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  • Perruques et rumeurs

    Une rumeur persistante mais non encore certifiée voudrait que Brigitte Macron et Rachida Dati portent des perruques. Au vu des photos disponibles, c’est une hypothèse que l’on ne peut pas exclure. Une seule certitude, à leurs âges, leurs couleurs ne sont pas naturelles, pas plus que la tenue de leurs cheveux. A tout le moins, si ce ne sont pas des perruques, elles doivent passer au moins une heure tous les matins avec un coiffeur pour afficher une telle raideur.

    Si elles portent des perruques, est-ce à dire qu’elles ont rasé leurs vrais cheveux pour porter ce succédané de chevelure ? Cela relève du même processus que celui de la chirurgie esthétique, en moins définitif bien sûr : se mutiler pour des questions de paraître. Et lorsque le paraître à ce point privilégié, c’est souvent pour masquer l’insuffisance de l’être.

    L’élection en cours confirmera peut-être cette rumeur du déni de réalité qui frapperait également les deux femmes.

  • Des oligarques clinquants

    Les « oligarques » russes sont l’une des cibles des sanctions occidentales prises contre la Russie à la suite de sa guerre menée contre l’Ukraine. Ces sanctions consistent pour le moment à geler leurs actifs identifiés en Occident.

    Ces affairistes russes ont créé des fortunes considérables en rachetant à vil prix les entreprises d’Etat privatisées à la suite de la dissolution de l’URSS, principalement sous l’ère du président Eltsine. Reconnaissons-leur qu’ils semblent avoir réussi à gérer correctement les entreprises acquises même si le prix d’achat largement sous-évalué permettait d’absorber quelques erreurs de gestion, au moins dans les premières années. Notons qu’un processus assez similaire s’est déroulé en Ukraine dont l’économie est toujours largement dans les mains d’oligarques qui n’ont pas grand-chose à envier à leurs collègues russes en termes de corruption et de prévarication.

    Ce qui est assez comique c’est que nombre de ces affairistes, un peu m’as-tu-vu, sont allés acquérir et domicilier leurs actifs de prestige en… Occident. En gros, les usines polluantes sont en Russie et les yachts clinquants sont à Monaco. Il est vrai qu’ils y sont plus visibles que sur la mer Noire mais les « oligarques » sont ainsi punis par où ils ont péché.

    Un site web a été mis en place pour répertorier les biens qui ont pu être rattachés à ces affairistes sanctionnés. On peut leur faire confiance pour avoir caché leurs actifs autant qu’ils le pouvaient sous des montages leur assurant un anonymat, mais comme ils n’aiment rien mieux que parader sur leurs joujoux clinquants la piste de leurs biens n’est souvent pas très compliquée à remonter comme l’illustre le site web monté à cet effet : https://cdn.occrp.org/projects/russian-asset-tracker/en/

    L’un des plus flamboyants est Roman Abramovich, que l’on a vu d’ailleurs participer aux négociations menées au début du conflit entre l’Ukraine et la Russie comme conseiller du Kremlin semble-t-il. Le garçon qui aurait trois nationalités (russe, israélienne et portugaise) est à la tête d’un empire dans les hydrocarbures et la sidérurgie, en Russie, mais aussi d’une société de capital-investissement basée à Londres prenant des participations un peu partout, y compris aux Etats-Unis d’Amérique. Il a acheté, entre autres « danseuses » un club de fouteballe britannique performant dont il peut difficilement cacher qu’il en est le propriétaire puisqu’il parade dans les stades les jours de match. Sentant venir le vent du boulet lors du déclenchement de la guerre en Ukraine il a annoncé officiellement qu’il mettait en vente son club alors qu’il n’était pas encore sous sanction et espérant pouvoir conclure la transaction rapidement. Hélas pour lui, le Royaume-Uni a rapidement gelé ses actifs et le club fait partie du gel. Cependant, il aurait eu le temps d’amarrer deux de ses yachts en Turquie, pays qui n’applique pas les sanctions occidentales.

    La morale de l’histoire est qu’un investissement en dehors du pays dont on détient la nationalité présente toujours un risque politique supplémentaire par rapport à son propre pays. Les « oligarques » sont en train de confirmer ce principe élémentaire de l’économie. Pas sûr qu’ils en comprennent bien les tenants et aboutissants puisqu’il semble qu’ils soient en train de réorienter massivement leurs investissements de prestige vers les pays du Golfe persique, pour le moment plus conciliants avec la Russie et ses affairistes.

    La vraie question qui se pose est de savoir pourquoi ces oligarques préfèrent localiser leurs résidences secondaires princières, et autres actifs tape-à-l’œil, à Nice ou Londres, plutôt que dans l’Oural ou sur les bords de mer d’Azov. Cela relève probablement d’un manque de confiance dans la Russie pour préserver la valeur de ces biens (un peu comme ces français qui avaient des comptes bancaires en Suisse à la fin du siècle précédent) mais aussi par leur besoin de parader et de briller ce qu’il est plus valorisant de faire à Monaco qu’à Sotchi.

    Dur d’être russe et riche !

  • GOETHE Johann Wolfgang von, ‘Les Souffrances du jeune Werther’.

    Sortie : 1774, Chez : Garnier-Flammarion (1968).

    Le « Werther » de Goethe est le livre initiateur du romantisme, beau et triste comme une nocturne de Chopin. C’est aussi un premier roman, qui va lancer une œuvre fructueuse.

