BIAGI-CHAI Francesca, ‘Traverser les murs – La folie, de la psychiatrie à la psychanalyse’.

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Sortie : 2020, Chez : Editions Imago.

Francesca Biagi-Chai, psychiatre et psychanalyste, répond dans ce livre aux questions posées par deux psychologues sur la folie chez l’homme et son traitement à l’hôpital psychiatrique au sein duquel elle œuvre depuis le début de sa carrière. La première partie est plutôt centrée sur les concepts qui laissent le néophyte dans le brouillard tant ceux-ci sont complexes et utilisent un jargon hors de portée du lecteur non initié (syntagme, signifiant, parlêtre, sinthome…).

La seconde partie est plus abordable et raconte l’expérience d’hospitalisation de jour (HDJ, à ne surtout pas appeler, selon l’auteure, « hôpital de jour ») mise en place par Mme. Biagi-Chai pour accueillir des patients dans un environnement différent de l’hôpital même si localisé dans le même lieu (la notion de lieu semble très importante pour le traitement de la folie).

On reste confondu devant l’emprise de la folie sur les patients qu’elle rencontre, qui sont suffisamment psychotiques pour consulter l’hôpital, ou y être conduits par leurs familles ou des tiers. Le dialogue avec eux est surréaliste, les conclusions tirées sont difficilement compréhensibles pour les non-avertis mais que faire d’autre ? D’ailleurs, certains cas évoluent favorablement. On comprend que l’HDJ met plutôt en œuvre la psychanalyse par les mots que la psychiatrie par la médicamentation, mais souvent les deux méthodes sont menées en parallèle tant l’intensité de la folie est forte.

La complexité pour comprendre et soigner cette matière humaine à la dérive ne peut que nécessiter des solutions sophistiquées. Les échanges entre la thérapeute et ses patients (certains ayant déjà commis des homicides, guidés par leurs « voix ») sont parfois lunaires, les conclusions qu’elle en tire sont souvent incompréhensibles pour le lecteur lambda, mais personne n’a vraiment de meilleures solutions pour prendre en charge cette souffrance qui peut s’avérer dangereuse pour le patient comme pour son entourage.

Les querelles entre lacaniens (école à laquelle appartient l’auteure), les freudiens, ou d’autres, semblent de bien peu d’importance ni de réalité face au mur de la folie. Chacun espère ne jamais avoir à heurter celui-ci au cours de sa vie mais on s’inquiète d’apprendre que, parfois, un élément déclencheur inattendu peut entraîner une collision, et tout s’effondre. Des soignants en France travaillent sur ce sujet et recherchent des voies d’accompagnement. C’est bien sûr beaucoup de tâtonnements, d’hypothèses, de théories, d’échecs, d’expérimentations, mais c’est aussi une prise en charge par des personnels qui dévouent leurs vies professionnelle à la folie. C’est rassurant !