C’est le retour aux sources de Pierre Lemaitre, qui a commencé sa carrière d’écrivain par le polar au début des années 2010 avant d’y revenir dix années plus tard et la publication de ce roman noir, « Le Serpent majuscule », écrit en 1985mais jamais publié.
C’est l’histoire d’une vraie méchante qui se déroule en 1985, une tueuse sans foi ni loi qui a commencé son jeu de massacre dans la résistance contre les Allemands durant la seconde guerre mondiale et qui la poursuit via des barbouzeries dont on suppose que les véritables commanditaires sont des services plus ou moins « secrets » de la République. Elle a maintenant 75 ans, est percluse d’arthrose et le simple maniement des cadavres qu’elle crée en masse la fatigue considérablement. Elle tue avec humour et naturel, mais aussi avec l’amour qu’elle voue à son donneur ordre sans savoir que lui aussi l’a aimée, mais sans que ni l’un ni l’autre n’ose dévoiler sa flamme.
Tout a une fin et la sienne est inattendue. Un roman qui se dévore.
L’Etat français a lancé des négociations avec des représentants de l’institution « collectivité de Corse » pour arrêter les contours d’une « autonomie » renforcée par rapport à celle déjà octroyée à cette île. Le 5 juillet 2023, la « collectivité » a adopté à la majorité un texte de délibération de 106 pages intitulé « Autonomia » qui stipule notamment, dans son article 2 :
… que l’autonomie se définit comme le statut juridique permettant à un territoire d’adopter ses propres lois dans tous les domaines, à l’exception de ceux relevant des prérogatives régaliennes de l’Etat.
Que ce statut implique le transfert irréversible de certaines compétences, l’octroi d’un pouvoir législatif dans le champ de celles-ci, une autonomie fiscale et financière non exclusive des transferts financiers de l’Etat et des moyens nécessaires à l’exercice de ces compétences.
L’article 3 mentionne les objectifs de cette autonomie :
La reconnaissance juridique du concept de « peuple corse »
Le statut de coofficialité de la « langue corse »
La « constitutionnalisation » du « lien entre le peuple corse et sa terre » qui pourrait prendre la forme de l’instauration d’un statut de « résidant corse »
Ceci devant donner lieu à une modification de la constitution française, le texte poussant même la délicatesse jusqu’à proposer une rédaction des articles à modifier ou créer ainsi que la liste des pouvoirs à transférer de la République vers la « collectivité autonome », dont l’autonomie fiscale permettant à la Corse de décider de tous les impôts, bases de calcul et taux d’imposition.
L’article 19 rappelle néanmoins que « que tout statut d’autonomie implique nécessairement la garantie de transferts financiers en provenance de l’Etat, affirmation de la solidarité nationale, et prévoit les modalités de leur mise en œuvre. »
Le groupe de droite composant l’opposition à la majorité autonomiste et indépendantiste de la collectivité a voté pour sa propre délibération qui appelle à un simple « pouvoir d’adaptation » des lois françaises. Les deux textes ont été présentés à l’Etat et le président de la République de passage en Corse fin septembre a pris quelques engagements de modifier la constitution pour y mentionner la Corse sachant qu’il est peu probable que l’assemblée nationale et le sénat arrivent à s’accorder sur un texte unique, condition préalable indispensable à tout changement constitutionnel.
Les vrais indépendantistes corses ont marqué leur choix pour une indépendance pleine et entière en déclenchant une nouvelle « nuit bleue » dimanche dernier avec une vingtaine de plastiquages de maisons privées, le plus souvent des résidences secondaires appartenant à des propriétaires que les indépendantistes de veulent pas voir sur leur ile. C’est l’illustration de ce que représente le concept de « résident corse » demandé même par les autonomistes : on choisit qui a le droit de détenir ou pas un bien immobilier en Corse. Les indépendantistes font passer le message à coups de bombes, les autonomistes cherchent à changer la loi, mais l’objectif est commun.
La Corse veut, globalement, le divorce avec pension alimentaire. Devant les déclarations présidentielles plutôt favorables à une évolution vers l’autonomie corse dont il reste à s’accorder sur les limites, la région Bretagne a rappelé son souhait de suivre un chemin comparable. La Corse risque non seulement de quitter la République mais aussi d’en changer significativement la structure si les autres régions s’avisent de l’imiter. Les lendemains risquent d’être douloureux !
Joseph Kessel (1898-1970), écrivain-journaliste-aventurier, a parcouru le monde pour en ramener des récits et des romans flamboyants. Seules les deux guerres mondiales interrompirent sa création littéraire, mais aussi l’inspirèrent. Au cours de la seconde, il s’engage dans la résistance, compose et co-écrit avec son neveu Maurice Druon le Chant des Partisans, puis la termine comme capitaine d’aviation.
« Fortune Carrée » lui a été inspirée par un voyage en Mer Rouge en 1930 durant lequel il rencontra Henry de Monfreid, autre aventurier-écrivain, qui est l’un des personnages du roman, marin confirmé vivant de contrebande et de son domaine agricole perdu dans les montagnes arides. L’histoire se passe entre le Yémen, l’Ethiopie et la Mer Rouge où les personnages doivent acheminer une cargaison d’armes pour la vendre à un marchand d’esclaves. Leur route, périlleuse, passe au milieu de territoires tenus par des tribus en guerre les unes contre les autres. Leurs haines sont recuites et ancestrales, la violence est leur mode de fonctionnement dans un environnement austère composé de déserts, de minéralité et de liquide qui rend les conditions de vie extrêmes et ne pardonne pas la faiblesse.
Kessel décrit à merveille cet environnement naturel grandiose et sauvage. Il aime et admire les personnages hors du commun qu’il rencontre dans la région et qu’il met en scène dans le roman, dont un russe d’origine kirghize, ambassadeur de son pays à Sanaa avant de se consacrer à ses propres affaires dans la violence, le cynisme et une connaissance affutée de la zone et de ses tribus.
Ce roman haletant permet aussi, hélas, de réaliser qu’un siècle plus tard pas grand-chose n’a changé dans les modes de vie locaux quand le Yémen et l’Ethiopie sont quasiment en guerre permanente depuis cette époque. Kessel a toujours décrit avec force détails la violence endémique des régions qu’ils traversât et qui où se déroulent ses récits. Sans doute un peu fasciné par ces pratiques qu’il ne peut pas adopter en tant qu’homme « civilisé », il admire ces guerriers et en fait le miel de tous ces romans d’aventure qui ont bercé la première moitié du XXème siècle, une époque où les voyages se faisaient surtout à travers les romans d’aventure.
