Nombre de commentateurs trop paresseux pour s’informer à la source avancent que « l’article 5 » de la chartre de l’OTAN entraîne l’intervention immédiate de ses membres si l’un d’eux est attaqué, ce qui protègerait l’Ukraine si elle adhérait à cette alliance.
Relisons cet article :
Article 5
Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.
Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.
Ce qui frappe est qu’en cas d’attaque d’une partie, les autres les assisteront « en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties » les actions nécessaires. Il y donc quand même une discussion à avoir et un accord des membres de l’alliance. S’il fallait un jour déclarer la guerre à la Russie, que se passerait-il si l’Albanie ou le Monténégro n’était pas d’accord avec les « actions nécessaires » ?
Un certain nombre de dirigeants russes, dont le président et son ministre des affaires étrangères, font l’objet de sanctions occidentales par gel de leurs avoirs. Ces annonces sont diffusées haut et fort par différents Etats européens mais personne ne précise le montant de ces avoirs saisis ! Le citoyen ignore donc complètement l’effet de telles mesures. On peut imaginer que MM. Poutine ou Lavrov, entre autres, ne sont pas stupides au point d’avoir laissé des comptes bancaires ou des actifs à leurs noms dans des pays occidentaux. S’ils ont des fortunes à cacher en dehors de la Russie, il existe suffisamment de paradis fiscaux ou, tout simplement, de pays amis disposés à les accueillir pour ne pas courir le risque de se les faire saisir en Occident. Il est étonnant que les médias français passant en boucle cette information sur le gel des avoirs ne se posent pas la question de quelles valeurs il est question ?
Ce n’est cependant pas le cas de nombre d’oligarques russes qui paradent dans de luxueuses demeures à Londres, sur la Côte d’azur et ailleurs, sans parler de ceux qui achètent des clubs de fouteballe. On se demande bien pourquoi ils préfèrent Nice à la mer Noire pour passer leurs vacances, mais c’est ainsi, ils ont beaucoup investi en Europe. Rappelons que la fortune de la plupart d’entre eux a été constituée lors de la privatisation des entreprises d’Etat soviétiques dans les années 1990, qui fut l’une des plus gigantesques opérations de spoliation de biens publics réalisée dans le monde à l’époque contemporaine.
Leur cas est plus complexe car on peut leur faire confiance pour avoir mis en place des montages juridiques complexes et multinationaux pour cacher leurs titres de propriété occidentaux et rendre juridiquement difficile leur saisie. Même les Balkany, bien moins riches et avisés, ont réussi à cacher leurs véritables avoirs au fisc français durant des décennies… Par ailleurs, saisir les avoirs des oligarques pose également des questions politiques : sont-ils responsables de la guerre en Ukraine ? Que se passera-t-il avec les avoirs occidentaux en Russie qui subiront probablement le même sort ?
Alors que les pays occidentaux protestent contre la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et essayent d’aider Kiev comme ils le peuvent et sans engager de troupes sur place, les habituels amis de Moscou marquent leur « indéfectible amitié à la Russie ».
Le site Facebook de la présidence syrienne mentionne un entretien téléphonique ce 25 févier entre MM. Poutine et Al Assad dont le compte-rendu est même traduit en français (avec un peu d’approximation) :
Le président Assad a déclaré : les pays occidentaux assument la responsabilité du chaos et du sang à cause de leurs politiques visant à contrôler les populations, alors que ces pays utilisent leurs sales méthodes pour soutenir les terroristes en #Syrie et les nazis en Ukraine et en diff des parties érentes du monde. … Le président Assad considère que l’ennemi auquel sont confrontés les soldats syriens et russes est un ennemi, en Syrie il est extrémiste et en Ukraine il est nazie, faisant remarquer que la Russie fédérale donnera au monde une leçon que les grands pays ne sont pas seulement grands avec leur pouvoir militaire mais en ce qui concerne le droit et la haute éthique Oui et les principes de l’humanité. …
La Biélorussie est partie au conflit puisqu’une partie des troupes russes sont parties de ce pays pour envahir l’Ukraine qui partage une longue frontière avec ce pays. C’est un peu le retour d’ascenseur après que la Russie avait soutenu son président dont la réélection en 2020 était fortement contestée par la rue.
