Blog

  • « Concerto pour violon et orchestre n°1 de Dimitri Chostakovitch » par l’orchestre philharmonique de Radio France

    « Concerto pour violon et orchestre n°1 de Dimitri Chostakovitch » par l’orchestre philharmonique de Radio France

    Sur le programme de cette soirée de l’orchestre philharmonique de Radio-France à l’auditorium de la Maison de la Radio c’est Petrouchka d’Igor Stravinsky qui est mis en avant alors que le sommet de ce concert fut le concerto pour violon et orchestre n°1 de Chostakovitch joué avant l’entracte. La violoniste norvégienne Vilde Frang, 38 ans, le joua magnifiquement sous la direction du chef finlandais Mikko Frank directeur musical de l’orchestre de Radio-France depuis 2015.

    En introduction est donné le sextuor à cordes en ré mineur de Borodine, composé en 1860, joué par deux violons, deux altos et deux violoncelles. Une œuvre courte et délicieuse pour nous mettre en condition.

    Puis vient le concerto de Chostakovitch, écrit en 1948, en plein cœur des dérives staliniennes du régime soviétique qui sévissait contre son peuple mais aussi contre ses artistes dont certains musiciens sont accusés de ne pas écrire de la musique suffisamment « patriotique » et en accord avec le « réalisme socialiste ». Nombre de ces artistes seront exécutés. Chostakovitch, accusé de « formalisme » est au cœur de ces polémiques idéologiques. Il a des comptes à rendre pour « déviance » à la police politique NKVD, des articles de la Pravda l’attaquent, il est obligé de retirer certaines de ses œuvres et doit faire son auto-critique en public, concéder des concessions artistiques dans son style d’écriture pour survivre…

    On ne sait pas bien si ce concerto pour violon a été écrit, ou amendé, pour correspondre au « réalisme socialiste », il semble en tout cas restituer une atmosphère sombre et torturée. Le violon solo et l’orchestre jouent en parallèle sur leurs propres lignes, se rejoignant parfois, évoluant souvent vers des accents dissonants et complexes. A un moment la soliste se lance seule dans une envolée un peu grinçante, un temps que le chef lui laisse diriger, avant d’être rejointe par les autres instruments. Vilde Frang joue debout durant tout le concert, sans partition et avec une virtuosité heureuse pour cette musique parfois terrifiante, faisant appel aux sentiments les plus poignants des auditeurs. Une œuvre tragique et importante, au diapason d’une époque trouble de la Russie soviétique qui a martyrisé ses artistes.

    Après l’entracte arrive Petrouchka de Stravinsky, qui se révèle une œuvre primesautière sur une musique printanière. Composé en 1911 sous la Russie tsariste, Petrouchka devint ensuite un ballet. On est loin des abymes de noirceurs dans lesquels nous plonge Chostakovitch mais c’est aussi une bonne façon de terminer un samedi soir à Paris.

    Ces trois compositeurs russes joués ce soir avec brio par l’orchestre de Radio-France nous rappellent avec tristesse combien les artistes de ce pays ont participé à l’édification de la culture européenne alors que les orientations politiques et militaires de ce pays-continent n’ont cessé de l’en éloigner !

  • M. Hanouna sur C8 : une bêtise affligeante doublée d’une insolence vulgaire

    M. Hanouna sur C8 : une bêtise affligeante doublée d’une insolence vulgaire

    Le Parlement français reçoit en ce moment à la queue-leu-leu les dirigeants de chaînes télévisées bénéficiaires d’une attribution gratuite de fréquence de la Télévision numérique terrestre (TNT) par l’Etat pour mesurer leur respect des engagements pris lors de l’attribution des fréquences et, donc, de l’opportunité de les renouveler à l’échéance. Les chaînes du groupe Bolloré (CNEWS et C8) sont bien entendu placées en tête de gondole compte tenu de leur niveau particulièrement affligeant, tant au niveau de l’information que de celui du divertissement. C8 et son animateur vedette ont d’ailleurs été condamnés à payer nombre d’amendes infligées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour leurs dérives.

    Les patrons et propriétaires de chaînes ont défilé la main sur le cœur pour jurer leurs grands dieux que jamais ils n’intervenaient sur la « ligne éditoriale » de leurs médias. Les membres de la commission parlementaire ont dû avoir du mal à retenir leur hilarité. Dont acte.

    Vincent Bolloré, qui n’est plus que « conseiller » de son fiston à la présidence de Vivendi qui détient ces chaînes TNT ainsi que, notamment, CANAL+, est passé à la moulinette parlementaire le 13 mars. Elégant, costume gris foncé avec gilet déboutonné, boutons de manchette, cravate gris clair à pois, calme et posé, il commence par rappeler le passé de sa famille « riche, célèbre, bretonne et catholique », célèbre car deux de ses parents qui faisaient partie des troupes françaises qui ont participé au débarquement de juin 1944. Il retrace aussi son parcours plutôt brillant dans les affaires qui sont dirigées désormais par ses enfants, sans oublier les fondations qu’il a mises en place pour aider les autres.

    Le garçon est brillant et malin. Il domine son monde et le sujet haut la main avec son air patelin et faussement modeste. Il répond sagement aux questions posées par les membres de la commission dont certains sont issus de La France insoumise (à gauche de la gauche), pas vraiment la tasse de thé de la famille Bolloré… Il ne parle jamais de « ses » décisions mais de celles des équipes dirigeantes, met en avant son « devoir fiduciaire », son dévouement pour mener à bien la nécessaire restructuration de CANAL+, sa non-intervention dans les programmes audiovisuels, etc.

    Voir aussi : Interview Vincent Bolloré à l’assemblée nationale

    Ce qu’il ne dit pas, car personne n’ose le lui demander, c’est comment un homme de sa trempe et avec ses convictions, supporte la bêtise affligeante des programmes de divertissement de ses chaînes et l’absence crasse de réflexion journalistique de ses chaînes d’information ? Sans doute car le marché de l’abrutissement des masses est plus rentable que celui de l’intelligence mais la question reste ouverte. Vincent Bolloré, une sacrée pointure face à de jeunes parlementaires un peu idéologisés pour certains, le combat était inégal !

    Aujourd’hui c’est l’animateur de C8 Cyril Hanouna qui est passé au tableau noir et on est descendu de plusieurs marches. Habillé d’un costume noir et chemise de même couleur largement ouverte sur son torse tatoué, lunettes Ray-Ban noires, barbe de même couleur, allure gérnérale de capo mafieux en pleine réussite. Affichant son habituelle vulgarité il fait filmer son arrivée triomphale à l’entrée de l’assemblée nationale, partageant hugs et selfies avec les passants énamourés, comme à sa sortie d’ailleurs.

    Il passe la séance d’interview parlementaire à rouler des mécaniques en provoquant les députés qui l’interrogent, sur un mode ironique de café du commerce, ceux-ci semblant médusés et pétrifiés par le culot et la mauvaise éducation de l’animateur, sans songer une seconde à le remettre à sa place. Le soir même, ledit Hanouna consacre son émission « Touche pas à mon poste » (TPMP), qu’il anime avec un gang de commentateurs à sa botte se complaisant dans le racolage et la vulgarité, en diffusant des extraits de ses interventions abondement commentés par cette équipe de bras cassés se roulant dans la fange et la provocation.

    En réalité, ce qui est déplorable avec ces chaînes Bolloré est l’abrutissement des masses auquel elles participent grandement. Les députés se battent sur le terrain du « pluralisme » alors qu’elles sont bien plus nuisibles sur le plan de la bêtise qu’elle diffuse dans les fondements de la société française, mais il n’est pas facile d’aller sur ce terrain sans être immédiatement accusé d’élitisme ou de « germanopratisme ». Alors il est aisé pour ces chaînes de prouver qu’elles respectent la lettre du pluralisme en mesurant les temps de parole des invités, qu’elles rencontrent un franc succès d’audience, quand elles en violent manifestement l’esprit.

    La salubrité publique voudrait que la chaîne C8 ne se voit pas renouveler son autorisation d’émettre sur la TNT, surtout après la prestation d’Hanouna. Il est peu probable qu’une telle décision soit prise car l’intelligence et le brio de Vincent Bolloré emporte tout, y compris l’imbécilité des animateurs des chaînes qu’il contrôle sans vouloir le dire. C’est ainsi qu’il a réussi l’un des plus beaux parcours de capitaine d’industrie français, et avec son propre argent !

