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  • Détournements d’avion par des Etats

    Le forban qui tient la Biélorussie sous sa botte depuis 1994 s’est illustré aujourd’hui en lançant un avion militaire détourner un avion civil de la compagnie Ryanair qui assurait une liaison Athènes-Vilnius, en survolant le territoire biélorusse. L’un des passagers de cet avion était un opposant recherché par la police politique locale. On ne connait pas encore tous les détails de cette rocambolesque affaire mais toujours est-il que l’avion civil a obtempéré, s’est posé sur l’aéroport de la capitale biélorusse et que l’opposant a été arrêté.

    Le monde occidental s’émeut de ces pratiques de brigandage aéroporté et la France n’est pas la dernière à manifester sa désapprobation par la voie de son ministre des affaires étrangères :

    Pour les plus jeunes, nous rappellerons ici que le 22/10/1956, en pleine guerre d’Algérie, la République française fit détourner par ses avions de chasse l’aéronef civil qui transportait du Maroc en Tunisie une partie de l’état-major politique du Front de libération nationale (FLN) qui menait la rébellion contre la colonisation française et pour l’indépendance de l’Algérie. Ce détournement réussit et une fois l’avion posé sur la base militaire de Boufarik les cinq dirigeants du FLN, dont Ben Bella, Aït Ahmed et Boudiaf sont arrêtés et emprisonnés. Ils ne seront libérés qu’en 1962 à l’indépendance de l’Algérie sans que leur privation de liberté n’ait changé grand-chose à la guerre d’indépendance en cours.

    Certes cet acte de piratage international fut commis en d’autres temps, mais il n’est pas sûr qu’aujourd’hui la France soit la mieux placée pour reprocher à la Biélorussie d’avoir agi comme elle le fit en 1956… Un peu de modestie ne ferait pas de mal à la diplomatie française du XXIème siècle !

  • Des journalistes de circonstance

    A l’occasion du énième embrasement israélo-palestinien, la presse internationale s’émeut d’une possible manipulation dont elle aurait été l’objet de la part de la communication de l’armée israélienne. Celle-ci a en effet communiqué que « l’armée israélienne est rentrée dans Gaza » avant de démentir quelques heures plus tard évoquant une erreur technique de sa part. La presse a immédiatement diffusé cette information sans la vérifier. Il semblerait que les militaires palestiniens se seraient alors positionnés dans les tunnels, construits et utilisés par eux pour sortir sous les frontières terrestres, que les avions israéliens auraient alors bombardés. Le service de communication militaire israélien s’est empressé d’affirmer qu’il n’y avait aucune manipulation de sa part…

    Tout est possible et on ne saura sans doute jamais la vérité. En revanche, ce qui est une certitude c’est l’incompétence de journalistes qui ont pris pour argent comptant des informations issues d’un service de communication militaire avant de les répercuter sans vérification. On se demande ce que l’on enseigne dans les écoles de journalisme ?

    Les armées ne sont pas vraiment réputées pour la fiabilité de leur communication qui relève plutôt de la propagande que de l’information objective, et l’on comprend bien pourquoi. Ne pas se méfier a priori de cette source et, qui plus est dans le cas d’espèce, ne pas vérifier de visu la présence de soldats israéliens dans Gaza avant de diffuser relève de la faute professionnelle grave. Mais l’attrait du scoop l’emporte depuis longtemps sur le professionnalisme, ce nouvel exemple vient encore le confirmer, hélas !

  • Le problème palestinien n’est pas réglé

    Une nouvelle montée de tension se produit au Proche-Orient, cette fois-ci entre Israël et le mouvement Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza (ce mouvement est considéré comme « terroriste » par l’Europe et les Etats-Unis mais emporte les suffrages des électeurs de Gaza). On retrouve l’habituel déchaînement de violence largement asymétrique entre la puissance militaire de l’Etat d’Israël et celle plus réduite de la branche armée du Hamas ne disposant que de missiles à tirer sur son voisin du nord. On assiste également aux non moins habituelles polémiques en France sur « qui a commencé » et « qui a droit de se défendre », à grands coups de tribunes médiatiques et de manifestations de rue. Elles n’ont guère d’intérêt tant elles sont récurrentes à chaque conflit depuis des décennies et n’apportent strictement aucun élément de solution, mais au contraire un méli-mélo de parti-pris et de mauvaise foi. Ce qui est également très répétitif c’est que les contribuables européens, notamment, vont maintenant devoir payer pour reconstruire ce qui a été détruit. Cela se passe ainsi en moyenne tous les dix ans. Ainsi va l’actualité dans cette région depuis 1948…

    Ce qui est plus intéressant aujourd’hui c’est de constater que la question palestinienne n’est toujours pas réglée et qu’elle se rappelle à ceux qui pensaient que quelques accords de reconnaissance mutuelle habilement négociés entre Israël et des Etats arabes en échange de concessions de circonstance auraient pu suffire à aplanir la revendication palestinienne. Ce n’est manifestement pas le cas. Puissance militaire et marchandages politiques montrent une nouvelle fois leurs limites.

    La Bible nous apprend dans la Genèse que « Dieu a promis Israël au peuple juif » mais il n’a pas dit ce qu’il fallait faire des Palestiniens qui s’y trouvaient. Alors les hommes cherchent une solution. Celle toujours promue par la communauté internationale de deux Etats n’arrive pas à être mise en place. Celle, plus récente, d’un seul Etat grignotant petit à petit les territoires palestiniens semble montrer ses limites. Là où l’on aurait besoin d’intelligence et de bienveillance, les parties au conflit manifestent haine et violence.

