Patrick Chamoiseau et le « système d’outre-mer »

Ecrivain martiniquais, prix Goncourt 1992 pour son roman « Texaco », publie une intéressante chronique dans le Journal Le Monde du 7 septembre. Il y constate, comme tout le monde, que le « système outre-mer » est une « ténèbre d’archaïsme et d’aberrations ». Il y qualifie les départements et territoires d’outre-mer de « peuples-nations sans Etat » et la loi sur la départementalisation de 1946 de « loi d’assimilation ».

Le diagnostic de Chamoiseau est implacable et réaliste, écrit dans le style flamboyant et un peu abscons propre à l’auteur, il indexe autant les politiques locaux avides d’exonérations fiscales, de subventions ou du « rattrapage d’un retard millénaire » que la France cherchant à « maintenir actif un paradigme colonial ».

Le « système outre-mer » a généré un « syndrome du poulailler » où – même si la cage grillagée est suffisamment large pour battre des ailes sur quelques mètres – aucune poule ni aucun coq vaillant n’a le cœur à voler. Enfin, ce n’est pas un but en soi : c’est un processus.

Que propose Chamoiseau pour résoudre cette inextricable situation qu’aucun gouvernement métropolitain ni pouvoirs outre-mer n’ont jamais réussi à faire bouger ? Rien de bien neuf sinon un moulinet de grands mots.

Cela demande une nouvelle Constitution française, qui inscrirait dans son marbre un cadre juridique du devenir – un curseur sécurisant adapté à la diversité du monde, aux multiplicités infranationales et aux incertitudes de ce qui vient. Ce cadre, et ses implications en matière de politiques publiques, à commencer par le champ culturel, permettraient à nos peuples-nations de vivre sans crainte leurs projections, et d’aller au bout de leurs diverses, imprévisibles, irréductibles, maturations.

C’est beau comme l’antique mais aussi inutile qu’un vol de mouettes sur la mer Caraïbe. Chamoiseau pense-t-il véritablement qu’un changement de la constitution française fera évoluer le « poulailler » vers plus de sérénité et d’apaisement ? Sans doute pas mais il n’ose prononcer le seul mot qui vaille, celui de « l’indépendance » ! Alors plutôt que de deviser sur la « responsabilisation », Patrick Chamoiseau pourrait utiliser son aura et son talent pour initier et accompagner l’évolution de son peuple « d’outre-mer » vers l’indépendance qu’il mérite et qu’il redoute.