    Lire aussi : Nouvelle contre-offensive des médias de la famille Bolloré contre l’intelligence

  • “I’m waiting for the man”, l’hommage de Keith Richards à Lou Reed

    “I’m waiting for the man”, l’hommage de Keith Richards à Lou Reed

    Dix ans après la mort de Lou Reed (1942-2013), un disque hommage est en préparation, intitulé à ce stade The power of the heart. Keith Richards a déjà diffusé sa participation, une reprise de I’m waiting for the man, écrit au temps du Velvet Underground, référence au dealer que l’on attend dans les rues sordides et mal famées du New York des années 1960-1970. Bowie (1947-2016) a également régulièrement repris ce morceau sur scène. Il n’est plus là pour participer à l’hommage

    Keith Richards qui reprend Lou Reed sur une histoire de dealer…. Tout un programme, une bonne interprétation d’ailleurs. On attend la sortie du triple-CD pour bientôt !

    Voir aussi :
    Adieu Lou Reed
    L’hommage de Laurie Anderson à Lou Reed

  • DYLAN Bob, ‘Philosophie de la chanson moderne’.

    DYLAN Bob, ‘Philosophie de la chanson moderne’.

    Sortie : 2022, Chez : Fayard.

    Alors que l’on attend toujours le volume II des « Chroniques » dont le premier est sorti en 2005, c’est un nouvel ouvrage surprise qui est publié en 2022, un livre superbe à l’iconographie séduisante et très soignée. L’auteur de 82 ans, nobélisé en 2016, mène ici une brillante analyse des chansons qui ont marqué sa vie et inspiré ses créations. Un chapitre est consacré à chacune.

    Chaque chanson est d’abord introduite d’une page ou deux qui révèlent des sentiments qu’éprouve Dylan pour celle-ci. Il s’adresse au lecteur pour qui il retrace avec un humour percutant le contexte de la chanson ou de ses auteurs et interprètes. Ou parfois simplement de l’époque évoquée par la chanson. Il s’agit généralement de morceaux datant du mitan du XXe siècle, Johny Cash, The Platters, Dean Martin, Little Richard, Nina Simone ou Elvis Presley, et toute une série de chanteurs parfaitement inconnus des non spécialistes européens. Plus récents, on retrouve aussi The gratefull dead ou The Clash !

    Pour certains chapitre Dylan ajoute une note plus personnelle, souvent consacrée à sa propre interprétation du texte de l’auteur, complété de digressions dylanesques. Les morceaux sont tous illustrés par plusieurs photos en rapport avec l’époque leurs sorties, ou concernant les auteurs, compositeurs et interprètes, ou parfois sans lien évident avec ce dont il s’agit. Ce sont de toutes façons les clichés d’une époque de l’Amérique, un peu perdue, mais tellement positive et dynamique.

    Le chapitre 66 (« Where or when », une chanson d’amour de Dio) clôt le livre, peut-être en référence à la route « 66 » qui traversait les Etats Unis d’Amérique, de Chicago à Santa-Monica, sur les traces de la « Ruée vers l’Ouest » du XIXe siècle :

    « Il en va ainsi de la musique. Elle appartient à une époque, tout en restant intemporelle ; elle aide à bâtir des souvenirs et elle-même en est un. C’est un aspect auquel nous pensons rarement, cependant elle se construit dans le temps aussi sûrement que le sculpteur et le soudeur travaillent dans l’espace physique. La musique transcende le temps du fait qu’elle l’habite, tout comme la réincarnation nous permet de transcender l’existence en nous menant vers d’autres vies. »

    Ce livre est un régal, un retour jouissif sur l’Amérique musicale et sur Bob Dylan, cet auteur-compositeur-interprète de génie dont l’écriture, qu’elle s’applique à des refrains, des poèmes, des récits, des mémoires ou tout simplement sur la vie qui passe, est exceptionnelle.

  • « A Man » de Kei Ishikawa

    « A Man » de Kei Ishikawa

    Nous sommes au Japon, une société qui parait immobile, ancrée dans ses traditions, empesée dans son protocole et pas toujours très compréhensible pour l’Occident, quand le personnage principal du film, une femme se nommant Rie, découvre que l’homme qu’elle a récemment épousé, dont elle a eu une fille et qui est décédé accidentellement, n’est pas celui qu’il disait être. S’en suit toute une série d’interrogations existentielles, de quiproquos juridiques, de remises en cause fondamentales du passé et de l’amour partagés. Qui est cet homme décédé ? Qui est celui qui portait le nom qu’il s’est approprié ? Rie demande à son avocat de mener l’enquête. Celui-ci, d’origine coréenne, fait lui-même face à quelques difficultés de positionnement dans une société japonaise pas vraiment en paix avec son histoire coréenne. L’enquête aboutit mais les dernières images du film montrent un dialogue de l’avocat dans un bar qui plonge à nouveau les spectateurs dans la confusion…

    Comme souvent dans les réalisations asiatiques, le scénario se déroule tout en douceur et en retenue. On a le sentiment que l’on devrait s’ennuyer mais non, il s’agit juste d’une façon d’être, de se mouvoir, de s’exprimer, endossée par des acteurs qui sont en symbiose avec leurs cultures et leurs sociétés. Ils abordent ici avec délicatesse les questions parfois vertigineuses posées par le passé et la situation de ceux qui cherchent à manipuler ce passé pour changer le présent.

  • Le bal des pleureuses

    Le bal des pleureuses

    L’Etat vient d’annoncer la nécessité d’économiser 10 milliards EUR sur les dépenses votées par le parlement fin 2023. Aussitôt les pleureuses touchées par cette mesure ont sorti leurs mouchoirs pour expliquer que ces économies sont intolérables et que, si elles s’appliquaient effectivement, elles allaient mourir. On est bien sûr d’accord pour faire des économies, mais chez les voisins pas sur notre propre budget. Le problème est qu’il faut bien affecter ces économies quelque part !

    De quoi parle-t-on ? Les dépenses du budget général 2024 ont été votées à hauteur de 453 milliards. 10 milliards d’économies représentent donc 2,2% de ce total. Quel est le ménage ou l’entreprise qui n’a pas eu un jour à réduire ses dépenses de 2,2% ? On y arrive.

    Rappelons aussi que ce budget 2024 a été voté avec un fort déficit de 141 milliards. L’économie de 10 milliards ne fera bien entendu pas disparaître ce déficit mais le réduire à la marge que de 7%.

    https://www.budget.gouv.fr/reperes/loi_de_finances/articles/loi-du-29-decembre-2023-de-finances-pour-2024-maitriser-la-depense

    On voit sur ce tableau du ministère des finances que pour payer 453 milliards de dépenses l’Etat ne dispose que de 312 milliards de recettes. Et encore ne sont pas intégrés dans ces chiffres les déficits générés par les « comptes spéciaux » et autres « budget annexes », sans parler bien entendu de ceux la sécurité sociale (assurances retraite, maladie, chômage, notamment, qui font partie d’un budget à part, encore plus élevé que le budget général, et en déficit également, voté par ailleurs). Le dernier budget général en équilibre de la République date de 1974. C’était sous la présidence de Giscard d’Estaing. Tous ces déficits sont financés par des emprunts dont les remboursements porteront sur les générations futures. Aujourd’hui, pour dépenser 100 EUR, l’Etat collecte 70 EUR et en emprunte 30. On préfère généralement ramener le déficit au produit intérieur brut (PIB) car il devient tout de suite moins effrayant mais la réalité financière est bien celle-ci : 30% des dépenses sont financées par emprunt. Pour le moment la République trouve encore des prêteurs pour financer sa gabegie sur les marchés internationaux.

    En réalité si l’on voulait ramener le déficit français à 3% des recettes ce ne sont pas 10 milliards qu’il faudrait économiser mais 130 ! On est loin du compte. Les pleureuses de sortie devraient aussi jeter un coup d’œil sur ces chiffres. Là encore, l’intérêt général se heurte aux intérêts particuliers et l’Etat faible ne sait guère trancher, ni encore moins se réformer pour réduire ces déficits endémiques, préférant financer des jeux olympiques plutôt que de rationaliser sa gestion.

