Après Thom Yorke le 7 juillet et l’exposition « ELECTRO – De Kraftwerk à Daft Punk », la Philharmonie de Paris reçoit ce soir dans sa grande salle Pierre Boulez l’un des groupes historiques du monde musical électro : les allemands de Kraftwerk. Créé en 1970 à Düsseldorf par Florian Schneider et Ralf Hütter le groupe a joué dès les années 70’ sur la proximité, la fusion, entre homme et machine avec une musique synthétique, des paroles minimalistes et un visuel robotique. Ils ont développé cette thématique avec succès jusqu’à la fin des années 80’, puis sorti deux disques au tout début des années 2000’. Ils organisent depuis des tournées sous différentes formations. Kraftwerk avait été notamment invité pour le concert inaugural de la salle audio de la fondation Louis Vuitton au bois de Boulogne en 2014
Leur retour ce soir dans la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris tient un peu de l’évènement mondain. Les vieux fans se bousculent néanmoins au portillon et le second marché explose pour ceux qui n’ont pas eu de places officielles pour l’une des trois soirées. Le groupe allemand qui a vulgarisé la musique électronique il y a 40 ans et considérablement influencé le rock du XXème siècle. La prestation ce soir est à leur image : industrielle et technologique, minimaliste et glaçante, dansante et sereine. Kraftwerk signifie « centrale électrique », leur label s’appelle « kling-klang » ; on est au cœur de la modernité vous dit-on !
Parmi les “historiques” seul Ralf Hütter est présent ce soir. Il est accompagné des trois musiciens : Henning Schmitz, Fritz Hilpert et Falk Grieffenhagen. Ils sont quatre habillés d’une combinaison sur laquelle est dessinée une sorte de structure fluorescente en squelette et installés derrière quatre blocs, style pupitre, disposés en ligne. Seul celui de Ralf affiche un clavier avec des touches, les autres sont un embrouillamini de boutons, de fils et de machines.
Nos quatre compères déclinent leur musique devant un vaste écran sur lequel sont projetés de superbes images numériques, aux formes modernes et aux couleurs vives, rappelant les thèmes de morceaux joués. Evidement il n’y a pas vraiment de nouveauté musicale ce soir, la plupart de ces mélodies ont été crées il y a deux ou trois décennies mais on est pris par l’aspect globalisant de la performance. Cette musique finalement n’a guère pris de rides avec la même recette : une rythmique en boîtes à rythmes, des ritournelles-boucles répétitives et obsédantes et la voix transformée de Ralph, transitant probablement par moulte filtres et vocodeurs avant d’être déversées dans les enceintes. Les thématiques sont définitivement industrielles : radioactivity, autobahn, robots, metal…
Sur The Robots les musiciens repartent en coulisse, un rideau s’ouvre et apparaissent sur une scène surélevée quatre robots qui dansent de façon saccadée sur la musique et dont les spectateurs ne sont toujours pas bien sûrs d’avoir identifiés de vrais robots ou, plus probablement, les quatre membres du groupe singeant les robots ? Ils semblent plus jeunes que les vrais musiciens mais une simple perruque peut masquer les calvities naissantes… La fusion hommes-machines est tellement à l’image du groupe que cette incertitude qui plane sur la vraie réalité des acteurs est plutôt bienvenue !
We’re charging our battery
And now we’re full of energy
We are the robots, we are the robots
We are the robots, we are the robots
We’re functioning automatic
And we are dancing mechanic
We are the robots, we are the robots
We are the robots, we are the robots
Ja tvoi sluga, Ja tvoi rabotnik
Ja tvoi sluga, Ja tvoi rabotnik
We are programmed just to do
Anything you want us to
Probablement les ordinateurs musicaux et les techniques de projection utilisées aujourd’hui ne sont plus celles des années 80’ mais le spectacle n’en est que plus techno et parfait pour aboutir à une œuvre d’art multimédia totale et sublime. Leur vision de l’avenir n’a guère changé depuis la création du groupe mais leur capacité d’anticipation à l’époque était certaine : il n’y a pas besoin de beaucoup d’imagination pour insuffler un peu d’intelligence artificielle dans cette construction robotique et en faire l’actualisation de ce que nous vivons aujourd’hui.
Ce groupe allemand novateur a influencé nombre de musiciens de la fin de XXème siècle. David Bowie leur a dédié la chanson V-2 Schneider de son album Heroes (faisant aussi probablement référence aux fusées allemandes V-2 ayant ravagé la capitale britannique durant la IIème guerre mondiale). Kraftwerk peut légitimement revendiquer une part de paternité de la musique électronique d’aujourd’hui. Leur capacité d’innovation, leurs recherches musicales et une inspiration industrielle leur ont permis de créer une musique assez unique et exceptionnelle. Quel bonheur de les avoir toujours sur la route.
Sur le final Music Non Stop, les musiciens, l’un après l’autre, se présentent sur la partie droite de la scène, saluent et rejoignent la coulisse. Ralph emporte un tonnerre d’applaudissements. Pendant ce temps, les machines continuent à diffuser. Un rappel n’a pas été programmé.
En sortant les jeunes d’aujourd’hui constatent que Daft Punk n’a finalement rien inventé : retour à la réalité !
Setlist : Numbers / Computer World – It’s More Fun to Compute / Home Computer – Computer Love – The Man-Machine – Spacelab – The Model – Neon Lights – Autobahn – Geiger Counter / Radioactivity – Electric Café – Tour de France / Prologue / Étape 1 / Chrono / Étape 2 – Trans-Europe Express / Metal on Metal / Abzug – The Robots – Metropolis – Aéro Dynamik – Planet of Visions – Boing Boom Tschak / Techno Pop / Music Non Stop