Les relations troubles franco-iraniennes

Une gamine française de 24 ans, Clotilde Reiss, accusée d’espionnage est mise en scène dans un procès à grand spectacle en Iran pour avoir participé aux manifestations post-élection présidentielles. On espère que les agents des services secrets français sont plus féroces que cette Mata-Hari à peine sortie de l’adolescence. On ne peut évidemment rien exclure ni que cette jeune femme soit une espionne de haut vol, mais le plus probable est qu’elle soit ce qu’elle dit : une passionnée de la civilisation perse venue enseigner en Iran pour s’imprégner de cette culture millénaire qui l’intéresse depuis toujours.

Le pouvoir conservateur local organise des aveux collectifs avec auto-flagellation, télévisions et diffusion internationale. Le pouvoir iranien est malin, très malin et imbattable pour mettre l’Occident face à ses faiblesses. On se souvient de l’affaire Walid Gordji…, peut-être pas alors la-voici résumée.

En 1974 la France de Giscard dit d’Estaing (président)/ Chirac (premier ministre) signe des accords de coopération nucléaire avec le Shah d’Iran, qui prévoient notamment des transferts de technologie, la construction de réacteurs et le cofinancement par ce pays du consortium Eurodif à hauteur de 1 milliard d’USD. Arrivée au pouvoir en 1979 la théocratie iranienne dénonce les accords et réclame le remboursement du prêt. De 1980 à 1988 la France soutient lourdement l’Irak dans la guerre qui l’oppose à Téhéran. Des navires français sont attaqués dans le golfe persique.

Anis Nacache, chiite d’origine libanaise tente d’assassiner à Neuilly en 1980 avec des complices iraniens et palestiniens de Chapour Bakhtiar, organisateur de la répression des derniers mois de la monarchie en Iran. Cette tentative infructueuse avait quand même fait deux morts dont un policier, plus quelques blessés. Les coupables sont arrêtés et condamnés à des peines entre perpétuité et 20 ans.

En 1985/86, vague d’attentats à la bombe dans Paris et en province, une douzaine de morts et de nombreux blessés, prise d’otages français au Liban (2 journalistes et 2 diplomates). Paris voit la main de Téhéran dans toutes ces actions et négocie plus ou moins officiellement avec ce pays pour traiter le problème « politique ». Un accord est trouvé pour rembourser le prêt et au passage évacuer des opposants iraniens du sol français. On dit qu’une clause secrète prévoyait également la fourniture par Paris de combustible nucléaire pour les futures centrales nucléaires iraniennes. On ne sait si cette clause a véritablement existé ni si, le cas échéant, elle a été appliquée.

Dans le même temps la justice française instruit le dossier des attentats de 1986 et veut entendre Walid Gordji, officiellement interprète de l’ambassade d’Iran, soupçonné d’avoir trempé dans les attentats de Paris. Il est réfugié dans son ambassade d’Iran à Paris dont le blocus est mis en place par la police. Rétorsion immédiate des autorités iraniennes qui bloquent l’ambassade de France et accuse le consul Paul Torri d’espionnage, de soutien à la contre-révolution, de participation à des trafics divers de stupéfiants, œuvres d’art, etc. Il se réfugie dans l’ambassade de France dans un surréaliste parallélisme des formes. La France rompt ses relations diplomatiques avec l’Iran, qui seront rétablies un an plus tard. Les négociations se poursuivent et aboutissent en novembre 1986 à l’expulsion de Gordji vers Téhéran après un passage éclair au Palais de justice pour la forme. Torri lui rentre à Paris.

Au même moment les derniers otages du Liban sont libérés. Ils faisaient sans doute partie de la négociation avec l’Iran. On dit que Chirac aurait demandé à Téhéran de faire retarder leur libération après les législatives de 1986 pour ne pas avantager la gauche alors au pouvoir à Paris.

En 1990 Anis Nacache est gracié par les autorités françaises avec ses comparses, après 10 de réclusion criminelle par suite de la tentative d’assassinat de Chapour Bakhtiar, organisateur de la répression des derniers mois de la monarchie en Iran. Cet attentat de Neuilly en 1980 qui a quand même fait deux morts dont un policier, plus quelques blessés.

Voilà pour quelques années de piètre politique, coups bas, affairisme entre deux pays qui ont décidemment du mal à se comprendre. Et encore n’est-pas remonté aux temps de Mossadegh ou de Neauphle-le-Château… Vingt ans plus tard, on remet ça sur fond d’embargo, d’industrie nucléaire (toujours…), de re-battage des cartes au Moyen-Orient, d’élection présidentielle contestée en Iran. Alors tout ceci est bien compliqué pour Clotilde qui paraît légèrement dépassée par les évènements et qui doit de demander ce qu’elle fait dans ce panier de serpents. Le mieux aurait sans doute été de rester chez elle durant les manifestations iraniennes.