« L’Aveu » de Costa-Gavras (1970)

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« L’Aveu », un classique de Costa-Gavras sur les procès de Prague qui se sont déroulés en 1951. Le film est basé sur le récit réel d’Artur London, ministre-adjoint des affaires étrangères de son pays, qui fut avalé par la machine stalinienne anthropophage qui dévora les siens. Les plus élevés dans la hiérarchie communiste étaient mis en scène dans des procès d’opérette (procès « de Moscou » dans les années 1930, « de Prague » dans les années 1950’ et bien d’autres) où ils étaient forcés d’avouer « leurs crimes », les pires étant bien entendu le titisme et le trotskisme. Les anonymes étaient plus simplement passés par les armes ou oubliés dans un goulag.

London raconte dans son récit « L’Aveu » et Costa-Gavras met en scène dans son film éponyme les tortures morales et physiques subies par les dirigeants communistes (dont London lui-même) jusqu’à ce qu’ils avouent des crimes qu’ils n’ont pas forcément commis, ce qui ne leur évitait généralement pas l’exécution à l’issue de ces procès. Yves Montant joue à merveille ce militant communiste, passé par les écoles du parti et la guerre d’Espagne, qui voue toute sa foi à l’idéologie et ne comprend d’abord pas comment le parti peut se retourner contre lui, car le parti ne peut pas se tromper ! Les techniques d’interrogatoire sont redoutables, largement inspirées par les grands-frères soviétiques. Elles cassent même les hommes les plus solides.

Dans la vraie vie, London fut le seul à n’être pas fusillé à la fin du procès. Sa femme (Simone Signoret dans le film) persuadée de sa culpabilité demandera le divorce avant de retirer sa requête. En 1956 il sera finalement réhabilité ainsi que ses co-accusés, à titre posthume seulement pour ces derniers, malheureusement pour eux. London émigrera en France où il publiera ses livres jusqu’à son décès en 1986. L’ouverture des archives tchécoslovaques montra par la suite qu’il fut un communiste « pur et dur » durant la guerre d’Espagne durant laquelle il ne fut pas le dernier à participer aux purges sanglantes à l’intérieur du camp républicain internationaliste qui eurent lieu durant cette guerre civile.

On ajoutera que ce film sorti en 1970 déclencha un violent débat en France entre le parti communiste en déclin et le monde intellectuel dont certains membres s’était déjà éloignés du communisme. La participation de Montant et Signoret dans ce film, qui furent « compagnons de route » du parti, marqua aussi leur propre reniement de cette idéologie, ou tout du moins de ce qui en avait été fait par ses dirigeants.

Costa-Gavras, né grec, a été le cinéaste des dictatures, décrivant par le menu le cheminement de la répression dans ces régimes qui avaient pour objectif de s’emparer des cerveaux des citoyens, par la terreur ou par la conviction (souvent un peu des deux). D’Athènes à Prague en passant par Santiago-du-Chili, il a révélé les vérités que notre XXème siècle a voulu cacher au nom d’idéologies mortifères et répressives. Il a fait œuvre politique et n’ailleurs peut-être pas fini.

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