Dialogue sur une aire de repos

Une grosse berline est arrêtée à l’ombre des arbres d’un parking de station essence au bord d’une route bretonne à quatre voies. A l’arrière une vieille femme, voilée et âgée, somnole, devant, une jeune maman donne le biberon un nourrisson et à l’extérieur un papa jovial s’occupe de sa petite fille. Ils sont en route pour des vacances à Perros-Guirec.

Le chroniqueur est également au repos pas loin de la berline, la petite fille vient lui rendre visite et le voilà qui entame la conversation avec le papa jovial et sympathique, jeune quarantenaire avec un peu d’embonpoint et la barbe de quatre jours de rigueur, ingénieur informaticien, autrefois freelance mais désormais salarié depuis qu’il a deux enfants « pour la sécurité financière ».

Et puis la conversation tourne vers la réforme des retraites françaises. Le papa goguenard ne semble pas traumatisé par l’allongement du nombre d’années à travailler pour sa génération avant de pouvoir prendre une retraite à taux plein :

– Moi j’ai fait Bac+5, donc j’ai commencé à travailler à 25 ans, 25 + 43 cela une retraite à 68 ans !
– Oui, c’est assez logique, mais vous n’avez jamais travaillé durant vos cinq années d’études, vous n’avez pas accumulé quelques trimestres à l’assurance vieillesse ?
– Ah non, je n’ai pas travaillé durant mes études.
– Ce n’était pas interdit pourtant et puis c’est plutôt intéressant même s’il s’agit de « petits boulots », ça forme le caractère et… ça rapporte des trimestres pour la future retraite.
– Ah oui, c’est vrai, eh bien je le dirai à mes enfants pour plus tard !

Et la petite famille repart dans sa confortable berline, probablement une voiture de fonction, vers un repos breton sans doute bien mérité. Encore un citoyen qui devait être opposé à la réforme des retraites et qui, manifestement, ignorait la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi ». Tant pis pour lui, il travaillera un peu plus longtemps que ses aînés et il n’en mourra pas.

Ségolène Royal, toujours à propos