La Chine a déclaré « Nous comprenons les préoccupations de sécurité légitimes de la Russie » sans toutefois soutenir l’intervention militaire en cours. Sans doute Pékin observe de près les suites qu’aura cette affaire dans l’hypothèse où elle souhaiterait faire de même, un jour, avec Taïwan.
Ce 25 février, une résolution préparée par les Etats-Unis d’Amérique et l’Albanie a été rejeté par le veto russe. Trois pays : Chine, Inde et Emirats arabes unis, se sont abstenus et onze ont voté pour. Le texte rejeté décidait que
« la Fédération de Russie cessera immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine » et « retirera immédiatement, complètement et sans condition ses forces militaires du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ».
La position de neutralité de l’Inde et des Emirats arabes unis est prudente et un peu acrobatique, mais ces deux pays rejettent également de toutes leurs force le concept même de démocratie. C’est sans doute une des raisons expliquant leur position à l’ONU.
Bien entendu, la Corée du Nord et l’Iran ont marqué leur soutien à la Russie, ainsi que l’inénarrable Francis Lalanne.
La Tchétchénie, République du Caucase, de religion musulmane, La Tchétchénie, République du Caucase, de religion musulmane, appartenant à la Fédération de Russie, dont l’opposition et ses revendications indépendantistes avaient été très violemment éteintes par les troupes de Moscou lors des guerres de 1994 (Eltsine étant président russe) et 2000 (sous la présidence Poutine). A la suite de ces violences, l’Europe a accueilli des réfugiés Tchétchènes dont certains se sont illustrés, notamment en France, dans des actions terroristes et de délinquance. Cette République est maintenant dirigée d’une main de fer par un dictateur prorusse qui a proposé d’envoyer 10 000 « combattants » en Ukraine pour soutenir la politique russe. On peut souhaiter à l’Ukraine que cette option ne soit pas déclenchée par Moscou car ces « combattants » sont plutôt du genre sauvage.
Alors que le président russe rappelle régulièrement que son pays dispose de l’arme nucléaire et que si quelque pays que ce soit intervient dans le conflit en cours il devra affronter une réaction immédiate et d’une ampleur « jamais vue ». Le ministre français des affaires étrangères a répondu sur un plateau télévisé hier soir que l’OTAN était également une alliance nucléaire.
Ces échanges explicites font comprendre que l’option de l’arme nucléaire est sur la table. Evidemment on joue aussi à se faire peur mais cela fait longtemps qu’une telle hypothèse n’avait pas été aussi précisément évoquée en Europe. Une Russie « jusqu’auboutiste » pourrait-elle appuyer sur le bouton ? On ne sait pas mais on croit ceci possible.
On remarque que les invasions soviétiques chez les « pays frères » à Berlin-Est en 1953, à Budapest en 1956 ou Prague en 1968 n’avaient pas déclenché de guerre aussi totale que celle qui est en cours en Ukraine. Certes le sang avait coulé mais « l’ordre communiste » avait été rétabli semble-t-il avec moins de batailles, ou en tout cas des combats moins violents. Il faut dire qu’à ces époques une partie des populations et élites locales des pays envahis étaient favorables à l’arrivée du « grand frère » soviétique avec lequel elles partageaient l’idéologie communiste. Cela semble être beaucoup moins le cas aujourd’hui en Ukraine où la guerre déclenchée par Moscou a choqué et surpris nombre d’Ukrainiens tant leur histoire, leur culture et leur langue sont mélangées avec celles des Russes.