Le musée lyonnais des Confluences célèbre le centenaire de la naissance du photographe Marc Riboud (1923-2016). Issu de la grande famille bourgeoise lyonnaise des Riboud, il emprunte des chemins plus artistiques que ses frères, capitaines d’industrie. Ingénieur centralien diplômé après la seconde guerre mondiale il préfère courir le monde avec son appareil plutôt que de construire des ponts. Il imprime sur la pellicule nombre des grands évènements de la deuxième moitié du XXème siècle : les indépendances africaines, la guerre d’Algérie, celle du Vietnam, l’ouverture de la Chine au monde, etc.
La présente exposition a sélectionné 100 photos parmi des dizaines de milliers issues de ses pérégrinations. Les clichés sont en noir-et-blanc, méthode favorite de l’artiste, centrées majoritairement vers l’Asie qui intéressait tant l’artiste. Certaines sont devenues iconiques comme celle de la manifestante américaine opposant des fleurs aux baïonnettes de la garde nationale lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam en 1976. D’autres sont terribles comme celles des gamins errant dans les ruines de la capitale impériale de Hué après les terribles bombardements américains en 1968.
Il y en a aussi de bien plus paisibles, montrant les paysages embrumés d’un lever du jour dans les Montagnes Jaunes ou de Dacca dans les fumées des braseros des cuisinières de rues.
Dans une interview il parle de sa technique et du regard que doit porter l’artiste pour réussir une photo. L’appareil n’est rien et le sien était loin d’intégrer tous les automatismes inclus dans ceux d’aujourd’hui. Il devait se débrouiller avec trois boutons : la vitesse, l’ouverture et la distance, tout en précisant qu’un pianiste doit quant à lui gérer bien plus de touches…
On sent le photographe appliqué à restituer le monde tel qu’il le voit : indéchiffrable s’agissant de la nature, le plus souvent dévastateur lorsque l’homme est alentour. Un univers en noir et blanc !
Gérard Larcher, 74 ans, vient d’être réélu pour un énième mandat à la présidence de cette institution. Il occupe ce fauteuil depuis 12 ans compte tenu d’une interruption de trois ans entre 2012 et 2014. Il est âgé, pas antipathique mais néanmoins âgé. Il aurait été de bon ton qu’il envisage de céder sa place à un collègue plus jeune et dynamique. Il n’a pas démérité mais douze ans « ça suffit ». Sauf évènement imprévu il en prend pour trois années supplémentaires ce qui lui fera quinze années de présidence, si ce n’est plus dans le cas, pas improbable, où il se représenterait en 2026…
Par son insistance à rester collé à son maroquin il symbolise l’immobilisme français d’une caste politique accrochée à des postes sous les dorures d’une République qui traite plutôt bien ses employés « VIP ». Ces hommes se croient indispensables à la survie d’un pays tiraillé entre l’attentisme d’une classe politique rance et la violence d’une jeunesse bigarrée et impatiente. Gérard Larcher est l’un des derniers dinosaures de la Vème République, il aurait été tout à son honneur qu’il sorte en beauté cette année, et avec les honneurs, pour prendre une retraite à peu près méritée (et lucrative puisque le « régime spécial » de la retraite des sénateurs a été maintenu en place). Il en a décidé autrement, hélas !
Le conflit insoluble existant entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis la chute de l’URSS dont elles composaient deux des républiques « socialistes » est en train de se décanter par application de la loi du plus fort et, ici, la force est du côté de Bakou. La situation des frontières entre ces deux pays est une hérésie et un imbroglio légal impossible à gérer. Il y a une enclave en territoire azerbaïdjanais peuplée de citoyens historiquement de souche arménienne, le Haut-Karabagh, qui appartient à l’Azerbaïdjan au point de vue du droit international mais qui a déclaré son indépendance, au mépris de ce même droit. Il existe une partie du territoire azerbaïdjanais détachée géographiquement, le Nakhitchevan, à l’ouest de l’Arménie à la frontière avec l’Iran. Pour ne rien arranger, l’Azerbaïdjan est turcophile et turcophone sur fond de génocide arménien de 1915, jamais reconnu en tant que « génocide » par la Turquie.
Les armes ont parlé, l’Azerbaïdjan a reconquis sa pleine souveraineté sur le Haut-Karabagh en deux étapes, la guerre de 2020 et l’attaque de ce mois. Il y a 120 000 habitants au Haut-Karabagh qui se sentent arméniens bien que de nationalité azerbaïdjanaise, personne n’ayant reconnu la déclaration d’indépendance unilatérale de cette partie du territoire azerbaïdjanaise. Ils n’ont aucune confiance dans les annonces de Bakou qu’ils peuvent rester sur place et que leur sécurité sera assurée. Alors ils évacuent le Haut-Karabagh, sans doute pour toujours, pour rejoindre l’Arménie à quelques dizaines de kilomètres. Comme il y de plus des religions opposées, chrétienne pour le Karabagh et musulmane pour l’Azerbaïdjan, et des souvenirs d’exactions à leur encontre, on comprend la décision d’évacuer des habitants de ce territoire.
Dans un contexte politique radicalement différentes, on se souvient que les « pieds-noirs » en Algérie, les colons français de ce pays, n’ont fait aucune confiance en 1962 aux accords de paix dits « d’Evian » signés entre Paris et le FLN algérien (Front de libération nationale) qui leur accordaient des garanties de sécurité et un statut particulier pour une longue période, et ce sont près d’un million de personnes qui ont évacué l’Algérie indépendante en quelques mois pour rejoindre la France. Ce fut un énorme problème social à régler pour la France qui accueillit en si peu de temps un tel flux de population, mais l’impossible a finalement été réalisé avec son cortège d’insuffisances, d’injustices et de chaos. Erevan est aujourd’hui face à ce défi.
Les bonnes âmes en France s’émeuvent sur les plateaux télévisés « qu’on ne fait rien pour l’Arménie qui est à l’origine de la religion chrétienne en Orient »… Mais que veulent-ils ? Que Paris entre en guerre contre Bakou pour rétablir les habitants du Haut-Karabagh alors qu’elle n’a pas même reconnu l’indépendance auto-proclamée de ce territoire ? Après les équipées militaires occidentales en Iraq, en Afghanistan, en Afrique, ou russes en Ukraine, en Syrie, en Géorgie, l’interventionnisme a montré son inefficacité et s’est trop souvent soldé par le chaos. Non, la vérité est que même si ces deux pays s’étaient entendus diplomatiquement, les haines ancestrales générées entre les deux populations, doublés d’oppositions dans tous les domaines dont le religieux, l’inextricable imbrication des territoires, le mieux est d’en tirer les conséquences et d’évacuer les habitants d’origine arménienne vers l’Arménie qu’il faudra aider financièrement pour l’intégration de ceux-ci.
