« Anatomie d’une chute » de Justine Triet

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Palme d’or 2023 du Festival de Cannes ce film démonte la mécanique infernale du soupçon et de la justice qui écrasent une mère et son fils de 10 ans à la suite du décès du père et mari de façon violente. Est-ce un meurtre ou un suicide ? Si nous sommes dans le premier cas, la mère est-elle coupable ? Elle est en tout cas inculpée et voit ressortir toute sa vie au procès auquel assiste son fils qui devra lui-même témoigner.

Le fils était parti en promenade avec son chien au moment du drame, c’est lui qui retrouve le corps de son père au pied du chalet de montagne qu’ils habitent tous les trois, un peu loin de monde. Seul le couple était sur place. Elle est écrivaine à succès, lui cherche à l’être et est professeur. Le couple est déchiré depuis quelques temps : bataille d’égos, frustrations de créateurs, affrontement des ambitions, amour à la dérive, prétentions à l’exclusivité de l’amour du fils (qui subit son handicap à la suite d’un accident alors qu’il était sous la responsabilité de son père) …

Tous ces ingrédients de vies relativement ordinaires ressortent au procès, sont utilisés et abusés par un avocat général persuadé de la culpabilité de cette femme allemande, à la froideur toute germanique, contrecarrés par l’avocat de l’accusé, à moitié amoureux de sa cliente. On a même l’intervention au procès du psychanalyste du défunt qui dévoilent ce qu’il a compris de sa personnalité. Le rôle du gamin cherchant sa vérité dans ce drame dont il est un des acteurs est magnifiquement joué. La mère est acquittée, son fils est rassénéré. La justice a parlé mais le spectateur peut s’en faire une autre idée.

Un beau film sur le thème du déraillement de la vie lorsqu’un grain de sable s’y faufile, en l’occurrence la mort d’un homme, et sur tous ces petits détails insignifiants de nos existences de tous les jours qui peuvent nous revenir en boomerang lorsqu’un processus judiciaire devient nécessaire. Crime ou suicide, on ne sait forcément si la vraie vérité est conforme à la décision de la justice. Mais que ce soit l’une ou l’autre des deux hypothèses, les dommages sont irréparables pour les survivants qui vont sans doute traîner doutes et regrets pour encore longtemps. Il faut être fort pour continuer à vivre avec les suites d’un tel bouleversement.

On aurait pu se passer de la déclaration incendiaire de la réalisatrice contre la réforme des retraites en France lors de la cérémonie de remise de son prix à Cannes, dans un pays où la culture reste encore significativement subventionnée par les contribuables. Il faut bien trouver l’argent quelque part…