Catégorie : Musique

  • Kasabian – 2017/11/11 – Paris le Zénith

    On avait laissé les Kasabian en 2005 après un concert au Trabendo, les revoilà dix-sept ans plus tard, autant dire qu’ils n’ont pas pris une ride : rock, mélodies entêtantes et énergie au programme. Une soirée des plus chaudes avec cette joyeuse bande de musiciens britanniques déjantés.

    Le concert de ce soir fut pétillant, plein d’enthousiasme et de jeunesse de la part de ce groupe maintenant sur les routes depuis la fin des années 90’. Habillés tous en blanc, les sept gaillards s’en donnent à cœur joie et leur joie est plutôt irradiante : l’assistance danse et pogotte sur les rythmes très chauds, les verres de bière volent, le Zénith tressaute d’un seul homme, la température devient tropicale… La communauté britannique de Paris se croit à Twickenham et soutient les « blancs » comme s’ils étaient le Quinze de la Rose !

    Les deux leaders Tom Meighan (chant) et Sergio Pizzorno (guitare) n’économisent pas leur énergie pour interpréter et animer la longue liste de hits qu’ils ont créés tout au long de ces années. Ils enchaînent les morceaux sans laisser refroidir la salle qui n’en demande pas tant.

    Ce groupe est une usine à tubes, simples et énergisants. Une musique et une inspiration jubilatoires, si british. God save the Queen !

    Setlist :  Ill Ray (The King)/ Bumblebeee/ Eez-Eh (Around the world outro)/ Underdog/ Shoot the Runner/ Days Are Forgotten (The Ecstasy of Gold by Ennio Morricone intro)/ You’re in Love With a Psycho/ Wasted/ Take Aim (The Doberman intro)/ Club Foot/ Re‐Wired/ Treat/ Empire/ Bless This Acid House/ Stevie/ L.S.F. (Lost Souls Forever)

    Encore : Goodbye Kiss (acoustic)/ Comeback Kid/ Vlad the Impaler (with Noël Fielding)/ Fire

    Warmup : Slaves

  • Angus & Julia Stone – 2017/11/01 – Paris le Zénith

    Angus & Julia Stone – 2017/11/01 – Paris le Zénith

    Très beau et si doux concert d’Angus & Julia Stone ce soir à Paris : Julia vêtue en dentelles, jupe noire et haut crème, Angus sous une casquette de titi parisien, couvert d’une veste en cuir puis lorsque la chaleur monta d’un cran, d’un sweet informe, le cheveu hirsute, fleurant bon le bucheron australien. Tous deux jouent de leurs guitares la majorité du temps, chantant en duo de leurs voix mélodieuses, entourés de quatre musiciens (batterie, claviers, guitare et bass).

    Les australiens déroulent toujours la même musique folk qui sent bon le feu de camp mais qui se sophistique légèrement les années passant. Leur dernier disque Snow est dans les bacs depuis quelques semaines, ils le jouent ce soir derrière un immense totem, sans doute en référence à la culture aborigène de leur ile-continent. Des images doucereuses sont projetées sur écran : des soleils couchants, des océans bleus et des forêts sans fin. Ce disque est de bonne facture, avec des voix un plus dynamiques que les précédents, souvent ajoutées en chœur sur celles de Julia et d’Angus toujours un peu langoureuses. C’est l’ambiance de cette soirée.

    Ils restent tous deux touchants et délicats, déclinant leur show devant un public conquis. En écho à la chanson Baudelaire qui ouvre le concert, Julia récite par cœur et en français, de sa petite voix, Enivrez-vous du poète :

    Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

    Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !

    Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps,

    Enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

    Baudelaire

    Elle rencontre un franc succès !

    Evidemment, cette musique est empreinte de mélancolie et de rêve un peu triste, chacun y trouve matière à introspection comme il le sent mais tous se rassasient de la douceur immanente de ces notes qui se diffuse dans les âmes comme l’encens envahissait nos chambres d’adolescents d’antan. Quelques morceaux plus dynamiques font onduler l’assistance qui a plutôt tendance à illuminer ses téléphones mobiles pour représenter les étoiles de la galaxie Stone. Et d’ailleurs Harvest Moon de Neil Young nous est servi en rappel pour conclure cette soirée en apesanteur.

    Setlist : Baudelaire/ Make It Out Alive/ Cellar Door/ Heart Beats Slow/ Chateau/ Wherever You Are/ Bloodhound/ Private Lawns/ Who Do You Think You Are/ Yellow Brick Road/ Enivrez-vous (poème “Enivrez-vous »)/ Nothing Else/ Big Jet Plane/ For You/ My House Your House/ Snow

    Encore : Grizzly Bear/ Harvest Moon (Neil Young cover)/ A Heartbreak

    Warmpup : Isaac Gracie

  • « Maria by Callas » à la Seine Musicale

    La Seine Musicale, nouvelle espace culturel tourné vers la musique, installé sur l’Ile Seguin à l’emplacement des anciennes usines automobiles Renault, présente sa très belle exposition inaugurale : Maria by Callas. A l’aide d’un casque audio, les visiteurs circulent dans la vie et l’œuvre de la diva retracée par des photos, des textes, des vidéos et bien sûr des extraits musicaux.

    Brillante et touchante, La Callas se révèle une véritable étoile du XXème siècle sur toutes les scènes de monde, chantant les plus beaux opéras du répertoire classique. Une vie entière dédiée à la musique comme une mission divine :

    Chanter, pour moi, n’est pas seulement un acte d’orgueil, mais seulement une tentative d’élévation vers ces cieux où tout est harmonie.

