Avec constance et une relative efficacité, au moins à court terme, l’armée israélienne réussit à tuer les cadres des mouvements terroristes qui cernent son territoire. Les conditions dans lesquelles sont « neutralisés » ces chefs de guerre dépassent souvent l’entendement et marquent à quel point les services israéliens ont infiltré leurs ennemis. L’histoire donnera sans doute un jour les détails de ces opérations d’infiltration, qui, et comment, délivre les informations nécessaires à Israël pour tuer les dirigeants ennemis.
Certaines opérations sont assez peu « chirurgicales » et lorsque que l’armée est informée de la présence d’un ou plusieurs chefs dans un endroit précis c’est tout l’immeuble qui est bombardé sans trop s’inquiéter d’éventuels « dégâts collatéraux » parmi les populations civiles environnantes. D’autres sont réellement ciblées comme l’assassinat d’Ismaël Haniyeh, le chef du mouvement religieux Hamas qui gouverne la bande de Gaza, réalisé en plein Téhéran le 31 juillet dernier, alors qu’il effectuait une visite officielle dans ce pays. Cette opération n’est pas sans rappeler celle contre Ayman Al-Zawahiri, le dirigeant du groupe religieux terroriste « Al-Qaida », atteint par un missile américain en plein Kaboul en août 2022, alors qu’il était à son balcon. La munition semble avoir visé directement le balcon sans avoir causé aucun autre dommage que la mort du chef terroriste. On se souvient également que quelques mois plus tard, un physicien haut responsable du programme nucléaire iranien avait été assassiné dans Téhéran, sans doute à l’initiative d’Israël, malgré la protection renforcée dont il bénéficiait.
La guerre en cours au Proche-Orient déclenchée depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné une avalanche d’innovations techniques sidérantes mises en œuvre et employées dans des assassinats plus ou moins ciblés. Il y a quinze jours on a assisté avec stupéfaction à l’affaire dite des « bipeurs ». Le mouvement terroriste religieux Hezbollah avait interdit à ses membres d’utiliser des téléphones mobiles dont tout le monde sait désormais qu’ils sont traçables et écoutables et les avait remplacés par des bipeurs et des talkies-walkies, outils plus anciens et en principe moins visibles par « l’ennemi ». Eh bien mi-septembre, ce sont des milliers de ces instruments qui ont explosé quasiment au même moment au Liban dans les mains ou à la ceinture de leurs détenteurs. Il y a eu des milliers de blessés et quelques dizaines de morts. A priori tout le management moyen du Hezbollah a été blessé ou mis hors d’état de combattre d’un seul coup. Les « experts » de plateaux télévisés soupçonnent que les services secrets israéliens aient pu détourner les bipeurs et talkies-walkies avant leur livraison pour introduire quelques grammes d’explosif dans chacun dont l’explosion aurait été déclenchée à distance par Israël le moment venu. On découvre par ailleurs que l’ambassadeur iranien au Liban avait son propre bipeur et a donc été blessé dans l’opération, confirmant au passage par l’absurde les liens entre ce mouvement et Téhéran.
Quelques jours plus tard c’est le grand chef du Hezbollah qui était à son tour assassiné dans la banlieue de Beyrouth. Il semble que l’absence de moyens de communication après la destruction des bipeurs ait forcé les hauts dirigeants à se réunir en face à face dans un bunker hypersécurisé. Un bombardement avec des munitions appropriées capables de forer le béton a fait le reste. Depuis d’autres attaques se poursuivent contre des dirigeants de la hiérarchie du Hezbollah, dont la tête pensante des attentats contre les forces françaises et américaines qui, il y a 40 ans, essayaient de mettre fin à la guerre dans le cadre d’une mission internationale de maintien de la paix. Il y avait eu 58 militaires tués côté français et 220 côté américain.
Cette inventivité technologique israélienne n’est pas exclusive, malheureusement, de destructions massives comme celles engagées dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre qui auraient fait plus de 40 000 morts selon les chiffres du Hamas.
Mais la supériorité militaire de Tel Aviv sur les pays et mouvements qui la cernent n’est que tactique. Elle n’est d’ailleurs pas nouvelle et n’a jamais permis d’apporter la paix dans cette région sur une base durable. Elle a permis d’éloigner les ennemis du front pour un moment mais toujours ils sont revenus après avoir repris des forces. La guerre « des 6 jours », la guerre « du Kippour », les invasions passées du Liban et autres actions n’ont pas empêché chaque fois OLP, Hamas, Hezbollah de revenir sur le devant de la scène sous un nom ou sous un autre, avec de nouveaux dirigeants quand les précédents avaient été assassinés, et en générant toujours plus de haine et d’esprit de vengeance contre l’état religieux d’Israël. Les seuls pays frontaliers avec lesquels Tel Aviv entretient des relations à peu près apaisées sont ceux avec lesquels des accords de paix ont été signés : l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994. Ces accords durent et permettent même à ces Etats de collaborer avec Israël dans la lutte anti-terrorisme.
Il faudra sans doute un jour aller dans la même voie avec la Palestine et savoir développer une créativité cette fois-ci au service de la paix dans un contexte encore plus délicat qu’avec l’Egypte et la Jordanie car la Palestine n’est pas un Etat et sa représentation est très morcelée.
En attendant, le Hamas et le Hezbollah, même considérablement affaiblis, continuent à tirer des missiles contre Israël et ne semblent pas rencontrer trop de difficultés pour recruter des soldats !