Quand la guerre actuelle entre la Russie et l’Ukraine s’atténuera et que l’heure de la diplomatie reviendra, l’Ukraine sera sans doute renforcée dans sa volonté de regarder vers l’Ouest et elle rejoindra le groupe des pays qui eurent à souffrir dans leur chair de l’Union soviétique puis de la Fédération de Russie et ne sera sans doute pas prête avant longtemps à regarder vers Moscou. Il est à craindre que la Russie n’occupe l’Ukraine où n’y installe des dirigeants à sa botte, ou, plus probablement, les deux lorsque l’intensité du conflit s’atténuera. La situation sera donc sans doute gelée pour quelques années mais le ressentiment des Ukrainiens contre les Russes risque de perdurer pour de longues années.
Quant à la Russie elle s’est sans doute mise au ban de la société occidentale pour encore plus longtemps. Elle se retournera vers l’Asie d’où l’on n’aurait jamais dû la sortir. Le monde est en train de remplacer l’opposition capitalisme/socialisme de la guerre froide par une compétition démocraties/dictatures, qui recouvre plus ou moins la répartition géographie Occident/Asie, la première zone intégrant également quelques pays asiatiques comme le Japon, l’Australie. Le gagnant de ce nouveau conflit n’est pas écrit d’avance
Cette nouvelle guerre idéologique était plutôt du genre tiède mais Moscou vient de marquer qu’elle peut aussi se réchauffer comme moyen de force pour éviter la « contagion démocratique », pour le moment sans déclencher de l’option nucléaire.
Comme on le constate depuis plusieurs années, on a assisté à un renversement des alliances traditionnelles de certains partis de l’extrême droite française. Durant la guerre froide et jusque dans les années 1980, le monde communiste, avec la Russie comme guide, était le chiffon rouge repoussoir pour la droite en général, la droite de la droite en particulier. L’Union soviétique était l’hydre à combattre, le collectivisme l’idéologie à abattre. Le siège de la compagnie nationale russe Aéroflot sur les Champs Elysées était le rendez-vous régulier de manifestations antisoviétiques dans les années 1970-1980 ; dès que Moscou envoyait des chars dans un « pays frère », ce qui s’est hélas passé assez régulièrement, de Budapest à Prague en passant par Varsovie, des groupuscules nationalistes et anticommunistes comme le GUD (Groupe union défense) ou l’UNI (Union nationale inter-universitaire) manifestaient leur antisoviétisme devant le bâtiment qui abritait la compagnie aérienne. En 1977, Alain Escoffier militant « solidariste » plus ou moins d’extrême droite, s’immolait par le feu en criant « communistes assassins ! » dans les locaux de cette même Aéroflot en hommage au militant Jan Palach qui s’était lui aussi immolé par le feu en 1969 à Prague pour contester l’invasion des chars soviétiques en Tchécoslovaquie à l’été 1968.
Aujourd’hui, ces mêmes partis de droite dure copinent depuis quelques années avec la Russie qui finance d’ailleurs certains d’entre eux. Ils admirent le côté mâle dominant du président Poutine qui défend des positions nationalistes et patriotiques, méprise la faiblesse des démocraties et fait preuve d’une autorité violente chez lui et chez ses affidés.
Récompensant la main qui les nourrit, le « Rassemblement national » de Marine le Pen comme le parti « Reconquête ! » d’Éric Zemmour trouvaient jusqu’à hier des circonstances atténuantes à la Russie « cernée par l’Alliance atlantique ». Ils ont évidemment un peu de mal à maintenir cette victimisation d’une Russie « agressée » par l’Ukraine et l’OTAN alors ils reviennent sur leurs positions prorusses, condamnent la guerre en cours mais en rendent aussi responsable l’Occident qui n’a pas su être assez sage pour ménager la Russie.