    Lire aussi : La France médaille d’or de la dépense publique – Total Blam Blam (rehve.fr)
    Lire aussi
  • La « ruralité » obtient des sous des contribuables mais pas des consommateurs

    La « ruralité » obtient des sous des contribuables mais pas des consommateurs

    Les paysans français, ou plutôt la « ruralité » comme on dit de nos jours, ont lancé une offensive éclair contre l’Etat pour obtenir des sous. Quelques bataillons de tracteurs sur les autoroutes, des forces spéciales déversant du purin dans les préfectures, des frappes d’œufs pourris ciblées sur les ministres visitant le salon de l’agriculture, des injures braillées dans les allées du salon et des actions illégales de certains mercenaires livrés à eux-mêmes, ont permis à la « ruralité » d’emporter ce blitzkrieg assez rapidement.

    Les messages diffusés par des syndicats agricoles furent variés et parfois colorés. La majorité exige que les paysans soient payés « le juste prix » pour leur production et ne soient plus entravés par la « bureaucratie européenne » et tout particulièrement celle résultant de la transition écologique. Vaste programme…

    Juin / Charlie Hebdo (07/02/2024)

    Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et l’apparition de l’Union européenne(UE, et son prédécesseur le « Marché Commun ») avec sa PAC (politique agricole commune) les Etats européens élus démocratiquement par leurs citoyens ont fait le choix de promouvoir l’agriculture européenne et, pour cela, de la subventionner massivement. En d’autres termes cela signifie que les contribuables subventionnent les consommateurs pour compléter les revenus des producteurs. Cela fait belle lurette que les prix d’achat des productions agricoles sont complètement déconnectés de leurs coûts réels de production et ce, pour la raison assez simple à comprendre que le consommateur ne pourrait pas ou ne voudrait pas payer son alimentation au « juste prix ».

    Alors comme pour les transports en commun qui sont lourdement subventionnés en France pour les rendre acceptables par ceux qui les utilisent, c’est pareil pour le prix des carottes. Les cheminots comme les paysans vivent en partie de leur travail, mais surtout des subventions qu’ils reçoivent de l’Etat (ou de l’Europe, ce qui revient globalement au même). Ce n’est peut-être pas très valorisant pour les acteurs, voire un peu humiliant, mais c’est ainsi que le système est conçu. Si on ne se satisfait pas de celui-ci il est toujours possible de revenir aux lois du marché mais cela risquerait d’être sanglant pour la « ruralité ». Personne ne s’y est essayé en Occident. La France peut aussi sortir de l’UE, le Royaume-Uni a montré que c’était possible. Ce pays peut maintenant subventionner, ou pas, sa « ruralité » comme il l’entend et comme ses ressources l’y autorisent.

    On voit toutefois que même les pays libéraux comme les Etats-Unis d’Amérique subventionnent une partie de leur agriculture. On peut subventionner les producteurs, les productions, les surfaces, les consommateurs, mais on subventionne toujours tant la nourriture des citoyens est un élément stratégique. En réalité, la production agricole est une espèce de service public et, à ce titre, émarge aux budgets des Etat et de l’UE.

    Bien entendu, comme à chaque fois qu’une activité dépend de financements publics elle n’est plus totalement indépendante de faire ce qu’elle veut et « il manque toujours des sous ». Nous en sommes là, alors pour éviter de nouvelles nuisances de la « ruralité » l’Etat français a cédé assez rapidement déversant à son tour quelques tombereaux d’euros et exonérant les paysans du respect de certaines normes, notamment écologiques. Les furieux qui bloquaient les routes avec leurs tracteurs ont bénéficié d’une singulière indulgence de la part du ministère de l’intérieur au motif que la population soutiendrait le mouvement. La « ruralité » bénéficie à coup sûr d’une meilleure image que l’industrie chimique, bien qu’elle soit d’ailleurs l’un de ses plus gros clients. Comme souvent, Mme. Michu est en faveur des râleurs de l’agriculture mais n’est pas disposée à payer ses patates plus chères ni à voir augmenter ses impôts pour augmenter les subventions à la production agricole. Des gros céréaliers ou riches viticulteurs bourguignons qui se portent très bien, la presse parle très peu bien entendu, préférant faire dans le misérabilisme sur le sort du petit éleveur de moutons de la Lozère qui présente l’avantage d’emporter le soutien de Mme. Michu et la fréquentation des téléspectateurs.

    Lire aussi : https://rehve.fr/2019/05/la-nouvelle-mode-ecologique/

    L’un des fronts de lutte sur lequel se rejoint la « ruralité » est la critique systématique de l’Union européenne, pourtant premier redistributeur de subventions agricoles, qui signe, sous mandat de ses Etats membres, des accords commerciaux avec nombre de pays de la planète. Le principe général de ces accords est d’abaisser, voire d’annuler, les droits de douane respectifs pour favoriser les échanges. Les pays européens étant généralement plus industrialisés que les pays signataires non-membres, ceux-ci sont favorisés sur leurs exportations agricoles mais, en contrepartie, acceptent les productions industrielles européennes. Comme toujours dans ce type d’accord il y a des gagnants et des perdants, le concept du « win-win (gagnant-gagnant) » relevant de l’escroquerie intellectuelle en matière industrielle et commerciale. Depuis la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande en 2023, Il y a certes du mouton nouveau-zélandais qui vient concurrencer la Lozère mais il y a en face des voitures et des Airbus qui rentrent plus facilement sur le marché de Nouvelle-Zélande. Dans le cas cité, peut-être les impôts encaissés par l’Etat sur la vente des Airbus à Wellington permettront de mieux subventionner l’agriculture ? Ensuite, ce qui est vrai au niveau de l’UE ne l’est pas forcément pour un pays donné. Il suffit d’amender les accords, ou d’en sortir s’ils ne donnent plus satisfaction, mais cela ne se fait pas sans contreparties. La France peut aussi ne pas voter les mandats de négociation donnés à la commission européenne mais là aussi il faudra lâcher quelque chose en échange au 26 autres pays-membres.

    C’est la grandeur et la noblesse de la politique d’avoir à choisir ce qui est globalement dans l’intérêt du pays, même si au détriment de certains. Ce n’est certainement pas un métier facile. L’avenir dira si ce qui vient de se régler à la va-vite sur les bottes de paille du salon de l’agriculture est globalement favorable au pays.

    Lire aussi : https://rehve.fr/2020/03/ambitions-et-realites/

  • « Jersey Museum & Art Gallery and Victorian House » de Saint-Hélier (Jersey)

    « Jersey Museum & Art Gallery and Victorian House » de Saint-Hélier (Jersey)

    Un autre petit musée provincial, à Jersey aujourd’hui, un peu plus grand que celui de Guernesey. Normal puisque cette ile est également plus étendue que Guernesey. La salle consacrée à la repentance concerne cette fois-ci l’esclavage et son commerce triangulaire auquel les commerçants du coin semblent avoir participé et, pour certains, en avoir bien profité. Des photos et explications sont délivrées concernant le mouvement de « déboulonnage » des statuts représentant encore les profiteurs de cette époque dont, avec force photos, celle de Colson à Bristol, jetée dans le fleuve en 2020.

    Le musée est installé dans l’ancienne maison construite par la famille Nicolle dont le patriarche armateur avait accumulé une fortune confortable, aussi liée au commerce de l’esclavage. Après sa mort ses filles continuèrent à habiter cette belle demeure dont les fenêtres donnent sur le port de Saint-Hélier lorsque l’une d’entre elles s’éprit d’un médecin-homéopathe français, Dr Charles Ginestet, qui dut s’exiler à Jersey après la révolution de 1848, quelques années avant Victor-Hugo, du fait de ses visions révolutionnaires. Il dirigeait un journal qui s’appelait « L’œil du peuple ». Il était une espèce de Jean-Paul Sartre avant l’heure, le talent de philosophe en moins. Le garçon semblait plus doué pour soigner « les pauvres » gratuitement que pour les affaires. En quelques années il ruine sa belle-famille et doit retourner en France en catimini pour échapper à ses créanciers. Il organise en catastrophe une vente aux enchères de ses biens que sa banque réussit à bloquer pour se rembourser au moins en partie de ses dettes. Les meubles parsemés dans les pièces sont préparés et étiquetés en lot prêts pour la vente, des écrans vidéo montrent trois personnages (le couple Ginestet et une fille Nicolle) qui s’écharpent sur la faillite de Ginestet et sa fuite peu glorieuse.

