« Leni Riefenstahl. La lumière et les ombres » d’Andres Veiel

Leni Riefenstahl (1902-2003), actrice et réalisatrice allemande, belle et talentueuse, fut choisie par Hitler pour assurer la propagande du régime nazie, de la marche vers le pouvoir en 1933 jusque durant la IIe guerre mondiale. Elle accomplit cette tâche avec « talent » et ses films sur les grands rassemblements nazis à Nuremberg ont marqué par leur esthétique de la puissance brute, de même que le rendu de la gestuelle du Führer durant ses célèbres discours incantatoires a frappé les foules allemandes enthousiastes. Après la guerre elle se justifiera en affirmant avoir tout ignoré de la réalité du nazisme.

A partir d’archives nombreuses le réalisateur allemand Andres Veiel trace un portrait édifiant de la cinéaste dans ce documentaire sans concession. Les interventions de Riefenstahl jusqu’à la toute fin de sa vie en 2003 (à 101 ans) montrent sa volonté de se justifier, probablement en réécrivant l’histoire en sa faveur. Très narcissique elle explique que si Staline ou Roosevelt lui avait demandé de produire des films à leur gloire elle les aurait réalisés comme elle l’a fait pour les nazis. Elle évoque accessoirement la brutalité de Goebbels qui voulut la séduire et avec qui elle partagea « plusieurs aventures ». Après la guerre, elle épouse un homme de 40 ans son cadet et continue de réaliser des films dont plusieurs reportages sur le peuple Noubas au Soudan. Par souci de justification et sans doute aussi par nombrilisme aigu, elle enregistre ou filme tous les éléments de sa vie post-guerre : conversations téléphoniques, interviews, vie conjugale et toutes sortes de rencontres médiatiques dont elle semble plutôt friande. C’est dans ces archives que pioche Veiel pour composer cet intéressant portrait, un peu effrayant.

Narcisse du XXe siècle Riefenstahl veut se persuader qu’elle n’a pas compromis avec la barbarie nazie et cherche surtout à en convaincre le monde extérieur. Elle n’y réussit pas vraiment mais elle est probablement assez représentative de la masse des Allemands moyens qui se sont laissé aller à suivre une idéologie barbare, sans forcément y adhérer totalement. Cette indifférence a mené à la dévastation du XXe siècle et l’effondrement de la vieille Europe. Le mieux pour Riefenstahl aurait été de disparaître médiatiquement après la guerre, son narcissisme doublé d’une culpabilité, consciente ou pas, d’avoir été mêlée à de pareils évènements l’ont amenée à vouloir faire émerger sa propre vérité. Cela l’a au moins maintenue en forme puisqu’elle est porte centenaire.