est donc de 30 EUR/mois. Ce fournisseur est REDbySFR.
Un « expert » normalement constitué devrait être en mesure de développer ce genre de raisonnement sur un mode pédagogique : tout est possible mais tout a des conséquences qu’il faut gérer et arbitrer. Hélas, trois fois hélas, nos « experts » préfèrent le mode Café du commerce à celui de la raison.
Rappelons tout de même que la corporation des titulaires de cartes de presse (c’est-à-dire sans doute aussi un Morandini ou une Chazalle…) bénéficie d’une niche fiscale sous forme d’un abattement forfaitaire sur leurs revenus taxables pour « frais d’emploi », d’autres avantages existaient mais ont été supprimés au fur et à mesure du temps. Le secteur de la presse est également subventionné par les contribuables via le reversement d’aides aux journaux et réseaux de distribution pour les aider à combler leurs déficits d’exploitation car ces journaux sont vendus en dessous de leurs coûts de production et, malgré tout, de moins en moins de lecteurs les achètent. Elles sont publiées par le ministère de la Culture avec un peu de délai. Les derniers chiffres concernent 2015, année où 53 millions d’euros ont été distribués à 326 journaux, le premier bénéficiaire étant le Parisien – aujourd’hui en France avec 7,8 millions d’euros en 2015. Viennent ensuite Libération, Le Monde, Le Figaro, La Croix, Ouest-France… mais on trouve aussi à des niveaux bien plus modestes des journaux comme La Dépêche du Pays de Bray, La Gazette du Val d’Oise, L’Hebdo de l’Ardèche, etc.
Voir aussi : tableau des aides 2015
Ces subventions payées par les contribuables pourraient aussi servir à régler les factures de Mme. Michu, ou rester dans les poches des contribuables… Malgré tout, elles ne sont pas complètement illégitimes, sont votées par le parlement sur un mode démocratique et permettent de maintenir en vie une presse qui est de moins en moins viable au niveau financier. Elles pourraient en revanche générer un comportement responsable des journaux et journalistes qui en sont les bénéficiaires et sont ainsi un peu reconnus comme service public, qualification qui devrait être un gage de qualité et non de populisme.