    La demeure Nicolle est exquise, planchers en bois tropicaux rares, meubles raffinés, lits à baldaquin, portraits familiaux aux murs… on sent toute la réussite de l’armateur, ancêtre de la famille, qui a constitué cette fortune qui va finalement être dilapidée par un révolutionnaire français ! Elle a été transformée depuis en musée, c’est un moindre mal.

    Dans la partie moderne du bâtiment, quelques pièces expliquent l’histoire et les spécialités culinaires dont Jersey semble particulièrement fière. Le bateau pour Saint-Malo nous attend, pas le temps de goûter tout ceci. Un sandwich « crispy bacon & brie » en terrasse au soleil fera l’affaire, marquant si besoin en était le caractère anglais et normand de ces iles singulières.

    Voir aussi : Les iles Anglo-Normandes

  • Guerre des mots

    Guerre des mots

    On ne dit plus « guerre d’usure » mais « guerre d’attrition ». En gros c’est la même chose, il s’agit de casser la g… à l’adversaire en lui résistant sur le long terme. Et c’est bien plus chic de parler « d’attrition » !

  • « German occupation museum » de Guernesey

    « German occupation museum » de Guernesey

    28 juin 1940, l’armée allemande, qui n’a fait qu’une bouchée de la France après la bataille du même non entamée le 10 mai, bombarde le port de Guernesey de Saint-Pierre. Le 1er juillet, les premières forces aéroportées allemandes débarquent sur l’ile. Avec Jersey et les petites iles de l’archipel, ce furent les seules terres britanniques occupées par l’Allemagne qui y construit des fortifications similaires à celles du mur de l’Atlantique. La qualité du béton allemand ne s’étant jamais démentie, certaines subsistent encore sur la côte Ouest, voire ont été rénovées pour entretenir le souvenir.

    Les occupants appliquèrent leurs méthodes habituelles pour s’imposer face à une population pas vraiment accueillante. Une tentative de débarquement de commandos britanniques échoua en 1943. Après le débarquement en Normandie les alliés décidèrent de poursuivre la reconquête vers l’Est, sans prendre le temps de mener bataille dans les iles Anglo-Normandes qui ne seront libérées qu’en mai 1945. La dernière année d’occupation fut pénible car les liens avec la France libérée étant coupés, les iles Anglo-Normandes affrontèrent des difficultés pour nourrir leurs populations.

    Voir aussi : German Occupation museum

    Le musée a été édifié à l’initiative de Richard Heaume qui était gamin pendant la guerre et ramassait les douilles de balles sur les plages après la libération. Pièce par pièce il a constitué la collection exposée qui va des armes, aux uniformes et drapeaux des forces en présence, à nombre de documents écrits issus à cette sombre époque (ausweis, coupures de presse, affiches des occupants ou des résistants…). Il a également reconstitué des décors en grandeur réelle de l’environnement de cette époque : « occupation street » avec ses magasins et demeures, une pièce où un couple boit le thé en écoutant la BBC sur une radio cachée dans le tiroir, une prison où passèrent des juifs de l’ile avant d’être déportés, etc.

    On pourrait passer des heures dans ce petit musée artisanal tant la documentation accumulée est passionnante. C’est une très belle initiative privée pour garder la mémoire de cette sombre époque.

  • « Museum at Candie » Saint-Pierre-Port (Guernesey)

    « Museum at Candie » Saint-Pierre-Port (Guernesey)

    C’est un petit musée provincial, simple et bien aménagé, offert aux visiteurs de passage. La cafétaria donne sur les « Jardins de Victor Hugo ». La cafétaria donne avec au loin, les grues du port, la mer et l’ile de Sark. Chaque parterre du jardin est supposé avoir été composé en référence à l’écrivain, qui était très porté sur la nature, ou à son œuvre. Nous sommes en hiver, seuls les camélias sont en fleurs.

    Comme il se doit, la visite commence par une repentance : la Grande Bretagne fut un empire, et quelques pièces présentées ici sont issues de cet empire. Une vitrine présente des reproductions en verre de plantes et invertébrés marins réalisés par des verriers du cru au XIXe siècle. Leur succès fut tel qu’ils devinrent les producteurs officiels de toute une série de musées mondiaux qui, avant cette innovation, présentaient ces objets dans des bocaux de formol. Plusieurs pièces sont consacrées à l’histoire des iles Anglo-Normandes dont on apprend qu’elles étaient rattachées à la France il y a 7 000 ans, faisant partie intégrante du continent, la Manche était manifestement plus basse à l’époque. Une exposition de photos sur la biodiversité locale et nous sommes prêts pour la cafétaria, après un passage respectueux devant l’inévitable buste de Victor Hugo !

    Voir aussi : Les iles Anglo-Normandes

  • Coopération « culturelle » avec l’Arabie Saoudite

    Coopération « culturelle » avec l’Arabie Saoudite

    Les lecteurs du journal Le Monde du 24 février ont découvert avec stupéfaction l’existence d’une structure « culturelle » créée en 2017 sous le doux nom d’Afalula (Agence française pour le développement d’Alula) qui est en affaire avec l’Arabie-Saoudite pour le développement du site touristique « Al-Ula » prévoyant la création sur un « site de la taille de la Belgique, d’un complexe archéologique, culturel et touristique, aux allures de musée vivant à ciel ouvert. Un investissement majeur qui ambitionne de faire d’Al-Ula l’une des capitales culturelles du Royaume. » Cette agence a été dotée que quelques dizaines de millions d’euros par les contribuables français pour faire fonctionner cette structure administrative dont le site web vante tous les mérites, du développement durable « pierre angulaire du projet » au « partage », en passant par la « bienveillance » et la « cohésion », et tout un gloubi-boulga insipide de « valeurs » qui sont sans doute le dernier des soucis des partenaires…

    Nous faisons du respect mutuel la valeur maîtresse de notre relation aux autres.

    Cette bienveillance est garante des liens de confiance qui sont les nôtres, au sein de l’Agence comme avec nos partenaires.

    L’écoute, la disponibilité et l’empathie doivent favoriser nos collaborations multiples et fructueuses.

    Voir : https://www.afalula.com/

    Des bisbilles sévères semblent déjà être intervenues entre la partie saoudienne qui vient d’emprisonner le président de la commission royale pour Al-Ula et l’Afalula qui se plaint que les marchés passés en Arabie Saoudite ne feraient pas la part assez belle aux entreprises françaises. Le premier président de l’agence française fut Gérard Mestrallet (74 ans aujourd’hui, ancien chef de Suez, puis de GDF-Suez) remplacé l’an passé par Jean-Yves Le Drian (76 ans aujourd’hui, ancien ministre socialiste), et ce dernier vient de commander un audit interne de l’institution à l’Inspection des finances. On peut supposer qu’il subodore quelques irrégularités dans la gestion de son prédécesseur… Vouloir faire des affaires dans cette région, même sous couvert de coopération culturelle est et restera œuvre complexe et hautement risquée. On y laisse généralement des plumes, voire plus, surtout lorsque l’on est un Etat ou l’un de ses représentants. C’est ce qui semble se vérifier sur le site saoudien Al-Ula, au détriment de la France bien entendu. L’histoire n’est pas terminée, bien heureusement, mais on peut tout de même se demander si notre pays n’avait pas d’autres priorités plus importantes que d’aller se jeter dans la gueule du loup au risque de se faire dévorer par des Saoudiens qui ont globalement assez peu d’estime pour l’Europe.

  • Sur la tombe de François-René de Chateaubriand

    Sur la tombe de François-René de Chateaubriand

    Derrière la tombe de Chateaubriand (1768-1848) face à la mer à Saint-Malo, est apposée une plaque sur laquelle est gravé le message :

    Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n’y entendre que la mer et le vent.