    Werther est un amoureux transi confronté à l’amour impossible de Charlotte (Lotte) elle-même promise à Albert, un homme loyal et aimable. Sensible aux charmes de Werther avec qui elle partage le goût pour la poésie, Charlotte reste désespérément raisonnable pour le plus grand malheur de son amoureux résigné… Tout ce petit monde évolue dans les cours d’Europe à l’Est du Rhin, toujours entre deux bals et trois mondanités, ne semble pas surchargé par le travail ni les soucis domestiques et dispose de beaucoup de temps pour s’occuper de lui-même. Mais l’amour contrarié est source de souffrances incontrôlées qui vont pousser Werther jusqu’à mettre fin à sa vie avec le pistolet prêté par… Albert.

    Goethe décrit scrupuleusement la montée du sentiment amoureux jusqu’à l’aveuglement, jusqu’à la déraison, lorsque le cœurse serre sans pouvoir maîtriser la montée des larmes ni l’oppression de l’âme. L’amour refusé que l’on ne peut sortir de ses pensées même si on le sait par trop délétère, celui qui pousse à nous vautrer dans la souffrance et le nombrilisme en repoussant le monde extérieur pourtant ensoleillé et multiple qui n’attend que nous pour continuer la mélodie du bonheur…

    Qui n’est pas passé un jour par ce parcours amoureux tragique dont on croit ne jamais devoir sortir ? Heureusement, une minorité seulement y apporte la solution définitive choisie par Werther. Pour les autres, un peu d’énergie et de relativisme permet généralement de sortir de l’ornière, mais cela donne de moins beaux romans.

  • WINSLOW Don, ‘Corruption’.

    Sortie : 2018, Chez : HarperCollins France (traduction française)

    Winslow, écrivain américain de romans policiers, nous livre ici un récit haletant sur les violentes confrontations entre gangs et police new yorkaise dans les quartiers Nords de Manhattan dans les années 2010. Denny Malone, d’origine irlandaise, le flic corrompu mais épris d’absolu et DeVon Carter, le patron contesté du business d’héroïne dans le même quartier se livrent un combat de titans sous le regard attentif des mafias italienne et dominicaine. Chacun fixe des limites que l’autre ne doit pas dépasser sous peine de réactions qui peuvent parfois être sévères. Les limites de la Loi ne semblent pas trop étouffer Malone, encore moins Carter. Tout ce petit monde se connaît, se rencontre parfois pour jouer au jeu du chat et de la souris le plus souvent dans le fracas des armes et les millions de dollars du deal de rues.

    Malone se sent une âme de justicier tout puissant seul capable d’endiguer les flots d’héroïne qui déboulent sur New York quelles que soient les méthodes à mettre en œuvre pour ce faire. Des méthodes qui ne sont d’ailleurs pas si éloignées d’un côté comme de l’autre, même si celles de la police sont, en principe, encadrées par la Loi et ses principes. C’est une histoire de testostérone et de pouvoir. Mais il pêche, comme les trafiquants, devant le miracle de l’argent facile qui lui fait oublier la morale. Rattrapé par la patrouille des agents fédéraux, c’est la chute, il dénonce ses camarades policiers corrompus pour éviter la prison à sa femme et ruiner sa famille.

    Winslow donne une version apocalyptique des luttes de pouvoir entre unités de la police, justice américaine, élus et fonctionnaires de la mairie, mafias… où tout n’est que corruption, échange de bons procédés et intérêts personnels. En fermant ce roman on espère que seule une tout petite part de ces dérives n’est possible dans la vraie vie !

  • L’armée russe a ses limites

    Juin/Charlie Hebdo (02/03/2022)

    Ce sera sans doute l’un des enseignements de cette guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine : la puissance militaire de l’ours russe n’est finalement peut-être pas si invincible qu’on pouvait le craindre. Hier soir, le navire amiral de la flotte russe en mer Noire, un croiseur lance-missiles datant de l’ère soviétique la « Moskva », a été coulé comme l’ont reconnu les autorités de Moscou qui expliquent cet évènement par un incendie qui aurait déclenché une explosion de munitions alors que les Ukrainiens disent avoir tiré deux missiles (de fabrication ex-soviétique) sur le navire. Les personnels du bord auraient pu être évacués et il n’y aurait pas de victimes.

    Les experts semblent privilégier la seconde explication en ajoutant que ce croiseur était non seulement le bateau de commandement, donc avec une forte charge symbolique, mais assurait également la protection électronique de la flotte de la mer Noire, posant ainsi un problème au reste des bâtiments, d’autant plus que le détroit du Bosphore étant fermé par la Turquie au trafic des navires militaires, la Russie ne pourra pas faire venir un nouveau pour remplacer la « Moskva », à moins d’obtenir une dérogation d’Ankara, ou… de passer en force.

    Evidemment la destruction de ce navire amiral ne provoque pas une immense peine côté occidental mais il vaut mieux cacher sa joie et ne pas enterrer trop rapidement la Russie qui dispose encore d’une très forte capacité de nuisance. Cela ne nous aide toujours pas beaucoup pour imaginer comment terminer cette guerre inutile et couteuse qui est plutôt en phase d’escalade que de décrue. Les coqs aux ergots acérés se battent sur leur tas de fumier, comme il est peu probable que l’un arrive à mettre l’autre définitivement à terre, nous en sommes toujours au même point : comment sortir de là ? Ah si, une chose a évolué significativement : le niveau des destructions en Ukraine du fait des bombardements et exactions russes suite auxquelles les contribuables occidentaux vont devoir payer la reconstruction et plus la guerre durera plus le coût sera considérable.

