La dictature du sport envahit les esprits, même les mieux formés

On constate une complaisance grandissante à l’égard de l’invasion des esprits par le sport en général, et le fouteballe en particulier. Dans les dîners en ville, dans le monde politique, culturel ou au Café du commerce, toute une population aisée et d’un niveau socioculturel élevé s’esbaudit devant les « exploits » de pousseurs de baballe ignares, dont les interviews reprises en masse sont aussi navrantes pour l’intelligece que leurs coupes de cheveux pour l’esthétique. Cette indulgence coupable s’explique d’abord par l’autojustification de perdre son temps devant son poste de télévision en hurlant à chaque fois qu’un fouteux approche les buts de l’adversaire. Plus pernicieux, cette caste y voit aussi un moyen facile de faire « populo » en vantant ces sports de ballon adulés par les masses, tout en ricanant devant le spectacle souvent déplorable offert par leurs acteurs vedettes : acculturation, trains de vie dispendieux et tape-à-l’œil (Neymard au PSG), fraude fiscale (Messi en Espagne), polémiques vaines sur le racisme dans le sport (non-sélection d’Anelka ou de Benzéma en équipe de France), implications dans différents scandales (les sextapes de Valbuena), etc., etc. Sans parler de l’abrutissement de toute une frange des spectateurs des matchs, souvent avinés, toujours bagarreurs, qui transforment régulièrement les après-matchs en champs de bataille et de beuverie.

Tout ceci n’est pas très grave et la République a des sujets bien plus radicaux à affronter. Mais ces comportements glorifiant les sports de baballe sont à terme délétères pour le niveau culturel de la nation. Délivrer des légions d’honneur à tour de bras à des footeux, déplacer les plus hauts personnages de la République pour passer des heures dans des stades au détriment de leurs tâches régaliennes, déifier des footeux, accorder plus d’importance dans les médias à l’arrivée de Neymar au PSG qu’aux catastrophes agitant la planète, engager des fonds publics considérables dans des compétitions de sport… tout ceci est excessif et tend à égaliser tous les sujets dans l’esprit des citoyens. Ribéry n’est pas Zola, Didier Deschamps n’est pas Charles de Gaulle. Le faire croire à nos enfants par trop de révérence envers les pousseurs de baballe ne les met pas dans les meilleures dispositions pour différencier, lorsqu’ils seront adultes, entre ce qui est vital, ce qui est nécessaire et ce qui est agréable.

Le sport n’est que le sport, il ne s’agit pas de le faire disparaître des centres d’intérêt de nos citoyens mais de le ramener à sa juste place, celle d’un divertissement. Un pays qui préfère engager des milliards des impôts prélevés sur ses contribuables dans l’organisation d’un championnat mondial de rugby en 2023 et de jeux olympiques en 2024 plutôt que d’améliorer le financement de ses systèmes éducatif ou de santé n’est pas un pays qui parie sur son avenir.