    Une vie de travail intense depuis l’enfance où sa mère avait décidé qu’elle serait cantatrice, une voix inoubliable qui a submergé d’émotion les plus insensibles ; elle se sait investie d’un devoir de servir le génie créateur de tous ces compositeurs qu’elle a magnifiés. Mais aussi l’existence tellement humaine de cette femme grecque née à New York, ballotée d’une mère exigeante à une vie sentimentale pas toujours apaisée. Au hasard d’interviews télévisées elle parle de la musique, beaucoup, et d’elle, un peu :

    …après tout, qu’est-ce qu’une légende ? C’est le public qui fait ce que je suis. Qu’est-ce qu’une légende ? Je me trouve très humaine.

    Chaque spectacle est un défi qu’elle se lance ; pour être à la hauteur des attentes de son public et de son talent elle s’en remet à son travail et… à Dieu :

    Quand je chante, même si je parais tranquille, je me tourmente de la peur insoutenable de ne pas réussir à donner le meilleur de moi-même. Notre voix est un instrument mystérieux qui nous réserve souvent de tristes surprises, et il ne nous reste qu’à nous confier au Seigneur avant chaque spectacle, et lui dire humblement « nous sommes entre vos mains ».

    Il faudrait des heures pour épuiser tous les extraits musicaux mis à disposition des visiteurs pérégrins : Mme. Butterfly, La Norma, La Tosca…, découvrir les différentes étapes de sa carrière, ses départs et ses retours, ses tournées d’adieu, ses master-classes puis son exil, ultime, avenue Georges-Mandel à Paris où elle décèdera prématurément à 53 ans.

    Une très intéressante exposition sur le talent et la personnalité de cette artiste si émouvante !

  • St. Vincent – 2017/10/24 – Paris le Trianon

    Flamboyant concert ce soir eu Trianon de St. Vincent : artiste américaine, guitariste habile, chanteuse habitée, auteure-compositrice inspirée. On avait entendu parler d’elle à l’occasion de sa remarquable performance en tant que guitariste chanteuse accompagnant David Byrne ex-Talking-Heads sur une tournée qui reprenait des standards des Heads. Elle allait si bien avec la tête chercheuse Byrne ! Deux sympathiques monstres à la créativité sans bornes qui jouaient les morceaux qui nous ont fait danser dans les 80’, il y eut une tournée et de nombreuses vidéos heureusement disponibles sur Youtube pour ceux qui n’ont pas vu les concerts.

    St. Vincent chante et joue seule ce soir, mais vraiment seule. La première partie est constituée de la projection d’un film réalisé par Annie Clark de son vrai nom, Birthday Party, une histoire burlesque et tragique aux couleurs acidulées. Puis les lumières s’éteignent et la scène apparaît avec un lourd rideau rouge en demi arc de cercle. Annie apparaît alors en body et bottes à jambières fuchsia, dans le coin gauche, guitare en bandoulière. Elle joue d’anciens morceaux et se déplace progressivement sur la gauche à chaque chanson, le rideau s’ouvrant ainsi progressivement.

    La deuxième partie du show est dédié au dernier album Masseduction qu’elle joue intégralement sur une estrade placée au milieu de la scène. C’est là que l’on se rend compte qu’elle n’a pas de groupe ; elle joue de la guitare et chante sur des bandes orchestrées pendant que sont diffusés les clips originaux de ses chansons. Les couleurs sont flashy et poppy, même les couleurs de ses guitares, dont elle change à chaque morceau, sont assorties à cet enchantement visuel.

    Evidemment l’attention du spectateur est captée par ce show visuel autant que par la musique, mais notre héroïne jour de la guitare avec brio, chante avec facilité et orchestre cet ensemble avec harmonie. Le concert est une suite de pièces musicales tranchantes, aux accents répétitifs et aux mélodies robotiques. C’est d’ailleurs plus qu’un concert mais une sorte de tableau de Keith Haring animé et sonorisé !

    Black saint, sinner lady/ Playin’ knock-off soul/ A punk rock romantic/ Slumped on the kitchen floor/ Nuns in stress positions/ Smokin’ Marlboros/ Lolita is weeping/ « The bride is beautiful


    Masseduction/ Masseduction/ I can’t turn off what turns me on/ Masseduction/ I can’t turn off what turns me on/ Masseduction/ I hold you like a weapon/ Mass destruction/ I don’t turn off what turns me on

    St. Vincent est définitivement originale et contemporaine, elle délivre un spectacle complet et fascinant ; quelle imagination, quelle créativité !

    Setlist

    Les photos de Roberto

    Brithand Party (film) : Marry Me/ Now, Now/ The Strangers/ Actor Out of Work/ Cruel/ Cheerleader/ Strange Mercy/ Digital Witness/ Rattlesnake/ Birth in Reverse/

    MASSEDUCTION : Hang on Me/ Pills/ Masseduction/ Sugarboy/ Los Ageless/ Happy Birthday, Johnny/ Savior/ New York/ Fear the Future/ Young Lover/ Dancing With a Ghost/ Slow Disco/ Smoking Section lo

  • The Rolling Stones – 2017/10/22 – Nanterre U Arena

     

     

    Les Rolling Stones jouent trois concerts pour inaugurer le nouveau stade de Nanterre « U-Arena », destinés semble-t-il au rugby. Le citoyen contribuable se demande quand même s’il était bien nécessaire de construire encore une nouvelle gigantesque infrastructure destinée au Dieu ballon, qui restera sans doute vide la plupart du temps, comme celle qui existent déjà. Au moins donne-t-elle lieu à ces shows des Dieux Rolling Stones, le contribuable paiera la note plus tard, ce soir il a réglé son ticket d’entrée à un prix plutôt stratosphérique, c’est une bonne préparation, merci Mick…