    Passant respecte sa dernière volonté.

    Voir aussi

    Saint-Malo – Total Blam Blam (rehve.fr)

    Lire aussi

  • Nouvelles montées de tension à Mayotte

    Nouvelles montées de tension à Mayotte

    Plus personne ne sait quoi faire avec l’ile de Mayotte, stupidement élevée au rang de département français en 2010. Pour tenter de contrôler les flux d’immigration en provenance des Comores et d’Afrique de l’Est, le ministre de l’intérieur français lance le projet d’une révision constitutionnelle qui permettrait de réformer, voire révoquer, le droit du sol pour les personnes étrangères naissant sur ce confetti malencontreusement resté français après l’indépendance acquise par l’archipel des Comores, dont Mayotte fait géographiquement et historiquement partie, en 1974. L’ile est maintenant littéralement prise d’assaut par une population immigrée, illégale, souvent mineure, démunie, générant la quasi-paralysie de l’administration et de l’économie, il y a une crise de l’eau et des infrastructures qui ne répondent plus à la demande, sans parler d’une insécurité grandissante.

    La droite est en faveur d’une telle révision constitutionnelle, la gauche est contre, l’extrême droite voudrait révoquer le droit du sol pour l’ensemble du territoire français. Il n’est pas sûr qu’une majorité puisse s’entendre sur une telle réforme à court terme. Il est d’ailleurs assez peu probable que même adoptée elle puisse permettre de résoudre le problème. Tant que cette ile restera un abcès de fixation occidental perdu au milieu de l’océan Indien si proche des côtes d’Afrique, de Madagascar et, surtout, des Comores, elle continuera d’attiser les envies de passeport français de tous les citoyens des pays avoisinants qui seront prêts à tout pour tenter de rejoindre Mayotte, à moins peut-être que le Mozambique, la Tanzanie ou les Comores connaissent un développement économique soudain qui pousserait leurs citoyens à ne plus chercher l’exil.

    Les élus mahorais et leurs électeurs se retournent vers l’Etat en criant « mais que fait le gouvernement, nous sommes des français comme les autres ? ». Celui-ci envoie des ministres, de l’argent, des bouteilles d’eau minérale et des CRS à l’autre bout du monde, lance des opérations de reconquête du territoire et des idées pour réformer la constitution de la République. Et… le « problème » continue de s’aggraver et l’espoir de s’amenuiser.

    En réalité, la seule solution qui vaille serait de suivre les recommandations des Nations Unies et d’ouvrir les négociations avec les Comores pour restituer Mayotte qui fait partie de cet archipel. Chaque année le président Comorien rappelle d’ailleurs à la tribune de l’assemblée générale de l’ONU la « comorianité » de Mayotte qui a été décolonisée illégalement en 1974. Son gouvernement (dont certains membres ont la double nationalité franco-comorienne) manifeste la plus extrême mauvaise volonté dans sa « coopération » avec la France qui lui demande, contre espèces sonnantes et trébuchantes, de mieux contrôler le départ de ses propres citoyens vers Mayotte.

    Lire aussi : L’éternel syndrome des citoyens d’anciennes colonies françaises

    Personne en France n’ose aborder l’hypothèse d’une rétrocession mais c’est probablement la seule solution susceptible de stopper le désastre en cours. Sa mise en œuvre demanderait un courage politique inédit mais serait globalement soutenue par la communauté internationale. Ce qui devrait pousser à la décision est de se poser la question : « existe-t-il le moindre espoir que Mayotte puisse un jour se sortir de son pétrin actuel ? », et d’y répondre honnêtement. Toute personne connaissant un peu l’inextricable désastre socio-culturo-historico-économique que représentent les territoires « ultramarins » de la République sait bien qu’il n’y a aucun espoir sérieux que Mayotte s’en sorte, pas plus que les Comores ne cessent un jour de revendiquer cette île qui leur reviendra un jour ou l’autre. Evidemment si Mayotte réintégrait le giron des Comores c’est ensuite l’île de la Réunion qui risquerait d’être la cible de flux d’immigration illégale.

    Comme la Nouvelle-Calédonie qui est inscrite sur la liste onusienne des « territoires non autonomes » (https://www.un.org/dppa/decolonization/fr/nsgt#_edn2) et dont la situation est suivie par le « Comté spécial de décolonisation » chargé « d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (décision 1514 (XV) de l’Assemblée générale) », va retrouver un jour son Indépendance, Mayotte va irrémédiablement suivre aussi cette voie. Ce sera bien sûr un déchirement pour la France. Il faudra prendre en compte le sort des Mahorais français qui ne souhaiteraient devenir comoriens et, sans doute, les rapatrier dans l’hexagone. Ce ne sera pas simple, la route sera longue et semée d’embûches mais ce serait un moindre mal versus garder ce territoire destiné à sombrer toujours plus bas dans un environnement toujours plus hostile.

  • La Guinée « dissout » son gouvernement

    La Guinée « dissout » son gouvernement

    Sur une vidéo publiée sur le site Facebook de la présidence guinéenne, une troupe de galonnés en tenues de combat aux couleurs chamarrées annonce la « dissolution du gouvernement » en lisant intégralement un décret signé par le galonné président de la République à la suite du coup d’Etat de septembre 2021. Cette dissolution n’est pas motivée mais est-ce bien nécessaire de justifier les actes politique d’une junte militaire ?

    Voir : Dissolution en Guinée

    Les galonnés ont pris le pouvoir, sans provoquer de réaction négative de la population, alors ils l’exercent. C’est plus simple et plus clair ainsi !

    On parle moins en France de la Guinée car l’armée française n’y disposait pas de base militaire qu’elle n’a donc pas eu à évacuer comme au Mali ou au Niger. Mais rappelons que la Guinée du dictateur Sékou Touré fut l’une des premières colonies françaises devenues indépendantes (en 1958) à se rebeller contre le néocolonialisme en refusant par référendum de rester membre de l’Union française, une fiction juridique par laquelle la France de De Gaulle pensait retarder les indépendances africaines, ou, au pire, les encadrer, fiction qui n’a d’ailleurs pas duré bien longtemps.

    Le premier président fut Sékou Touré qui, comme nombre de ses coreligionnaires, avait aussi été député à l’assemblée nationale française avant l’indépendance de son pays. D’inspiration marxiste-léniniste il renonça à poursuivre la coopération avec Paris et s’orienta vers l’Union soviétique alors marraine des pays dits « non alignés ». Sékou Touré applique une politique socialiste et développe une sévère répression interne contre ses opposants. Ceux qui connaissent Conakry sont immanquablement passés sous le « pont des pendus », un pont du centre-ville où le dictateur faisait pendre (et laissait pendouiller les corps plusieurs jours) afin de montrer qui était le patron.

    Les relations diplomatiques rompues avec la France de De Gaulle furent rétablies sous Giscard d’Estaing. La Guinée ne fut jamais membre de la zone Franc et utilisait (et utilise toujours) sa propre monnaie nationale, le franc guinéen. Sékou Touré est mort d’une crise cardiaque en 1984 alors qu’il était toujours au pouvoir. Malgré la dictature sinistre et implacable qu’il a dirigée dans son pays, il est resté un héros pour ses nombreux admirateurs, en Afrique et au-delà car il a su s’opposer à l’ancienne puissance coloniale et mener sa route loin des méandres parfois nauséabonds de la Françafrique. Il a préféré le camp « socialiste » et ses méthodes violentes.

    Est-ce que la Guinée a plus souffert, ou s’est moins développée que les autres colonies françaises restées sous la « protection » de Paris après leurs indépendances ? C’est difficile à dire. Il y a certainement eu un déficit de démocratie si l’on compare la Guinée au Sénégal par exemple, mais c’est beaucoup moins vrai si l’on regarde le Tchad ou la Centrafrique où les régimes post décolonisation ont été largement aussi sanguinaires et meurtriers qu’en Guinée. Sur le plan du développement économique en général l’impression est qu’il n’y a guère de différence dans les résultats plutôt modestes atteints par tous ces pays de l’ex-Empire français.

