Les résultats du premier tour des élections législatives tenues dimanche dernier sont en train de déclencher une fébrilité inédite en France. Le Rassemblement National (RN) emporte 33% des suffrages exprimés y compris ceux en faveur de la partie de Les Républicains (LR) qui a migré vers le RN. Le vote pour ce parti est bien réparti sur tout le territoire, dont les départements d’outre-mer, sauf quelques grandes villes qui restent inspirées par les idées progressistes. Les jeunes, les cadres, même les retraités, toutes les catégories socio-professionnelles se dirigent petit à petit vers le RN et le vote pour ce parti est maintenant décomplexé.
Le Nouveau Front Populaire (NFP), qui est le pendant du FN à gauche, est crédité de 28% des votes. La majorité présidentielle est en troisième position avec 20%.
Dès que ces résultats ont été avérés, l’ensemble des partis politiques non-RN s’est mis à tenter de reconstruire le fameux « front républicain » pour « faire barrage à l’extrême droite » ce qui consiste à monter des accords en catastrophe entre les deux tours pour faire capoter la candidature FN, même lorsque celle-ci est arrivée en tête du premier tour. Pour ce faire ces partis anti-RN fusionnent leurs candidatures pour n’en présenter qu’une seule face à celle du RN et ainsi limiter l’éparpillement des voix. Cela revient aussi à forcer la main de l’électeur qui, s’il ne vote pas RN devra apporter sa voix au candidat unique anti-RN. Celui-ci peut toujours voter « blanc » ou aller à la pêche le jour du vote si le cœur lui en dit.
Le Rassemblement National continue à effrayer le microcosme malgré ses efforts de « normalisation » lancés depuis plus de dix ans mais il n’effraie plus un électeur sur trois qui a mis très sereinement un bulletin dans l’urne en sa faveur dimanche dernier. C’est le dilemme auquel est confronté le microcosme : doit-il continuer à contester ce vote en menant des alliances improbables avec pour seul objectif « tout sauf le RN », au risque de braquer encore plus les électeurs concernés, ou peut-il considérer que le RN est devenu un parti fréquentable, comme les autres, et envisager qu’il puisse gouverner comme c’est d’ailleurs le cas dans des conditions assez similaires dans d’autres pays européens, ou même aux Etats-Unis sous l’ère Trump, passée ou à venir.
C’est clairement la première option qui est à l’œuvre aujourd’hui où l’on voit des caciques de la droite et du centre appeler à voter dimanche prochain pour des candidats de La France Insoumise (LFI, extrême gauche propalestinienne) dans des circonscriptions où le RN est arrivé en ballotage favorable au premier tour. Choisir la seconde option, celle de la normalisation du RN, présente un risque que le microcosme ne veut pas prendre : celui de la résurgence des tendances d’extrême droite du RN une fois qu’il serait arrivé au pouvoir. Au-delà de cette agitation d’appareils, l’électeur choisira en fonction de ses convictions qui risquent de n’être pas forcément en accord avec celles du microcosme.
Dans tous les cas, une France gouvernée par des extrêmes d’un bord ou de l’autre risque de se rabougrir un peu plus. C’est le principal échec du pouvoir actuel : n’avoir pas su convaincre le pays de rester dans la raison sous une gouvernance apaisée.