La Guinée « dissout » son gouvernement

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Sur une vidéo publiée sur le site Facebook de la présidence guinéenne, une troupe de galonnés en tenues de combat aux couleurs chamarrées annonce la « dissolution du gouvernement » en lisant intégralement un décret signé par le galonné président de la République à la suite du coup d’Etat de septembre 2021. Cette dissolution n’est pas motivée mais est-ce bien nécessaire de justifier les actes politique d’une junte militaire ?

Voir : Dissolution en Guinée

Les galonnés ont pris le pouvoir, sans provoquer de réaction négative de la population, alors ils l’exercent. C’est plus simple et plus clair ainsi !

On parle moins en France de la Guinée car l’armée française n’y disposait pas de base militaire qu’elle n’a donc pas eu à évacuer comme au Mali ou au Niger. Mais rappelons que la Guinée du dictateur Sékou Touré fut l’une des premières colonies françaises devenues indépendantes (en 1958) à se rebeller contre le néocolonialisme en refusant par référendum de rester membre de l’Union française, une fiction juridique par laquelle la France de De Gaulle pensait retarder les indépendances africaines, ou, au pire, les encadrer, fiction qui n’a d’ailleurs pas duré bien longtemps.

Le premier président fut Sékou Touré qui, comme nombre de ses coreligionnaires, avait aussi été député à l’assemblée nationale française avant l’indépendance de son pays. D’inspiration marxiste-léniniste il renonça à poursuivre la coopération avec Paris et s’orienta vers l’Union soviétique alors marraine des pays dits « non alignés ». Sékou Touré applique une politique socialiste et développe une sévère répression interne contre ses opposants. Ceux qui connaissent Conakry sont immanquablement passés sous le « pont des pendus », un pont du centre-ville où le dictateur faisait pendre (et laissait pendouiller les corps plusieurs jours) afin de montrer qui était le patron.

Les relations diplomatiques rompues avec la France de De Gaulle furent rétablies sous Giscard d’Estaing. La Guinée ne fut jamais membre de la zone Franc et utilisait (et utilise toujours) sa propre monnaie nationale, le franc guinéen. Sékou Touré est mort d’une crise cardiaque en 1984 alors qu’il était toujours au pouvoir. Malgré la dictature sinistre et implacable qu’il a dirigée dans son pays, il est resté un héros pour ses nombreux admirateurs, en Afrique et au-delà car il a su s’opposer à l’ancienne puissance coloniale et mener sa route loin des méandres parfois nauséabonds de la Françafrique. Il a préféré le camp « socialiste » et ses méthodes violentes.

Est-ce que la Guinée a plus souffert, ou s’est moins développée que les autres colonies françaises restées sous la « protection » de Paris après leurs indépendances ? C’est difficile à dire. Il y a certainement eu un déficit de démocratie si l’on compare la Guinée au Sénégal par exemple, mais c’est beaucoup moins vrai si l’on regarde le Tchad ou la Centrafrique où les régimes post décolonisation ont été largement aussi sanguinaires et meurtriers qu’en Guinée. Sur le plan du développement économique en général l’impression est qu’il n’y a guère de différence dans les résultats plutôt modestes atteints par tous ces pays de l’ex-Empire français.

En revanche, côté français l’avantage politique de la réelle indépendance décidée par ce pays en 1958 est certain. Paris ne s’est pas compromis en stationnant des troupes dans le pays, n’a pas eu à maintenir artificiellement le cours de sa monnaie et, globalement, a dépensé moins de sous en Guinée que dans ses anciennes colonies qui lui sont restées affidées et qui, aujourd’hui, la rejette massivement. Bien sûr, quelques bétonneurs français ont peut-être moins bénéficié de contrats pour construire des routes, cela reste d’ailleurs à confirmer sur la durée, mais au niveau macro-économique français, la Guinée a sans doute coûté moins cher à Paris depuis son indépendance que les autres anciennes colonies.

Alors l’agitation galonnée en cours à Conakry n’est finalement que la continuation des régimes qui se succèdent depuis 1958, d’autant plus qu’elle ne semble pas rencontrer d’opposition franche de la population qui est sans doute plus libre que du temps de Sékou Touré. La vraie démocratie sera peut-être pour plus tard.