Aussi intéressant est la situation d’un certain nombre de dirigeants occidentaux qui se sont laissés séduire par les sirènes du soft power de Moscou en acceptant de rentrer, voire de présider, des conseils d’administration de compagnie publiques russes. C’est ainsi que François Fillon, ancien premier ministre français, a été nommé administrateur des sociétés pétrochimiques Sibur et Zarubezhneft en 2021. Ce fait est aimablement rappelé depuis quelques jours par l’opposition au parti LR, au point que l’impétrant s’est fendu ce matin d’un message sur Twitter :
Comme les réactions des partis de la droite nationaliste c’est un « je condamne, mais… ». Comme par hasard des photos de Fillon serrant les mains de quelques dirigeants russes sont ressorties ces derniers jours, probablement poussées par la Russie qui espère ainsi diviser la politique française. C’est le soft power, art dans lequel Moscou s’est montré maître ces dernières années, au moins autant que dans le pouvoir de la force. Cette nouvelle « affaire Fillon » n’est de guère d’importance tant le personnage a quitté la politique depuis 2017 et s’est déjà suffisamment démonétisé, humainement comme politiquement. En allant ainsi « à la soupe » il se dévalorise encore un peu plus mais les caciques de son ancien parti sont bien ennuyés de cette situation sur laquelle ils restent plutôt silencieux.
Cette guerre russo-ukrainienne rend les petites querelles politiciennes franchouillardes tellement incongrues que du coup la campagne électorale présidentielle française est au point mort, ce qui probablement sert les intérêts du parti au pouvoir, dans la mesure où l’actuel président de la République se représenterait à l’élection du mois d’avril, ce qui n’est pas encore officialisé. Entendre Valérie Pécresse expliquer comment elle va « augmenter les salaires nets de 10% » alors que les missiles pleuvent sur l’Ukraine, ou Éric Zemmour vanter « l’immigration 0 » quand des milliers d’Ukrainiens sont en train de fuir leur pays vers l’Ouest, ne présente plus beaucoup d’intérêt…
Il y avait un risque sur deux que la Russie déclenche une guerre ouverte contre l’Ukraine au lieu de se contenter d’un simple soutien aux Républiques autoproclamées du Donbass dans lesquelles les « forces de paix » russes étaient déjà à la manœuvre depuis le début de la semaine. Eh bien nous y sommes, une campagne de bombardement significative a été lancée dans la nuit touchant toutes les villes du pays.
Un message du président russe a été diffusé dans la nuit pour annoncer l’attaque dans lequel il parle de son objectif de « démilitariser et dénazifier l’Ukraine » ainsi que d’arrêter le « génocide » en cours mené par Kiev contre les populations russophones du Donbass. Il a également affirmé que toute partie qui aiderait l’Ukraine aurait à en supporter les conséquences.
On reconnaît là toute la subtilité russe sans vraiment savoir ce que cela veut dire, ni jusqu’où ce conflit sera mené tant l’hypothèse d’une guerre totale contre l’Ukraine semblait improbable. L’Occident libéral fait preuve de faiblesse et a du mal à anticiper les comportements agressifs des dictateurs. Engourdi dans des problèmes de riches et de cholestérol, l’Ouest renonce à menacer de faire la guerre si ses intérêts vitaux ne sont pas en jeu et l’Ukraine, a priori, ne fait pas partie desdits intérêts. Il n’est pas facile pour un dirigeant démocratique de décider d’envoyer (ou même seulement d’envisager) son pays et ses citoyens à la guerre !
Étrange retour aux années 1930-1940, qui, quand même, se sont terminées par la défaite des nazis et de leurs alliés avec l’aide incontestable de… l’Union soviétique, mais après une guerre mondiale et des millions de morts des deux côtés. La reddition sans condition allemande n’a pu être obtenue que suite à un engagement total des forces alliées. Les pays européens de l’Est qui ont déjà été occupés par les Soviétiques durant la guerre froide s’inquiètent de voir les ambitions de l’ours russe ne pas se satisfaire de la simple Ukraine. On pressent aujourd’hui que cela serait possible.