    Alors bien sûr, à l’issue de ce nouvel évènement de guerre révélant une petite faiblesse de Moscou, tout le monde se demande : et si la puissance nucléaire russe était finalement aussi un « ours de papier » ! C’est une hypothèse qu’il vaut mieux ne pas essayer de tester… C’est le principe même de la dissuasion : faites-vous peur mais ne touchez pas !

  • RISS, ‘Une minute quarante-neuf secondes’.

    Sortie : 2019, Chez : Actes Sud.

    Le dessinateur Riss est l’un des survivants de l’attaque islamiste de janvier 2015 contre la rédaction de l’hebdomadaire satyrique Charlie Hebdo (12 morts, 11 blessés dont 4 grièvement) dont il reprendra la direction après sa sortie de l’hôpital. Dans ce récit il revient sur cette tragédie qui a stupéfié la France, précédé de quelques jours celle de l’HyperCasher (4 morts) et de quelques mois celles du Bataclan et des « Terrasses » à Paris en novembre (130 morts, plus de 400 blessés). Il raconte ces 100 secondes fatidiques qui se sont déroulées à l’intérieur de la rédaction du journal transformé en champs de massacre, et il narre, surtout, les années d’avant et celles d’après.

    Dessinateur dans l’âme depuis l’enfance il avance progressivement dans la carrière, rencontre ses héros Cabu, Wolinski, Cavanna… et s’associe avec eux lorsque Charlie Hebdo est relancé en 1992. Il apprend le métier avec ces géants, Charb devient son ami. Cette joyeuse bande vivote dans un journal toujours entre la faillite et la poilade mais ses membres rigolent à n’en plus finir et croquent la vie française de façon toujours plus hilarante et provocatrice au nom de la liberté d’expression.

    Mais cet âge d’or se termine en 2015, la rigolade a pris fin, écrasée sur le mur de la bêtise humaine. Les survivants et la relève continuent le journal. Avec une certaine amertume Riss raconte les combats post-janvier 2015, contre les intellectuels de l’islamo-gauchisme émergent, contre les revendications des aigrefins qui rôdent autour des dons reçus par la rédaction par millions d’euros après le drame et, toujours avec une foi et un engagement qui forcent l’admiration, pour la liberté d’expression quel que soit le sujet.

    Ce récit est émouvant, on n’y retrouve pas l’humour grinçant habituel du Riss que l’on connaît dans Charlie. C’est le livre de la gravité. Beaucoup a déjà été dit et écrit sur cette tragédie par ceux qui ont survécu, Riss avait certainement besoin lui aussi de coucher ses sentiments sur le papier, d’autant plus que ces survivants sont non seulement marqués par ce qu’ils ont vécu mais restent sous la menace du terrorisme religieux nécessitant leur protection sans doute jusqu’à la fin de leurs jours, leur rappelant tous les matins le monde terrible dans lequel ils sont entrés ce 7 janvier 2015, sans espoir de retour.

  • Compétition de la dépense publique

    Compétition de la dépense publique

    La campagne électorale présidentielle française s’achève avec le premier tour demain. C’est un véritable championnat mondial de celui qui proposera le plus de dépenses publiques. La lecture des douze tracts électoraux des douze candidats retenus est édifiante à ce niveau et sont une succession d’annonces de nouvelles dépenses et de baisses d’impôts[1]. Rares sont les mesures qui vont dans le sens d’une tentative de maîtriser le gouffre du déficit des finances publiques, mais il en existe heureusement quand même quelques-unes. La crise sanitaire de 2020-2021 durant laquelle le dogme du « quoi qu’il en coûte » a été appliqué sans limite a fait tomber toutes les barrières de la bonne gestion. Il est toujours vivace dans les esprits au cœur de la campagne présidentielle. Si ce concept a été largement appliqué par toutes les démocraties, la France a encore réussi à battre les records du pays ayant le plus dépensé par habitant. La guerre entre la Russie et l’Ukraine donne une nouvelle excuse pour encore repousser le moment du retour aux réalités.


    [1] La candidate du parti conservateur LR propose même : « Un vrai statut rémunéré pour les sportifs de très haut niveau qui leur permettra de se consacrer entièrement à leur pratique ».

    La hausse de l’inflation mondiale depuis quelques mois est la première sanction de ces politiques de la dépense publique sans compter rendue possible par de la création monétaire indirecte (rachat de dettes publiques par les banques centrales ou « quantitive easing »). C’est aussi le retour de la théorie économique : la création de monnaie centrale déconnectée de l’évolution de la production se traduit par de l’inflation. Nous y sommes.

    La prochaine crise devrait être financière mais il est vulgaire de parler de ces problèmes en France en pleine campagne électorale. L’avenir risque de nous rappeler assez rapidement aux affres de la vraie vie.

  • La Russie est loin d’être isolée dans la guerre qu’elle mène contre l’Ukraine

    Les dirigeant européens qui défilent à Kiev se gargarisent du soutien international dont bénéficierait l’Ukraine face à la Russie. Cette vision angélique et occidentalo-centrée est incorrecte et pour s’en convaincre il suffit de regarder les résultats de différents votes qui se sont déroulés à l’assemblée générale des Nations Unies, les débats au conseil de sécurité étant systématiquement bloqués par la Russie qui en est un membre permanent et dispose à ce titre d’un droit de veto qu’elle utilise pour repousser toute condamnation ou décision la concernant.