Le ressentiment des uns contre les autres, et des habitants du Karabagh contre le gouvernement arménien qui ne les a pas défendus, va durer pour des générations avec un risque de déclenchement d’une nouvelle guerre si l’Arménie, un jour, se retrouve en position de la faire. En attendant, l’Azerbaïdjan risque de repartir en guerre pour obtenir un corridor terrestre pour joindre le Nakhitchevan à son territoire. Inextricable, on vous le dit, tout cela étant aussi le résultat du tracé des frontières réalisé sous l’empire de Staline ! L’Arménie est un petit pays de trois millions d’habitants entourés de pays puissants et sauvages, la Turquie, l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Géorgie. Pas facile d’être un petit poucet au milieu des loups. On a cru au XXème siècle que le droit international était la voie à suivre sous l’égide des Nations Unis pour régler les conflits territoriaux. La méthode a fonctionné un temps mais n’est plus opérationnelle pour la majorité des pays de la planète, la force a pris le dessus. C’est dangereux et inquiétant. L’histoire est un éternel recommencement, gageons que l’intelligence et la négociation reprendront bien un jour le dessus.
Après avoir réhabilité le drapeau rouge de l’Union soviétique pour l’armée russe, Moscou a inauguré une statue de Felix Dzerjinski (1877-1926). Il fut l’un des chefs majeurs de la révolution bolchévique de 1917 et fut chargé de mettre en place une police pour lutter contre « l’ennemi de l’intérieur ». Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’est acquitté de sa tâche avec conscience et efficacité. Il a été l’un des organisateurs de la « terreur rouge » durant la guerre civile et a été à l’initiative de la création de la Tcheka, devenue Guepeou, l’ancêtre du KGB de sinistre mémoire, devenu FSB après la chute de l’URSS. Membre du comité central du parti communiste de l’URSS il serait mort d’une crise cardiaque à la suite d’une réunion de cette institution particulièrement agitée en juillet 1926. Une autre hypothèse parle d’un empoisonnement sur ordre de Staline.
C’est sous son autorité que la police politique soviétique a mené sur une très grande échelle les déportations et exécutions de masse. Il est coresponsable de dizaines de millions de morts et fut l’un des piliers sur lequel Staline assis la terreur soviétique dont les conséquences sont toujours visibles aujourd’hui. Sa statue a longtemps trôné Moscou devant le siège du KGB sur la place Loubianka. Après la dissolution de l’URSS en 1991 il a été estimé plus décent de déboulonner cette statue.
Les années 2000 voient le retour à l’idéologie soviétique en Russie comme dans certains pays de son pré-carré sur fond d’antioccidentalisme. La guerre menée en Ukraine par Moscou depuis février 2022 s’accompagne d’une féroce campagne de retour aux idées et aux pratiques d’antan. C’est ainsi qu’une copie de la statue de la Loubianka vient d’être rétablie dans un quartier plus « discret » de Moscou. Dzerjinski peut être comparé dans l’histoire au Himmler du régime nazi, le réhabiliter dans sa « gloire » est un acte qui en dit long sur la volonté de Moscou de revenir en arrière.
L’union de la gauche issue des élections législatives de 2022, dénommée « Nouvelle union populaire, écologique et sociale » (NUPES), dont on ne sait toujours pas s’il faut prononcer « Nupesses » ou « Nupss », est en train de se déchirer entre son parti principal, La France Insoumise (LFI) dirigée par Jean-Luc Mélanchon et « coordonnée » par Manuel Bompart, se distingue par le niveau de ses injures tous azimuts, y compris contre les autres partis composant cette nouvelle union.
Ces derniers temps c’est le chef du parti communiste français (NUPES), Fabien Roussel, qui est la cible privilégiée des attaques du clan LFI. Il vient récemment d’être comparé à Jacques Doriot par Sophia Chikirou, députée LFI et actuellement empêtrée dans des affaires financières de surfacturation de prestations effectuées par sa boutique de « communication » à LFI. Un peu lassé de se faire insulter par l’état-major de LFI, Roussel s’achemine sans doute vers la sortie du PCF de la NUPES. C’est à cette occasion que Mme. Chikirou l’a comparé à Doriot (1898-1945).
Sans doute pas grand monde dans l’électorat de la NUPES ne sait qui est ce Monsieur Doriot. Les plus jeunes apprendront à cette occasion que le garçon, après une valeureuse participation à la guerre de 1914-1918 il fut décoré de la Croix de guerre puis devient chef des Jeunesses communistes. A ce titre il séjourne deux ans en Union soviétique (1921 & 1922) où il prend fait et cause pour le parti bolchévique puis consacre son engagement à diffuser la bonne parole soviétique à travers les partis communistes européens. Puis il sera élu maire et député. Dans les années 1930 il va s’éloigner du communiste dont les grandes lignes sont arrêtées à Moscou, l’opposition portant sur la meilleure façon de lutter contre le fascisme qui montre son nez en Allemagne et risque de s’étendre dans les pays avoisinants. En 1934 il est exclu du PCF. Outré de cette sanction il va progressivement se rapprocher de l’Allemagne nazie par rejet du communisme. En 1936 il crée le Parti populaire français (PPF) qui prône la « révolution nationale » et le pacifisme. Mobilisé en 1940 sous le drapeau français il gagne une seconde Croix de guerre sur le front avant d’être démobilisé. Après la signature de l’armistice en juin 1940 il se rapproche du gouvernement de Pétain puis commence à sérieusement dériver vers la collaboration avec l’Allemagne jusqu’à porter l’uniforme allemand sur le front de l’est contre les soviétiques. Après le débarquement de 1944 en Normandie il fuit en Allemagne. Sa voiture est mitraillée par un avion en février 1945, il est tué. Il n’a jamais été établie clairement si l’avion était allemand ou allié.
La comparaison Doriot/Roussel établie en toute délicatesse par Mme. Chikirou a dû faire particulièrement plaisir au récipiendaire de l’insulte. Même si Fabien Roussel en tant que patron du PCF doit aussi assumer une lointaine responsabilité des errements du parti communiste durant la seconde guerre mondiale, le comparer à Jacques Doriot qui a porté l’uniforme de la Wehrmacht durant cette guerre manque pour le moins d’empathie et de subtilité. Cela marque les comportements des élus LFI qui ont rallié en force l’assemblée nationale après les élections législatives de 2022 avec plus de 140 députés dont 72 pour LFI qui se sont illustrés par leurs tentatives multiples de blocages institutionnels, insultes proférées à la tribune et dans les couloirs, chahuts divers, bref, des comportements de gougnafiers dans l’un des palais de la République qu’ils contestent puisqu’ils veulent en créer un VIème, sans doute à leur image.
