Une jeunesse allemande

Une-jeunesse-allemandeUne jeunesse allemande, un documentaire de Jean-Gabriel Périot sur le groupe terroriste allemand Fraction Armée Rouge, encore appelé la « bande à Baader » et qui défraya la chronique dans les années 70’ en même temps que les Brigades rouges en Italie et Action Directe en France. Ce furent les « années de plomb » dans une vieille Europe qui se débattait idéologiquement entre les lambeaux du marxisme et les joies du capitalisme, le tout dans une ambiance de guerre froide Est-Ouest et d’agitation étudiante soixante-huitarde.

Basé uniquement sur des images d’archive, le film raconte la sidération du peuple allemand devant ces combattants d’un autre âge défendant le prolétariat et la lutte des classes par les armes. Andreas Baader, Ulrike Meinhof, Gudrun Ensslin, Holger Meins sont les enfants de la génération nazie, tous nés durant la seconde guerre mondiale (sauf Meinhof, plus âgée, née en 1934). Le père de Baader est mort en 1945 sur le front russe. Ils ont du mal à vivre ce lourd héritage, surtout quand ils voient nombre d’anciens nazis toujours aux commandes de la République fédérale, dont le chancelier Kiesinger de 1966 à 1969.

Comme la jeunesse de cette époque ils s’interrogent sur les options idéologiques possibles, du marxisme au capitalisme, avec dans le cas particulier de l’Allemagne, 25 ans après l’ouverture des camps, le poids de la culpabilité nationale. Ulrike Meinhof était journaliste dans un journal de gauche plus ou moins communiste, participait à nombre de débats télévisés et radiophoniques, de ce fait des archives la concernant sont plus nombreuses que pour ses acolytes.

Le documentaire montre l’évolution du groupe jusqu’à la prise des armes et l’action violente contre le système capitaliste dont ils sont très majoritairement issus. Le combat s’achèvera faute de combattants, la grande majorité des allemands étant plus tournée vers la prospérité renaissante que l’action révolutionnaire, même si une certaine intelligentsia apportait un soutien moral au groupe. Jean-Paul Sarthe rendit d’ailleurs une visite restée célèbre à Andreas Bader emprisonné dont la légende dit qu’il en ressortit en assénant un lapidaire « Ce qu’il est con ce Baader ! » mais il continua néanmoins à contester les conditions de haute sécurité dans lesquelles étaient détenus les membres du groupe mis à l’isolement total.

Au total ce ne furent que quelques dizaines de citoyens allemands qui furent membres de la bande et bien moins encore qui participèrent à l’action violente. Ils reçurent un temps le soutien de palestiniens chez qui ils étaient bien sûr allés se former : un détournement d’avion de la Lufthansa par des terroristes moyen-orientaux réclamant la libération des prisonniers Baader-Meinhof se termina par un assaut à Mogadiscio et la libération des otages.

La grande majorité des membres du groupe Baader-Meinhof sont morts en prison dans des conditions qui ne sont pas encore parfaitement établies, les hypothèses possibles alternant entre suicide collectif (version officielle) et assassinats d’Etat. Ulrike Meinhof est retrouvée pendue dans sa cellule le 8 mai 1976, Gudrun Ensslin dans les mêmes conditions le 18 octobre 1977, Andreas Baader une balle dans la tête le même jour (l’arme lui aurait été remise par son avocat) et Holger Meins était mort suite à une grève de la faim le 9 novembre 1974.

Un film troublant sur une époque que l’on pensait révolue… Mais le terrorisme a réapparu aujourd’hui dans les conditions que l’on connaît. Seule l’idéologie a changé, on est passé de Marx à Dieu mais la dévastation est la même. La similitude entre ces deux dérives est d’ailleurs frappante : dans les deux cas les enfants d’une nation en viennent à répandre la mort parmi les leurs en se laissant emporter par des slogans idéologiques aboutissant à la déraison.

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