« Concerto pour violon et orchestre n°1 de Dimitri Chostakovitch » par l’orchestre philharmonique de Radio France

Sur le programme de cette soirée de l’orchestre philharmonique de Radio-France à l’auditorium de la Maison de la Radio c’est Petrouchka d’Igor Stravinsky qui est mis en avant alors que le sommet de ce concert fut le concerto pour violon et orchestre n°1 de Chostakovitch joué avant l’entracte. La violoniste norvégienne Vilde Frang, 38 ans, le joua magnifiquement sous la direction du chef finlandais Mikko Frank directeur musical de l’orchestre de Radio-France depuis 2015.

En introduction est donné le sextuor à cordes en ré mineur de Borodine, composé en 1860, joué par deux violons, deux altos et deux violoncelles. Une œuvre courte et délicieuse pour nous mettre en condition.

Puis vient le concerto de Chostakovitch, écrit en 1948, en plein cœur des dérives staliniennes du régime soviétique qui sévissait contre son peuple mais aussi contre ses artistes dont certains musiciens sont accusés de ne pas écrire de la musique suffisamment « patriotique » et en accord avec le « réalisme socialiste ». Nombre de ces artistes seront exécutés. Chostakovitch, accusé de « formalisme » est au cœur de ces polémiques idéologiques. Il a des comptes à rendre pour « déviance » à la police politique NKVD, des articles de la Pravda l’attaquent, il est obligé de retirer certaines de ses œuvres et doit faire son auto-critique en public, concéder des concessions artistiques dans son style d’écriture pour survivre…

On ne sait pas bien si ce concerto pour violon a été écrit, ou amendé, pour correspondre au « réalisme socialiste », il semble en tout cas restituer une atmosphère sombre et torturée. Le violon solo et l’orchestre jouent en parallèle sur leurs propres lignes, se rejoignant parfois, évoluant souvent vers des accents dissonants et complexes. A un moment la soliste se lance seule dans une envolée un peu grinçante, un temps que le chef lui laisse diriger, avant d’être rejointe par les autres instruments. Vilde Frang joue debout durant tout le concert, sans partition et avec une virtuosité heureuse pour cette musique parfois terrifiante, faisant appel aux sentiments les plus poignants des auditeurs. Une œuvre tragique et importante, au diapason d’une époque trouble de la Russie soviétique qui a martyrisé ses artistes.

Après l’entracte arrive Petrouchka de Stravinsky, qui se révèle une œuvre primesautière sur une musique printanière. Composé en 1911 sous la Russie tsariste, Petrouchka devint ensuite un ballet. On est loin des abymes de noirceurs dans lesquels nous plonge Chostakovitch mais c’est aussi une bonne façon de terminer un samedi soir à Paris.

Ces trois compositeurs russes joués ce soir avec brio par l’orchestre de Radio-France nous rappellent avec tristesse combien les artistes de ce pays ont participé à l’édification de la culture européenne alors que les orientations politiques et militaires de ce pays-continent n’ont cessé de l’en éloigner !