    Le 02/03/2022 l’assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution « déplorant dans les termes les plus énergiques « l’agression » commise par la Russie contre l’Ukraine et exigeant que la Russie retire immédiatement ses forces militaires du territoire ukrainien. » par 141 voix pour, 5 contre (Biélorussie, Corée du Nord, Erythrée, Fédération de Russie et Syrie) et 35 abstentions dont la Chine.

    Lire aussi : https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115472
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    Le 07/04/2022 l’assemblée générale a adopté une résolution pour suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. 24 pays ont voté contre : Algérie, Biélorussie, Bolivie, Burundi, République Centrafricaine, Chine, Congo, Cuba, Corée du Nord, Érythrée, Ethiopie, Gabon, Iran, Kazakhstan, Kirghizstan, Laos, Mali, Nicaragua, Fédération de Russie, Syrie, Tadjikistan, Ouzbékistan, Vietnam, Zimbabwe. 93 pays ont approuvé et 58 se sont abstenus dont l’Inde, le Pakistan, le Brésil, nombre de pays du Golfe persique et l’Arabie Saoudite.

    Lire aussi : https://news.un.org/fr/story/2022/04/1117912
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    Indépendamment de la guerre en Ukraine, le statut de la Russie comme membre d’un comité des « droits de l’homme » laisse pantois, mais après tout de comité qui comprend 47 Etats intègre également l’Arabie-Saoudite, le Bahreïn, Cuba, le Salvador, l’Ethiopie, le Kazakhstan, la Turquie, la Chine… dont le moins que l’on puisse dire est que leur conception des « droits de l’homme » n’est pas vraiment celle partagée par Paris ou Washington. Alors ces conceptions différentes se sont affrontées et il s’en est fallu de peu que Moscou puisse rester dans ce comité des « droits de l’homme » malgré sa guerre déclenchée contre l’Ukraine.

    En vérité, nombre de pays trouvent dans cette guerre l’occasion de marquer leur anti-occidentalisme, fruit d’un XXème siècle de domination et de réussite de l’Ouest face au reste de la planète, et malgré deux guerres mondiales qui ont ravagé plusieurs pays occidentaux et nombre de guerres coloniales qui les ont impliqués, sans parler de conflits postcoloniaux vains et perdus, en Afghanistan, en Irak, au Sahel. Le soutien à la Russie face à l’offensive occidentale est un peu la revanche des non-occidentaux qui, entre temps, se sont musclés économiquement et militairement et pour qui envahir un pays tiers ou bombarder des populations civiles ne représente pas un problème moral significatif.

    C’est le nouveau paradigme et l’Occident doit s’habituer à vivre dans cet environnement où il n’est plus l’instance dominante unique. C’est ainsi. Il n’en reste pas moins que la liberté défendue comme valeur fondamentale de l’Occident continue à attirer : les réfugiés qui en font leur destination ultime, les oligarques russes qui y installent leurs yachts clinquants plutôt que sur la mer Noire, ou les investisseurs chinois qui adorent acheter des grands crus classés à tour de bras. Tout n’est donc pas perdu pour les valeurs occidentales qui ne sont pas si dévalorisées que ça.

  • « Seule la terre est éternelle » de François Busnel et Adrien Soland

    François Busnel, présentateur d’émission littéraire sur la télévision publique française, ami et admirateur du grand écrivain-poète américain Jim Harrison (1937-2016) a coréalisé et diffuse ce mois-ci un documentaire tourné sur son ami durant la dernière année de sa vie. C’est un film troublant qui montre Harrison physiquement à bout de souffle : se déplaçant avec peine, la bouche édentée, le cheveu hirsute, l’élocution difficile, je discours ralenti… pas sûr que ce fut le bon moment pour tourner ce documentaire qui ne donne pas une très bonne image de l’écrivain à ceux qui connaîtrait mal son œuvre.

    La caméra filme Harrison dans ses pérégrinations à travers le Nebraska, le Wyoming, l’Arizona, le Montana, le Michigan, bref, dans toute cette Amérique des grands espaces qui a tant inspiré l’auteur qui commente les montagnes, les rivières, les arbres qu’il aime tant et qui le rassure. Il parle du triste sort réservé aux Indiens natifs par les colonisateurs européens devenus américains, de son combat contre les serpents à sonnettes qui ont tué l’un de ses chiens… Il cite René Char comme sa fidèle épouse depuis 54 ans. Il parle de sa passion pour ce qui se mange… et se boit. Il aborde peu son œuvre elle-même, c’est dommage.

    Mais il faut retourner à cette œuvre grandiose et des romans qui sont de véritables épopées mêlant la nature « éternelle » aux personnalités complexes de ses héros dans l’Amérique contemporaine. Des tournages complémentaires étaient prévus au printemps 2016 mais Jim Harrison s’éteint le 26 mars de cette même année dans sa maison en Arizona.

  • L’armée malienne va mieux !

    La présidence militaire malienne se félicite de la meilleure santé de son armée avec force photos d’avions gros-porteurs débarquant du matériel militaire, sans doute en provenance de Russie dans le cadre de la coopération entre les deux pays qui est en train de se substituer à celle que Bamako entretenait avec Paris.