Ainsi va la vie démocratique, ils ont été élus régulièrement, alors ils siègent et utilisent toutes les ficelles du système qui a été fondé sur la base de députés de bonne foi et non d’élus qui utilisent des méthodes de forbans pour nuire au fonctionnement fluide de l’assemblée nationale. Les concepteurs de la Vème République avaient une bonne anticipation de la capacité de nuisance des partis politiques qui, déjà, jouaient contre l’intérêt national sous la IVème, au bénéfice des combines partisanes, ont incorporé dans la constitution toute une série d’outils (article 49.3 entre autres) permettant de passer outre les blocages d’élus de mauvaise foi. Les insultes ou les références historiques douteuses peuvent être sanctionnées en application du règlement intérieur de l’assemblée, et elles le sont généralement, tant que LFI n’a pas la majorité dans l’assemblée…
Si les électeurs ne veulent plus de tels errements il suffit de ne plus voter pour de tels représentants. En attendant, ils sont là et prospèrent avec l’argent de la République.
Récit recueilli par David Teboul (cinéaste-photographe)
Simone Veil (1927-2017), magistrate et femme politique française du quatrième quart du XXème siècle, fut surtout une femme au destin des plus singulier. Simone Jacob de son nom de jeune fille est issue d’une famille juive non pratiquante, « laïque », mais respectueuse de la tradition. Son père est architecte à Paris et sa mère est femme au foyer. Encore enfant la famille est confrontée à la crise de 1929 et s’installe à Nice pour essayer d’en atténuer les conséquences économiques sur le foyer. Adolescente elle voit monter le nazisme en Europe, l’antisémitisme s’aggraver, la guerre éclater et, finalement, elle est arrêtée avec une partie de sa famille, déportée en mars 1944 (elle a 17 ans), survit et en revient en mai 1945. Cette terrible épreuve la marque à tout jamais et explique sans doute en partie l’affection dont elle a bénéficié auprès des français même si peu d’entre eux ont réalisé l’ampleur du traumatisme de la déportation. L’épreuve et la perte des siens lui ont probablement donné cette hauteur de vue qui l’a distinguée du reste du monde politique auquel elle a participé un peu malgré elle.
Elle a vécu dans un milieu aimant avec ses deux sœurs et son frère. Tous seront déportés et seules les trois sœurs reviendront vivantes. A partir des années 1970, alors que le voile commence à se lever sur la réalité de la Shoah et de la déportation en général, Mme. Veil s’implique personnellement dans la transmission de cette histoire en participant à nombre de débats et de visites pédagogiques ou officielles à Auschwitz-Birkenau. Le récit fait à David Teboul revient calmement sur cette progressive descente aux enfers, de sa petite enfance heureuse au cœur d’une famille qui croyait plus que tout à la protection de la République française sur tous ses citoyens et qui n’envisagea pas un instant de fuir devant la montée de la barbarie.
Par une effet d’un heureux hasard, Simone put rester durant toute sa déportation avec sa mère et sa sœur aînée Milou, participant toutes les trois aux « marches de la mort » lorsque les allemands évacuèrent Birkenau devant l’avancée de troupes soviétiques. Sa mère ne résistât pas à l’épuisement et à la maladie, mourut à Bergen-Belsen. Sa sœur aînée Milou, bien très malade réussit à survivre et à revenir. Le dévouement de la mère pour ses deux filles est racontée de façon bouleversante par Simone, son inquiétude, son optimisme et son sens du sacrifice pour que ses filles « s’en sortent ». Son décès dans la misère des camps est une épreuve dont cette gamine de 17 ans ne s’est jamais vraiment remise et dont elle parle toujours avec une grande émotion. Son père et son frère déporté en Lituanie ne revinrent jamais sans que l’on connaisse les conditions précises de leur assassinat. Sa sœur Denise, engagée dans la résistance, rentrera vivante de Ravensbrück. Elle est décédée en 2013 à Paris. Milou est morte dans un accident de voiture en 1952, nouveau traumatisme pour Simone qui en avait fait sa mère de substitution.
Le récit est complété par des rencontres-dialogues provoquées par Teboul entre Simone et sa sœur Denise (1924-2013), Simone et Marcelline Loridan-Ivens (1928-2018), compagne de déportation et amie intime de Simone, Simone et Paul Schaffer (1924-2020) rencontré à Birkenau et avec qui un dialogue s’engage sur l’éternelle question de savoir pourquoi les alliés n’ont pas mis fin à l’holocauste en cours alors qu’ils en étaient informés, au moins à partir de 1943, sinon avant ? Simone Veil est mesurée et perspicace, comme souvent, dans son analyse et avance que la priorité des alliés était de gagner la guerre le plus vite possible, pas de se préoccuper de la situation des déportés. Paul Schaffer avance au contraire que les dirigeants occidentaux ont craint de disperser la force militaire pour « sauver des juifs » ce que leurs électeurs leur auraient ensuite reproché…
Avec Marcelline Loridan-Ivens on découvre leur vraie complicité quand, sur le lit conjugal de Simone avenue Vauban, elle fume des joints en compagnie de l’auteur… avant que Simone n’ouvre en catastrophe la fenêtre pour aérer les odeurs de cannabis, son mari ayant téléphoné pour annoncer qu’il rentrait une demi-heure plus tard. Nous sommes dans les années 2000, Simone a plus de 70 ans et Marcelline tout autant. Elles sont toutes deux le jour et la nuit, l’une magistrate et ministre, l’autre artiste écrivaine-réalisatrice mais leur proximité forgée à Auschwitz ne se démentira jamais comme celle entretenue avec tous ses camarades de déportations, dont les « filles de Birkenau » comme les appelle Loridan-Ivans. Ensemble elles ont survécu à la mort et la déshumanisation des camps d’extermination allemands, personne ne peut d’après-elles même imaginer ce que fut cette barbarie. Le secret de cette terrible expérience elles eurent besoin de le retrouver entre elles leur vie durant ce qu’elles firent avec constance et une profonde solidarité jamais démentie.
Alors qu’elle était ministre de la santé en charge de la loi sur la légalisation de l’avortement en 1974 elle est l’objet d’insultes de la part de la droite dont certains représentants (Jacques Médecin notamment) assimilent l’avortement à des pratiques nazis, faisant référence aux fours crématoires, particulièrement subtil alors qu’ils s’adressent à une ancienne déportée… Elle résiste avec dignité à ces comportements de basse fosse et la loi est adoptée faisant d’elle le parangon de la libération de la femme dans un genre apaisé et intelligent.
Cette génération de celles et ceux qui furent enfants dans les camps dans les années 1940 a presque disparu maintenant. Ce sont les derniers témoins de la barbarie totale qui a sévit sur notre vieille Europe à qui cet émouvant récit redonne une dernière fois la parole !