    En revanche, côté français l’avantage politique de la réelle indépendance décidée par ce pays en 1958 est certain. Paris ne s’est pas compromis en stationnant des troupes dans le pays, n’a pas eu à maintenir artificiellement le cours de sa monnaie et, globalement, a dépensé moins de sous en Guinée que dans ses anciennes colonies qui lui sont restées affidées et qui, aujourd’hui, la rejette massivement. Bien sûr, quelques bétonneurs français ont peut-être moins bénéficié de contrats pour construire des routes, cela reste d’ailleurs à confirmer sur la durée, mais au niveau macro-économique français, la Guinée a sans doute coûté moins cher à Paris depuis son indépendance que les autres anciennes colonies.

    Alors l’agitation galonnée en cours à Conakry n’est finalement que la continuation des régimes qui se succèdent depuis 1958, d’autant plus qu’elle ne semble pas rencontrer d’opposition franche de la population qui est sans doute plus libre que du temps de Sékou Touré. La vraie démocratie sera peut-être pour plus tard.

  • « Victor Hugo tel que Juliette Drouet l’a connu », conférence de la société des Amis du Louvre

    « Victor Hugo tel que Juliette Drouet l’a connu », conférence de la société des Amis du Louvre

    La société des Amis du Louvre a invité l’universitaire Florence Naugrette, auteur d’une récente biographie de Juliette Drouet, et Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor-Hugo (1806-1883) à Paris-Place des Vosges mais aussi à Guernesey (Hauteville House) à deviser sur le rôle que jouât Juliette Drouet, maîtresse en titre de Victor Hugo (1802-1885), sur la personnalité et l’œuvre de l’écrivain.

    Ils nous déroulent l’incroyable destin de Juliette, bretonne née à Rennes, orpheline très jeune, pensionnaire d’un couvent parisien dont elle sort à peine adulte pour se livrer à une prostitution plus ou moins mondaine, avant de tenter sa chance comme actrice. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre Victor Hugo et que naît ce coup de foudre qui va durer leur vie entière. Elle ne fut pas une très grande actrice semble-t-il et elle renonce assez rapidement à une carrière, décision facilitée lorsque Hugo s’engage à l’entretenir, elle et sa fille Claire Pradier. Hugo va alors emmener officiellement Juliette partout où il va vivre avec sa femme Adèle, qui elle entretient des relations équivoques avec Sainte-Beuve… Cette double vie n’empêche d’ailleurs pas l’écrivain de multiplier les conquêtes.

    Evidemment, à l’heure du féminisme un peu revanchard qui s’est fait jour au XXIe siècle, il est délicat de qualifier la frénésie affective et sexuelle de Hugo au XIXe, et ce jusqu’au crépuscule de sa vie, mais Juliette Drouet sera plus qu’une amante. Elle fut aussi sa muse, sa conseillère et sa partenaire. Elle lui a écrit au moins une lettre par jour durant 50 ans et ce sont 22 000 lettres que Mme. Naugrette a lues pour mener à bien ses travaux sur cette amante magnifique. Hugo fut par ailleurs un amant plutôt dictatorial voulant tout régir et surveiller dans la vie de Juliette.

    L’écrivain-poète, est également dessinateur et Juliette va couver le talent de son amoureux en exigeant toujours plus de lui dans ce domaine. Lorsqu’il quitte son appartement de la Place des Vosges qu’il occupe avec sa famille légitime elle lui installe un atelier de dessin chez elle dans le XIXe arrondissement où il dessine sous son regard amouraché. Une bonne part de la documentation préparatoire à ces dessins est accumulée lors de leurs voyages estivaux qu’ils partagent de façon tout à fait publique. Il développe un talent propre qui fait passer sa production de « dessin d’écrivain » au « dessin de Victor Hugo » qui veut traduire son âme et sa poésie. Et son cœur parfois où l’on voit ses initiales VH entremêlées avec des JD. Il offre nombre de ses dessins à Juliette encadrés dans des cadres souvent également peints par lui.

    Leur histoire d’amour se réalise aussi dans les lieux qu’ils partagent. A Paris ou dans les îles anglo-normandes Hugo laisse éclater sa créativité dans l’aménagement et l’ameublement de ses résidences familiales comme de celles de Juliette. Souvent ces dernières sont le miroir de celles d’Hugo. A Guernesey notamment Hauteville II, la maison achetée par l’écrivain pour sa maîtresse, est à l’image de Hauteville House occupée par lui et sa famille. Il développe une attention particulière pour l’ameublement en chinant des vieux meubles qu’il fait démonter et remonter selon ses instructions. C’est ainsi que l’on peut retrouver un bas de buffet réinstallé en haut d’une armoire car telle est sa fantaisie.

    Pour avoir une idée du style assez empesé et encombré qu’il chérissait, il suffit de se rendre au musée installé dans son ancienne demeure de la Place des Vosges à Paris : meubles tarabiscotés en bois sombre, lourdes teintures murales, plus un centimètre carré libre sur les murs remplis de tableaux et de dessins…

    Lire aussi : Victor-Hugo. Dessins, « Dans l’intimité du génie » au Musée Maisons de Victor-Hugo

    C’est ensemble aussi qu’ils affrontent le malheur, à quelques années d’intervalle : la perte de Claire, la fille de Juliette (âgée de 20 ans) et de Léopoldine la fille de Victor (âgée de 19 ans).

    Et alors que Louis Napoléon Bonaparte, président de la IIe République mène son coup d’Etat en 1851 pour rétablir l’Empire dont il prend les commandes sous le nom de Napoléon III, c’est Juliette qui persuade Hugo de prendre la route de l’exil, lui évitant ainsi sans doute l’emprisonnement tant ses positions politiques, exprimées en tant que parlementaire élu de la seconde République, étaient opposées à la dictature qui se mettait en place par celui qu’il appellera « Napoléon le petit ».

    C’est ainsi que Victor Hugo, sa femme, ses enfants (au moins pour un temps) et sa maitresse vont partir à Bruxelles, puis vivre près de vingt ans à Jersey et Guernesey. Il ne reviendra à Paris qu’en 1870 après la capture de l’Empereur à la suite de la défaite militaire de la France à Sedan face aux Prussiens. Sa femme Adèle est morte en 1868, son fils Charles en 1871, puis son autre fils François-Victor en 1873. Il s’installe avec Juliette à son retour à Paris où ils reçoivent à leur table le tout Paris politique et artistique. L’écrivain qui est devenu sénateur va alors faire des accidents vasculaires cérébraux qui l’affaiblissent mais ne l’empêcheront pas de défendre ses causes de cœur que sont l’abolition de la peine de mort, le pardon à octroyer aux « communards ». Juliette meurt en 1883, deux ans avant Victor. Elle a transmis au neveu d’Hugo tout ce qu’elle avait accumulé sa vie durant concernant l’écrivain : dessins, œuvres, objets, correspondances, jusqu’aux décors de sa maison Hauteville II à Guernesey.

    A sa mort en 1885 Victor Hugo reçoit un hommage national et près de deux millions de personnes suivent son cercueil le jour de son transfert au Panthéon le 1er juin 1885. S’il fut incontestablement « homme du siècle », les conférenciers qualifient Juliette Drouet de « compagne du siècle » ! Pendant cinquante ans Juliette a déployé amour, admiration et dévouement pour Victor Hugo ce qui a aussi contribué à l’œuvre gigantesque de cet homme de légende.