    Dans le même temps des opérations sont menées par l’armée malienne et des supplétifs russes, dont on ne sait pas bien s’ils sont des mercenaires privés ou des soldats russes officiels, contre les rebelles religieux dans le pays avec quelques débordements et massacres comme il y en a également en Centrafrique, également dans un cadre de coopération avec la Russie.

    Le gouvernement malien vient de décréter l’interdiction des médias RFI (Radio France Internationale) et France24 sur son territoire et interdit leur rediffusion par les médias locaux. Tout en subtilité, le gouvernement malien compare ces médias français à « Radio Mille Collines » qui, durant le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, appelait les citoyens à tuer les « cafards », noms donnés aux Tutsis et aux Hutus modérés.

    Il semble que les autorités maliennes ne rompent pas totalement les relations avec l’Europe, dont l’ancienne puissance coloniale, car elles auraient compris que la Russie ne financera pas leur développement, et selon le précepte éternel « on ne tape pas sur la main qui signe le chèque » il convient de continuer à bénéficier des subsides des contribuables européens pour maintenir l’économie locale la tête hors de l’eau. Evidemment si des exactions de ses forces armées sont mises à jour et documentées cela risque de jeter un petit froid dans le cœur des bailleurs de fonds. Le procureur de la République a donc ouvert une enquête le 06/04/2022 sur les « allégations d’exactions présumées commises sur des civils dans la période du 23 au 31 mars 2022 dans la zone de Moura ». Les conclusions de ce travail seront intéressantes.

    Le retrait de l’armée française du Mali est en cours dans une relative discrétion et c’est bien ainsi. Ce seront sans doute les derniers jours de cette évacuation qui seront les plus cruciaux, on peut supposer que les Maliens comme les Russes ont intérêt à ce qu’elle se passe bien. Seuls les terroristes religieux pourraient vouloir perturber les derniers jours comme ils l’ont fait en Afghanistan sur du retrait occidental sur l’aéroport de Kaboul en 2021.

    Souhaitons maintenant la réussite de la coopération militaire entre le Mali et la Russie. Elle a été librement choisie et unit des gouvernants qui partagent la même conception du pouvoir et de l’organisation de la société. Elle a donc plus de chances d’aboutir que celle avec la France qui, non seulement était marquée du sceau infamant du néo-colonialisme, mais, surtout, s’est épuisée à vouloir faire évoluer le Mali vers un modèle démocratique dont pas grand monde ne voulait dans ce pays sahélien.

  • GOSPODINOV Guéorgui, ‘Le pays du passé’.

    Sortie : 2021, Chez : Editions Gallimard, traduit du bulgare.

    Gospodinov, écrivain bulgare né en 1968, a écrit avec « Le pays du passé » un joli et original roman sur le temps et la mémoire.

    Le narrateur, écrivain, partage avec un ami intermittent, neurologue, Gaustine, un intérêt pour le positionnement de chacun vis-à-vis du passé. Alors il passe en revue ses congénères atteints de maladies neurovégétatives leur faisant perdre la mémoire et la notion de leur place dans le temps, mais aussi les hommes et les femmes qui sont simplement besoin de se repositionner dans le passé pour survivre au présent. L’expérience du narrateur (sans doute proche de celle de Gospodinov) est celle d’un citoyen d’un pays qui connut nombre de bouleversements politiques au cours de l’époque contemporaine : guerres balkaniques, guerres mondiales, principauté, monarchie, république, rideau de fer, communisme, nationalisme, capitalisme… un Bulgare né au début du XXème siècle (comme la génération du narrateur) a vécu 100 vies et 1 000 transitions. Certains ont eu du mal à suivre.

    Alors Gaustine crée des cliniques pour accueillir ces déboussolés du temps qui passe trop vite pour les ramener dans un temps où ils se sentent mieux. Il favorise même l’organisation d’un référendum dans les pays européens pour connaître l’époque du passé dans laquelle ils aimeraient revenir !

    Gospodinov signe ici un conte philosophique sur la nostalgie du temps qui est passé et ne reviendra plus, sinon dans nos souvenirs. Mais l’avenir est inévitable, il faut donc non seulement cultiver notre mémoire mais affronter le futur.

  • La haine de l’Occident

    La Chine, comme la Russie, n’aime pas l’Occident et la démocratie, et le fait savoir. Les deux pays cherchent à surmonter la frustration du statut qui fut le leur au cours du XXème siècle durant lequel la démocratie triomphante fit la leçon au reste de la planète et crut avoir emporté le combat idéologique après la chute du communisme soviétique. Trente ans plus tard l’Occident est moins triomphant et doit faire face à la capacité de nuisance de ces deux pays, militaire pour la Russie, économique et militaire pour la Chine. Deux pays dans lesquels la notion de démocratie n’est pas forcément l’objectif de la majorité de la population, mais reste le concept à abattre pour leurs pouvoirs respectifs

    La guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine est condamnée par l’Occident, mais pas vraiment par le reste de la planète. Certes la Chine, l’Inde et d’autres n’applaudissent pas l’initiative russe qui perturbe l’ordre du monde, mais ils ne vont pas jusqu’à s’associer aux sanctions économiques prises par l’Occident et ne condamnent pas vraiment le Kremlin. Ils auraient certainement préféré ne pas avoir à affronter ce chaos, mais celui-ci étant là, il présente quelques avantages à court terme puisqu’il ennuie l’Ouest et perturbe son économie.