Nicolas de Staël (1913-1955) est exposé à Paris. Peintre né à Saint-Pétersbourg dans une famille noble qui émigre au moment de la révolution bolchévique en Pologne où ses parents décèdent, il est ensuite accueilli dans une famille aimante en Belgique avec ses deux sœurs où sa passion pour la peinture est révélée. Il poursuit ensuite son chemin en France (il est naturalisé en 1948) jusqu’à son suicide à Antibes à l’âge de 41 ans. Personnalité « intranquille et mélancolique » il vit des passions amoureuses tout au long de sa vie et l’éloignement de Jeanne Polge, le dernier amour de sa vie, n’est sans doute pas étranger à sa fin tragique. Jeanne lui avait été présentée par René Char avec qui le peintre entretint une forte amitié, parfois houleuse.
La rétrospective suit l’inspiration et le travail de l’artiste tout au long de sa trop courte vie, en commençant par les tableaux abstraits, un peu confus et torturés, à base de couleurs sombres, noir ou marron. Différents voyages et résidences au sud de la France et en Italie vont progressivement ouvrir le peintre à la couleur dont le musée d’Art Moderne présente nombre d’œuvres flamboyantes illustrant ses séjours à Antibes, en Normandie, au Lavandou, en Sicile, en Ile-de-France ; des paysages dessinés à gros traits entassés de peinture épaisse, des couleurs éclatantes et originales relatant la vision très singulière du peintre, des formes floues évoquant des personnages sur la plage ou des bateaux en mer, des perspectives très épurées ; mais aussi des portraits du même acabit, notamment celui de sa fille Anne qui raconte dans une vidéo qu’elle avait 11 ans quand son père l’a fait poser dix minutes dans la maison de Ménerbes pour peindre ensuite la toile présentée aujourd’hui, une merveille de couleurs, de silhouette esquissée et de formes floues et fuyantes dont la grâce restitue toute la fragilité de l’adolescente. Il y a aussi nombre de tableaux des femmes qui l’ont inspiré, toujours de la même veine, des formes de corps évoquées dans la couleur plus que de véritables portraits.
De Staël a commencé à vendre et exposer ses toiles dans les années 1950 et put sortir ainsi progressivement de la précarité matérielle qui a marqué ses débuts. Curieux et l’œil toujours en éveil il peint aussi des tableaux de grande dimension après avoir assisté à des concerts de musique, classique et jazz, ou à des matchs de football. Travailleur acharné il laisse de nombreuses toiles inachevées à sa mort en 1955.
Nicolas de Staël fut un peintre fulgurant, emporté par ses passions, qui a marqué son époque. Ami de Braque, de Char, de Boulez, il a développé une insatiable soif de vivre que son œil et son talent hors du commun lui ont permis de restituer sur des toiles magiques. Quelle tristesse qu’il n’ait pu résister au côté sombre de sa personnalité qui lui fit interrompre prématurément sa vie et une œuvre artistique importante !
Toute ma vie j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, me libérer de toutes les impressions, toutes les sensations, toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai jamais trouvé d’autres issues que la peinture.
J-D. Beauvallet fut l’un des rédacteurs en chef du magazine « Les Inrockuptibles » pour lequel il a réalisé nombre d’interviews de rockers de légende. Né en 1962, ce passionné de musique rock a longtemps résidé à Londres et s’est spécialisé sur la période 1980-1990 sans négliger les grands anciens. Cet ouvrage reprend certaines de ces interviews : Björk, Daft Punk, PJ Harvey, Pulp, New Order, Lana des Rey, Thom Yorke… mais aussi ceux qui les ont inspirés : Bowie, Bono, Bacharach…
La connaissance encyclopédique du rock de l’intervieweur rassure sans doute les interviewés qui paraissent sincères, voire appliqués, dans les réponses apportées à des questions le plus souvent intelligentes et qui prennent leur temps. Ils sont pour la plupart à mi-chemin de leur carrière déjà brillante dont le lecteur de 2023 connait la suite. En les écoutant on découvre pour tous cette idée de la musique rivée au corps depuis leur petite enfance et l’énergie qu’ils ont développée, contre vents et marées, pour créer et jouer ce qui irradiait de leur âme. Ils ont fait de la musique un indispensable projet de vie qui, additionné à leur incontestable talent, a permis de réaliser de grandes œuvres qui guident le cœur des fans passionnés mais moins actifs, ou moins talentueux, que leurs guides.
Le talent de Beauvallet est de les amener doucement à le livrer sur la relation qu’ils entretiennent avec leur art. A ce titre, ce recueil est passionnant mais reste un livre d’un spécialiste pour spécialistes du rock de la fin du XXème siècle.
Joli concert de New Order ce soir au Zénith de Paris, les musiciens britanniques ont présenté un show classique, réjouissant et plutôt bien léché. Même la bande son précédant leur arrivée sur scène était choisie avec subtilité : Massive Attack, Tame Impala, Lou Reed, Magazine dont le Shot by Both Sides fut interrompu brutalement par l’arrivée des New Order.
Un grand écran en format horizontal projette les images d’un plongeur tournoyant dans les airs au ralenti dont un extrait figure la couverture du disque live NOMC15 (New Order Complete 2025) sorti en 2017. Le costume et le noir-et-blanc font furieusement référence aux images de propagande de la cinéaste Leni Riefenstahl qui œuvrait sous le régime nazi. Nous ne sommes pas aux Jeux Olympiques de Berlin 1933, mais au concert de New Order en 2023.
Et pendant que le plongeur déroule ses arabesques corporelles, un fond musical électro prépare l’arrivée des musiciens : Barney (67 ans) principal auteur-compositeur, guitariste et chanteur (Bernard Sumner de son vrai nom), Stephen Morris à la batterie, Gillian Gilbert aux claviers. Peter Hook (dit Hooky), bassiste fondateur du groupe les a quittés en plutôt mauvais termes il y a dix ans (voir ses mémoires « Substance – New Order vu de l’intérieur ») et est remplacé par Tom Chapman. Phil Cunningham fait le deuxième guitariste depuis bientôt vingt ans, avec talent. Ils sont tous habillés de noir sauf Gillian qui aborde une robe aux motifs chamarrés.
