Des oligarques clinquants

Les « oligarques » russes sont l’une des cibles des sanctions occidentales prises contre la Russie à la suite de sa guerre menée contre l’Ukraine. Ces sanctions consistent pour le moment à geler leurs actifs identifiés en Occident.

Ces affairistes russes ont créé des fortunes considérables en rachetant à vil prix les entreprises d’Etat privatisées à la suite de la dissolution de l’URSS, principalement sous l’ère du président Eltsine. Reconnaissons-leur qu’ils semblent avoir réussi à gérer correctement les entreprises acquises même si le prix d’achat largement sous-évalué permettait d’absorber quelques erreurs de gestion, au moins dans les premières années. Notons qu’un processus assez similaire s’est déroulé en Ukraine dont l’économie est toujours largement dans les mains d’oligarques qui n’ont pas grand-chose à envier à leurs collègues russes en termes de corruption et de prévarication.

Ce qui est assez comique c’est que nombre de ces affairistes, un peu m’as-tu-vu, sont allés acquérir et domicilier leurs actifs de prestige en… Occident. En gros, les usines polluantes sont en Russie et les yachts clinquants sont à Monaco. Il est vrai qu’ils y sont plus visibles que sur la mer Noire mais les « oligarques » sont ainsi punis par où ils ont péché.

Un site web a été mis en place pour répertorier les biens qui ont pu être rattachés à ces affairistes sanctionnés. On peut leur faire confiance pour avoir caché leurs actifs autant qu’ils le pouvaient sous des montages leur assurant un anonymat, mais comme ils n’aiment rien mieux que parader sur leurs joujoux clinquants la piste de leurs biens n’est souvent pas très compliquée à remonter comme l’illustre le site web monté à cet effet : https://cdn.occrp.org/projects/russian-asset-tracker/en/

L’un des plus flamboyants est Roman Abramovich, que l’on a vu d’ailleurs participer aux négociations menées au début du conflit entre l’Ukraine et la Russie comme conseiller du Kremlin semble-t-il. Le garçon qui aurait trois nationalités (russe, israélienne et portugaise) est à la tête d’un empire dans les hydrocarbures et la sidérurgie, en Russie, mais aussi d’une société de capital-investissement basée à Londres prenant des participations un peu partout, y compris aux Etats-Unis d’Amérique. Il a acheté, entre autres « danseuses » un club de fouteballe britannique performant dont il peut difficilement cacher qu’il en est le propriétaire puisqu’il parade dans les stades les jours de match. Sentant venir le vent du boulet lors du déclenchement de la guerre en Ukraine il a annoncé officiellement qu’il mettait en vente son club alors qu’il n’était pas encore sous sanction et espérant pouvoir conclure la transaction rapidement. Hélas pour lui, le Royaume-Uni a rapidement gelé ses actifs et le club fait partie du gel. Cependant, il aurait eu le temps d’amarrer deux de ses yachts en Turquie, pays qui n’applique pas les sanctions occidentales.

La morale de l’histoire est qu’un investissement en dehors du pays dont on détient la nationalité présente toujours un risque politique supplémentaire par rapport à son propre pays. Les « oligarques » sont en train de confirmer ce principe élémentaire de l’économie. Pas sûr qu’ils en comprennent bien les tenants et aboutissants puisqu’il semble qu’ils soient en train de réorienter massivement leurs investissements de prestige vers les pays du Golfe persique, pour le moment plus conciliants avec la Russie et ses affairistes.

La vraie question qui se pose est de savoir pourquoi ces oligarques préfèrent localiser leurs résidences secondaires princières, et autres actifs tape-à-l’œil, à Nice ou Londres, plutôt que dans l’Oural ou sur les bords de mer d’Azov. Cela relève probablement d’un manque de confiance dans la Russie pour préserver la valeur de ces biens (un peu comme ces français qui avaient des comptes bancaires en Suisse à la fin du siècle précédent) mais aussi par leur besoin de parader et de briller ce qu’il est plus valorisant de faire à Monaco qu’à Sotchi.

Dur d’être russe et riche !