    Lire aussi : Israël se déchaîne – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

    C’est simplement l’histoire, vieille comme le monde, d’un même territoire revendiqué par deux populations qui ne sont pas d’accord sur sa possession. Israël dispose de la puissance militaire, ses adversaires sont animés par la volonté de pas être chassés de chez eux. Le premier belligérant est par ailleurs assis sur un volcan avec une population arabe de nationalité israélienne d’environ 20% dont le taux de natalité est supérieur à celui du reste de la population. Il y a même des députés « arabes-israéliens » à la Knesset. L’épine est dans le pied… et à chaque fois qu’Israël annexe ou colonise un nouveau territoire elle « annexe » aussi la population arabe qui y réside. Pas sûr que la seule force réussisse à éteindre ce volcan. En tout cas elle n’y a pas réussi jusqu’ici et on peut douter que cela change à terme.

    A la prochaine !

  • SCHIMMEL Betty, ‘Jamais je ne t’oublierai’.

    Sortie : 2000, Chez : Editions Fixot.

    Betty, fillette tchécoslovaque juive de 14 ans émigre en Hongrie avec sa famille modeste lorsque les nazis envahissent son pays. Elle rencontre Richard, jeune homme âgé de deux années de plus, issu d’une famille juive plus aisée et ils vivent une intense histoire d’amour adolescent deux années durant jusqu’à ce que les nazis pénètrent également la Hongrie en mars 1944. La guerre est quasiment perdue et approche de son terme en Europe mais les juifs de ce pays vont être massivement déportés et assassinés sous la férule d’Eichmann.

    Betty sera déportée avec sa mère, sa sœur et son frère à Mauthausen. Ils s’en sortiront, très abimés physiquement et moralement, à la libération du camp par les américains. Leur père et mari est alors engagé en Afrique du Nord ne réapparaîtra jamais plus après la fin de la guerre, sans doute tué dans les combats. Richard, arrêté le même jour que Betty ne sera pas déporté et poursuivra la résistance en Hongrie, avant de fuir le communisme après la guerre. L’un et l’autre se chercheront sans fin et sans succès à partir de 1945 en Europe puis aux Etats-Unis.

    En 1975 ils se rencontrent par hasard à Budapest, chacun marié de son côté, découvrent que leur amour est toujours aussi fort et qu’ils se sont cherchés durant tout ce temps. Raisonnable, Betty décide de ne pas bouleverser la nouvelle vie qui est la sienne depuis 1945 et ne donne pas suite à la volonté exprimée par Richard de démarrer une vie commune.

    Ce récit rédigé dans un style journalistique avec l’aide de Joyce Gabriel est aussi un hommage à la mère de Betty qui protégea ses trois enfants à travers la longue marche vers Mauthausen et durant le séjour dans ce camp. Il aborde aussi l’incroyable chaos que fut l’Europe post-guerre plusieurs années durant, partagée entre le communisme stalinien et le libéralisme américain. Il y eut d’immenses mouvements de populations fuyant leurs pays de naissance ou le retrouvant. Une partie significative des juifs européens survivants choisit l’exil comme la famille de Betty qui émigra aux Etats-Unis, laissant tout un passé derrière elle. Le traumatisme de la guerre s’est poursuivi encore longtemps pour ces survivants !

  • La France libérée…

    Ce jour marque un assouplissement des mesures de contrainte sanitaire compte tenu de la décroissance de l’épidémie de Covid19. Les Français vont pourvoir retourner au bistrot et au cinéma. C’est bien, surtout pour les propriétaires de bistrot et de cinéma d’ailleurs, mais les médias rivalisent de radiotrottoirs et reportages de Café du Commerce pour partager la félicité de Mme. Michu expliquant combien ce « lien social » lui a manqué et comment elle a déjà réservé sa table au restaurant du coin pour fêter cette renaissance.

    Certes, cette évolution est sympathique mais l’observateur se demande si l’on en fait pas un peu trop. Il ne s’agit tout de même pas de la libération des camps comme en 1945 ! Un peu plus de mesure dans cette information ne ferait pas trop de mal.

  • Fouteballe à la Une

    On apprend que le fouteballeur Benzéma a été sélectionné pour jouer dans l’équipe nationale pour le championnat d’Europe de ce sport le mois prochain. La nouvelle ne présente bien entendu aucun intérêt mais elle fait la une de tous les médias car le garçon n’avait plus été sélectionné depuis plusieurs années par suite de ses comportements douteux : implication dans une affaire d’extorsion de fonds pour une question de vidéo porno montrant les exploits d’un de ses collègues pousseur de baballe, refus de chanter la Marseillaise, difficulté à positionner sa nationalité de cœur entre l’Algérie et la France, etc.

    Bref, sa sélection est fêtée comme un évènement historique à la hauteur de la descente des Champs Elysées par le Générale de Gaulle le 26 août 1944 à la libération de Paris. Même le président de la République s’est cru obligé d’y aller de sa petite déclaration. Bonne nouvelle quand même : un pays qui n’a rien d’autre à faire en 2021 que de s’esbaudir devant un joueur de fouteballe avec un pareil pédigré ne va finalement pas si mal que ça, mais quelle décadence que tout ceci !

  • Le Soudan ne remboursera pas les contribuables français

    A l’occasion d’une réunion multilatérale tenue à Paris sur le financement des économies africaines post-covid, la République française annonce qu’elle annule une créance d’environ 5 milliards de dollars qu’elle détient contre le Soudan. Cela veut dire que les contribuables français ne recouvriront pas 5 milliards de dollars qu’ils avaient « prêté » à ce pays.