Une fois en place ils démarrent alors Crystal rapidement interrompu au bout de quelques mesures par Barney qui semble avoir loupé quelque chose et endosse la faute en s’excusant platement devant le public. Le morceau est repris sans que l’on ne distingue vraiment de différence avec le début du précédent essai. Au moins va-t-il cette fois-ci jusqu’à son terme. L’écran diffuse le clip officiel de ce tube de légende sorti en 2001, on y voit une bande d’adolescents interpréter ce morceau sur scène dans un déluge de pogo et de riffs. Le plus drôle dans l’histoire est que les vrais ados de l’époque qui n’avaient jamais entendu parler de New Order ont pris pour argent comptant cette vidéo fake, ils ont longtemps cru que ce groupe venait de percer et que ses musiciens avaient effectivement l’âge des acteurs du clip… Il a fallu les détromper et leur rappeler que la génération de leurs parents, voire de leurs grands-parents, savaient également faire de la bonne musique.
La setlist est ensuite déclinée sans temps morts, toujours magnifiquement accompagnée par un light-show aux images dépouillées et élégantes inspirées par Peter Saville, graphiste qui a composé toutes les couvertures si singulières des disques. L’écran ce soir semble composé d’une pièce, en réalité la magie de la numérisation permet de de le scinder en plusieurs sous-écrans en fonction des besoins. Y sont projetés des images réelles ou des figures géométriques qui s’enchevêtrent sans fin. Le choix des couleurs est subtil. Le groupe ne délaisse pas les rayons laser, procédé un peu classique mais qui déclenche toujours la même féérie dans une salle de concert.
Depuis que New Order a pris la suite de Joy Division après le suicide de Ian Curtis son chanteur, la musique s’est faîte plus électronique et dansante. Dans les années 1980-1990 leurs tubes électro hantaient les dance floor et tous les jeunes de cette génération se sont déchaînés sur leurs rythmes à un moment ou un autre de leurs vies de nightclubbers. Mais c’était encore un temps ou les synthétiseurs et les boîtes à rythmes cohabitaient avec les guitares et les batteries et c’est ce qui fait tout l’intérêt des New Order encore aujourd’hui où cette bande de sexagénaires réussit à faire se trémousser des milliers de spectateurs comme un seul homme aux premières mesures de Temptation et autres hits de légende.
Oh, up, down, turn around Please don’t let me hit the ground Tonight, I think I’ll walk alone I’ll find my soul as I go home
(Temptation – 1982)
Les sons des guitares sont clairs et métalliques, leurs riffs endiablés, les rythmes de la batterie sont renforcés par l’automatisme des boîtes électroniques, quelques nappes de claviers adoucissent le côté saccadé de la musique et la voix de Barney, pleine et un peu forcée dans les aigus, marque la mélodie et emmène cet ensemble parfait et déchaîné.
Délaissant parfois sa guitare lorsque le vaisseau semble naviguer tout seul à la poursuite de son rythme infernal, Barney claque dans ses mains pour entraîner un public qui n’en a vraiment pas besoin. Gillian joue de la guitare sur Ceremony, Phil tapote parfois sur une boîte à rythmes entre deux riffs cinglants ou joue quelques notes de clavier pour épauler Gillian. Sur le final Blue Monday c’est Barney qui va jouer à quatre mains avec Gillian.
Le rappel est, comme toujours, consacré à des reprises de Joy Division qui enchantent le Zénith pendant que s’affiche sur l’écran « FOREVER JOY DIVISION ». Sur les dernières notes de Love Will Tear Us Apart ce sont les couleurs du drapeau ukrainien qui jaillissent à l’écran.
Les New Order sont maintenant les notables de l’électrorock, surfant toujours sur leur créativité de l’époque qui s’est prolongée jusque dans les années 2010. Leur dernier CD Music Complete est sorti en 2015 et c’était plutôt un bon disque dont l’extrait Restless a été joué ce soir. Un nouveau disque des Rolling Stones est annoncé, pourquoi New Order ne suivrait-il pas ce bon exemple ?
Setlist : Crystal (with false start)/ Age of Consent/ Ceremony/ Restless/ Shake It Up/ Isolation (Joy Division cover)/ Your Silent Face/ World/ Be a Rebel/ Waiting for the Sirens’ Call/ Sub-culture/ Bizarre Love Triangle/ Plastic/ True Faith/ Temptation/ Blue Monday
Encore : Atmosphere (Joy Division cover)/ Love Will Tear Us Apart (Joy Division cover)
Warmup : Mark Reeder, DJ diffusant des morceaux souvent remixés de NO
Carlos Santana est un immense guitariste mexicain né en 1947, par ailleurs compositeur et chanteur. Ce documentaire retrace sa vie jusqu’à ce jour. Né dans une famille modeste, son père joue du violon dans de petits orchestres de musique mariachi, il commence la musique au violon avec son père avant de passer à la guitare à l’âge de huit ans. Il joue dans de petits clubs de Tijuana où sa famille s’est installée avant de rejoindre les siens qui ont émigré à San Francisco. Il se fait remarquer en jouant dans la rue avec le Santana Blues Band, par Bill Graham le manager du célèbre Fillmore West, qui va lui faire assurer les premières parties de groupes légendaires : Grateful Dead, Jefferson Airplane. Alors que le groupe n’a pas encore publié de disque il joue au en 1969 au festival de Woodstock où sa prestation a été immortalisée dans le film éponyme, avec celle de son batteur halluciné. Tout ce petit monde porte les cheveux longs et flotte en quasi-permanence bien haut dans les paradis artificiels. Santana raconte dans le documentaire qu’en arrivant en hélicoptère sur le festival, Jerry Garcia du Grateful Dead lui passe un acide en le rassurant qu’il ne jouera que tard dans la nuit et qu’il a donc tout son temps. En réalité son groupe est appelé sur scène dans l’heure suivante…
Ce sont les années hippies où des jeunes musiciens de génie vont se laisser emporter par la drogue et les illusions pour rejoindre le paradis des rockeurs de façon anticipée : Jimi Hendrix, Janis Joplin, et bien d’autres. Santana fait un choix moins mortifère et se place sous l’enseignement du maître spirituel indien Sri Chinmoy jusqu’au début des années 1980, ce qui assure sans doute sa survie.
Tout au long de sa carrière, sa musique restera de caractère latinos avec une profusion de percussions, un exceptionnel toucher de guitare et quelques solos restés légendaires.
Santana commente avec bonhommie dans le documentaire toutes les étapes de cette vie de musicien d’exception. On aurait pu passer plus de temps sur des extraits musicaux que sur ses interviews, mais qu’importe, son parcours est mémorable.
Dans une intervention télévisée ce soir le président de la République française a déçu le microcosme des plateaux télévisés parisiens car il n’a fait « d’annonces nouvelles », entendez il n’a pas créé de dépenses publiques supplémentaires ce qui, en ces temps de disette budgétaire est une bonne chose.
