RISS, ‘Une minute quarante-neuf secondes’.

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Sortie : 2019, Chez : Actes Sud.

Le dessinateur Riss est l’un des survivants de l’attaque islamiste de janvier 2015 contre la rédaction de l’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo (12 morts, 11 blessés dont 4 grièvement) dont il reprendra la direction après sa sortie de l’hôpital. Dans ce récit il revient sur cette tragédie qui a stupéfié la France, précédé de quelques jours celle de l’HyperCasher (4 morts) et de quelques mois celles du Bataclan et des « Terrasses » à Paris en novembre (130 morts, plus de 400 blessés). Il raconte ces 100 secondes fatidiques qui se sont déroulées à l’intérieur de la rédaction du journal transformé en champs de massacre, et il narre, surtout, les années d’avant et celles d’après.

Dessinateur dans l’âme depuis l’enfance il avance progressivement dans la carrière, rencontre ses héros Cabu, Wolinski, Cavanna… et s’associe avec eux lorsque Charlie Hebdo est relancé en 1992. Il apprend le métier avec ces géants, Charb devient son ami. Cette joyeuse bande vivote dans un journal toujours entre la faillite et la poilade mais ses membres rigolent à n’en plus finir et croquent la vie française de façon toujours plus hilarante et provocatrice au nom de la liberté d’expression.

Mais cet âge d’or se termine en 2015, la rigolade a pris fin, écrasée sur le mur de la bêtise humaine. Les survivants et la relève continuent le journal. Avec une certaine amertume Riss raconte les combats post-janvier 2015, contre les intellectuels de l’islamo-gauchisme émergent, contre les revendications des aigrefins qui rôdent autour des dons reçus par la rédaction par millions d’euros après le drame et, toujours avec une foi et un engagement qui forcent l’admiration, pour la liberté d’expression quel que soit le sujet.

Ce récit est émouvant, on n’y retrouve pas l’humour grinçant habituel du Riss que l’on connaît dans Charlie. C’est le livre de la gravité. Beaucoup a déjà été dit et écrit sur cette tragédie par ceux qui ont survécu, Riss avait certainement besoin lui aussi de coucher ses sentiments sur le papier, d’autant plus que ces survivants sont non seulement marqués par ce qu’ils ont vécu mais restent sous la menace du terrorisme religieux nécessitant leur protection sans doute jusqu’à la fin de leurs jours, leur rappelant tous les matins le monde terrible dans lequel ils sont entrés ce 7 janvier 2015, sans espoir de retour.