    Cette issue était bien entendu assez prévisible et annoncer officiellement cette annulation est une position hélas réaliste. En revanche, la vraie question qui n’est pas posée est de savoir par quels étranges mécanismes des décideurs français ont pu prêter 5 milliards de dollars au Soudan ces dernières années. Ce pays anglophone n’est pas particulièrement proche de la France, s’est illustré par des comportements non démocratiques, une guerre civile terrible qui a amené à la sécession du Soudan du Sud, des razzias de ses tribus esclavagistes dans toute la région, des crimes de guerre, etc. Le Soudan a abrité nombre de terroristes dont le vénézuélien Carlos, qui, finalement, sera enlevé par les services français avec l’accord tacite du gouvernement soudanais en 1994.

    Comment a-t-on pu prêter 5 milliards de dollars à ce pays ? Peut-être pour favoriser la vente de produits ou de projets par des entreprises françaises ? Auquel cas il aurait mieux valu subventionner directement lesdites entreprises plutôt que de se donner l’illusion de prêter à un pays failli. 30 ans après le « discours de La Baule » par lequel le président Mitterrand annonçait que la France tempèrerait son aide en fonction de la démocratisation des pays récipiendaires, on découvre qu’elle continue de prêter les sous de ses contribuables à des débiteurs défaillants sur le plan financier comme sur celui de leur gouvernance.

    Après cette nouvelle annulation de dette, en faveur du Soudan en l’occurrence, il est urgent que les mécanismes d’octroi de prêts publics, soient revus vers plus de rigueur pour empêcher l’hérésie financière que représente l’octroi d’un prêt au Soudan en 2021. S’il s’avère nécessaire que la France participe au financement du développement de ce pays il est préférable de le faire via les institutions multilatérales ou des dons bilatéraux mais en aucun cas avec les prêts publics qui ne sont que très rarement remboursés. Il est d’ailleurs permis de s’interroger sur la nécessité pour la France de financer le Soudan ? Compte tenu des moyens limités dont dispose la République il serait peut-être plus opportun de concentrer ces financements sur les pays en développement dont nous sommes plus proches.

  • ROSSI Jacques, ‘Qu’elle était belle cette utopie ! Chroniques du goulag’.

    Sortie : 2000, Chez : le cherche midi éditeur.

    Jacques Rossi (1909-2004) est né en Pologne où il s’est engagé dans le Parti communiste polonais et le Komintern (l’International communiste). Devenu porteur de messages pour cette organisation, il parcourt l’Europe pendant l’entre deux-guerres. Alors qu’il se trouve en Espagne en 1937 pendant la guerre civile, il est rappelé à Moscou où il subira les premières purges staliniennes et fera 20 ans de goulag avant de rentrer en Pologne, puis en France dont il acquerra la nationalité et où il décèdera presque centenaire.

    Ce récit autobiographique est une succession de courts chapitres narrant les petits évènement de cette grande tragédie que furent le goulag et le stalinisme. Ce n’est pas une réflexion de fond sur l’univers concentrationnaire pas plus que sur la dictature du prolétariat, mais une espèce de journal de toutes les aberrations de ce système mortifère. Avec un sens de l’humour aigüe, Rossi nous délivre le message d’un militant qui a mis du temps à réaliser que ses profondes convictions avaient été trompée par le communisme, au prix de millions de vies broyées. Il ne fut pas le seul…

    Dans une postface touchante il revient sur les difficultés qu’il affronta pour faire la critique du communisme, lui qui pourtant avait quelques raisons de la mener, « on ne critique pas le Parti ! ». Il termine en écrivant :

    « Attention ! Ne vous engagez pas sur cette voie [celle du communisme] qui aboutit fatalement à une catastrophe économique, sociale, politique, culturelle, écologique… »

    Peut-être que, sans mes années de Goulag, j’aurais eu du mal à le comprendre.

  • BIZOT François, ‘Le portail’.

    Sortie : 2000, Chez : Editions de la Table Ronde / Folio 3606.

    François Bizot, né en 1940, est un anthropologue français spécialiste du bouddhisme dans le sud-est asiatique. Affecté par l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) au temple d’Angkor au Cambodge il est enlevé en 1971 par les khmers rouges, en rébellion contre le pouvoir central, et retenu prisonnier trois mois dans un camp au milieu de la forêt avec une trentaine d’autres prisonniers cambodgiens. Les hasards du destin firent que le chef de ce camp était le dénommé Douch qui se rendit célèbre plus tard comme chef de la prison S21 à Phnom Penh de sinistre mémoire où des milliers de cambodgiens furent torturés et tués durant la dictature établie par les khmers rouges sur le pays entre 1975 et 1979. Arrêté en 1999 alors qu’il vivait une retraite « paisible » dans un village cambodgien, il fut condamné à la prison à perpétuité en appel en 2012. Il mourra en prison de mort naturelle en 2020, à 77 ans.

    La première partie du récit relate les trois mois passés par Bizot dans ce camp, et les étranges relations qu’il entretenait avec Douch. Tous deux révulsés par la violence de l’intervention américaine qui bombarde le Cambodge devenu point de passage et de refuge des troupes communistes nord-vietnamiennes, ils n’en tirent pas les mêmes conséquences. Douch, encore jeune, âgé d’une petite trentaine d’années seulement, pétrit de culture marxiste, haïssant l’impérialisme et le capitalisme mondial, développe un credo maoïste inébranlable, d’autant plus convaincu qu’en 1971 les khmers rouges, portés par leur foi ont de grandes chances d’arriver au pouvoir assez rapidement face à la déliquescence du régime militaire Lon Nol rongé par la corruption et le népotisme, et qui n’est plus défendu par grand monde.

