Sortie : 1998, Chez : Le Cherche Midi éditeur.
Joseph Gouraud (né en 1927, Gourenzeig de son nom originel), juif d’origine polonaise, est raflé avec sa famille en juillet 1944 à Lyon (zone « libre » jusqu’à novembre 1942) où ils s’étaient réfugiés pour fuir les persécutions antisémites. Seule sa jeune sœur échappe à l’arrestation. Ils feront partie de l’avant-dernier train vers Auschwitz. Il a 17 ans. Sa mère sera immédiatement assassinée à l’arrivée et dirigée vers les chambres à gaz, puis il verra mourir son frère et son père, d’épuisement et de découragement.
Son père lui confia comme mission de survivre pour raconter l’enfer de l’extermination des juifs et maintenir le nom Gourenzeig sur terre. Il s’acquitte de cette mission : survivra aux marches de la mort lors de l’évacuation d’Auschwitz-Birkenau à l’approche de l’Armée rouge, fuira dans la campagne allemande après l’abandon par les SS du camp provisoire où les déportés survivants avaient été entassés, rencontrera un officier français qui accompagnera son retour à la vie (y compris par des entretiens philosophiques sur la guerre), il lui servira d’interprète, s’engagera dans l’armée française pour quelques mois, sorte de sas de décompression avant le retour en France où il retrouvera sa petite sœur. Il affronte le silence plus ou moins imposé aux déportés à leur retour par des français qui se veulent insouciants au sortir de la guerre et tournés vers l’avenir et les « trente glorieuses » qui démarrent.
Ce parcours a été écrit 50 ans après les faits, pour ses enfants, ses petits-enfants, pour l’Histoire et pour respecter le vœux de son père adoré. Il retrace l’enfer vu avec les yeux de l’adolescent qu’il était à l’époque. Arrivé à Auschwitz avec la naïveté du gamin de Belleville travaillant dans l’atelier de confection de son père, il ressort, orphelin, dévasté par cette tragédie vécue de l’intérieur mais animé par l’inébranlable serment fait à son père, il doit se relever.
Ce livre décrit avec des mots simples et neutres des faits terribles, presqu’indicibles. Il clôt un cycle mais ne purge pas la mémoire de son auteur car « trop d’ombres gisaient dans nos cœurs ».