Sortie : 2021, Chez : Editions Gallimard, collection Hoëbeke.
Pascal Bouaziz, musicien, auteur-compositeur, poète, est un inconditionnel de Leonard Cohen dont il connait la vie et l’œuvre sur le bout des doigts. Il choisit dans ce livre de revenir sur dix caractères de cet artiste éternel : l’éternel étranger, le séducteur, le juif errant, le déprimé, etc. Ce n’est pas une biographie mais une plongée dans la personnalité de cet étrange créateur illustrée de magnifiques photos de Leonard.
L’écriture est sensible, les mots sont documentés, les petites histoires racontées sont souvent déjà des classiques, mais qu’importe, on aime bien les relire. Mais surtout, Bouazic rentre dans les textes des chansons-poèmes de Cohen ce que, par paresse, le spectateur non anglophone ne fait pas assez, et les restitue dans le contexte de la vie de l’artiste.
Un très joli livre pour nous rappeler combien Leonard Cohen fut un artiste important de son époque et combien ses mots peuvent continuer à nous inspirer.
On peut écouter l’excellente émission de Michka Assayas sur France-Inter : neuf épisodes sur l’œuvre de l’artiste britannique qui a marqué son époque. Michka est le nouveau Bernard Lenoir chroniquant le rock sur les radios publiques, largement à la hauteur de son prédécesseur. Il fait preuve d’une immense culture rock qu’il partage avec bonhommie.
Le guitariste et chanteur-compositeur américain Tom Verlaine est mort hier à 73 ans (1949-2023). C’est l’un derniers représentants du rock underground américain qui s’échappe ainsi. Il a fondé le groupe éphémère Television en 1973 avec Richard Hell. Leur célèbre disque Marquee Moon, comme le premier disque du Velvet Underground (celui avec la banane) a été peu vendu en son temps mais a été écouté par tout ce qui comptait de la scène new-yorkaise de cette époque. Verlaine a influencé nombre de musiciens de l’époque et a continué une carrière solo discrète. Son nom de scène était un hommage au poète français.
Il joue sur Horses (1975) et Gone Again (1996) de Patti Smith qui doit désormais se sentir bien seule… C’est le crépuscule d’une époque musicale, ils sont tous en train de partir.
Après le récent décès de Jeff Beck, c’est un autre géant de la guitare qui vient de s’éteindre. L’américain David Crosby (1941-2023) est mort ce 19 janvier à 81 ans. Il fut un compositeur-chanteur-guitariste de légende à travers les groupes The Byrds et CSN&Y ([David] Crosby, [Stephen] Still, [Graham] Nash & [Neil] Young), et une très riche carrière solo.
Issu du mouvement hippy il participe à son évolution psychédélique en fréquentant et collaborant avec tous les groupes californiens des années 1960-1970 : Jefferson Airplane, The Grateful Dead… Folkeux électrifié et électrisant, spécialiste des harmonies vocales-polyphoniques et des accordages étranges de guitare, mixant rock, folk, jazz dans une inspiration toujours bouillonnante, c’est un immense musicien de plus qui a rejoint le paradis des rockers. Sa survie jusqu’à 81 ans relève du miracle tant il d’adonna à toutes les addictions les plus dures de son époque. Malgré une vie sens dessus-dessous, un caractère affirmé qui le fit se fâcher avec la plupart de ses coreligionnaires, et tout spécialement ceux avec qui il composa ses plus belles mélodies, il publiait encore sa musique en 2021, ForFree.
En 2016 il créait le groupe The Ligthouse Band avec de jeunes et talentueux musiciens dont deux merveilleuses choristes avec lesquelles il poursuivait ses polyphonies si caractéristiques et déclarait : « I felt that I didn’t have any choice but to leave that band that I’m absolutely glad I did. ». Un disque live était encore produit l’an passé.
Le musicien britannique Jeff Beck (1944-2023) est mort ce 10 janvier. Guitariste de génie, il a joué dans les Yardbirds, notamment avec Jimmy Page pendant une courte période, avec Rod Stewart et Ron Wood dans le Jeff Beck Group. Il est invité par David Bowie sur la tournée de Ziggy Stardust, on le voit notamment sur Jean Genie dans le documentaire récent Mooage Daydream. Et il joue avec une multitude d’autres musiciens, Eric Clapton notamment. Dans sa carrière solo il se laisse aller vers le jazz-rock, style dans lequel il compose des morceaux étonnants.