    Il échange avec Bizot, sous les arbres de la forêt, sur la situation du pays et l’on croirait Jean-Paul Sartre dans un amphithéâtre de la Sorbonne en mai 68 (la « révolution » bourgeoise parisienne ne s’est déroulée que trois ans plus tôt). Tout y passe, la lutte des classes, la glorification des paysans qui vont participer à la construction du monde nouveau, le mépris de l’élite intellectuelle des urbains corrompus, la purification révolutionnaire, le rejet de la monarchie, la lutte contre la féodalité et le capitalisme, la violence qu’il convient d’appliquer aux contre-révolutionnaires, la torture justifiée contre les récalcitrants, les nécessaires aveux des coupables, les séances d’auto-critique collective, etc. C’est d’ailleurs exactement le programme politique qui sera appliqué après la prise du pouvoir par les khmers rouges en 1975. Bizot, lui, fait part des similitudes qu’il identifie entre la théorie révolutionnaire et la discipline bouddhique mais Douch rejette bien entendu toute religion qualifiée « d’opium du peuple » !

    Au hasard des chapitres il accroche aussi un peu l’intelligentsia parisienne qui regarde d’un œil intéressé, voire complice, les expériences marxiste et maoïste en cours dans l’ex-Indochine française. Il mentionne un dîner en 1971 avec le journaliste et biographe Jean Lacouture, entre deux avions, qui refuse d’admettre la présence des communistes nord-vietnamiens au nord du Cambodge. On se souvient que Lacouture signa des chroniques enthousiastes dans Le Monde saluant l’arrivée de khmers rouges au pouvoir en 1975, qu’il regrettera ensuite. Bizot n’a pas la cruauté de rappeler cet aveuglement qui fut loin d’être isolé…

    Lorsqu’il narre ses dialogues surréalistes avec Douch, on sent une relative admiration de Bizot devant les certitudes de son geôlier en chef qui n’hésite pas à torturer ni tuer ses prisonniers si l’Angkar (l’organisation suprême des khmers rouges dirigée par Pol Pot) lui en donne l’ordre. Il ressent une certaine émotion de découvrir cet homme devenir le rouage efficace d’un mécanisme de terreur qui, quatre ans plus tard, va révéler toute son horreur dans un des génocides de ce XXème siècle. Finalement Douch plaidera l’innocence de Bizot auprès de l’Angkar et obtiendra de le libérer contre l’avis de ceux qui voulaient l’exécuter pour « espionnage au profit de la CIA ». Le français lui en gardera une certaine reconnaissance lorsqu’il le retrouvera lors de son procès trente années ans plus tard.

    La seconde partie du récit se déroule en 1975 alors que les khmers rouges ont vaincu et rentrent dans Phnom Penh dont ils ont chassé le régime Lon Nol. Nombre de cambodgiens se sont réfugiés à l’ambassade de France pour se mettre à l’abri. Bizot va alors servir d’interprète et intermédiaire entre le chargé d’affaires français qui remplace l’ambassadeur rappelé par Paris « pour consultations » et le responsable khmer rouge en charge du quartier où se trouve l’ambassade. Peu encombré par les subtilités du traité de Vienne sur le statut diplomatique ce dernier exige, et obtient, l’expulsion des personnes présentes dans l’ambassade ne détenant que la nationalité cambodgienne. Fort de sa connaissance de la langue et du peuple khmer, Bizot fait plus que traduire et cherche à « sauver les meubles » d’une ambassade au bord de l’implosion. Avec un comportement triste et résigné la plupart des cambodgiens réfugiés la quitteront d’eux-mêmes lorsqu’ils comprendront que les khmers rouges sont prêts à l’envahir à la force des fusils dans le cas contraire. Et ils rejoindront les cohortes d’urbains évacués vers les campagnes en application des instructions de l’Angkar. La plupart mourront.

    « Le portail » qui donne son titre au livre est le portail de l’ambassade de France que Bizot a vu comme les portes du paradis lorsqu’il l’ouvrit pour la première fois après sa libération en 1971 mais comme les portes de l’enfer lorsqu’il fallut le refermer après « l’évacuation » des cambodgiens réfugiés.

    Outre l’intérêt historique de ce récit sur l’une des grandes tragédies du XXème siècle, on sent au style de Bizot qu’il est pénétré d’une passion pour ce pays et son histoire. Malheureusement c’est la politique qui mène la danse, les idéologies qui animent les tyrans. On est bien loin de l’anthropologie… Alors derrière les mots attristés de l’auteur, on perçoit la profonde déception d’avoir à commenter l’évolution mortifère d’un peuple qu’il croyait pacifique, d’autant plus que ce livre a été écrit bien après que le génocide khmer eut été connu et largement étudié.

  • Il suffit d’ouvrir un site web pour communiquer hors des réseaux dits « sociaux »

    Après avoir pesté comme un beau diable sur la fermeture de ses comptes sur différents réseaux dits « sociaux » comme Twitter ou Facebook à la suite de l’invasion du Capitole par une bande de furieux, supporters de l’ex-président américain Trump, celui-ci s’est résolu à ouvrir son propre réseau où il peut désormais communiquer comme un grand sans passer sous la censure de groupes privés et il n’a plus qu’à respecter… son propre règlement pour être sûr d’être publié, ce qui ne devrait pas être trop compliqué. Le seul risque qu’il encourt serait que l’hébergeur de son site web le ferme mais si jamais c’était le cas il serait assez simple d’installer une batterie de serveurs dans sa cave pour devenir son propre hébergeur.

    Le site est disponible en cliquant sur From the desk of Donald J. Trump et est promis à un bel avenir. Le dernier message concerne l’éviction de Liz Cheney de son poste de n°3 de la minorité républicaine du Sénat, ce qui ne va sans doute pas beaucoup porter à conséquence. L’impétrante avait eu le défaut d’affirmer haut et fort « plus jamais ça » en parlant de Trump après sa défaite aux dernières élections présidentielles. Elle en prend pour son grade dans le style toujours très fleuri du président déchu… :

  • AUSTEN Jane, ‘Northanger Abbey’

    Sortie : 1818, Chez : Archipoche.

