Vous avez aimé Saigon, vous adorez Kaboul !

Une nouvelle défaite de l’occident en Asie

Ça y est : le mouvement religieux des « Talibans » (voulant dire « étudiants en religion ») a pris le pouvoir en Afghanistan, quasiment sans combattre, du fait de la peur qu’ils inspirent, de la complète démotivation des forces de sécurité de ce pays aux confins de l’Asie et du soutien d’une partie de la population opposée à l’occupation étrangère du pays depuis des décennies : des anglais aux troupes de l’OTAN en passant par les soviétiques !

En réalité, l’armée afghane n’a pas vraiment combattu contre les rebelles religieux voulant réinstaurer leur pouvoir sous l’ombrelle de la « charia », la loi du Coran. La dernière occupation étrangère qui vient de se terminer a été menée par les Etats-Unis d’Amérique en 2001 après les attentats terroristes religieux de New-York qui avaient consisté à faire écraser en même temps quatre avions de ligne et leurs passagers sur le territoire américain, un sur chacune des tours jumelles du « World Trade Centrer » de New-York qui se sont effondrées sous le choc, un sur le ministère de la Défense à Washington, le « Pentagone » et le dernier qui était probablement destiné à la Maison Blanche mais qui s’était écrasé dans une forêt, sans doute suite au mouvement de révolte des passagers. Les Etats-Unis avaient alors déclenché la clause de la charte de l’OTAN prévoyant la solidarité des pays membres en cas d’attaque d’un des leurs. Les forces militaires envoyées sur place avaient alors défait assez rapidement le régime taliban qui abritaient le mouvement terroriste religieux Al-Qaïda et son chef, Ben-Laden, qui avaient commis et revendiqué cet attentat d’un nouveau genre qui a fait plus de 3 000 morts.

Les religieux talibans, outre leur soutien au terrorisme international, avaient instauré entre 1996 et 2001 dans leur pays un strict régime islamique particulièrement contraignant pour les femmes et relevant d’un autre âge : interdiction de la musique, destruction d’œuvres artistiques dont les Bouddhas monumentaux de Bâmiyân, lapidation des femmes adultères, coupages des mains de voleurs, décapitation des criminels en place publique, etc. Ils annoncent leur intention de réinstaurer rapidement ces pratiques.

Comme souvent en ces circonstances, après sa victoire militaire en 2001 l’Occident s’était alors mis en tête de « démocratiser » ce pays en y instaurant sa vision de l’Etat. Comme toujours à l’est de la ligne Oder-Neisse, cette ambition s’est révélée un fiasco et, à la fin, aboutit au retrait piteux des occidentaux. Le parallèle avec la défaite et le retrait des Etats-Unis au terme de la guerre du Vietnam est troublant.

Le plus étonnant dans ces affaires n’est pas tant la défaite idéologique mais la constance avec laquelle les pays occidentaux s’ingénient à vouloir « faire le bien » autour d’eux en diffusant leurs conceptions de l’Etat à des populations qui n’en veulent pas vraiment et qui sont à mille lieux d’en accepter les contraintes. Cela n’a pas fonctionné durant la période coloniale, ni la période dé-coloniale, et cela ne semble pas plus adapté de nos jours.

Cerise sur le gâteau, les talibans qui avaient forgé leur unité à l’aune de la lutte antisoviétique dans les années 1980 auraient informé Moscou que ses diplomates ne seront pas inquiétés après la prise du pouvoir. La Chine les avait déjà reçus en grande pompe à Pékin avant même leur installation à Kaboul. Les autres pays sont en train d’évacuer leurs ressortissants en catastrophe ainsi que leurs affidés locaux pour leur faire échapper à la vengeance talibane.

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Ce nouvel échec sociétal et militaire occidental en Orient doit véritablement pousser à abandonner cette idée de croisade idéologique pour la promotion de la démocratie partout sur la planète, y compris par la force des armes. Ce qui se passe aujourd’hui à Kaboul, comme hier à Saigon et Bagdad ou en ce moment dans le Sahel, montre que cela ne marche pas, quels que soient le contexte ou le lieu. La démocratie est un mode de gouvernance européen, inventé par les Grecs, enrichi par Rousseau et Tocqueville et pratiqué en occident, majoritairement en Europe et en Amérique du Nord. La plupart des autres continents ne marquent pas un grand intérêt pour la démocratie, les élections, les droits de l’homme et tout ce qui va avec. Et même en occident certaines vieilles démocraties oublient un peu leurs principes fondateurs : partout des partis extrémistes gagnent du terrain.

Même si des minorités de ces pays, souvent éduquées en occident ou sur des principes occidentaux, marquent un intérêt pour ce système, elles n’arrivent pas à convaincre la majorité de leurs concitoyens de leur point de vue. En Afghanistan l’Union soviétique a tenté d’instaurer le communisme pendant une guerre de 10 ans, l’OTAN a essayé d’insuffler la démocratie avec une guerre de 20 ans et ce sont des religieux qui finalement emportent le morceau pour y installer la Charia. Alors pourquoi ne pas laisser faire les choses comme elles doivent se faire plutôt que de dépenser des ressources humaines et financières considérables pour aboutir à des désastres comme ce qu’il est train de se passer en Afghanistan ?

Tant que les démocraties existent en occident, qu’elles défendent leurs intérêts et répondent au besoin par les armes à toute agression venant de l’extérieur comme ce fut fait en 2001 en Afghanistan, mais qu’elles cessent de croire résoudre les problèmes des autres en leur imposant une gouvernance dont ils ne veulent pas.