Virtuose, il était aussi techno et a travaillé le son sa vie durant, sur ses guitares traditionnellement d’un blanc immaculé. Il tournait encore récemment et est passé à l’Olympia en 2018.
L’information est passée plutôt inaperçue en cette fin d’année 2022 mais Jet Black (Brian John Duffy de son vrai nom), le batteur des Stranglers est mort le 6 décembre, à 84 ans. Il a été un peu le père fondateur de ce groupe post-punk dans les années 1970, le plus âgé de la bande et sans doute le plus musicien aussi. Féru de jazz il a adapté son jeu à la musique plus rock du groupe.
En proie à de l’asthme depuis son enfance il ne tournait plus avec les Stranglers depuis 2012 mais, semble-t-il restait musicalement un membre actif du groupe, notamment sur les enregistrements studio. Après la mort du claviériste Dave Greenfield suite d’une Covid, le bassiste Jean-Jacques Burnel est le dernier historique du groupe, Hugh Cornwell ayant quitté la bande en 1990 pour poursuivre une carrière solo.
Mais les Stranglers produisent toujours de la musique : ils seront à l’Olympia en mars prochain et leur dernier disque est sorti en 2022 et s’appelle « Dark Matters », on ne saurait mieux dire !
Vivienne Westwood (1941-2022) est morte en décembre dernier. Styliste iconoclaste elle fut l’égérie du mouvement punk dans les années 1970. Compagne de Malcom McLaren, le sulfureux manager des Sex Pistols elle a « habillé » les membres de ce groupe phare provocateur de l’époque. Sa boutique « Sex » sur King’s Road à Londres servait de quartier général aux punks naissants. Chrissie Hynde (The Pretenders) ou Glen Matlock (premier bassiste des Sex Pitols) y étaient vendeurs. Il se dit que McLaren fit passer leur première audition à Johnny Rotten et Sid Vicious du Sex Pistols dans le magasin. Les « créations » vestimentaires de Westwood ne sont pas d’un goût particulièrement subtil comme les fameux T-shirts déchirés ornés de croix gammées ou de représentations de Karl Marx, du cuir, des zip… C’était le style punk.
Les Sex Pistols et Vivienne se sont promus les uns les autres. Les premiers connurent une carrière éphémère mais leur influence fut décisive pour les décennies suivantes. La seconde a duré à coups de provocations et présentait encore des collections à la veille de son décès à 81 ans.
Elle avait rebaptisé sa première boutique : Too Fast to Live, Too Young to Die, mais tout à une fin !
La Cité de la Musique consacre une exposition au musicien nigérian, d’ethnie yoruba, Fela-Kuti (1938-1997). Fils d’une militante des droits de la femme à une époque où l’Afrique n’était pas vraiment éveillée au féminisme, et d’un pasteur, il se forme à la musique à Londres et éveille sa conscience politique au contact des militants des droits civiques aux Etats-Unis. Il revient au pays armé de ce double cursus pour y mener son combat politique contre une dictature galonnée qui ne lui fait pas de cadeaux. Ses concerts sont des messes qui durent des heures dans un chaos organisé où il s’affuble de costumes sophistiqués et bariolés au milieu de nombreux musiciens et danseuses. Il chante, joue du saxophone et dirige sa bande en fumant sans cesse des joints XXL. Sa maison et son club à Lagos sont des colonies où se retrouve toute une faune d’artistes, de militants, de pique-assiettes et où l’armée nigériane aime venir faire des descentes plutôt violentes.
Les slips de Fela…
L’exposition détaille l’environnement créé par ce personnage un peu ubuesque avec photos, coupures de presse, vidéos d’interviews, références à ses guides (Kwame Nkrumah, Sandra Izsadore, Malcom X…), ses costumes flamboyants, les slips multicolores dans lesquels il aimait parader au milieu des siens, les messages politiques qu’il assénait avec pas de mal de simplisme. Il a créé des mouvements politiques aussi fumeux qu’éphémères : Movement of the People (MOP), Young African Pionneers (YOP). De ses révoltes il n’est d’ailleurs pas resté grand-chose tant le Nigeria demeure un pays hors de contrôle et la pensée politique de Fela étaient idéaliste et peu structurée. On dirait aujourd’hui qu’il était un homme « déconstruit » …
Mais Fela était avant tout un musicien et c’est dans ce domaine qu’il s’est le mieux exprimé en créant le mouvement « afrobeat », sorte de mix entre jazz et musique africaine, aux rythmes hallucinés marqués des cuivres et des percussions. C’est encore par ce média que l’artiste nigérian a été le plus performant. La Cité de la Musique offre aux visiteurs de longs extraits des incroyables concerts que dirigeait ce joyeux trublion.