    Jane Austen (1775-1817) est l’une des célébrités du monde littéraire britannique du début du XXème siècle. « Northanger Abbey », parut après sa mort, raconte la vie d’un petit milieu bourgeois, plus ou moins aristocratique, partageant son temps entre Bath l’été et leurs terres et propriétés le reste de l’année.

    L’essentiel du roman se passe à Bath où la jeune héroïne Catherine Morland mène ses petites intrigues, entre les salles de bals, les magasins de chapeaux et les parlottes futiles en société. Elle suivra ensuite les Tilney dans la riche et mystérieuse ancienne abbaye (Northanger Abbey) qu’ils habitent dans le pays. Amoureuse du fils de la famille, mais de plus basse condition, elle connaîtra les affres de l’amour empêché, elle alimentera les élucubrations d’une jeune fille en mal d’émotions fortes puis, de retour chez ses parents, trouvera une fin heureuse à son amour avec Henry.

    Dans un style merveilleux d’élégance et de douceur, Jane Austen narre la vie des privilégiés de l’Angleterre de l’époque, entre loisirs futiles et gestion de leurs domaines. C’est évidemment un peu mièvre et doucereux (c’était il y a deux siècles) mais c’est aussi une chronique élégante d’un monde passé où les jeunes filles rêvaient de l’amour…

  • Le pari perdu sur l’intelligence

    On a cru un moment la droite française réconciliée avec l’intelligence après l’annonce d’une alliance logique pour les élections régionales de fin juin en région « Sud Provence Alpes Côte d’Azur » (ex-PACA) entre les listes Les Républicains (LR) et La République en Marche (LREM) à mener par Renaud Muselier, l’actuel dirigeant LR de cette région à l’accent qui sent la bouillabaisse. Cet espoir a été balayé en quelques heures. Bien que ces deux partis soient largement d’accord sur l’essentiel, le clanisme à courte vue qui les caractérise a fait rapidement voler en éclat cette tentative avisée.

    A l’heure qu’il est les deux maires LR de Nice et de Toulon ont « quitté » le parti LR, la liste LR finalement n’accueillera pas de ministre ni d’élus LREM, mais pourrait sans doute compter quelques militants LREM et on ne sait pas bien si ce dernier parti représentera ou non une liste concurrente. Bref, c’est la pétaudière, ou plutôt la bouillabaisse sur les quais du Vieux-Port. C’est un état finalement assez habituel de la politique locale, depuis Gaston Defferre, et sans doute encore auparavant, les pratiques politiques au sud de Valence relèvent d’un ordre et de règles parfumées à l’aïoli.

    Le blocage franchouillard qui veut que « la majorité gouverne et l’opposition s’oppose » perdure et rend inconcevable le principe même d’alliance de gouvernement comme il en existe dans les pays de nord. On aurait pu penser que les nouvelles générations politiques arrivent à dépasser ce réflexe claniste mais il n’en est rien, c’est le côté « gaulois réfractaires » déjà souligné par l’actuel président de la République. On veut voir « les autres » chuter dans les urnes pour pouvoir continuer à les critiquer et à les railler, plutôt que participer à leur gestion.

    Heureusement quelques individualités LR acceptent, ou ont accepté, de participer au gouvernement LREM mais ils ont été généralement repoussés, dans les mots ou dans les faits, par le parti conservateur.

  • Les crocodiles se sont dévorés dans le marigot du CAC40

    Après une bataille homérique dans les tranchées de la bourse française, Veolia a vaincu et va manger Suez. Le gros dévore le petit, les règles du darwinisme social sont respectées et le prix convenu de 20,40 EUR par action a permis d’emporter l’agrément des réfractaires. Le prix initial était de 15,50 EUR, ce qui donne une hausse de 32% pour vaincre les résistances. Tout a un prix !

    Veolia et Suez annoncent que leurs conseils d’administration respectifs ont atteint, hier soir, un accord de principe sur les principaux termes et conditions du rapprochement entre les deux groupes.

    Les deux groupes se sont mis d’accord sur un prix de 20,50 € par action Suez (coupon attaché) conditionné à la conclusion de l’accord de rapprochement…

    Communiqué de presse : Paris, le 12 avril 2021 – Accord Veolia-Suez

    La suite du communiqué liste une série de points d’accord dans les domaines social, juridique et organisationnel de moindre importance. Ainsi, les dés sont jetés, le nouveau Veolia devient un mastodonte du traitement de l’eau et autres prestations de services « écologiques ». L’avenir dira si les clients bénéficiaires de ces services seront ou non gagnants. Malgré les grandes envolées lyriques sur « la construction du champion mondial de la transformation écologique autour de Veolia » personne de peut anticiper à ce jour les résultats futurs de cette opération.

    Lire aussi : Ça se tend chez Veolia – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • LAFON Marie-Hélène, ‘Histoire du fils’.

    Sortie : 2020, Chez : Buchet-Chastel.

    Marie-Hélène Lafon, docteur en littérature et agrégée de grammaire, née en 1962 dans le Cantal, est aussi une écrivaine « du terroir ». « Histoire du fils » raconte celle d’une famille à travers trois générations entre le Cantal et Paris. On s’emmêle dans les périodes et les flashbacks pour suivre les parcours mêlés de deux familles à travers le XXème siècle. Les guerres mondiales viennent heurter les personnages, certains y meurent, d’autres font des choix opposés, parfois déchirants, mais la vie du pays et de ses citoyens continuent malgré tout, chacun emportant avec lui son paquet de petits secrets. Histoire dans l’histoire, celle du père invisible fuyant sa responsabilité paternelle. Son fils André ne le rencontrera pas mais les générations suivantes renoueront les liens entre les familles déchirées.