    Le concert est joyeux, sans trop de surprises mais plein de bonheur. Il y a quatre écrans gigantesque hauts de 15 mètres qui vont diffuser les images du groupe sans filtre durant tout le concert et affichent le jaune du logo No Filter pendant que les 40 000 spectateurs d’installent. A l’extinction des lumières le groupe Cage The Elephant assure une première partie plutôt énergique. Puis les Stones entrent sur Jumpin’ Jack Flash et enchaînent sur It’s Only Rock ‘n’ Roll : le public exulte. Ce n’est d’ailleurs pas très compliqué d’enthousiasmer un stade de fans stoniens… la recette est grosso-modo la même et fonctionne si bien depuis 40 ans : If I could win ya, if I could sing ya/ A love song so divine/ Would it be enough for your cheating heart/ If I broke down and cried?/ If I cried?/ I said I know it’s only rock ‘n’ roll but I like it/ I know it’s only rock ‘n’ roll but I like it, like it, yes, I do/ Oh, well, I like it, I like it, I like it…

    Le son est puissant, les rockers en costumes aux couleurs chamarrées affichent une bonne humeur inébranlable, chacun assure sa partie avec brio et un professionnalisme de vieux routier, Mick se déhanche en demandant au public : « Vous kiffez ? », le paquebot des Rolling Stones continue sa route imperturbable sur la marée humaine de ses fans multigénérationnels, poussé par les moteurs infatigables d’une inspiration bluesy et d’un sens du show qui n’ont pas fini de trotter dans nos âmes sur le retour.

    La set-list n’est qu’un catalogue sans fin de hits mondiaux qui déclenchent chacun souvenirs, références et volupté ; ce ne sont plus des madeleines de Proust mais des orgies de plaisir ! La déambulation se poursuit dans les classiques du groupe, de Jumpin’ Jack Flash à Brown Sugar, la chanson votée par le public est Angie, le final se fait sur Satisfaction et un mini feu d’artifice clôture 2h1/4 du énième concert des Rolling Stones.

    Les hallebardes qui pleuvent à la sortie ne suffisent pas à éteindre le feu qui brûlent dans nos cœurs. On ne perd jamais son temps en passant une soirée avec les anglais là.

    Setlist : Jumpin’ Jack Flash/ It’s Only Rock ‘n’ Roll (But I Like It)/ Tumbling Dice/ Hate to See You Go (Little Walter cover)/ Ride ‘Em on Down (Jimmy Reed cover)/ Dancing With Mr. D/ Angie (by request)/ You Can’t Always Get What You Want/ Paint It Black/ Honky Tonk Women (followed by band introductions)/ Happy (Keith Richards on lead vocals)/ Slipping Away (Keith Richards on lead vocals)/ Miss You/ Midnight Rambler/ Street Fighting Man/ Start Me Up/ Sympathy for the Devil/ Brown Sugar

    Encore : Gimme Shelter/ (I Can’t Get No) Satisfaction

    Warmup : Cage The Elephant

  • Yasmine Hamdan – 2017/10/10 – Paris le Trianon

    Très beau concert ce soir de Yasmine Hamdan, artiste libanaise multilatérale et voyageuse, née à Beyrouth au cœur de la terrible guerre civile, produisant un rock sombre et mystérieux, teinté de parfum d’Orient. Déjà sur les routes de la création depuis plusieurs années, elle a créé le groupe Sopakills avec un garçon beyrouthin comme elle, un duo original trip-hop-électro définitivement décalé dans l’environnement local et qui a lancé sa carrière de compositrice dans l’environnement traumatique de ce pays qui se remettait difficilement de la barbarie.

    Après la dissolution du groupe elle poursuivit une carrière solo inspirée par notre vaste planète et les différents endroits où elle y vécut. Mais c’est surtout le Moyen-Orient qui la fascine et la modèle. Ses maîtres sont légion mais elle trace son propre sillon, celui de l’underground arabe sur son territoire de prédilection autour de la Méditerranée.

    Elle se présente ce soir avec un groupe de trois musiciens (guitare, clavier et batterie) et ils déclinent ensemble une musique moderne, originale et envoutante. Yasmine, belle et généreuse, alterne entre un micro en fond de salle par lequel sa voix est traitée électroniquement et celui du front de scène qui la restitue au naturel. Entre les deux, elle va avec élégance, elle danse, elle déambule, elle se déhanche et nous invite au relâchement contrôlé. Plutôt distante vis-à-vis du public elle diffuse pourtant une présence palpable.

    Les partitions de guitares sont lancinantes et répétitives pour enrober cette voix superbe qui dit des mots français, anglais ou arabes, dans cette langue rugueuse et poétique (les traductions anglaises sont disponibles sur www.yasminehamdan.com/en).

    Son dernier disque s’appelle Al Jamilat en référence au poème de Mahmoud Darwish qu’elle met en musique et interprète sur scène avec brio :

    Beauties are beautiful « The tattoos of the ‘violin’ around the waist ».

    The beauties are vulnerable « A throne without memory ».

    The beauties are the strong ones « A desperation that shines but does not burn ».

    The beauties are princesses « Mistresses of an anxious revelation »…

    Yasmine Hamdan est aussi actrice et compose des musiques pour le cinéma et le théâtre. Une vraie et belle découverte artistique que ce concert du Trianon !

  • Nick Cave & the Bad Seeds – 2017/10/03 – Paris le Zénith

    Nick Cave & the Bad Seeds – 2017/10/03 – Paris le Zénith

    Tragique, forcément tragique !

    Sublime, évidement sublime ce concert de Nick Cave & The Bad Seeds, beau, profond et puissant, après la sortie de leur dernier disque Skeleton Tree et du film documentaire One more time with feeling, tourné sur l’enregistrement de cette œuvre magistrale au cours de laquelle son fils Arthur, 15 ans, est mort en tombant d’une falaise de Brighton sous l’emprise de LSD, dans un remake du final de Quadrophonia des Who.