Terry Hall, le chanteur blanc leader du groupe multicolore de ska The Specials est mort ce 18 décembre. La musique militante de ce groupe a marqué l’Angleterre post-punk des années 1980. Ces artistes ont mixé des influences musicales reggae, ska et new-wave pour donner une musique riche et dansante partagée avec d’autres groupes comme Madness, The Beat, UB40, Dexys Midnight Runners. Les Specials, habillés mods, étaient sans doute un plus engagés que les autres en faveur des droits sociaux et contre le racisme dans un pays secoué par la politique dure menée par Mme. Thatcher à la tête d’un gouvernement conservateur.
Le groupe s’était reformé ponctuellement en 2014 pour une tournée de concerts dont un à Paris, bien sûr.
Christine McVie est décédée à 79 ans ce 30 novembre. Elle fut chanteuse et claviériste du groupe Fleetwood Mac et épouse de John McVie le bassiste historique du groupe britannico-américain. Créé en 1967 le groupe a rencontré un franc succès avec Rumours, sorti en 1977 et vendu à 40 millions d’exemplaire. Avec Stevie Nicks, américaine, elle formait le duo blond de charme épaulant une solide équipe de guitaristes masculins dans cette musique blues-rock, à la fois percutante et parfois romantique.
Aujourd’hui sort le dernier livre de Patti Smith : « A Book of Days ». C’est aussi l’anniversaire de son chat Cairo. Miranda Sawyer du journal The Guardian interview l’artiste (75 ans, née en 1946) en direct sur le site web du grand quotidien britannique. Pour une somme modique les fans peuvent se connecter pour découvrir Patti dans sa chambre raconter ce livre et d’autres petites choses.
A revoir sur :
Photographe depuis toujours, elle a profité du confinement pour se replonger dans ses nombreux cartons de tirages et en rassembler une sélection pour cet ouvrage. D’abord prises au Polaroid à soufflet (Land 250) elle est passée au smartphone lorsqu’il n’y eut plus de production de pellicule par le fabricant, ce qui est aussi bien pour la planète conclut-elle. Il y a beaucoup de photos des artistes qui l’ont inspirée, de sa famille, de sa fille Jesse (pianiste-chanteuse [qui accompagne parfois sa mère], activiste pro-environnement engagée, « People Have the Power »), de tous ceux qu’elle aime et a aimés. Mais cela fait beaucoup de morts constate-t-elle, et comme il est important de se souvenir de toutes ces rencontres décisives.
William Burroughs, Albertine Sarrazin dont il faut lire le roman « Astragal » à la réédition duquel Patti Smith a participé, Fred « Sonic » Smith (le père de ses deux enfant, guitariste du MC5, décédé dans la fleur de l’âge et du talent), Jean Genet, Sam Shepard, Rimbaud, bien sûr, dont elle a racheté à Charleville-Mézières le terrain sur lequel était construite la maison familiale dans laquelle il a écrit « Une saison en enfer » et où il mourut. Une autre maison a été reconstruite à l’emplacement de l’ancienne, ce n’est donc pas l’originale mais elle est faîte du même matériau. Elle essaye d’en faire une résidence pour écrivains lors de discussion en cours avec les pouvoirs publics français.
Elle raconte sa première « rencontre » avec Rimbaud, c’était à Philadelphie, elle avait seize ans et est tombé amoureuse devant la photo du poète, dont elle n’avait jamais entendu parler, dans une vitrine. Elle a aussitôt acheté sa poésie, tout lu, pas tout compris mais perçu l’importance de cette poésie qui allait devenir son phare tout au long de sa carrière.
Elle a repris ses voyages après la levée du confinement, ses pauses dans les cafés pour lire ou écrire au milieu de l’agitation canalisée du monde : « Café-life is romantic ».
Elle divulgue avec beaucoup de bienveillance quelques conseils pour les jeunes artistes : « work hard and believe in you ». Bien sûr le milieu artistique a changé depuis ses 20 ans, mais les basiques et l’exigence de la vocation restent les mêmes.