    Marie-Hélène Lafon écrit dans un style chaleureux et régional qui se lit comme du Giono. On voit les rides parcheminées de la vieille grand-mère dans sa maison du Cantal, on sent la tranquillité du vieux cimetière de Chanterelle plongé dans l’éternité à l’ombre des platanes, on partage les émotions de ces familles qui traversent les conflits et les bonheurs comme chacun d’entre nous.

  • AGHION Philippe au Collège de France, leçon donnée le 13/10/2020 : « Destruction créatrice et richesse des nations / Faut-il taxer les robots ? » 2/6

    Chaire : Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance

    Cours : Destruction créatrice et richesse des nations

    Leçon : www.college-de-france.fr/site/philippe-aghion/course-2020-10-13-14h00.htm

    Information sur le Prix Nobel 2020 décerné la veille

    Le prix a été attribué le 12/10/2020 à Paul Milgrom et Robert Wilson pour leurs développement dans la théorie des enchères. Milgrom est un élève de Wilson.

    Théorie du mechanism design explique la théorie des jeux, c’est-à-dire que chacun travaille sur une stratégie qui donne un résultat, et cela s’appelle un jeu. Au bout d’un moment les stratégies s’ajustent et arrivent à un équilibre des résultats. Le mechaism design instaure que l’on peut choisir le jeu pour arriver à un résultat donné. Milgrom et Wilson ont analysé le mécanisme particulier de l’enchère. Wilson comprend « la malédiction du gagnant » car il paye peut-être plus que le prix d’équilibre puisqu’il est le dernier à enchérir. Cette malédiction peut être annulée ou amoindrie si la valeur proposée est influencée par la valeur que propose les autres. Il a regardé les enchères sur les fréquences de télécommunication ou de slot d’aéroports et conclu qu’il faut moduler les enchères en fonction des biens concernés (par exemple pour maximiser le produit de l’Etat dans la vente des fréquences). La théorie influence la pratique dans cet exemple. Autres exemples : enchère sur contrats de dette, sur vente d’un bien commun à des acteurs privés.

    Vagues technologiques

    Le PIB décolle à partir de la 1ère révolution industrielle (la machine à vapeur) vers les années 1820 en commençant par la Grande-Bretagne, puis la France, puis les Etats-Unis puis les autres pays. Nous allons regarder pourquoi les vagues ne se diffusent pas en même temps partout.

    Le taux de croissance annuel de la 2ème révolution (l’électricité) arrive avant la IIème guerre mondiale aux Etats-Unis mais seulement 20 ans plus tard en Europe et au Japon (effets du plan Marshall notamment).

    Une nouvelle vague, celle des Technologies de l’information et de la communication (TIC) émerge dans années 1990 aux Etats-Unis mais seulement plus tard en Europe, et encore, pas dans tous les pays.

    Analysons les causes des retards dans la diffusion des vagues technologiques.

    Aux Etats-Unis le microprocesseur a été inventé dans les années 1980 mais la croissance générée par cette innovation n’est apparue qu’au milieu des années 1990.

    3 conditions à la diffusion

    1. La technologie générique (general purpose technology) a vocation à être utilisée dans tous les secteurs de l’économie mais doit donner lieu à une succession d’innovations secondaires pour être applicable dans un secteur donné.
    2. Learning by doing : pour mieux maîtriser l’innovation et la rendre perfectible.
    3. Hégémonie de l’innovation qui a vocation à aller partout.

    Innovations secondaires

    Il y a des vagues d’innovations secondaires qui se traduisent par des poussées des brevets déposés concernant les innovations secondaires pour mettre en œuvre ces nouvelles technologies (électricité, TIC, etc.). Les innovations secondaires prennent du temps à être mises au point et n’avancent pas à la même vitesse partout ni dans tous les secteurs.

    Délai de diffusion

    Il y a aussi les délais de diffusion dans l’entreprise, une innovation doit s’insérer dans des organisations humaines qui évoluent plus ou moins facilement/rapidement. Lorsque l’électricité est arrivée dans les usines il a fallu changer les processus de production pour optimiser les effets de cette innovation vs. la roue à aube. Il faut dépasser les rigidités internes à l’entreprise. Idem avec l’informatique.

    Perfectibilité

    Il faut du temps pour apprendre à bien utiliser l’innovation : learning by doing. L’amélioration générée par l’innovatio n’apparaît pas immédiatement.

    Adoption par les ménages

    Là-aussi cela peut prendre du temps, souvent les ménages vont attendre que les prix baissent et que le voisin adopte l’innovation (effets de réseaux).

    Inadéquation des institutions

    Les pays européens et le japon montrent des difficultés pour mettre en place les politiques favorables au développement des innovation (enseignement, recherche…). Il y a un besoin de réformes structurelles pour attraper le train de l’innovation.

    L’intelligence artificielle

    A chaque révolution on craint le chômage de masse mais cela n’a pas été observé pour la machine à vapeur ou l’électricité. Ce sera de même avec l’intelligence artificielle (IA), il ne faut donc pas taxer les robots.

    2 idées reçues :

    1. Cela va stimuler la croissance
    2. Cela va détruire des emplois

    Cela va stimuler la croissance

    On remplace le facteur limité du travail par celui du capital créé par nous, donc illimité. On recule les limites et on peut avoir en théorie une croissance infinie. L’IA permet d’automatiser des tâches que l’on pensait ne jamais pouvoir l’être (la conduite, le diagnostic médical…). Cela va encore plus loin que l’automatisation amenée par la machine à vapeur ou le micro-processeur. L’IA s’applique aussi à la création des idées elles-mêmes (learning by doing) et non seulement à la production des biens et services.

