Avec pas mal d’habileté, mais aussi le sang de son peuple, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est en train de gagner le droit d’entrée de son pays dans l’Union européenne (UE). Faisant preuve d’un courage certain en refusant les propositions d’exfiltration de certaines puissances occidentales, il marque ainsi la différence avec l’un de ses prédécesseurs Viktor Yanukovych qui s’était exilé en Russie 2014 pour fuir son pays en proie à la « révolution orange ».
Le président ukrainien toujours présent à Kiev diffuse plusieurs fois par jour des messages vidéo sur les réseaux dits « sociaux » et a même aujourd’hui réalisé une intervention devant le parlement européen dans laquelle il exhorte l’UE à entamer une procédure d’adhésion exceptionnelle pour son pays qu’il qualifie de « juste et possible ».
« Prouvez que vous êtes avec nous. Prouvez que vous ne nous laisserez pas tomber. Prouvez que vous êtes effectivement des Européens et alors la vie vaincra la mort et la lumière vaincra l’obscurité »
Il fait jouer la corde sensible avec relativement d’efficacité. Qui osera se prononcer aujourd’hui contre l’adhésion de l’Ukraine qui est sous les bombes russes, et alors que l’on a déjà accepté des pays comme la Croatie ou Chypre (occupée par la Turquie) ? En réalité : personne même si l’on sait bien que l’élargissement de l’Union à l’Ukraine à l’ensemble européen ne pourra que rendre un peu plus chaotique le fonctionnement de l’UE et nécessitera des budgets considérables à régler par les contribuables communautaires. De plus, la Russie ne l’acceptera pas plus que la Serbie n’admettra jamais « l’indépendance » du Kosovo… L’adhésion de l’Ukraine n’est pas dans l’intérêt raisonnable des pays déjà membres mais nous sommes sans doute déjà au-delà du raisonnable et probablement, à défaut de prendre les armes aux côtés de Kiev, l’Europe devra s’engager à quelque chose en faveur de ce pays qui ne doit respecter à ce stade que fort peu des critères économiques, sociaux, juridiques et politiques préalables à l’adhésion dans un contexte normal, et qui n’est pas près de les respecter dans leur entièreté.
Lorsque l’heure de la diplomatie reviendra l’UE sera peut-être sauvée par le gong car il faudra bien compromettre quelque chose avec Moscou ; probablement une certaine neutralité de l’Ukraine serait une demande minimum pour stopper le conflit. A moins que l’Occident n’ait l’intention de demander une reddition sans conditions ce qui n’est probablement ni techniquement faisable car il faudrait qu’il entre en guerre, ni politiquement souhaitable, souvenons-nous des effets délétères du Traité de Versailles. Dans tous les cas une adhésion de l’Ukraine à l’UE ou à l’OTAN, même dans une perspective lointaine sera toujours très mal vécue par la Russie, susceptible d’attiser le jusqu’auboutisme de Moscou, et très indigeste pour l’Occident.