Autre nouvelle favorable, il a annoncé le rappel de l’ambassadeur de France au Niger et le rapatriement des soldats français présents dans ce pays. Les autorités nigériennes issues du coup d’Etat de juillet dernier demandaient ces deux décisions depuis deux mois, elles avaient même prononcé officiellement « l’expulsion » de l’ambassadeur et l’avait déchu de son immunité diplomatique. On peut se demander pourquoi la France s’est sentie obligée de lancer un coup de menton en refusant dans un premier temps de rappeler son ambassadeur pour finalement y consentir quelques semaines plus tard devant l’impasse dans laquelle elle s’était fourvoyée.
Les 1 500 militaires français seront sûrement mieux employés sur d’autres terrains ou, plus simplement, sur le territoire national. Le but de leur présence dans le Sahel était de lutter contre le développement du terrorisme religieux et de ses excroissances en Europe sous forme d’attentats et de soft power. Ils ont effectué leur travail pour un temps mais les conditions de sa poursuite ne sont désormais plus réunies. Les stratèges militaires ne sont sans doute pas mécontents de récupérer ces effectifs. Il n’y a pas de doute qu’ils trouveront à les employer de façon plus utile que de les perdre dans des bases du bout du monde dans des pays qui n’en veulent plus.
On imagine qu’en retour la France a expulsé des diplomates nigériens présents sur son sol mais le président français n’a pas précisé ce point dans son interview, à moins que ledit ambassadeur ne soit anti-putschiste et demande le statut de réfugié à Paris ? Si tel était le cas il faudrait à tout le moins, refuser les lettres de créance d’un potentiel successeur.
Une polémique est d’ailleurs en cours en France concernant la délivrance des visas aux artistes et étudiants issus du Niger, mais aussi du Mali et du Burkina-Faso. Ils semblent que l’octroi de ceux-ci soit en chute drastique, les autorités françaises arguant que la mise en sommeil des ambassades et consulats de France dans ces trois pays l’empêche techniquement. C’est sans doute vrai mais il ne doit pas non plus exister une volonté politique farouche de délivrer des visas à des citoyens venant de pays « non amicaux »… Comme par ailleurs les liaisons aériennes directes entre ces pays et la France sont, au mieux ralenties, au pire suspendues, la venue d’étudiants et d’artistes de ces pays en France ne va pas être très fluide pour les mois à venir.
Le monde de la culture, aux idées généralement « progressistes », s’émeut de cette situation et le fait savoir à grand renfort de tribunes et de déclarations. Il est des moments où même la culture doit d’incliner devant la raison d’Etat. Tout devrait finir par s’arranger un jour. A ce stade personne n’envisage vraiment que les flux migratoires des citoyens de ces pays se réorientent vers les nouveaux « amis politiques » de leurs gouvernements et la demande de titres de séjour en France et en Europe reste forte.
En 1905 la poétesse-écrivaine-féministe américaine Gertrude Stein, installée à Paris, rencontre Pablo Picasso, jeune peintre espagnol en devenir. Gertrude est par ailleurs collectionneuse d’art avec ses frères et uns solide amitié va se lier entre ces deux personnages. Par son œuvre littéraire et poétique, complexes, elle s’attache à inventer une nouvelle écriture, un usage réinventé des mots. Picasso de son côté œuvre au même objectif en dynamitant les normes de la peinture en ce début de XXème siècle. Il se dit qu’il n’a jamais lu les ouvrages de sa comparse mais qu’une étroite complicité est née dès leur rencontre pour révolutionner l’art d’écrire et celui de peindre. On dirait aujourd’hui qu’ils ont « déconstruit » les normes artistiques du moment avec une vision du réelle très singulière.
Le musée du Luxembourg présente cette collaboration improbable entre ces deux exilés et l’influence qu’elle eut sur l’art de l’époque : l’apparition du cubisme avec des toiles de Picasso, Braque, la musique avec John Cage, la danse avec Merce Cunningham… C’est dans la foulée de l’influence de Picasso et Stein que naîtra aussi la culture underground.
Le nom de Picasso dans le titre de l’exposition est attractif mais il y a finalement assez peu de toiles du maître qui sont montrées au Luxembourg, c’est plutôt de son influence dont il est question et de tout ce qui a suivi et accompagné son inventivité. Tout ceci est un peu étrange, voir hermétique, pour le visiteur lambda mais on sent ici le souffle de visionnaires qui ont façonné l’art moderne en Occident.
Ce film intemporel de Marguerite Duras est sorti en 1975, inspiré de son roman Le Vice-Consul publié en 1966. Nous sommes dans « les Indes » de l’empire britannique dans les années 1930, l’ambassade de France est encore située à Calcutta et nous suivons les déambulations d’Anne-Marie Stretter (jouée par Delphine Seyrig), épouse de l’ambassadeur dans les salons de la résidence où se déroule une réception diplomatique. On ne visualise que le salon où trône un piano à queue, et les cours de tennis dans le parc. Tout est filmé de nuit ou au crépuscule, le bâtiment est un peu décati comme le deviennent rapidement les immeubles, et les gens, sous les climats tropicaux (en fait le film a été tourné en France). Les personnages ne parlent pas, se contentant de glisser sur les tapis usés au milieu des miroirs et des fumées d’encens. Ce sont des voix off qui narrent l’ersatz d’histoire. Il y a Anne-Marie et quatre bellâtres, dont l’un qu’on imagine être l’ambassadeur, et le vice-consul de Lahore de passage à Calcutta. Ce dernier est follement amoureux de la femme de l’ambassadeur ce qui l’amène à des comportements inappropriés dans son exil du Pendjab : il tire au fusil sur les lépreux. La deuxième partie du scénario se déroule sur une ile sur le Gange, sorte de résidence d’été pour ce petit milieu diplomatique désœuvré.
Tout est lent, moite et pénible. Il est question de solitude, de tromperies et d’amour vain. Ce personnel français exilé à l’autre bout du monde vit dans son cocon où le plus grand danger semble venir les moustiques et de l’ennui qui les ronge. Les attachés d’ambassade sont préoccupés par la séduction d’Anne-Marie autant que par leur prochaine affectation.
La diction des voix-off est aussi mystérieuse (et parfois irritante) que le parti-pris du scénario d’une grande immobilité pour rendre le néant de la vie de ces Robinson du Bengale. On n’entend très peu de bruit de fond sinon quelques croassements de grenouilles et des bourdonnements de moustique. Tout est feutré et silencieux. Les personnages ne remuent pas les lèvres sauf pour effleurer parfois celles de l’ambassadrice. Ceux qui connaissent un peu le milieu diplomatique européen dans ces contrées tropicales y retrouvent quelques évocations de ce microcosme parfois lunaire.
Tout se termine mal pour le vice-consul amoureux et l’on apprend qu’Anne-Marie est enterrée à Calcutta… C’est un film étrange que l’on peut revoir aujourd’hui en version remastérisée. Il faut être patient et ouvert, Marguerite Duras n’est pas une créatrice simple.