    Le film, émouvant, était déjà un sombre voyage autour de l’enregistrement du disque. Le drame n’y était évoqué que tout à la fin bien que présent partout. La tournée est la suite de cette introspection dans la perte et le chagrin.

    L’homme est toujours extérieurement le même, grande tige habillée d’un costume noir brillant sur une chemise blanche, sa masse de cheveux tout aussi noirs, rejetée en arrière dans le cou, il se déplace à grandes enjambées sur la scène, micro en main, avec quelques incursions au piano. Warren Ellis, son frère d’armes depuis si longtemps, est fidèle au poste, sur la droite de la scène, en costume et longue barbe grise, entre guitares et violon, jouant de ce dernier souvent dos au public mais avec flamboyance, jetant son archer en l’air pour finir ses morceaux. Musicien et compositeur il mène une vie artistique également en dehors des Bad Seeds mais retrouve toujours son complice avec bonheur pour les étapes de son parcours exceptionnel. Le reste du groupe assure avec retenue et efficacité le soutien à ce show dirigé par le fiévreux Nick Cave.

    La voix de l’artiste s’est embellie avec le temps, profonde, caverneuse, elle se pose magnifiquement sur ses textes exprimés dans un chanter-parler qui est devenu sa marque de fabrique. Sa musique s’est éthérée, ses textes devenus plus mystiques, c’est la transformation d’un artiste confronté au temps qui passe. Aujourd’hui Nick Cave se rapproche de son public comme jamais, dans une espèce de cathasis pour expurger ce terrible quotidien. Sur l’incroyable Higgs Boson Blues il raconte cette balade à travers Genève où s’entremêlent Robert Johnson et sa guitare à dix dollars (l’un des premiers créateurs-inspirateurs de ce qu’est devenu le blues), Lucifer, la femme aimée et le fameux boson de Higgs, cette particule élémentaire à l’existence théorique qui ne fut confirmée que récemment et serait à l’origine de l’Univers. Et lorsqu’il chante:

    If I die
    tonight, bury me

    In my favorite yellow patent leather shoes
    With a mummified
    cat and a cone-like hat

    That the caliphate forced on the Jews
    Can you feel my
    heartbeat?

    Can you feel my
    heartbeat?

    il se penche vers les premiers rangs, juste soutenu, par leurs mains tendues posées sur sa poitrine, sur son cœur…

    Jubilee Street marque un sommet du concert avec sa montée en puissance régénératrice et tellement rock : Warren démarre à la guitare sur des accords en glissando alors qu’il raconte l’histoire de Bee qui écrivait le nom de Nick sur toutes les pages de son cahier mais tout ceci s’est mal terminé sur Jubilee Street et la montée en tension de l’instrumentation porte à merveille le paroxisme du récit :

    I am alone now, I am beyond
    recriminations

    Curtains are shut, the furniture is gone
    I’m transforming, I’m
    vibrating, I’m glowing

    I’m flying, look at me
    I’m flying, look at me now.

    Et puis, bien sûr, vient le déchirant I Need You écrit pour son fils disparu, la seule chanson qui serait directement reliée au drame familial, les autres morceaux étant supposés avoir été écrits avant, même si parfois réadaptés au contexte. C’est l’instant ultime où le public porte l’artiste qui s’est assis pour cette interprétation douloureuse.

    Ce public qu’il fera monter sur scène sur Stagger Lee, deux cents personnes pour partager la musique du Maître. Ce public dont il parcourra les rangs, de gauche sur Weepong song, puis à droite sur le sublime final de Push the sky away nappé par un clavier obsédant, debout sur la barrière d’un gradin, soutenu par tous, porté par les nappes de claviers, il chante de sa voix de crooner triste :

    And some people say it’s just rock and roll
    Oh but it gets you right down to your soul
    You’ve gotta just keep on pushing
    Push the sky away…

    Evidemment il y a de la mise en scène dans tout ceci et les concerts de la tournée seront plus ou moins bâtis sur le même format, mais que peut faire de mieux un artiste de cette trempe que d’organiser sa rédemption avec un public qui le vénère dans les bons et les mauvais moments ? Alors ce soir, chacun a conscience d’avoir assisté à un concert unique par son élégance, poignant par son actualité et tout simplement beau et pur dans sa douleur retenue mais transcendée ! Entre messe noire et ode envoutante, Nick Cave & the Bad Seeds ont délivré sans aucun doute le show de l’année.

    Setlist : 1/ Anthrocene, 2/ Jesus Alone, 3/ Magneto, 4/ Higgs Boson Blues, 5/ From her to eternity, 6/ Tupelo, 7/ Jubilee Street, 8/ The ship song, 9/ Into my arms, 10/ Girl in amber, 11/ I need you, 12/ Red right hand, 13/ The mercy seat, 14/ Distant sky, 15/ Skeleton tree, 16/ The Weeping song, 17/ Stagger Lee, 18/ Push the sky away

  • Mort de Tom Petty

    Mort de Tom Petty

    Tom Petty (1950-2017) est mort aujourd’hui d’un arrêt cardiaque. Guitariste-auteur-compositeur américain originaire de Floride il a produit nombre de succès avec son groupe The Heartbreakers à l’époque punk puis en solo à la fin des années 80’. Son dernier disque Hypnotic Eye date de 2014.

    Entre Bob Dylan et Bruce Springsteen, sa musique est influencée par le Sud. Voie aigue et nasillarde, guitares brutes et rythmées, c’est un vrai musicien qui s’est bien sûr fait entourlouper par ses différents managers et associés (il a passé par mal de temps dans les tribunaux pour essayer de récupérer les droits sur ses compositions). A 66 ans, il nous quitte bien trop tôt.