Et alors qu’il lui est demandé ce qu’elle regrette de n’avoir pas pu faire, elle aurait voulu prendre des photos en Algérie ou alors oublier son appareil et simplement regarder autour d’elle : « just be, take a little breath and just live »
Son chat dort sur le lit derrière elle. Elle se lève pour le prendre dans ses bras et chercher un poème de Nerval afin de finir l’interview. Elle revient avec le chat et la journaliste a trouvé le poème qu’elle lit en anglais. En voici la version originale en français :
Le point noir (Gérard de Nerval, Odelettes)
Quiconque a regardé le soleil fixement Croit voir devant ses yeux voler obstinément Autour de lui, dans l’air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux, Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux : Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil, Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon œil, Je la vois se poser aussi, la tache noire !
Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur ! Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur ! Contemple impunément le Soleil et la Gloire.
Patti interprète ce point noir, cette « tache livide », comme une métaphore de la charge (burden share), la peine (?), portée par l’artiste et de conclure :
Be honest. Go forward!
Patti Smith porte ses yeux et son cœur sur le monde qui change et qu’elle essaye de façonner avec obstination sous un jour meilleur. Ses enfants, ses lecteurs, ses spectateurs, suspendus à ses mots, se demandent maintenant ce qu’il adviendra après elle. Peut-être vont-ils devoir prendre sa relève ?
Patti Smith a 75 ans (Cairo en a 21), une grande dame !
Hans Abrahamsen (1952) « Vers le silence » (2020-2021)
Maurice Ravel (1875-1937) « Concerto pour la main gauche en Ré majeur » (1929-1930), Pierre-Laurent Aimard piano
Florent Schmitt (1870-1958), « Suite ‘La tragédie de Salomé’, op. 50 »
Un concert en matinée (14h15) dans cette magnifique salle classique du Concertgebouw d’Amsterdam, avec au programme des œuvres du XXème siècle dont le « Concerto pour la main gauche » de Ravel joué au piano par le pianiste français Pierre-Laurent Aimard tourné vers la musique contemporaine, il fut notamment pianiste soliste de l’Ensemble intercontemporain de Pierre Boulez et interprète de nombreuses œuvres modernes de Messiaen, Stockhausen, Ligeti etc. Il joue ici avec brio et effets de manche ce concerto si sombre de Ravel, composé pour le pianiste autrichien Paul Wittgenstein (1887-1961) amputé du bras droit à la suite de la première guerre mondiale.
Cette œuvre originale est non seulement admirable pour la technicité de la partie de piano exigeant une incroyable virtuosité du soliste, mais surtout pour l’atmosphère dramatique de la musique, alternant la force parfois mélancolique du piano avec l’emportement tragique de l’orchestre. Il y va de la violence de la guerre et de la solitude angoissée du combattant. Un concerto sublime !
« Tosca », le polar de Puccini, est présenté à l’Opéra Bastille dans une mise en scène simple et bien pensée. Un peintre amoureux d’une diva (Tosca) est en lutte pour l’indépendance de l’Italie mais il se heurte à l’oppression représentée par un policier malfaisant et des religieux bornés. Finalement tout le monde meurt, l’amour n’a pas réussi à vaincre la répression ! « Amour, gloire et beauté », c’est une histoire éternelle tirée ici d’une pièce de Victorien Sardou transformée en opéra par Puccini en 1900.
La musique est majestueuse, les chanteurs talentueux, y compris le chœur des enfants de l’Opéra Bastille sur le final du premier acte. Un opéra classique et sans surprise, d’ailleurs cette session en matinée (14h30) est fréquentée par de nombreux enfants qui viennent s’initier en famille à l’art de l’opéra.