    Il est de plus assez facile pour eux d’insister sur les incohérences occidentales, voire les propres guerres extérieures menées par l’Occident de façon plus ou moins légale, en Irak, en Lybie, en Serbie, en Afrique… L’ambassade de Chine en France a pris un malin plaisir à publier le message suivant sur son compte Twitter :

    « 10 guerres, 0 sanction » écrit l’ambassade. C’est factuellement vrai mais rien n’empêchait Moscou ou Pékin de prendre alors des sanctions contre les Etats-Unis d’Amérique, ce qui n’a pas été fait, sans doute pas uniquement par sentiment humanitaire. Et il n’est même pas mentionné la célèbre séance du Conseil de sécurité en 2003 quand le ministre américain des affaires étrangères avait brandi une fiole censée contenir des produits chimiques ou biologiques que l’Irak produirait en masse ce qui justifiait l’entrée en guerre du monde sous mandat des Nations Unies. Il y eut guerre mais le mandat fut refusé !

    L’acceptation tacite de la Chine, l’Inde, l’Afrique… de l’intervention russe est une sorte de revanche prise contre l’arrogance de l’Ouest depuis presqu’un siècle. C’est sans doute une position à courte vue car il est probable que cette guerre de la Russie se terminera comme celles, perdues, menées par l’Occident en Irak, en Afghanistan, en Lybie ou en Afrique : la débâcle.

  • Dans le Cantal

    Le Cantal

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  • Une armée de forbans

    Le retrait des troupes russes des alentours de Kiev, la capitale ukrainienne qu’elles n’ont renoncé semble-t-il à conquérir, dévoile des exactions commises par les occupants sur les populations civiles. Les commentateurs de tous bords s’emparent des grands mots : « crimes de guerre », « crime contre l’humanité » …, la propagande russe explique que les cadavres retrouvés sont le fait d’une mise en scène des autorités ukrainiennes. Le côté ukrainien réactive ses accusations de « génocide » …

    Bref, l’émotion et la mauvaise foi submergent les parties et se déversent sur les plateaux télévisés. Le mieux est de laisser travailler les experts légistes qui vont mettre à jour et documenter ces exactions dont la responsabilité pourra certainement être clairement établie, sans doute assez rapidement. Les troupes russes sont une armée de forbans laissés à eux-mêmes et engagés dans une opération militaire douteuse, épaulés par des supplétifs tchéchènes et, probablement, syriens. Tout ce petit monde ne semble pas animé par des considérations humanitaires très développées ni par les contraintes légales du droit de la guerre alors il est probable que d’autres exactions seront commises par les troupes d’occupation, attisées par le discours de leurs dirigeants sur les « nazis drogués » qui dirigent à Kiev !

    On ne sait pas combien de temps durera cette guerre sordide ni sur quelles bases elle se terminera, mais elle nous fait apprécier tous les jours les avantages de nos systèmes démocratiques d’Europe de l’Ouest face aux errements mortifères des régimes autoritaires. C’est sans doute aussi la raison pour laquelle les oligarques russes (comme ukrainiens d’ailleurs) viennent amarrer leurs yachts clinquants à Nice plutôt que sur la mer Noire.

  • Une droite égocentrique

    Alors que le premier tour de l’élection présidentielle se profile dans une semaine, la candidate du parti[1] conservateur « Les Républicains » (LR) n’est pas même sûre d’être présente au second tour. Ce n’est qu’un aléa de la vie politique, cependant ce que tout le monde a noté est que l’ancien président Sarkozy de Nagy-Bocsa, qui se veut le parrain de cette droite de gouvernement n’a pas encore apporté son soutien à la candidate désignée officiellement par une élection primaire au sein de ce parti (on se souvient qu’en 2017 M. Sarkozy avait fini 4ème de l’élection primaire LR et avait dû renoncer à la candidature). Ce n’est pas bien grave en soi tant il est peu probable que le soutien d’un ancien dirigeant âgé de 67 ans et au bilan mitigé ne doit pas transcender l’électeur moyen de droite ni entraîner des déplacements significatifs de votes. Mais ce silence est significatif des égos surdimensionnés qui minent le débat politique français au détriment des idées.

    La presse bien informée a publié que M. Sarkozy aurait traité la candidate (Valérie Pécresse, 54 ans), qui fut ministre sous sa présidence, de « pimbèche » en se plaignant qu’elle ne se réfère pas assez à lui dans la campagne électorale en cours. Que ces rumeurs soient fondées ou pas, et on a tendance à penser qu’elles le sont, on mesure l’insondable orgueil de l’ancien président qui n’arrive pas à prononcer ne serait-ce qu’un mot en faveur de la candidate du parti qu’il a créé. Que lui coûterait un soutien via une tribune ou une interview médiatique qui, au mieux aiderait Mme. Pécresse, au pire serait sans effet ? Rien ! Ou plutôt si, une douloureuse blessure d’égo car il réaliserait ainsi qu’à 67 ans, passer le relais à une femme de 54 ans, c’est aussi marquer la fin de sa route politique et ça, c’est insupportable pour lui.

    Cette après-midi le nom de Sarkozy a été sifflé par les militants LR présents au dernier rassemblement avant le premier tour. Les participants à ce rassemblement voient sans doute s’éloigner pour une troisième fois la perspective que leur candidat emménage à l’Elysée à la fin du mois, ils sont amers et signifient leur courroux à leur ancien héros !