  • Sigur Ros – 2017/09/29 – Paris le Grand Rex

    Le groupe islandais Sigur Ros a donné un concert ce soir au Grand Rex, en formation réduite à trois. Groupe pour le moins original et définitivement inclassable, il rencontre un succès d’estime et de curiosité devant cette musique intergalactique composée et jouée par des citoyens d’une ile-Etat, l’Islande, qui elle aussi suscite la perplexité, perdue dans les mers du grand Nord entre Groenland et Norvège, tiraillée entre le feu de volcans en éruption et la glace de cette région polaire. Leur musique est à cette image.

    Rappelons les bases de ce groupe d’avant-garde : Jónsi joue de la guitare avec un archet et chante d’une voix extrêmement haute et fluide, son bassiste joue parfois avec des baguettes de batterie, seul le batteur semble suivre les voies à peu près classiques de sa fonction. Les mots sont en islandais, en anglais ou dans une langue propre créée par le groupe, le « hopelandic » (langage de l’espoir), on est ainsi sur de perdre les spectateurs…

    Les perdre, oui, mais dans un monde merveilleux duquel ils ne veulent pas s’échapper. Un univers où tout converge vers une magie des sens. La voix exceptionnelle et l’instrumentation ne font qu’un, le son de l’ensemble suit d’étranges sinusoïdes tout en hauteur, dans les sommets de la gamme sonique. Le light show est en symbiose avec la musique, sombre et mystérieux, fait d’un ensemble de barres lumineuses qui s’entrecroisent dans l’espace et leurs clignotements. On dirait des clignotements d’étoiles au cœur du grand néant noir de l’espace.

    C’est un kaléidoscope de sensations qui nous plonge dans cette musique si originale, si pure et éthérée. On n’est pas sûr de vraiment comprendre toute cette complexité, ce n’est pas grave, laissons-nous bercer par nos sens et recevons cette offrande musicale venue d’un autre monde. C’est le miracle des Sigur Ros : des mots et des notes finalement accessibles à tous.

    Setlist :

    Set 1 : Á/ Ekki múkk/ Glósóli/ E-Bow/ Dauðalagið/ Fljótavík/ Niður/ Varða

    Set 2 : Óveður/ Sæglópur/ Ný batterí/ Vaka/ Festival/ Kveikur/ Popplagið a

  • No Filter

    La tournée européenne des Rolling Stones « No Filter Tour » a débuté à Hambourg et sera à Paris fin octobre.

  • Five Years

    Une belle reprise de « Fives Years » par les Cowboys Junkies

  • Anita Pallenberg, repose en paix !

    La belle nécrologie d’Anita Pallenberg par le compère Patrick Eudeline dans Rock & Folk, ici Anita Pallenberg.

    Elle fut l’une des nombreuses égéries des Rolling Stones, sans doute l’une des plus tenaces (elle eut trois enfants de Keith Richard dont elle fut la compagne pendant plus de vingt ans). Elle est partie et les Stones roulent toujours.

  • Festival de musique de chambre de Perros-Guirec

    Festival de musique de chambre de Perros-Guirec

    David Bismuth (piano), Pierre Génisson (clarinette) et Camille Thomas (violoncelle) ont joué ce soir au festival de musique de chambre de Perros-Guirec dans le cadre enchanteur du Palais des congrès dont l’immense baie vitrée donne sur le soleil se couchant sur la mer dans la baie de Trestraou. Les musiciens eux-mêmes se diront touchés par cette situation. Ils jouèrent avec la fougue de leur belle jeunesse et tout l’amour qu’ils portent à la musique des œuvres de Glinka, Poulenc, Schumann et Brahms.

    Trio pathétique en ré mineur pour clarinette, violoncelle et piano de Mikhail Glinka, Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc, Fantasiestücke pour violoncelle et piano op. 73, Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur op. 114.

  • Midnight Oil – 2017/07/25 – Paris l’Olympia

    Midnight Oil : le retour ! Le groupe australien s’est reformé et passe par l’Olympia pour la deuxième fois en ce mois de juillet. Leur nom leur aurait été inspiré par la chanson de Jimi Hendrix Burning of the Midnight Lamp. Auteur de quelques disques importants dans les années 80/90’ et notamment l’inoubliable Diesel & Dust, le groupe s’est aussi rendu célèbre par son engagement marqué en faveur de la défense de l’environnement et de la cause aborigène.

    Son leader et chanteur Peter Garrett se consacrera à la politique après une première dissolution du groupe en 2002. Il sera élu député, puis nommé ministre de l’environnement d’un gouvernement australien travailliste, le groupe se reformant occasionnellement pour servir ses causes : contre la guerre occidentale en Irak, pour soutenir les victimes du tsunami asiatique, des incendies ravageurs en Australie… avant de se reformer en 2016 pour une tournée mondiale The Great Circle 2017.

    Pas de nouveauté discographique, sinon un album solo de Garrett en 2016 ; mais ce soir le groupe est là pour jouer son Histoire et on adore. Peter, grand escogriffe à la taille de joueur de basket, le crâne glabre, vêtu d’une chemise aux dessins traditionnels aborigènes est entouré de sa bande de bucherons-musiciens que l’on dirait tout droit sortis d’une ferme du bush… Et la bande joue bon et fort. Dès l’ouverture sur Outside World le ton est donné et lorsque la batterie prend le pas sur les nappes de clavier à la fin de ce morceau crépusculaire, Garrett développe sa gestuelle si caractéristique, composée de mouvements de danse saccadés, ses bras fendant l’air comme une faux hystérique qui hache l’espace. Le groupe suit, accompagne et met en valeur sa voix un peu métallique.

