Sortie : 2012, Chez : Actes Sud.
Maaza Mengiste est une écrivaine d’origine éthiopienne, naturalisée américaine. Née à Addis-Abeba en 1971, trois années avant l’instauration d’une dictature militaire communiste à la suite de la déposition de l’Empereur Haïlé Sélassié en 1974, elle garde un souvenir très prégnant de ces premiers mois de la « terreur rouge » qui s’abattaient sur ce pays, avant l’exil de sa famille au Nigeria puis au Kenya et, enfin, aux Etats-Unis d’Amérique.
Cette période trouble est le cadre de ce premier roman qui narre l’histoire d’une famille plutôt favorisée au cœur de la capitale éthiopienne en proie à la folie du régime. Arrestations, torture, exécutions, nationalisations, défilés à la « gloire de la Révolution » sont le quotidien de la ville et du pays. Dans ce contexte dangereux et idéologisé, les membres de la famille de Hailu, chirurgien, réagissent différemment, puis tous se retrouveront contre la terreur promue par le major Guddu, inspiré de Mengistu Hailé Mariam, militaire qui dirigea le pays durant ces années noires (il est aujourd’hui toujours exilé et protégé au Zimbabwe, il a été condamné à mort pour génocide par la justice éthiopienne en 2008, on estime le nombre de morts durant son régime aux alentour d’un million, de répression, de famines et de mauvaise gestion).
Ce roman rappelle cette sombre période le l’histoire contemporaine de l’Ethiopie, commencée par la guerre coloniale menée et gagnée par l’Italie dans les années 1930, et dont la violence se poursuit encore aujourd’hui avec la énième reprise de la guerre civile entre Addis-Abeba et la province rebelle du Tigré.
Il décrypte les comportements de résistance de chacun face à l’oppression, le questionnement intime des uns et des autres sur la meilleure réaction possible, les risques à prendre, et pour quel résultat tangible ? On imagine aisément que ce type de réflexion est mené par tout peuple en proie à la répression ou à l’occupation. Jusqu’où peut-on accepter, à quel moment la contestation doit être violente, quel prix est-on prêt à payer pour la liberté ? De l’occupation allemande de l’Europe en 1939-1945, à celle de l’Ukraine par la Russie en 2022, ce problème est aussi vieux que le monde et bienheureux sont les pays démocratiques qui n’ont pas eu à se la poser depuis près de 70 ans !