Après avoir été reçu à la présidence de la République française avec gardes républicains au garde-à-vous dans la cour de l’Elysée le chef d’Etat syrien par intérim Ahmed al-Charaa a pu afficher sa barbe noire dans le bureau ovale de la Maison Blanche en compagnie du président américain. Au vu du pédigré terroriste du personnage, dont il ne s’est jamais caché, on frémit un peu de voir les pays occidentaux lui déployer le tapis rouge. Certes il faudra bien renouer un jour avec la Syrie, pays clé du Moyen-Orient, à l’histoire millénaire, mais qui aussi été à l’origine de bien des déconvenues pour les pays occidentaux qui ont tenté d’entretenir des relations d’Etat à Etat. Une nation dirigée par des forbans, une économie menée par des voyous, un pouvoir central contesté les armes à la main par les Kurdes toujours entre deux sécessions, les Alaouites, les Druzes et bien d’autres, des clans politico-religieux qui s’entretuent depuis des décennies, un territoire occupé par la Turquie au nord, par Israël sur le plateau du Golan, par des bases militaires américaines et russes plus ou moins sollicitées, une population ballotée au milieu de ces canailles, entre corruption, idéologies religieuses et pauvreté, qui a même été attaquée avec des gaz de combat par le pouvoir Assad (père puis fils) pour réprimer les contestations populaires, ce pays n’a quasiment jamais vécu en paix depuis son indépendance et s’est retrouvé un peu contre son gré au centre d’enjeux moyen-orientaux qui le dépassent.
Cerise sur le gâteur, Alois Brunner, officier nazi qui fut un élément clé dans l’extermination des juifs durant la IIe guerre mondiale s’est réfugié en Syrie où il fut protégé par le régime d’Hafez el Assad et aurait même œuvré comme conseillé des services de sécurité syriens, services réputés pour leur barbarie. Lâché par Bachar, le fils d’Hafez qui a repris le pourvoir à la mort de celui-ci, il serait mort en prison dans les années 1990 ou 2000. Le gouvernement syrien n’a jamais collaboré avec les pays occidentaux qui demandaient l’extradition du chef nazi, ce qui n’empêcha le président français Chirac d’être le seul chef d’Etat occidental venu à Damas en 2000 assister aux obsèques d’Hafez el-Assad.
La Syrie a elle-même toujours revendiqué sa prééminence sur le Liban dont elle n’a jamais véritablement accepté l’indépendance. Son armée a occupé ce pays et y a commis moulte attentats dont l’assassinat du premier ministre libanais Rafiq Hariri en 2005. Damas a copiné avec l’Iran de nombreuses années, participant activement au business diplomatique des otages, soutenant les mouvements terroristes de tous ordres pour nuire à l’Occident coupable de tous les maux ce qui n’empêchait ses dirigeants d’acquérir des biens immobiliers luxueux sur l’avenue Foch à Paris, à Londres et ailleurs.
C’est en Syrie que le groupe terroriste religieux « Etat islamique » a installé ses bases dans les années 2010 et organisé, notamment, les massacres de novembre 2015 à Paris. La guerre civile durant ces années entre les groupes religieux syriens et le régime Assad a été terrible (plusieurs centaines de milliers de morts, souvent torturés dans des conditions effroyables), le pays grandement détruit et il faudra encore longtemps pour évaluer les conséquences financières, politiques et sociales de cette guerre sauvage !
C’est la Syrie qui a majoritairement alimenté la crise migratoire des années 2020 durant lesquelles entre un et deux millions de réfugiés ont fuit leurs pays pour l’Europe. C’est aussi la Syrie du clan el-Assad qui a développé une industrie productrice du Captagon, une drogue dont elle a inondé le marché international et dont le pouvoir post-Assad chercherait à se débarrasser.
Bref, au cœur de « l’Orient compliqué », la Syrie est un cauchemar pour les pays occidentaux et il existe une très forte probabilité pour qu’elle continue à l’être dans les décennies à venir. Un premier réflexe voudrait que les pays occidentaux se retirent définitivement de ce bourbier pour se consacrer à l’Europe où les défis militaires et financiers s’accumulent. Les dirigeants français et américain viennent d’en décider autrement en recevant le président syrien intérimaire, avec son lourd passé de terrorisme religieux, en déployant les flonflons de leur protocole. Notons tout de même que M. al-Charaa est entré à la Maison-Blanche par la porte de service et non par l’entrée officielle.
Peut-être les Etats-Unis et la France font-ils preuve de vision en pariant sur ce dirigeant barbu, qui a au moins eu le mérite de faire tomber le clan el-Assad par les armes, mais on a du mal à être optimistes après des décennies de dérives dictatoriales et d’échecs dans tous les domaines des relations avec ce pays maudit.


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