    Le résultat : du bon rock, simpliste et lourd pourporter un message plus subtil ; c’est le rythme du bush et lorsque qu’ilssont lancés, rien ne peut les arrêter tel un road train dans la poussière de l’outback.Dans un bel ensemble ils envoient ce soir les tubes légendaires du groupe, chacunmarquant un de leurs combats : l’inanité de la course aux armements, lapréservation de l’environnement, la détérioration de la terre australienne parl’industrie minière, et bien sûr la condition des aborigènes avec le monument The Dead Heart écrit suite à une tournéeen pays aborigène avec un groupe de cette ethnie. Le clip officiel se déroulesur fond d’Ayers Rock, quoi d’autre pour représenter Midnight Oil et ses racines si profondément ancrées dans l’Histoireet la terre australiennes ?

    We carry in our hearts the truecountry
    And that cannot be stolen
    We follow in the steps of ourancestry
    And that cannot be broken

    We don’t need protection
    Don’t need your land
    Keep your promise on where we stand
    We will listen we’ll understand

    Mining companies, pastoral companies
    Uranium companies
    Collected companies
    Got more right than people

    Got more say than people
    Forty thousand years can make adifference to the state of things
    The deadheart lives here

    Les Midnight Oil déploient tout leur talent à l’aune d’une inspiration un peu naïve mais qui pourrait leur reprocher ? La personnalité de leur leader emporte l’enthousiasme des spectateurs qui réécoutent avec un plaisir non dissimulé la bande-son du rock australien des années 80’. Une soirée surchauffée !

    Setlist : Outside World/ Only the Strong/ Golden Age/ Brave Faces/ Put Down That Weapon/ Shakers and Movers/ Truganini/ Mountains of Burma/ Somebody’s Trying to Tell Me Something/ My Country/ US Forces/ Tin Legs and Tin Mines/ Kosciusko/ Feeding Frenzy/ In the Valley/ Power and the Passion/ The Dead Heart (Dedicated to Dr. Geoffrey Gurrumul Yunupingu, one of Australia’s most prominent musicians, who died)/ Beds Are Burning/ Blue Sky Mine/ Best of Both Worlds

    Encore : Nowor Never Land/ Concrete

    Encore 2 : Forgotten Years

  • Feist – 2017/07/19 – Paris l’Olympia

    Feist présente son nouvel album Pleasure à l’Olympia. L’artiste canadienne anglophone se produit avec trois musiciens. Ensemble ils nous délivrent un folk électrifié plein de subtilité et d’originalité.

    Leslie (de son prénom Leslie Feist) est vêtue d’une robe mauveà l’unisson de la couverture de Pleasure surlaquelle on voit un mur de bougainvilliers avec une porte fermée à son pied danslaquelle s’emplafonne une mystérieuse jeune femme trop pressée…

    Canadienne francophile, elle a enregistré plusieurs disques en France, elle est assurée de remplir les salles de l’hexagone, elle joue de la guitare et chante merveilleusement. Sensible et délurée, souriante et charmeuse, c’est une artiste assumée qui réjouit une assistance conquise d’autant qu’elle ponctue ses chansons de tentatives de commentaires en français.

    Son chant est fluide et doux, parfois renforcé par la guitare électrique, mais le plus souvent porté par la guitare acoustique. Ses mots nous bercent sur la vie telle qu’elle est avec ses bons et mauvais moments, les rêves comme les amours perdus, mais aussi la joie : It’s my pleasure/ And your pleasure/ That’s the same/ That’s what we’re here for!…

    Et comme tout se termine par son éclatant sourire on se sent solidaires de cette nostalgie rythmée.

    Setlist : Pleasure/ I Wish I Didn’t Miss You/ Get Not High, Get Not Low/ Lost Dreams/ Any Party/ A Man Is Not His Song/ The Wind/ Century/ Baby Be Simple/ I’m Not Running Away/ Young Up/ A Commotion/ My Moon My Man/ Sea Lion Woman ([traditional] cover)/ Caught a Long Wind/ The Bad in Each Other/ I Feel It All/ Let It Die/

    Encore : Mushaboom/ 1234

  • Lady Sir – 2017/06/30 – Paris Philharmonie II

    Gaëtan Roussel et Rachida Brakni ont créé Lady Sir qui ouvre ce soir l’édition 2017 du festival Days Off à la Philharmonie de Paris avec trois musiciens en renfort. Un concert plein de douceur et de poésie par cette alliance inattendue entre un musicien d’exception et une actrice de rencontre.

    On ne présente plus Gaëtan, fondateur et leader de Louise Attaque puis de Tarmac, compositeur prolifique il participe à nombre de projets dans le rock français dont le dernier disque de Bashung, écrit des musiques de film, sort des disques solo de qualité, reçoit des prix, etc. Il est un personnage important de la musique française.

    Rachida, d’origine algérienne, est une ancienne pensionnaire de la comédie française qui a joué dans de nombreux films et pièces, elle a mis en scène un film. Elle est aussi connue pour avoir épousé un ancien joueur de football (Eric Cantona). Tous les deux ils se sont mis à écrire des chansons qui ont été mises en musique en 2012 par Cali. En 2017 c’est la rencontre avec Roussel dont sort un excellent disque Accidentally Yours et une tournée.
    L’écriture des chansons est partagée entre Rachida, Gaëtan et Cantona, la musique est écrite par l’ex-Louise Attaque. De jolies vidéos circulent déjà largement pour faire la promotion de l’album ; on a envie !

    Sur scène l’évidente complicité musicale du duo est soutenue par un excellent guitariste solo, un claviériste et un batteur. Rachida est vêtue de noir et d’un blouson blanc sans manche que l’on dirait confectionné en plumes d’oiseau, Gaëtan est en costume et chemise noirs, le guitariste passera tout le show sous son petit chapeau. Ils démarrent sur Je rêve d’ailleurs après une intro sifflotée par un personnage apparaissant à cette occasion et s’avèrera être Cantona.