    Lire aussi

  • Dmitri Medvedev tout en subtilité

    Dmitri Medvedev tout en subtilité

    Traduite par Microsoft, la prose de l’ancien président russe durant la période 2008-2012 et toujours président du parti « Russie unie », pro-poutinien, depuis plus de dix ans, fait toujours dans la nuance… C’est étrange cette obsession du nazisme aujourd’hui chez les Russes. Leurs références à l’Ukrainien Bandera (1909-1959) pour justifier la guerre menée contre Kiev est permanente. Bandera fut un nationaliste ukrainien qui, durant la seconde guerre mondiale, s’est retourné contre l’Union soviétique avec l’aide des Allemands. Comme nombre d’Ukrainiens il n’avait pas gardé que de bons souvenirs de la soviétisation de son pays par Moscou…

    Dans la même période, le général de l’armée rouge Vlassov, fait prisonnier par les Allemands en 1942, est retourné par eux et se rallie à leur cause. Il fonde « l’armée russe de libération » qui combat aux côtés de la Wehrmacht. En France, nombre de volontaires ont également combattu aux côtés des Allemands. L’internationalisation de la révolution russe n’avait tout de même pas emporté l’enthousiasme de tous les peuples au point que certains d’entre eux se sont compromis avec l’idéologie nazie contre le « judéo-bolchevisme ». Beaucoup eurent des comptes à rendre après la défaite allemande. Le Français Jacques Doriot, ancien communiste qui a porté l’uniforme nazi, est mort lors du mitraillage de son auto par un avion en 1945 alors qu’il avait fui en Allemagne. Vlassov a été livré aux Soviétiques par les alliés après la défaite de Berlin, emprisonné, torturé, condamné et pendu avec ses généraux en 1946. Bandera réussit à échapper aux soviétiques juste après la guerre et à se réfugier en Suisse puis en Allemagne où il est retrouvé mort un jour de 1959, sans doute assassiné par les services secrets soviétiques du KGB.

    Durant ce conflit de la deuxième guerre mondiale, tous les pays alliés ont connu la dérive de certains de leurs citoyens, la Russie (ex-Union Soviétique) comme les autres. La justice est plus ou moins passée sur ces évènements peu brillants, des règlements de comptes ont également eu lieu, plus ou moins publics et étalés dans le temps. La Russie qui eut à déplorer environ 25 millions de morts dans ce conflit continue à en faire l’un des éléments fondateurs de son existence aujourd’hui, bien au-delà de la révolution bolchévique ou de son histoire tsariste. Le problème pour la partie occidentale est qu’elle utilise aussi cette référence pour justifier son invasion de l’Ukraine en février 2022.

    Dans son message, Medvedev assimile le président ukrainien Zelenski à Bandera et le chancelier allemand Scholz à Hitler. Le président russe Poutine, commandant en chef des armées russes, s’exprime généralement en public de façon plus mesurée mais sa pensée intime ne doit pas être très éloignée de celle de son âme damnée Medvedev. A moins que le nazisme supposé des dirigeants ukrainiens ne soit pour lui qu’un prétexte, qu’il n’en pense pas un mot mais l’utilise pour justifier sa soif de conquête de ses voisins, surtout quand ils furent intégrés à un moment ou un autre à l’Empire russe ou soviétique.

    On ne semble en tout cas pas vraiment sur la voie de l’apaisement dans la guerre d’Ukraine qui perturbe sérieusement l’ensemble de la planète…

    Lire aussi :

  • Le pape est contre l’avortement

    Le pape est contre l’avortement

    Pour des raisons pas forcément très claires, des dirigeants et élus français envisagent de modifier la constitution pour y inclure le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG, en d’autres termes l’avortement) et l’Eglise catholique rappelle à ceux qui l’ignoreraient encore qu’elle reste opposée au principe de l’avortement, et encore plus à son inscription dans le texte fondamental d’un Etat.

    Sur le média en ligne Vatican News, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail sur la bioéthique de la Conférence des évêques de France, déclare les doutes de l’Eglise française sur le sujet :

    …c’est un sujet trop sérieux, trop grave et qui mérite beaucoup de réflexion et d’humilité pour pouvoir discerner quel serait le mieux dans un cadre législatif, et d’autant plus si on choisit le cadre constitutionnel. Cela mérite une grande prudence. …

    à quoi sert la Constitution si on y met des libertés de ceci ou de cela qui sont affichées comme des droits quand il s’agit de problématiques sociétales ? Au lieu de servir la vie de la société et son débat, elle devient un instrument pour clore le débat !

    https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2023-10/france-ivg-constitution-eglise-mgr-dornellas-interview.html

    Il n’est pas particulièrement étonnant de voir confirmée la position anti-avortement de l’Eglise et sa crainte de la constitutionalisation de ce droit qui risque ainsi d’être un peu plus définitif, sans l’être complètement d’ailleurs.

    Il est plus intriguant de voir le président français vouloir se lancer dans une réforme constitutionnelle qui n’a que peu de chances d’aboutir sur ce sujet. Il faudrait effectivement une majorité des 2/3 du parlement sur un texte pour que celui-ci puisse être présenté au vote, soit du congrès, soit des électeurs dans le cadre d’un référendum.

    Ce sujet sociétal concerne certes nombre de citoyens mais à ce stade le droit à l’IVG qui relève de la loi n’est pas remis en cause et on peut véritablement se demander si le président de la République (sans majorité absolue) et le parlement n’ont rien de mieux à faire par les temps qui courent que d’ouvrir un nouveau combat, sans doute perdu d’avance, qui va générer insultes, postures, crispations et, surtout, perte de temps considérable pour les élus qui sont payés avec les impôts des contribuables ? En termes d’efficacité de la dépense publique il serait bien préférable qu’ils s’occupent de remplumer l’armée française ou d’équilibrer les finances publiques !

  • L’ex-président Trump se rapproche de nouveau de la Maison Blanche

    L’ex-président Trump se rapproche de nouveau de la Maison Blanche

    Donald Trump (77 ans aujourd’hui) a quitté la présidence américaine en janvier 2021 dans le fracas de l’assaut du Capitole mené par des troupes de furieux à sa solde, fortement excités par le discours de leur idole contestant sa défaite électorale dans les jardins de la Maison Blanche. L’évènement avait fait cinq morts et provoqué l’évacuation en urgence des parlementaires sous la protection de la police, provoquant la stupeur chez les alliés occidentaux des Etats-Unis, et le sourire narquois du pays dits du « Sud global ». M. Trump n’a jamais reconnu la victoire de son challenger Joe Biden et a même refusé d’assister à son investiture. Il a passé ces quatre dernières années à tonitruer contre tout, à moquer et injurier ses adversaires (même ceux à l’intérieur de son parti), à se défendre contre les multiples procédures pénales en cours contre lui et… à préparer son retour à la présidence.

    Les premières élections primaires qui se sont déroulées au sein du parti républicain ces dernières semaines laissent penser que Trump sera le candidat du parti tant son avance sur les autres candidats est forte. Il sera sans doute confronté au candidat démocrate qui devrait être l’actuel président Joe Biden (81 ans à ce jour) dont l’état de santé paraît chancelant même si son bilan économique et politique est plutôt bon. C’est en tout cas une misère que le peuple américain n’ait le choix qu’entre un trublion caractériel et imprévisible, et un homme pus raisonnable mais manifestement sur le retour.

    Afin de maintenir sa réputation, Donald Trump se laisse aller dans ses meetings électoraux à des sorties dont il est familier depuis des années mai qui donnent froid dans le dos. Lors d’un rassemblement le 10 février il a asséné à la tribune que si les pays membres de l’OTAN ne payaient pas ce qu’ils doivent pour maintenir cette alliance militaire et qu’ils étaient attaqués, il laisserait faire et encouragerait les agresseurs :

    Non, je ne vous protégerais pas. En fait je les encouragerais à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/11/donald-trump-ne-garantit-pas-la-securite-de-l-otan-et-promet-des-expulsions-de-migrants_6215961_3210.html

    Ce n’est pas la première fois que Trump marque son désintérêt pour l’alliance atlantique (OTAN), et même sa volonté d’en sortir (ou d’en éloigner) les Etats-Unis d’Amérique. Il est à craindre que s’il est réélu il avance un peu plus vers la réalisation de cet objectif. Des dirigeants du vieux continents soulignent l’incohérence de tels propos mais il va bien falloir expliquer aux citoyens européens un jour ou l’autre que le parapluie américain devient de plus en plus fragile et que pour le maintenir ou le remplacer il va falloir payer plus.

    La triste réalité vécue aujourd’hui montre que faire la guerre avec les armes fournies par d’autres, ce qui est le cas de l’Ukraine et d’Israël vous rend particulièrement fragile en cas de changement d’humeur de votre fournisseur. L’Europe va devoir prendre en compte ce risque qui va bien se réaliser un jour ou l’autre. Peut-être la France, par exemple, pourrait-elle réfléchir à l’intérêt de financer des jeux olympiques et autres compétitions sportives internationales versus fabriquer des obus et des chars d’assaut ?