Un merveilleux documentaire sur Leonard Cohen (1934-2016), immense poète-musicien canadien qui a illuminé la vie et l’âme de plusieurs générations. Le film est construit autour du parcours chaotique de son immense tube « Hallelujah », dont l’écriture lui prit sept années. Outre l’histoire de cette œuvre et de ses multiples reprises, c’est surtout l’occasion de revoir et réécouter cet artiste exceptionnel. Sa simple voix parlée, grave et rocailleuse, est émouvante, ses interrogations mystiques sont vertigineuses, son humour à froid et souriant est désarmant, sa modestie (parfois un peu forcée, mais toujours dans l’ironie) est touchante. Mais surtout, son parcours de la poésie au bouddhisme, de la musique à ses réflexions sur le sens de notre passage sur terre, en passant par sa relation à la Torah et, bien sûr, les femmes de sa vie dont la fréquentation l’a tant aidé dans son écriture et sa créativité, le documentaire survole cet homme simple auteur d’une œuvre de légende consignée dans une multitude de carnets noircis de ses poèmes et de ses réflexions sur lesquels il revient toujours, fruit de l’intense travail d’une vie de 82 années, si riche et prolifique.
A « L’Escurial » dans le XIIIème arrondissement qui présente ce documentaire en avant-première, Barbara Carlotti interprète « Hallelujah » avec un guitariste en introduction du film. C’est respectueux et bien mené.
Présenté au festival de Cannes 2022, le documentaire de Brett Morgan retrace les grandes étapes de la carrière de l’artiste britannique David Bowie avec force archives dont la vision fait frémir de bonheur les amateurs de cet immense musicien. Le parti-pris cinématographique est celui d’une bande son composée exclusivement de la voix de Bowie, parlée, lorsqu’il narre ses pensées et ses transformations, ou chantée sur les images de concert.
Evidemment nous sommes dans un film grand public qui se prête assez peu à la philosophie alors certains concepts bowiens sont assénés de façon un peu fumeuse et absconse, ils sont d’ailleurs souvent illustrés à l’écran par des images crypto-psychédéliques style kaléidoscope. Bowie explique que les différents personnages qu’il a incarné au long de sa carrière étaient là pour cacher sa vraie personnalité qu’il n’osait pas dévoiler. Il ajoute que c’est probablement lors de la tournée Outside au mitan des années 1990 qu’il s’est senti le plus vrai mais que ce qu’il lui a toujours importé est de vivre le moment présent, délaissant les névroses du passé et les utopies du futur ; « keep walking!. Dont acte, mais peut-être était-ce aussi un personnage qui devisait sur tout cela…
La vraie valeur de ce documentaire réside évidemment dans les extraits des tournées qu’il a menées à travers la planète au fur et à mesure de l’élaboration de son œuvre, de Ziggy Stardust and the Spiders from Mars à Heroes, de Let’s Dance à Outside… Il s’agit souvent de films inédits mis à disposition du réalisateur directement par les gestionnaires des archives personnelles de Bowie. La dernière tournée Reality est ignorée. Ce n’était pas la plus percutante.
La première partie du film est largement centrée sur les deux personnages fondateurs de sa carrière : Ziggy Stardust et Aladdin Sane. Ils en valent la peine tant cette époque fut flamboyante et iconoclaste dans le monde du rock post-hippie et pré-punk du début des années 1970. Sur un long extrait de cette époque (Jean Genie – 1972) on voit même Jeff Beck épauler Mick Ronson le guitariste historique des Spiders from Mars. Avec son glam-rock original Bowie a secoué le milieu musical britannique et mondial avec une incroyable créativité qui l’a révolutionné pour toujours, d’autant plus que ce n’était qu’un début pour lui.
Interrogée sur l’artiste, une jeune fan déclare :
J‘étais dans l’espace, Il était aux commandes.
Ceux qui ont assisté à la tournée Heroes de 1978 retrouvent avec émotion le glaçant morceau d’ouverture Warzawa dans lequel Bowie joue de l’orgue debout, sous la direction de son guitariste Carlos Alomar qui tient la baguette, dos au public ; la version de la chanson Heroes est également extraite de cette tournée avec le virtuose Adrien Belew qui fait hurler sa guitare sur le légendaire solo de cette composition. Ces deux archives méritent à elles-seules d’aller visionner ce documentaire. Pour ceux qui en douteraient, une terrifiante version de Hallo Spaceboy reprise de la tournée Outside (qui passa par Paris en 1996) avec Reeves Gabrels à la guitare solo, achèvera de les convaincre qu’ils n’ont pas perdu leur temps. Outside est présenté comme le retour aux choses sérieuses après les légèretés de la période Let’s Dance sur laquelle Bowie questionne : pourquoi ne pas donner aux gens ce qu’ils aiment ?