    Le résultat est probant et vraiment touchant. C’est un duo au sens propre du terme, jouant de ses deux voix qui se superposent et se complètent, celle, grave de Gaëtan avec celle, aérienne, de Rachida. Le chant est délicatement accompagné par la guitare acoustique dont Gaëtan joue avec toujours autant de brio, renforcé par l’électricité du guitariste solo.

    Rachida est très bavarde, on la sent émerveillée de cette expérience musicale, comme une enfant devant ses cadeaux de Noël. Elle nous raconte son émotion lorsqu’après avoir adressé le texte de la chanson Des petits bouts à Roussel, elle en reçut la mise en musique quelques jours plus tard. Elle nous explique le moment où il a été décidé d’arrêter de cacher l’écriture de textes par Cantona sous un pseudo. Mais surtout elle interprète avec une grande délicatesse ces chansons douces.

    Les harmonies sont mélancoliques mais les musiciens heureux. Les mots sont en français, en anglais ou en arabe, sur le temps qui passe, l’absence, l’amour, l’union entre les Hommes… C’est délicieusement nostalgique et doux comme du velours. Une jolie révélation pour un été qui commence.

    Lors d’un passage similaire du cinéma à la chanson, on avait vu Emmanuelle Seigner chanter en 2007 le temps d’un disque avec le groupe français Ultra Orange. L’attrait de la scène rock sur ces actrices a été plutôt productif.

    Warmup : Calypso Valois (fille d’Elie et Jacno)

  • The Pretenders – 2017/06/26 – Paris Salle Pleyel

    Chrissie Hynde, 65 ans, héroïne de la scène punk de la fin des 70’ avec son groupe The Pretenders repart sur la route après la sortie d’un nouveau disque : Alone. L’américaine, chanteuse et guitariste, exilée à Londres en provenance de l’Ohio y créa son groupe phare en 1978 après quelques années de galère et d’expériences musicales rapidement avortées. Elle s’imprègne alors de la rénovation punk qui fait flamber le rock, a une liaison en 1977 avec Paul Simonon, bassiste du Clash, puis avec son propre bassiste avant qu’il ne meure d’une overdose. Elle survit à l’hécatombe que fait subir la drogue sur ce petit monde et son groupe en particulier. Elle fait un enfant avec Ray Davies (des Kinks) en 1983, se marie avec Jim Kerr, chanteur et leader des Simple Minds, dont elle divorce en 1989. Ce soir, apaisée mais toujours en Santiags et guitare elle se plaint que la radio française FIP ne passe pas sa musique… Bref, elle est toujours l’icône de l’émeute musicale.

    Elle écrit et délivre quelques hymnes new-wave de l’époque : Brass in pocket, I go to sleep, Middle of the road, Thin Line Between Love and Hate… Avec sa frange et ses yeux bleus ravageurs, elle tient sa guitare comme un étendard, chante d’une voix forte au vibrato caractéristique et fait fantasmer une génération de jeunes gens en mal d’idéaux. Elle a continué à animer son groupe, remplaçant les perdants et les perdus, composant et produisant des disques et des tournées. Avec Alone le groupe passe par Paris ce soir. Moulée dans un jean taille-basse et un t-shirt siglé « Elvis », elle se présente à nous comme nous l’avions laissée au concert de la Mutualité il y a vingt ans : nerveuse, rockeuse, accrochée à sa guitare et son micro avec la foi en sa musique rivée au corps. Son groupe est sec et efficace avec Martin Chambers, l’historique de la bande, et un excellent guitariste, James Walbourne. De vrais rockers qui ont du cœur et nous délivrent une soirée musclée.

    Nos cœurs chavirent quand de sa voix puissante Chrissie entame Nigh in my Veins, I’ll Stand by you ou Brass in Pocket, références à la période post-punk durant laquelle cette artiste s’est épanouie en nous réjouissant. Les nouvelles compositions sont du même moule, ils joueront une grande partie d’Alone : des guitares et une voix irremplaçable, bref, du rock brut et bon.

    Allez, Chrissie n’est pas si seule, elle vient de publier ses mémoires en 2016 sous le titre Reckless (Téméraire) et gageons que ceux dont elle fut l’idole rock resteront avec elle pour toujours, chantant avec elle : I’ll stand by you, won’t let nobody hurt you,/ I’ll stand by you, baby even to your darkest hour,/ And I’ll never desert you/ I’ll stand by you…

    Setlist : Alone/ Gotta Wait/ Message of Love/ Don’t Get Me Wrong/ Kid/ Hymn to Her/ Down the Wrong Way (Chrissie Hynde song)/ Night in My Veins/ Stop Your Sobbing (The Kinks cover)/ I Go to Sleep (The Kinks cover)/ Boots of Chinese Plastic/ I Hate Myself/ Back on the Chain Gang/ Let’s Get Lost/ Brass in Pocket/ I’ll Stand by You/ Mystery Achievement
    Encore : Death Is Not Enough/ Thumbelina/ The Wait/ Middle of the Road

  • Bryan Ferry – 2017/06/23 – Paris l’Olympia


    Un concert de Bryan Ferry à l’Olympia, en passant ; pas de nouveau disque, pas d’évènement particulier à fêter, les pisses-froid le qualifieront d’alimentaire. Les admirateurs n’ont pas boudé leur plaisir d’une soirée avec l’ex-Roxy Music. Une setlist classique extraite de son volumineux catalogue. Un artiste un peu moins habité que lors de la tournée Avonmore de 2014, un chanteur à la voix plus hésitante, une audience qui a pris encore trois ans depuis la dernière tournée. Costume sombre et détendu sur chemise blanche, Ferry est entouré d’un groupe plus ou moins habituel avec le duo féminin sax et cordes d’un côté, deux choristes de l’autre, Chris Spedding à la guitare doublé d’un acolyte, bass-clavier-batterie pour finir. Tout ce petit monde est un peu usé sous le harnais des tournées et des studios mais leur professionnalisme met parfaitement en valeur les mots et la musique du Maître.