Il y avait cinq spectateurs dans la salle Pathé au lancement du film ce samedi, nous n’étions plus que trois pour le générique de fin…
A l’occasion d’un match d’un championnat de rugby se tenant bien malencontreusement en France, et plus précisément à Marseille, un joueur français se fait casser la gu… par un adversaire namibien. Le choc est violent et le garçon en sort avec une fracture de la mâchoire. Comme il est le chef de l’équipe des brutes avinées françaises le désespoir envahit les bistrots où des milliers de supporteurs boivent des hectolitres de bière devant les écrans de télévision retransmettant les matchs car il est peu probable que le costaud blessé puisse revenir dans les stades avant la fin de la compétition le 28 octobre (mon Dieu, encore un mois d’abrutissement général…).
Dans un monde civilisé cet évènement aurait été immédiatement qualifié de « tentative de meurtre » mais nous sommes dans l’univers du rugby il s’agit donc d’un choc « viril », certes rude, qui n’empêche pas les propagandistes de vanter « valeurs de partage du rugby » sur le site Internet de la fédération mondiale de ce sport :
Le respect envers les coéquipiers, adversaires, officiels de match et tous ceux qui sont impliqués dans le Rugby est une valeur fondamentale.
La solidarité, le Rugby crée un esprit d’unité, de loyauté et de camaraderie, des liens d’amitié pour la vie, un sens du collectif, qui transcendent les différences culturelles, géographiques, politiques et religieuses.
Il semble que cette agression carabinée ait pris quelques libertés avec « le respect des règles », slogan répété comme un mantra par tous ces paquets de muscles. Espérons que cette compétition interminable ne va pas se terminer avec des morts sur le terrain. Il est malheureusement plus que probable que les chocs encaissés vont laisser des traumatismes durables dans les cerveaux de ces brutes qui les provoquent et les encaissent, sous couvert des « valeurs de l’ovalie »
C’est l’histoire d’un employé parisien moyen, Parissot, qui, pour suivre les recommandations de son médecin et changer d’air, se promène le dimanche dans la banlieue ouest de la capitale qu’il rejoint en train ou en bateau (l’Hirondelle). C’est à Saint-Cloud, Maisons-Laffitte, Bougival, sur les bords de Seine qu’il pérégrine au hasard des sous-bois et des rencontres. Il en profite pour ressasser sa vie tristounette d’employé de bureau soumis à l’ironie de ses collègues ou l’autorité de ses petits chefs.
La nouvelle principale « Les Dimanches… » est suivie d’autres qui semblent avoir été des brouillons de la première, assemblés ensuite pour la composer. Maupassant (1850-1893) se moque gentiment de la France moyenne représentée par Parissot, un peu borné, un peu bourru, mais pas un mauvais bougre. Il y place certains évènement de sa propre vie comme la rencontre avec Zola à Médan, la guerre de 1870 contre les Prussiens…
C’est en somme une agréable et ironique chronique journalistique de Paris en fin de XIXème siècle.
Thomas Lilti a réalisé ce joli film sur la vie d’une équipe de professeurs dans un collège de la région parisienne, on croirait presque un documentaire tant semble réaliste cette tranche de vie dans un établissement qui ne semble ni trop favorisé ni pas assez. La fiction ne sombre pas dans le misérabilisme habituel lorsqu’on évoque le thème de l’éduction nationale, mais relate la vie « normale » d’une bande d’enseignants de tous âges dans l’exercice de leur métier, eux-mêmes soumis à leurs propres difficultés avec leurs enfants, leurs couples…
Le collège vit sa vie, au gré des petits évènements qui font son ordinaire, les enfants sont normalement agités, certains un peu plus que d’autres, l’équipe pédagogique est engagée dans sa noble tâche, discutaille sur les enfants dans la salle des professeurs, boit du champagne pour fêter l’anniversaire de leur aîné, se chamaille avec le directeur à la vision administrative, mais il faut bien administrer cette société, et tout ce monde cherche à faire fonctionner pour le mieux ce collège au service de l’éducation des plus jeunes.
Les acteurs sont à leur place et jouent avec humilité le rôle de ces milliers d’enseignants qui, bon an mal an, enseignent à nos enfants à travers la France : le jeune (Vincent Lacoste) qui découvre le métier, l’ancien (François Cluzet) qui apaise ses collègues et les enfants, les autres (Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin…) chacun animé de ses convictions et de ses doutes. On est probablement là au cœur de ce qu’est un collège moyen en France, ni point de deal, ni rassemblement d’enfants de CSP+, avec une équipe de professeurs motivés et impliqués. Ainsi va l’enseignement en France qui, cahin-caha, prépare les jeunes générations à assumer la direction du pays lorsque les vieux seront à la retraite.
Eh bien il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour que l’aide humanitaire française non sollicitée par le Maroc à la suite du tremblement de terre de la région de Marrakech le 9 septembre soit employée pour une autre cause tout aussi légitime : une tempête a généré des inondations cataclysmiques en Libye causant plusieurs milliers de morts, selon les premiers bilans, dans la ville de Derna. L’aide publique française y a donc été envoyée et elle y sera aussi bien employée qu’au Maroc qui semble affronter avec efficacité les suites du tremblement de terre subi.
La France a par ailleurs un peu à se faire pardonner en Libye par suite de son intervention militaire de 2011, il est donc aussi bien qu’elle se concentre sur les inondations de ce pays où cohabitent, plutôt mal, deux Etats pour une même nation. La compétition humanitaire est l’un des péchés mignons des pays occidentaux, on en voit l’illustration malsaine avec les catastrophes naturelles qui touchent à peu près au même moment ces deux pays d’Afrique du Nord. L’idéal serait d’ailleurs ces aides transitent par les différentes agences de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), qui ont d’ailleurs été créées pour ça, ce qui éviterait la tentation morbide des pays aidants à vouloir planter leur petit drapeau national sur les sacs de riz qu’elles proposent d’envoyer sur les spots de la misère humaine. Hélas l’ONU est également soumise aux vanités nationalistes des uns et des autres, ou complètement bloquée par les conflits divers et variés de ses Etats membres.
Alors en attendant un monde pur et parfait où tous les pays du Monde s’uniraient dans l’harmonie pour aider ceux d’entre eux qui affrontent des catastrophes, l’Espagne aide le Maroc et la France aide la Libye. C’est très bien ainsi et même si cette division du travail choque l’égo de certains en France aux vues post-coloniales un peu rances, l’essentiel est que les populations dans le besoin soient secourues. D’autant plus que rien n’empêche la mise en place de flux d’aide privée de la France vers le Maroc comme cela semble être le cas.