    Normalement l’IA devrait vous propulser dans la croissance infinie mais cela ne se passe pas ainsi. Depuis les années 2000, notamment aux Etats-Unis, la croissance décline. Quelques explications avancées :

    1. Il est de plus en plus difficile de trouver de nouvelles idées, il faudrait de plus en plus de chercheurs pour maintenir la croissance. La productivité de la recherche baisse.
    2. La mesure est imparfaite. Plus il y aurait de destruction créatrice et moins on saurait mesurer l’apport de l’innovation à la croissance. L’extrapolation est parfois imparfaite. Chaque fois qu’un bien en remplace un autre il est difficile de mesurer statistiquement l’effet de cette substitution. On surestime alors l’inflation et on sous-estime la croissance.
    3. Réallocation
    4. Les firmes superstars : une explication avancée réside dans la concentration des grosses entreprises qui tueraient la concurrence ? En réalité, imaginons une entreprise superstar X (avec réseaux, capital social…) et une entreprise Y. La révolution des TIC arrive et nous fait gagner du temps (visioconférences, business en ligne…). Mais X est plus efficace qu’Y et va devenir hégémonique. Dans un premier temps, comme les superstars sont plus efficaces, leur croissance entraîne une amélioration générale de la productivité, mais à long terme, une fois que les superstars (les GAFAM par exemple) ont envahi tous les secteurs, elles découragent les autres de faire de l’innovation et c’est ainsi que la croissance baisse.

    X inhibe les autres et les décourage, particulièrement aux Etats-Unis où la législation sur la concurrence ne s’est pas adaptée aux TIC et n’a pas pu freiner l’hégémonie de quelques-uns. La croissance est la rencontre entre les technologies et les institutions, si ces dernières ne sont pas là, la croissance ne se produit pas.

    Analyse macro sur une zone d’emploi semble montrer que plus les entreprises robotisent plus elles détruisent des emplois. Mais cette théorie ne fonctionne pas au niveau micro. Quand on regarde l’effet de l’automatisation sur l’emploi au niveau des usines on s’aperçoit que les usines qui automatisent plus créent des emplois et baissent les prix. Comment cela s’explique-t-il ?

    La robotisation est très significative dans l’industrie automobile qui délocalise beaucoup par ailleurs. On mesure la robotisation par la consommation énergétique des usines. Toute automatisation est favorable à l’emploi, et encore plus les grosses, et encore plus pour les emplois qualifiés !!!

    Quand on automatise, les prix baissent car on devient plus productif. Par ailleurs, on analyse l’efficacité des robots en mesurant les volume d’exportation de robots par pays. Si par exemple la qualité des machines allemandes s’améliore beaucoup et qu’une usine X dépend de l’Allemagne pour ses équipements, elle va automatiser beaucoup plus. Il y a une relation causale.

    En fait, l’automatisation fait augmenter les ventes, du fait de la baisse des prix, donc je recrute et l’emploi augmente. Ce sont surtout les exportateurs qui bénéficient de l’automatisation. Dans le même temps les entreprises qui n’automatisent pas détruisent des emplois et risquent d’être sorties du marché. Globalement il se peut que les entreprises qui automatisent remplacent celles qui disparaissent du fait de leur non-automatisation. Ce peut être là l’effet négatif car des entreprises non automatisantes disparaissent. Il faut donc financer la recherche et adapter les règles du marché du travail pour que toutes les entreprises automatisent. Ce ne sont pas les entreprises qui automatisent qui créent le chômage mais celles qui n’automatisent pas. Par ailleurs, les secteurs qui ont automatisé le plus tendent à délocaliser le moins. Ce n’est pas le protectionnisme qui protège un pays mais sa capacité à investir et à innover.

    C’est la raison pour laquelle les révolutions industrielles n’ont jamais produit de chômage de masse. Donc taxer les robots c’est une bêtise.

  • La droite française toujours la plus bête du monde…

    Ce matin il fait beau, la journée s’annonce merveilleuse, France-Info nous informe qu’en région « Sud Provence Alpes Côte d’Azur » (ex-PACA) une alliance a été décidée entre les deux partis de droite La République en Marche (LaREM) et Les Républicains (LR) sur une liste commune pour les élections régionales de fin juin, bref, nous sommes inondés par l’harmonie en ce magnifique dimanche de mai !

    Et puis à midi, patatras, tout s’effondre, on apprend que la direction du parti LR s’oppose à cet accord et retire son investiture à la liste « LR » menée par Renaud Muselier, ce qui devrait signifier la mise sur pieds d’une nouvelle liste LR pour cette élection, et don un risque certain de voir perdre les deux listes, celle officiellement investie et celle qui vient d’être reniée.

    Ce comportement politicien est toujours étonnant et tristement représentatif de la dérive conservatrice française. Il n’est pas besoin d’être un grand clerc pour comprendre que les partis LR et LaREM sont à peu près d’accord sur 80% de leurs programmes respectifs (« programme » est peut-être un bien grand mot s’agissant d’une liste de slogans un peu hétéroclite). Ce type d’alliance entre des gens qui sont d’accord sur le fond et arrivent à s’entendre sur des noms susceptibles de les représenter semble logique, profitable à tous et susceptible de servir l’intérêt général d’une France qui est majoritairement à droite. Mais les égos sont souvent plus forts que la raison. Le résultat électoral de cette élection sera intéressant à suivre.

    Dimanche après-midi, les communiqués des uns et des autres fusaient sur les réseaux dits « sociaux » s’accusant respectivement de cuisine électorale et de privilégier leurs intérêts personnels, et le citoyen qui s’était réveillé plein d’entrain et d’optimisme se couche ce soir en ressassant que la droite française est décidemment la plus bête du monde !