    Et c’est toujours un bonheur sans limite d’entendre à nouveau les titres flamboyants de Roxy Music même avec un peu moins de la folie glamour qui caractérisant ce groupe de légende et encore une émotion irrépressible à l’écoute des classiques de Ferry en solo lorsque son trémolo fait fondre les cœurs sur Windswept : Oh, baby, do it again and again/ I can hear nothing/ Windswept is the sand/ Oh, baby, oh show me more/ I can see nothing/ Windswept is the shore/ Heatwave to nightshade/ Oh I’m feeling swept away…

    Ferry réinterprète aussi ce soir le magnifique Where or When tiré de son disque de reprises bues et jazz de l’an 2000. L’homme rend hommage régulièrement à ses inspirateurs et a sorti quelques disques consacré à ceux qu’il a aimés. Ce morceau est sublime.

    Il nous offre pour terminer ce concert sans rappel cette toujours sublime interprétation du Jealous Guy de Lennon avec son final en sifflement qu’il fallait oser et qui marqua l’apogée du Ferry romantique. On se pince, on se souvient, on se retrouve…

    Une excellente soirée marquée par l’éternelle élégance de ce créateur de plus de 70 ans. Un sourire un peu forcé et un dernier salut la main enroulée au bout de son bras tendu bien au-dessus de la tête ; on se pince, on se souvient, on se retrouve… Un concert nostalgie !

    Warmup : Judith Owen

    Setlist : The Main Thing (Roxy Music song)/ Slave to Love / Ladytron (Roxy Music song)/ Out of the Blue (Roxy Music song)/ Where or When (Rodgers & Hart cover)/ Simple Twist of Fate (Bob Dylan cover)/ A Waste Land/ Windswept/ Bête Noire/ Zamba/ Stronger Through the Years (Roxy Music song)/ Like a Hurricane (Neil Young cover)/ Tara (Roxy Music song)/ Re-make / Re-model (Roxy Music song)/ In Every Dream Home a Heartache (Roxy Music song)/ If There Is Something (Roxy Music song)/ More Than This (Roxy Music song)/ Avalon (Roxy Music song)/ Love Is the Drug (Roxy Music song)/ Virginia Plain (Roxy Music song)/ Let’s Stick Together (Wilbert Harrison cover)/ Do the Strand (Roxy Music song)/ Jealous Guy (John Lennon cover)

    Lire aussi :

  • SMITH Patti, ‘M Train’.

    Sortie : 2016, Chez : Gallimard.

    Patti Smith poursuit et nous fait partager ses pérégrinations littéraires avec ce nouvel ouvrage dont les chapitres sont autant de pages de son journal tenu dans ses années sexagénaires (on fête ses 66 ans au milieu du livre). Tenue par un besoin d’écriture compulsif elle noircit un carnet moleskine au hasard des voyages intérieurs comme ceux à travers la planète. « Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien » note-t-elle en nous faisant découvrir sa vie new-yorkaise avec ses chats à nourrir, sa petite bicoque à Rockaway Beach, sa bibliothèque chérie où cohabitent tous ses héros, ses doutes des petits matins au Café ‘Ino où elle eut ses habitudes avant sa fermeture.

    Evidemment plane tout au long de cette introspection le souvenir des êtres aimés : Fred « Sonic » Smith, le père de ses deux enfants, guitariste de MC5 décédé en 1994, ses parents à qui elle dédit tous les matins une prière de remerciement pour lui avoir donné la vie, Sylvia Path, poétesse britannique chantre du féminisme, décédée violement, et tous les poètes qu’elle vénère depuis son adolescence. Il y a beaucoup d’étapes dans les cimetières, ponctuées de photos polaroïd, Patti est à l’âge, hélas, où l’on fréquente trop ces lieux. L’âme de tous ces êtres chers imprègne les pages de ce livre touchant : « Avec le temps, il arrive souvent que nous ne fassions plus qu’un avec ceux que nous ne parvenions pas à comprendre. »

    Tout au long de son parcours artistique Patti a porté un regard poétique et littéraire sur le monde qui l’entoure, des vers du combat punk de « Horses » à cet ouvrage tout en délicatesse en passant par l’hommage bouleversant à Mapplethorpe dans « Just Kids » et quelques uns des disques marquants de l’histoire du Rock ‘n Roll. Ce livre est la poursuite de ce chemin, un peu crépusculaire mais plein d’espoir devant la force de l’art et de la culture pour sortir du chaos.

    Elle conclut son « M Train » par un souhait : « Tous les écrivains sont des clochards… Puissé-je un jour être comptée parmi vous. » On peut gager que l’Histoire répondra positivement à ce rêve.

  • SMITH Patti, ‘Glaneurs de rêves’.

    Sortie : 1992, Chez : Gallimard.

    Patti Smith a écrit ce petit livre dédié à son père, plein de poésie et de rêve comme un regard sur le temps qui passe et la vie qui coule. Parsemées de photos de famille et de souvenirs d’enfance, ces pages révèlent la simplicité de son auteur pour décrire ces moments fugaces qui restent en mémoire comme des évènements fondateurs de ce que l’on est devenu. Un dessin, un bijou, le vent dans les arbres, tout est sujet à une mélancolique introspection, parfois au mysticisme. Patti ponctue ses pensées de quelques poèmes de sa composition dénotant toute la sensibilité de cette artiste américaine qui sait autant déchaîner la fureur sur la scène rock que la douceur dans ces lignes émouvantes.