SPRINGORA Vanessa, ‘Le Consentement’.

Sortie : 2020, Chez : Editions Grasset & Fasquelle / Le Livre de Poche

Vanessa Springora avait 14 ans au mitan des années 1980′ lorsque Gabriel Matzneff, 49 ans, écrivain, la séduisit. 35 ans plus tard, elle fait le récit d’une emprise dont elle s’est défaite avec difficulté et qui l’a durablement traumatisée.

Lui était un écrivain prolifique et sulfureux, introduit dans le tout Paris littéraire, désigné par « G » dans le récit. Amateur de relations sexuelles avec de jeunes enfants mineurs, il détaillait à loisir ses ébats sexuels dans des journaux intimes qui étaient publiés et faisaient la joie gourmande du microcosme de Saint-Germain-des-Prés. Il fallut attendre la publication du livre de Springora en 2020 pour que Matzneff désormais âgé de plus de 80 ans commence à être mis devant ses responsabilités et qualifié de pédocriminel. Il est depuis définitivement ostracisé par le petit monde qui l’avait encensé mais l’avait un peu oublié ces dernières années, bien qu’il reçut encore le prix Renaudot en 2013. Ses crimes étant prescrits, son sort de vieux monsieur pervers n’a sans doute plus beaucoup d’importance.

Le récit d’une de ses nombreuses victimes a certainement valeur de thérapie pour elle et c’est tant mieux. Ses courts chapitres font aussi, et surtout, le procès d’une époque, et plus précisément de l’élite culturelle de ce temps. Mai 68, Simone de Beauvoir, la théorie psychologique dévoyée, une philosophie libertaire promue par de grands penseurs, notamment français, sont passés par là. Le fameux slogan « il est interdit d’interdire » a été érigé en mode de fonctionnement dans le microcosme se croyant au-dessus des lois de la nature, conduisant à l’abandon d’un cadre pour l’éducation des enfants et la démission de l’autorité parentale.

Un père absent, une mère « tolérante », une époque conciliante et un milieu littéraire nombriliste, il n’en fallut pas plus pour que Vanessa Springora tombe dans les griffes du prédateur à un âge où son « consentement » ne pouvait pas être éclairé. Il lui faudra quelques années pour se déprendre du pédophile séducteur, quelques décennies pour s’en remettre et écrire ce livre, le récit plutôt froid des grandes erreurs d’une époque, pendant que celle d’aujourd’hui en commet de nouvelles.

Il se murmure à Saint-Germain-des Prés que Matzneff cherche à publier sa réponse « Vanessavirus » mais qu’il ne trouve pas d’éditeur.

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