  • Nouvelle contre-offensive des médias de la famille Bolloré contre l’intelligence

    Nouvelle contre-offensive des médias de la famille Bolloré contre l’intelligence

    A la suite d’une saisine du conseil d’Etat par l’association Reporters sans frontières (RSF) concernant le « pluralisme et l’indépendance de l’information » de la chaîne d’information en continue CNEWS, propriété du groupe Bolloré, le conseil demande à l’ARCOM, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, de réexaminer dans les six mois « l’indépendance de l’information » au sein de la chaîne. Dans son communiqué le conseil d’Etat demande à l’ARCOM de ne pas comptabiliser uniquement le temps de parole des personnalités politiques invitées sur la chaîne pour mesurer son pluralisme, mais aussi les « interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ». Depuis la publication du communiqué du conseil d’Etat le 13 février, les médias du groupe Bolloré tournent en boucle sur leur indignation d’être ainsi ciblé par des institutions « de gauche » alors que les médias publics « financés avec nos impôts, repaire de gauchistes » ne sont pas mis en cause.

    Il s’agit d’une énième polémique contre les télévisions Bolloré, CNEWS et C8, qui sont accusées d’être « d’extrême droite », ce qui ne veut pas dire grand-chose en soi. La réalité est que ces chaînes sont surtout « d’extrême bêtise », au sens où l’intelligence est quasiment absente de leurs plateaux. Sur « L’heure des pros », le talk-show emblématique de CNEWS, animé par Pascal Praud, un ancien commentateur de fouteballe, réunissant un quarteron de journalistes, pour beaucoup à la retraite, on ressasse principalement le sujet de l’insécurité en France, « corolaire de l’immigration incontrôlée », et du « gauchisme » supposé des médias publics. Les sujets sont lancés avec quelques micros-trottoirs dans lesquels Mme. Michu fait part de son désarroi sur l’augmentation du ticket de métro et en avant pour le « Café du Commerce » où le spectateur est submergé de poncifs, de jugements à l’emporte-pièce et de critiques systématiques de tout et son contraire. Bien entendu, très peu des journalistes ou d’invités ont lu ou étudié les textes ou décisions qu’ils passent à leur moulinette médiatique simpliste. Ils rejettent par définition la complexité du monde et de l’action publique. Tous les élus et gouvernants sont au mieux des incompétents, au pire, des voleurs et des incompétents. Seuls eux s’estiment connectés avec le peuple depuis leurs plateaux clinquants.

    Pascal Praud sert un peu de tête de gondole à la chaîne qui repasse ensuite toute la sainte journée des extraits de ses deux émissions, celle du matin et celle du soir, avec les mêmes commentaires dénués d’intérêt proférés par d’autres journalistes de la chaîne.

    Sur C8, autre chaîne de la galaxie Bolloré, son collègue Cyril Hanouna relaie les mêmes sujets mais cette fois-ci les « journalistes » sont remplacés par un plateau « d’animateurs » dont le niveau de réflexion est consternant. Les invités sont le plus souvent des « influenceuses » à fortes poitrines et lèvres sévèrement botoxées qui racontent leurs aventures et activités sordides, dégradantes, déclenchant l’excitation du plateau mené avec autorité par un Hanouna à la vulgarité assumée, bardé de tatouage, portant d’amples débardeurs ou des sweat-capuches, déroulant un vocabulaire assez limité, ponctué de « j’vous l’dis moi » et de « voilà » tous les trois mots. Quelques hommes politiques, oubliant l’honneur, renonçant à la décence, se commettent dans son émission « Touche pas à mon poste (TPMP) » pour participer au festin de la beaufitude à une heure de grande écoute. Une partie de la campagne électorale des dernières élections présidentielles s’est tenue avec Hanouna en 2022. Pour interroger les candidats ou leurs soutiens, le garçon portait quand même costumes-cravate pailletés et modérait un peu le ton de ses questions, n’osant tout de même pas (encore) traiter un ministre comme Loanna.

    Coco / Charlie Hebdo (10/02/2016)

    Le problème posé par ces chaînes télévisées du groupe Bolloré relève plutôt du délit de racolage des bas instincts, du vide sidéral de la réflexion, de l’excitation des réflexes primaires, bref de la glorification de la bêtise humaine, plutôt que de penchants politiques qualifiés « d’extrême droite » par les critiques de ces médias. Après-tout ils ont le droit d’afficher leurs opinions politiques et ils prennent bien soin d’avoir toujours un intervenant ou journaliste « de gauche » qui se fait généralement étouffer par le reste de la bande, mais le « pluralisme » est ainsi affiché.

    Il est vrai que la décision du conseil d’Etat est incongrue et, sans doute, impossible à mettre en œuvre dans une démocratie tant la détermination de la couleur politique de tous les intervenants est difficile à identifier. Il est probable que cette exigence du conseil tombera d’elle-même aux oubliettes compte tenu de sa non-applicabilité. Il aurait été plus avisé de se baser sur les engagements pris par ces chaînes en échange de l’attribution par l’Etat des fréquences dont elles disposent.

    La relecture des conventions conclues entre le CSA (l’ancêtre de l’ARCOM) montre à quel point C8 ne respecte pas ses engagements dont l’article 2-3-4 « droits de la personne » stipule :

    [L’éditeur] ne doit diffuser aucune émission portant atteinte à la dignité de la personne humaine telle qu’elle est définie par la loi et la jurisprudence.

    Il respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, à son image, à son honneur et à sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence.

    Il veille en particulier :

    – à ce qu’il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ;

    – à éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine ainsi que tout traitement avilissant l’individu ou le rabaissant au niveau d’objet ;

    – à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu’avec leur consentement éclairé ;

    Il fait preuve de mesure lorsqu’il diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou de détresse.

    file:///C:/Users/rehve/OneDrive/Documents/02-Quoi/Divers/Presse/ARCOM_CONVENTION%20SIGNEE%20C8%20(2019)%20entr%C3%A9e%20en%20vigueur%202020.pdf

    Regardons une ou deux émissions de TPMP animée par M. Hanouna et l’on peut conclure assez rapidement au non-respect de cet engagement par la chaîne qui a déjà subi de multiples sanctions pécuniaires devant l’outrance démagogique de certaines de ses émissions. Jusqu’ici, la suspension de l’utilisation de la fréquence octroyée n’a jamais été prononcée. Elle serait pourtant une œuvre de salubrité publique.

    Pour ce qui concerne CNEWS il est plus difficile de démontrer la violation de ses engagements, le délit d’imbécilité ou de quasi-complotisme n’étant pas considéré comme formellement contraire à la déontologie. La convention requiert néanmoins pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, représentation de la diversité, respect des droits de la personne, honnêteté de l’information et des programmes, indépendance éditoriale de la rédaction, et toute une série de grands principes éminemment sympathiques, mais assez flous et faciles à contourner pour un éditeur malin, capable de rester à la limite sans trop franchir la ligne jaune.

    La mauvaise foi de ces médias est évidente mais non formellement constituée. Le groupe Bolloré continue à surfer sur la bêtise en se parant de son « devoir d’informer ». On imagine assez aisément que les parents Bolloré mettent leurs enfants mineurs à l’abri de la propagande racoleuse des chaînes dont ils sont propriétaires mais, à ce stade, rien ne peut les empêcher de diffuser leurs insanités « pour le peuple ». Leur puissance leur permet par ailleurs de contrer vigoureusement toute tentative en ce sens, hurlant avec les loups à « la censure du gouvernement ».

    Oui, la raison voudrait que l’on censure ces Thénardier de l’infotainment mais les règles de la démocratie ne le permettent heureusement pas. Il faut donc accepter leur influence délétère sur le niveau intellectuel du pays. La seule arme restante est de parier sur l’intelligence et la réflexion en espérant que les spectateurs crédules de ces chaînes de l’abrutissement délaissent Cyril Hanouna et se dirigent progressivement vers Arte… Le combat sera long et difficile mais il y va de l’avenir de la République de le poursuivre quoi qu’il en coûte !

    Lire aussi : Le racolage des médias du groupe Canal+ et les règles de l’ARCOM

    Convention CSA-CNEWS

    Convention CSA-C8