    [1] On ne dit d’ailleurs plus un « parti politique » mais « une famille politique » sans que l’on sache exactement la raison de ce glissement sémantique, sans doute parce que te terme de « parti » incarne trop l’autorité d’un chef et que notre époque rejette globalement le concept d’autorité ou, à tout le moins, peine à identifier de vrais chefs !

  • La Russie face aux conséquences de sa guerre

    Biche/Charlie Hebdo (13/03/2022)

    Les experts militaires de plateaux télévisés, officiers en retraite ou journalistes de champs de bataille sur petit écran, affirment unanimes que le Kremlin et son président élu sont surpris de ne pas avoir conquis l’Ukraine, « pays frère », en quelques jours grâce à leur puissante armée qui n’aurait pas été véritablement accueillie en « libératrice » de « l’oppression » du pouvoir ukrainien « génocidaire » dirigé par « une bande de nazis drogués ».

    Ce que l’on peut savoir des faits diffusés par les propagandes respectives de l’Ukraine et de la Russie semble aller dans leur sens. Au-delà, les élucubrations de « spécialistes » de Café du commerce sont à prendre avec des pincettes tant la capacité de nuisance de la Russie éternelle est encore forte et dirigée contre l’Ukraine et l’Occident. Des images diffusées par Kiev montrent des chars russes détruits et laissés à l’abandon sur les bords des routes, un gros navire de transport militaire en flammes après avoir été atteint par un missile qui pourrait être ukrainien dans le port de Berdiansk (mer d’Azov) en principe contrôlé par les troupes russes, un dépôt de pétrole en feu sur le territoire russe suite à une attaque d’hélicoptères, et, depuis quelques jours, le retrait de l’armée russe des environs de Kiev, la capital jamais conquise par Moscou. Il apparaît que la Russie n’a pas réussi à acquérir la domination de l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine malgré son armée de l’air bien dotée en avions de combat, que plusieurs de ses généraux ont été tués sur le front, que l’utilisation des fameux missiles « hypersoniques » n’a pas vraiment changé le cours des choses, que son armée est animée d’une motivation limitée, etc. etc.

    Bref, si tout ceci se confirme, la nouvelle est appréciable, l’ours russe serait toujours aussi méchant mais peut-être pas aussi musclé qu’il semblait vouloir le faire croire. En tout cas, pas au point d’être capable d’asservir un pays souverain de grande dimension en quelques jours. L’aide militaire délivrée par l’Ouest et la Turquie à l’Ukraine apparaît quant à elle relativement efficace, comme quoi les démocraties « décadentes » selon le récit de Moscou ne sont pas encore complètement assoupies par le cholestérol et le « wokisme ». L’armée russe a annoncé se concentrer désormais sur l’Est de l’Ukraine, frontalier de son propre territoire, pour, sans doute, essayer d’y pérenniser et renforcer ses conquêtes.

    L’Occident serait toutefois bien avisé d’avoir le triomphe modeste, la Russie n’a pas fini de nuire aux démocraties occidentales, ni à tous ses vassaux s’il leur prenait l’idée saugrenue de vouloir adopter un régime démocratique en renversant les satrapes qui les gouvernent. Et d’abord il va falloir payer pour reconstruire l’Ukraine une fois les hostilités terminées. Les destructions semblent importantes et nombre de villes ont été substantiellement dévastées par les bombardements russes. Il est peu probable que Moscou envisage de financer la reconstruction, tâche qui va donc probablement revenir aux contribuables occidentaux pour les décennies à venir.

    L’urgence est maintenant de finir cette guerre. Des pourparlers directs se déroulent entre ces deux pays et chaque partie communique sur les progrès réalisés. Kiev vient même de préciser qu’une rencontre entre les deux présidents serait possible à court terme. Elle risque d’être intéressante bien qu’un peu réfrigérante…

    Voyons les compromis qui seront entérinés. Quels qu’ils soient, la Russie risque d’être durablement éloignée de l’Occident qui se méfiera de Moscou pour encore quelques générations, au moins jusqu’à ce que les contribuables de l’Ouest aient finis de payer pour reconstruire ce que Moscou a cassé. Mais est-ce vraiment un problème ?

  • Le Bataclan « woke »

    Au Bataclan, célèbre salle de concert rock parisienne, en plus des « hommes » et des « femmes », les toilettes accueillent les « non binaires » et les handicapés. On vit vraiment une époque formidable !

  • MENGISTE Maaza, ‘Sous le regard du lion’.

    Sortie : 2012, Chez : Actes Sud.

    Maaza Mengiste est une écrivaine d’origine éthiopienne, naturalisée américaine. Née à Addis-Abeba en 1971, trois années avant l’instauration d’une dictature militaire communiste à la suite de la déposition de l’Empereur Haïlé Sélassié en 1974, elle garde un souvenir très prégnant de ces premiers mois de la « terreur rouge » qui s’abattaient sur ce pays, avant l’exil de sa famille au Nigeria puis au Kenya et, enfin, aux Etats-Unis d’Amérique.

    Cette période trouble est le cadre de ce premier roman qui narre l’histoire d’une famille plutôt favorisée au cœur de la capitale éthiopienne en proie à la folie du régime. Arrestations, torture, exécutions, nationalisations, défilés à la « gloire de la Révolution » sont le quotidien de la ville et du pays. Dans ce contexte dangereux et idéologisé, les membres de la famille de Hailu, chirurgien, réagissent différemment, puis tous se retrouveront contre la terreur promue par le major Guddu, inspiré de Mengistu Hailé Mariam, militaire qui dirigea le pays durant ces années noires (il est aujourd’hui toujours exilé et protégé au Zimbabwe, il a été condamné à mort pour génocide par la justice éthiopienne en 2008, on estime le nombre de morts durant son régime aux alentour d’un million, de répression, de famines et de mauvaise gestion).