  • Manuel Valls ne veut pas choisir entre la France et l’Espagne

    Manuel Valls, binational franco-espagnol, ancien maire de banlieue, ancien ministre et premier ministre de la République française, ancien député de l’assemblée national française ayant démissionné de ce poste électif pour concourir à la mairie de Barcelone en Espagne (sa ville de naissance), revient dans l’actualité française pour assurer la promotion de son nouveau livre « Pas une goutte de sang français – mais la France coule dans mes veines » aux éditions Grasset. On le voit sur les plateaux médiatiques expliquer qu’il est disponible pour servir la France. Il semble que l’ouvrage relève un peu de la confession intime, révélant ses passions et livrant son parcours politique.

    Evidemment il est interrogé sur la démission de son poste de député français pour aller courir des élections espagnoles qu’il a d’ailleurs perdues, devant se contenter d’un modeste poste de conseiller municipal alors qu’il visait celui de maire. Va-t-il démissionner de ce poste maigrichon pour retraverser les Pyrénées si jamais la France lui faisait une offre de services ?

    Le garçon n’a pas démérité lorsqu’il exerçait des responsabilités de haut niveau en France. Il eut à se battre contre les archéo de son parti, le PS, contre les assauts du terrorisme religieux des années 2015 en France, contre les arriérations syndicales face aux réformes socio-économiques qu’il promouvait, et il l’a fait de façon valeureuse et avec une énergie qui a forcé l’admiration. Mais il a annoncé en 2018 se « retirer de la vie politique française » et il est tout de même problématique de vouloir y revenir à peine 3 ans plus tard. Tout ceci relève d’une certaine instabilité, voir même d’une indécision peut compatible avec un véritable engagement politique franc et sincère.

    Pour la trace qu’il laissera éventuellement dans l’histoire politique, le mieux serait que Manuel Valls renonce à cette tentative de retour et reste discret dans les médias.

    On se souvient du dernier message de MonGénéral diffusé le à 28/04/1969 au petit matin après le rejet la veille du référendum sur la régionalisation :

    « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi ».

    On a plus entendu parler de l’ex-président jusqu’à sa mort depuis le 28/04/2021, intervenue il est vrai seulement 18 mois plus tard.

    NB : à 58 ans Manuel Valls affiche une coiffure noire de jais de bel hidalgo, sans un seul fil blanc. Il est probable qu’il se teint les cheveux.

  • L’armée ou la police ?

    Charlie Hebdo (23/12/2020)

    A l’occasion d’une tribune publiée par des militaires en retraite et d’active s’inquiétant du « délitement » du pays, le débat est relancé sur l’opportunité d’utiliser ou non l’armée pour rétablir l’ordre dans les territoires où il n’existe plus vraiment et où l’on déplore régulièrement des attaques de commissariats de police, des agressions de policiers, des rodéos motorisés, des caillassages d’interventions de pompiers, des nuisances diverses, bref l’expression débridée et nuisible d’une jeunesse en mal de contestation.

    Les polémiques embrasent les plateaux télévisés et le Café du Commerce sur le diagnostic de « délitement » et sur l’opportunité de faire appel à l’armée pour redresser la situation. En réalité l’armée, la police ou la gendarmerie sont des instruments au service du pouvoir qui lui donne des instructions pour agir et celles-ci peuvent être plus ou moins fermes. Ce qui inhibe aujourd’hui les dirigeants instruisant les forces de l’ordre est la crainte de blesser gravement, voir de tuer, des agitateurs de banlieues, avec le risque de déclencher des émeutes comme celles de 2005 en région parisienne. C’est la raison pour laquelle, notamment, l’utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) et autres grenades de désencerclement a été réformée pour en réduire les effets après les blessés relevés lors des émeutes de 2019 et 2020. On le voit aujourd’hui les « sauvageons » ne craignent plus grand-chose et certainement pas les foudres de la police ou de la justice, pour ne pas parler de l’autorité de leurs parents…

    Mise en œuvre avec les mêmes instructions de prudence face aux désordres actuels, l’armée ne fera sans doute pas beaucoup mieux que police et gendarmerie, et sans doute pire compte tenu de son manque d’expérience dans le domaine du maintien de l’ordre civil. L’armée est d’ailleurs déjà dans les rues depuis les attentats terroristes religieux de 2015 dans le cadre de l’opération Sentinelle. Après avoir subi quelques attaques terroristes dirigées contre ses patrouilles de rue ses militaires désormais ripostent en tirant pour tuer lorsqu’ils sont attaqués.

    Il est techniquement possible de répliquer ce genre de méthode contre les « sauvageons » de banlieue mais on entre alors dans un autre monde, aux conséquences imprévisibles. Peut-être faudra-t-il y venir un jour et c’est là la véritable responsabilité des dirigeants élus, pas facile à décider ni à assumer. Les polémistes de circonstance qui devisent sur les plateaux pour gloser sur la question de savoir s’il faut sanctionner les signataires de la tribune ou pas, déployer ou non l’armée dans les banlieues, s’honoreraient à édifier leurs auditeurs sur le fond du problème plutôt que son écume : non pas quels instruments de maintien de l’ordre utiliser, mais plutôt quelles instructions leur donner. Nous célébrons aujourd’hui le 150ème anniversaire de la Commune de Paris en 1871 où l’armée a tué des civils sur ordre politique pour rétablir l’ordre républicain, faisant des milliers de morts parmi les révoltés. C’était il n’y a pas si longtemps… Pas sûr qu’aujourd’hui les mêmes instructions donneraient les mêmes résultats !

    Lire la tribune des militaires : https://rehve.fr/wp-content/uploads/ValeursActuelles_Tribune-generaux_20210421.pdf