La Côte d’Ivoire organise des élections présidentielles pour la fin de l’année. On ne sait pas si leur président actuel, Alassane Ouattara, 83 ans, en poste depuis 13 ans, envisage de se représenter pour un nouveau mandat, ce qui serait déraisonnable vu son âge, mais ce qui est sûr c’est que son principal opposant, Tidjane Thiam, 62 ans, vient d’être déclaré inéligible car il ne serait plus considéré comme ivoirien, suite à l’acquisition de la nationalité française, au titre d’un vieil article de loi exhumé par une juge et quasiment jamais appliqué, sauf pour l’occasion permettant ainsi d’éliminer le patron du premier parti d’opposition.
L’homme a fait une longue et plus ou moins brillante carrière à la tête ou dans les équipes dirigeantes de grandes entreprises européenne, dont le Crédit Suisse. Il habite à Paris et ne semble pas particulièrement imprégné de la Côte d’Ivoire, bien que favori dans les « sondages » locaux. Il vient de renoncer à cette nationalité française ce qui fait de lui un apatride puisqu’il n’est plus considéré comme ivoirien mais il affirme rester dans la course pour l’élection présidentielle de cette fin d’année.
Au-delà de son cas personnel, l’ironie de cette situation est le retour de flammes subi par ces très nombreux citoyens africains, du Maghreb à l’Afrique centrale, qui bénéficient de la nationalité française, généreusement distribuée par Paris depuis des décennies, en plus de la leur. Cette nationalité française était autrefois un gage de sécurité et de supériorité pour les élites locales qui en bénéficiaient, c’est devenu un boulet depuis que nombre de pays africains sont fâchés avec la France.
On avait ainsi découvert avec stupeur en 2023 que le ministre malien de la défense avait la double nationalité en pleine crise entre son pays et la France. La même année c’est le président malgache qui était pris dans un imbroglio politico-juridique du fait de sa double nationalité. La moitié du conseil des ministres des Comores bénéficierait également de la nationalité française alors que l’archipel agit depuis des années contre les intérêts de Paris dans le cadre de sa revendication du territoire « français » de Mayotte.
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La logique et un minimum de cohérence voudraient que ces dirigeants en conflit idéologique avec l’ancienne puissance coloniale renoncent à leur nationalité française et en fassent la publicité. Ils ne l’ont fait que très exceptionnellement ou alors, poussés par les évènements comme récemment M. Thiam. Dans un autre domaine, certains des Etats qu’ils dirigent n’arrivent toujours pas à quitter la zone Franc tant honnie, au moins dans leur communication. Ces pays continuent donc à bénéficier de la liaison de leur devise avec l’Euro, tout en la critiquant.
Il n’est pas toujours facile de mettre ses actes en accord avec ses idées, dans la vie comme en politique. Mais en ce qui concerne certains pays africains en opposition frontale avec la France le grand écart parait intenable mais contre toute attente il est maintenu. Le sens des responsabilités est une qualité qui n’est pas donné à tout le monde.
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