    Ce roman rappelle cette sombre période le l’histoire contemporaine de l’Ethiopie, commencée par la guerre coloniale menée et gagnée par l’Italie dans les années 1930, et dont la violence se poursuit encore aujourd’hui avec la énième reprise de la guerre civile entre Addis-Abeba et la province rebelle du Tigré.

    Il décrypte les comportements de résistance de chacun face à l’oppression, le questionnement intime des uns et des autres sur la meilleure réaction possible, les risques à prendre, et pour quel résultat tangible ? On imagine aisément que ce type de réflexion est mené par tout peuple en proie à la répression ou à l’occupation. Jusqu’où peut-on accepter, à quel moment la contestation doit être violente, quel prix est-on prêt à payer pour la liberté ? De l’occupation allemande de l’Europe en 1939-1945, à celle de l’Ukraine par la Russie en 2022, ce problème est aussi vieux que le monde et bienheureux sont les pays démocratiques qui n’ont pas eu à se la poser depuis près de 70 ans !

  • Le 60ème anniversaire des Accords d’Evian marquant l’indépendance de l’Algérie

    Le 60ème anniversaire des Accords d’Evian marquant l’indépendance de l’Algérie

    Le 19 mars 1962 était signés les accords d’Evian marquant le cessez-le-feu entre la France et l’Algérie, mettant fin, progressivement, à une guerre sauvage et inutile entre une puissance colonisatrice et un pays colonisé, initiant des flux de migrations significatifs vers la France, les français d’Algérie appelés « pieds-noirs » mais aussi beaucoup de citoyens algériens, et le début d’une relation houleuse entre les deux pays, qui n’a jamais pu s’apaiser.

    Ces accords stipulaient l’organisation d’un référendum d’autodétermination dans les trois mois suivant leur signature, ce qui fut fait, et aboutit bien entendu à l’indépendance, mais aussi à ces flux de population vers la France dont l’importance n’avait pas été anticipée à ce point. Comme c’est l’habitude en la matière, une partie de ces accords n’a pas été respectée par le vainqueur et, notamment, celle qui stipulait que :

    Nul ne pourra faire l’objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d’une discrimination quelconque en raison :

    – d’opinions émises à l’occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d’autodétermination;
    -d’actes commis à l’occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu.
    -Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d’en sortir.

    On le sait, les supplétifs algériens de l’armée françaises, les « harkis », qui n’avaient pas été rapatriés en France ont été massacrés en masse, souvent dans des conditions effroyables. Les historiens estiment entre 60 et 70 000 le nombre de victimes. Des règlements de comptes sanglants ont également eut lieu entre les différentes factions du Front de libération nationale (FLN), la plupart des signataires des accords d’Evian ont rapidement été éliminés ou contraints à l’exil.

    Lire aussi : Raymond Depardon / Kamel Daoud. Son œil dans ma main. Algérie 1961-2019.
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    Une autre partie de ces accords n’a pas même eu à ne pas être respectée faute de combattants : celle concernant les droits civiques à accorder par le gouvernement algérien aux « pieds-noirs », en effet, ceux-ci sont partis en France dans leur très grande majorité dès l’indépendance prononcée. Certains qui avaient pris fait et cause pour l’indépendance algérienne sont restés sur place et ont généralement pris la nationalité après l’indépendance. Ce statut particulier de « nationaux français exerçant des droits civiques algériens » na pas eu à être mis en œuvre.

    Accords d’Evian (1962) AFP

    L’application des articles sur la coopération économique a rapidement tourné court, notamment celle sur l’exploitation des ressources pétrolières qui devait être paritaire, ce qui était bien entendu ingérable dans le cas d’une Algérie indépendante, de même que, pour le sujet militaire, la location de la base de Mers El-Kébir pour 15 années renouvelables a été rapidement résiliée ainsi que les facilités d’utilisation accordées à la France sur des aérodromes et des sites militaires. Toutes ces illusions de coopération sereine entre les deux pays se sont rapidement révélées inapplicables et sont tombées aux oubliettes de l’histoire.

    Il reste la mention de la coopération culturelle qui devait « être développée » selon ces accords, pas sûr que ce fut vraiment le cas…

    Lire aussi : Les facilités accordées à l’immigration des citoyens algériens en France
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    L’histoire ne dit pas quelle partie proposa d’inclure dans les accords d’Evian ces articles sur la coopération économique, militaire et culturelle qui furent sans doute une façon de sauver la face de la France, chacun sachant qu’ils ne seraient pas appliqués. Ce que révèlent aujourd’hui les historiens est que le départ immédiat de tous les « pieds-noirs » n’avait pas été anticipé. Les signataires pensaient sans doute qu’une partie des Français d’Algérie resterait sur place et participerait à l’élaboration de la nouvelle nation algérienne. Leur départ en dit long sur la confiance qu’accordaient les « pieds-noirs » aux engagements du FLN… L’autre surprise, toujours d’actualité, est que les flux d’immigration de l’Algérie vers la France ont été, et restent encore aujourd’hui, très significatifs. Un fait sans doute révélateur lui aussi d’une confiance limitée des citoyens algériens en leurs dirigeants.