Le misérabilisme érigé en mode de pensée

Le débat en cours sur le projet de loi visant à repousser l’âge légal pour faite valoir ses droits à la retraite et à augmenter le nombre minimum de trimestres cotisés pour ce faire illustre ad nauseam le drame du misérabilisme érigé en mode de pensée. L’essence de la réforme étant de faire travailler les citoyens plus longtemps, ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour nombre d’entre eux. Leur principale argumentation consiste à citer le cas du « cariste » ou de la « femme de ménage » qui ont travaillé dans des conditions physiques difficiles toute leur vie et qui ne peuvent pas envisager de travailler plus longtemps que l’actuel âge légal de 62 ans. Certes, et personne ne le conteste. Des conditions spécifiques de « pénibilité » et de « carrière longue » sont prévues pour permettre de prendre en compte ces cas particuliers mais il n’en reste pas moins que nombre des citoyens mènent des carrières qui leur permettent sans difficultés physiques de poursuivre deux années de plus comme envisagé dans le projet de loi. Ceux qui partent en retraite en ce moment ont démarré leur carrière alors que l’âge légal de départ était de 65 ans, comme d’ailleurs pour la génération précédente. Ils ont vu cet âge légal baisser à 60 ans en 1983 (pouvoir socialiste) puis repasser à 62 ans en 2010 (gouvernement conservateur) et il est probable que leurs enfants vont le voir repasser à 64 sous peu, en attendant d’autres éventuels relèvements.

Cette question du misérabilisme revient à se demander, dans le cas d’espèce, si une réforme des retraites doit être formatée pour répondre aux besoins des plus défavorisés ou si elle doit répondre aux besoins moyens et prévoir des exceptions pour les cas particuliers. Les partis d’opposition, y compris ceux de droite, répondent « oui » au premier terme de l’équation, ceux actuellement au pouvoir optent pour la vision moyenne. C’est un peu une question de philosophie politique.

Le plus comique est de voir aujourd’hui le parti Les Républicains (LR) qui avait fait ses campagnes électorales 2022 présidentielle et législative sur la base d’un âge légal à porter à 65 ans, se battre aujourd’hui pour baisser cette limite, déjà proposée à 64 ans et obtenir d’autres assouplissements à cette réforme qu’il qualifie de « brutale ». Plus des concessions financières sont faites aujourd’hui et plus la prochaine réforme des retraites devra intervenir dans un futur proche. Les prochaines majorités parlementaires auront à gérer la suite.