Cale & Bockris, ‘Une autobiographie – John Cale’.

Sortie en 1999, Chez : Editions Au diable vauvert.

John Cale est un britannique né au Pays de Galles en 1942, d’un père mineur et d’une mère enseignante qui jouait du piano. Il a fondé à New York le légendaire groupe de rock The Velvet Underground avec Lou Reed, né une semaine avant lui, et sous l’impulsion d’Andy Warhol. Dans cette autobiographie coécrite avec Victor Bockris il revient sur son passé et sa vie musicale jusqu’en 1999. Car, musicien dans l’âme, il ne s’est jamais détourné de cet art malgré des excès et des dérives qui ont valu de mourir à bien de ses coreligionnaires.

Mauvais élève, il s’oriente rapidement vers des études musicales classiques pour lesquelles il affiche de bonnes dispositions. Il adopte l’alto comme instrument de cœur mais sera multiinstrumentiste toute sa vie. Il émigre assez rapidement aux Etats-Unis en 1963, alors le pays de tous les possibles. Il y rencontre le gratin de la musique contemporaine : John Cage, La Monte Young, Aaron Copland…, participe à des œuvres improbables comme la création d’une pièce d’Erik Satie qui consiste à jouer pendant 18 heures 840 fois le même morceau du compositeur, et, il rencontre Lou Reed dans le monde du rock. Avec Maureen Tucker (batterie), Sterling Morisson (guitare) et Nico (chant) ils créent en 1965 l’un des groupes les plus fulgurants de l’époque dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui.

John Cale vs. Lou Reed, c’est un choc de géants, le musicien associé au magicien des mots, dans l’ambiance déglingue des années 1960 d’un New York envahi par la drogue, les « expériences » culturelles et les personnalités les plus ravagées de ce monde artistique contemporain qui sera désigné assez rapidement sous le qualificatif « underground ». Rapidement ces deux caractères se heurtent violemment et Reed qui revendique la direction du Velvet pousse Cale dehors, le tout dans un déluge d’héroïne, de querelles d’égos, de rentrées financières et de périodes de vaches (très) maigres, mais toujours avec la musique comme seul guide.

Très prolifique, John Cale sort ses disques solo, au moins une quarantaine depuis son départ du Velvet Underground, fait des tournées et produit des artistes. Il a notamment produit Horses de Patti Smith, The Stooges, le premier disque d’Iggy Pop et des Stooges, et bien sûr aussi les disques de Nico dont il fut le compagnon et pour laquelle il écrivit un ballet. On croise dans ce livre d’autres musiciens remarquables : David Byrne, Brian Eno, U2, Philip Glass et bien d’autres.

En hommage à Andy Warhol, il se réunit en 1990 avec Lou Reed pour écrire Songs for Drella, disque qui donne lieu à de nouvelles et sordides querelles entre les deux artistes. En 1993 le Velvet Underground se reforme, sans Nico décédée accidentellement en 1988 pour une tournée rapidement avortée par suite des comportements caractériels de Lou. Trois shows furent donnés à l’Olympia à Paris, donnant lieu à la sortie d’un disque live exceptionnel : Live MCMXCIII.

Cette autobiographie revient sur des années de dérives, de violence et d’excès, sur une vie privée aussi quelque peu agitée. L’un des pères du punk, aujourd’hui plus apaisé, John Cale, 82 ans, continue à sortir des disques et faire des tournées. Il est le dernier survivant du Velvet avec Maureen (79 ans). Sterling, à qui est dédié ce livre, est mort de maladie en 1995 à 53 ans, Lou est mort en 2013 à 71 ans et Andy est mort en 1987 à 58 ans.

On passait une année et demie presque complètement dans une voiture ou un camion, on allait dans ces petites villes, c’était marrant, j’avais un immense respect pour lui, comme tous ceux qui jouaient avec lui , et on avait sans arrêt un nouveau groupe, il virait toujours tout le monde.

Sur la route ou à New York, John pouvait être très effrayant. Mais j’ai toujours pensé que Lou l’était encore plus. Il était totalement glacé, presque inhumain, alors que John avait une certaine humanité en lui, et un fantastique sens de l’humour, et en plus il était vraiment doué, au-delà de ce qu’on peut dire de lui, il était brillant.

John pouvait prendre la guitare ou la basse et jouer et chanter, il n’a réellement besoin de personne, on était là mais on se demandait pourquoi, peut-être juste pour le distraire, ou parce que toute cette histoire avec Lou Reed l’énervait et qu’il était furieux. Mon vieux il était furieux, furieux, furieux. Mais en même temps, c’était le plus drôle et le plus exubérant des mecs.

Deerfrance (choriste sur les tournées solo de Cale 1978-1980)

La composition du livre en grand format est aussi déjantée que le personnage : illustrations baroques dans tous les sens, photos confuses en filigrane, paragraphes imbriqués les uns dans les autres, marges courbes et variables, bienvenue dans le monde underground…

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