Le film se termine sur Blackstar, son dernier disque paru deux jours avant sa mort :
In the villa of Ormen[1], in the villa of Ormen Stands a solitary candle, ah-ah, ah-ah In the centre of it all, in the centre of it all Your eyes Blakstar
Puis les images s’effacent sur une version live de la chanson The Sun Machine is Coming Down (1970) reprise en chœur et sur laquelle sont greffés les hurlements de guitare d’Adrian Belew sur la légendaire intro de Station to Station lors de la tournée Stage (1977-78).
Tony Visconti, le producteur historique des plus beaux disques, a également produit la remarquable partie musicale du film. C’est un régal pour le vieux fan qui revit ainsi les grands moments musicaux de sa vie. Il ne faut surtout pas se priver de voir et revoir ce film.
[1] La « villa of Ormen » fait sans doute référence au village norvégien éponyme, Ormen signifiant « serpent », peut-être la métaphore d’un monde maléfique qui était en train de lui prendre la vie ?
« Shine » est un tribute-band consacré au Pink Floyd : six papys de Lannion épaulés par deux choristes plus jeunes, dont l’une joue du saxophone. Manifestement les anciens, musiciens amateurs, ont été de grands fans de ce groupe mythique et ont décidé en 2020 de se faire plaisir en rejouant la musique des Britanniques. Ils se composent de deux claviers, un guitariste, un bassiste, un batteur et un chanteur. Les instrumentistes sont d’un bon niveau et quand le concert commence sur les nappes de clavier de Shine on your crazy diamond le public replonge dans au cœur des mystères de cette musique de légende. Le petit problème apparaît lorsque le chanteur entre en scène… sa voix n’est pas vraiment à hauteur de celles de ses glorieux anciens.
Qu’importe on se régale de la set-list qui intègre tous les classiques du Pink Floyd : Confortably numb, Money, Saucerful of Secrets, Another Brick in the Wall, Mother, On the Turning Away… Nous sommes sous le dôme d’un planétarium sur lequel sont projetées les images de galaxies et d’étoiles en mouvement, si bien adaptées à cette musique planante qui a marqué nos jeunes années.
Evidemment, on est loin de la sophistication de l’original et de l’immense talent des musiciens britanniques, mais les papys se font plaisir et nous font passer un bon moment. Mention spéciale pour l’une des choristes qui joue aussi (bien) du saxophone et pour le guitariste très bon instrumentiste.
Les éditions Flammarion ont demandé à une vingtaine de photographes qui ont eu, à un moment ou à un autre, à photographier l’artiste David Bowie de rassembler quelques un de leurs meilleurs clichés et de les introduire en quelques lignes.
Cela donne un ouvrage de qualité sur la rockstar et les différents personnages qu’il incarna. Les amateurs ont déjà vu la plupart des images mais ce livre de photos a sa place dans toute bibliothèque d’admirateur du musicien. On se replonge avec bonheur dans les photos du Thin White Duke, celles de la tournée « Heroes », celle publiée en couverture de Libération le jour de sa mort où l’artiste est allongé avec sa fille encore nourrisson posée sur son ventre, devant une fenêtre donnant sur la ville de New York, celles de l’époque London Boy, bref un retour passionné sur la carrière à l’incroyable créativité du musicien britannique.
Alan White (1948-2022) a été le batteur du groupe de rock progressiste Yes de 1972 à ces dernières années. Il est mort aujourd’hui aux Etats-Unis. Il avait remplacé Bill Bruford, batteur depuis la création du groupe en 1968, parti rejoindre King Crimson, autre groupe légendaire du rock progressiste britannique avec Genesis. White a participé à cette aventure du rock apparut après l’époque hippie et balayée par la vague punk à la fin des années 1970.
Ces trois groupes phares d’une période révolue continuent à jouer et à tourner aujourd’hui, mais ils se font vieux, la pendule tourne et certains disparaissent… la fin d’une époque !
Andrew Fletcher (1961-2022), claviériste britannique et cofondateur du groupe électrorock Depeche Mode est mort aujourd’hui à 60 ans. Ils étaient autre à l’origine : Martin Gore, Dave Gahan, Vincent Clark et Andy. Clark a quitté le groupe en 1981, Andy le déserte aujourd’hui, il reste les deux premiers. Ensemble ils ont écrit et joué parmi les tubes les plus emblématiques des années 1980-1990. Le groupe continuait à composer et à tourner pour le plus grand plaisir des vieux fans.