En fait nous assistons en ce moment à un « concours de bites » et pour l’instant c’est manifestement Poutine qui a la plus grosse !
L’un des dommages collatéraux de la résurgence des conflits comme celui d’aujourd’hui entre la Russie et l’Ukraine est que les médias ressortent de la poussière Bernard-Henry Lévy (BHL, 73 ans) et Bernard Kouchner (82 ans). Ces deux-là font un retour inutile sur les plateaux télévisés et l’on voit le plaisir qu’ils en éprouvent. Cabotins invétérés ils goûtent ce qui risque d’être, au moins pour le second, leur dernière apparition médiatique, alors ils ne s’en privent pas.
BHL semble bien moins ramolli que Kouchner mais il a tendance à ressasser les mêmes vieilleries depuis des décennies. Dans le cas d’espèce il préconise de sanctionner la Russie et de se préparer à accueillir les réfugiés ukrainiens « que nous n’avons pas su protéger »… L’auteur de La barbarie à visage humain publié en 1977, ouvrage fondateur de la « nouvelle philosophie », se croit toujours investi de la mission d’ouvrir les yeux des peuples devant la barbarie des méchants dictateurs étrangers. Les choses ont un peu changé depuis 45 ans et la démocratie ne semble plus être l’unique modèle de société pour la planète, en tout cas, le prosélytisme pro-démocratique transfrontière n’est plus vraiment de mise et aboutit à bien des déceptions.
Le mieux serait que MM. Kouchner et Lévy laissent les analyses à plus jeunes qu’eux. Leurs vies et leurs engagements ont été magnifiques dans leur contexte, nous sommes maintenant au XXIème siècle et il leur faut maintenant tourner la page, peut-être en continuant à écrire des ouvrages mais surtout, en laissant leurs places sur les plateaux télévisés à la génération d’intellectuels suivante.
Le musicien américain auteur-compositeur Marc Lanegan est mort hier à 57 ans en Irlande. Il était réputé pour sa voix sépulcrale qu’il mit au service de la cause grunge de Seattle. Ami de Kurt Cobain il fut aussi guitariste membre du groupe Queens of the Stone Age et de Screaming Trees avant de mener une carrière solo et la production de disques folk-blues à l’ambiance sombre dans laquelle sa voix décavée a fait merveille. Il collabora également avec Isobel Campbell du groupe Belle and Sebastian, un résultat très réussi en disques et en concerts.
Après avoir menacé sans vergogne l’Occident d’envahir l’Ukraine coupable de tendresse envers l’Ouest, massé des troupes considérables à sa frontière avec ce pays, baladé et menti effrontément à tous les représentants occidentaux passés à Moscou pour essayer de régler le litige diplomatiquement (dont le président français), la Russie vient de reconnaître « l’indépendance » de deux Républiques autoproclamées de l’est de l’Ukraine, habitées par une majorité russophile et russophone, en guérilla depuis 2014 contre le pouvoir central de Kiev. Dans la foulée des accords de coopération et de défense ont été signés entre la Russie et ces deux territoires, autorisant l’entrée des « troupes de paix » russes ce qui fut aussitôt fait. On ne connait d’ailleurs pas exactement les « frontières » reconnues par Moscou, celles des deux Républiques autoproclamées ne correspondant pas exactement à celles de la région du Donbass !
L’Occident vocifère sur tous les tons mais se retrouve devant le fait accompli en préparant quelques sanctions économiques après avoir bien expliqué qu’il n’y aurait pas d’engagements militaires contre la Russie sur le thème « personne chez nous ne veut mourir pour l’Ukraine ». Le message n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !
Le résultat des courses est que la Russie est bien rentrée en Ukraine sans formellement entrer en guerre mais en envoyant des « soldats pour la paix » censés aider leurs nouveaux amis de Donbass. C’est bien joué. Les habitants de cette région devraient majoritairement accueillir les Russes à bras ouverts alors qui va s’inquiéter pour eux ? Après la Transitrie créée contre la Moldavie en 1992, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud crée en 2014 contre la Géorgie puis la Crimée annexée par la Russie la même année, c’est chaque fois plus ou moins la même méthode par création par les rebelles sécessionnistes locaux de républiques autoproclamées, où résident de fortes communautés russes ou d’origine russe, qui déclarent leur indépendance puis sont reconnues par Moscou et quelques-uns de ses affidés. Une fois ces indépendances reconnues par la Russie le pays d’où ces territoires ont été arrachés n’ose plus vraiment essayer de les récupérer par peur de se heurter à Moscou. C’est ce qui se passe en Géorgie, en Transnitrie et, probablement, à partir d’aujourd’hui dans le Donbass.
Après son intervention pour aider à rétablir l’ordre au Kazakhstan l’an passé, Moscou continue à rétablir des Etats tampons autour de ses frontières, bref remettre sur pieds une sorte d’Union soviétique du XXIème siècle. Le problème insoluble pour la Russie est que la majorité des anciennes Républiques soviétiques qui ont goûté aux charmes de l’Ouest après l’effondrement de l’URSS, la Pologne, les pays Baltes, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie… ne souhaitent pas, mais vraiment pas, revenir vers le passé. Toute la ruse et la mauvaise foi des négociateurs russes n’arrivent pas à inverser ce sentiment et c’est là leur problème insoluble à ce stade.
Evidemment, si l’Ukraine restait amie avec la Russie et ne regardait pas vers l’Occident avec les yeux de Chimène ce serait plus simple pour tout le monde, et surtout pour l’Ouest. Faire adhérer l’Ukraine à l’Union européenne comme le président ukrainien l’exige actuellement serait tout simplement un cauchemar bureaucratique, une charge budgétaire sans précédent pour les contribuables communautaires et une source de conflits sans fin. Et sans doute un échec in fine. Ainsi vont les relations internationales, la Russie est entrée en Ukraine et il est peu probable que personne ne l’en chasse avant longtemps même s’il y aura certainement de nouvelles étapes à affronter.
Le retrait annoncé de l’armée française du Mali a été accompagné d’un communiqué officiel signé ce 17/02/2022, en plus de la France, par certains pays européens et africains, ainsi que par l’Union africaine. L’idée était sans doute de marquer un caractère multilatéral à cette décision bien qu’il s’agisse essentiellement d’un problème entre le Mali et son ancienne puissance coloniale. Sans doute Paris se sent moins seul ainsi et la conférence de presse organisée à la suite de la publication de ce communiqué a associé différents dirigeants africains qui entouraient le président français. Ceci ne fit guère illusion tant le pouvoir de la force est dans les mains du seul Macron en tant que chef des armées françaises, mais cela ne fait pas de mal non plus.
Le communiqué est un pur objet de diplomatie, on y parle de paix, de stabilité, de soutien à la population malienne, de droits humains et d’aide humanitaire et blablabla. Bref, le projet a dû être rédigé par un stagiaire de l’ENA au ministère des affaires étrangères, revu et corrigé par un vieux diplomate de la Françafrique, madré aux arcanes des cocktails diplomatiques tropicaux. C’est ce qui se fait en de telles circonstances.
Les autorités maliennes ont réagi dès le 18/02/2022 par un intéressant document signé du porte-parole du gouvernement qui commence par rappeler que le retrait français « unilatéral » viole les accords de défense avec la France, ce qui est formellement exact mais ne manque pas d’ironie dans ces circonstances où les autorités maliennes ont tout fait pour décourager la France de poursuivre ses opérations au Mali. Paris aurait dû commencer par dénoncer formellement son accord de défense avec le Mali, qui avait bien pris garde de ne pas le faire même s’il en avait demandé la révision.
La partie malienne rappelle ensuite que le terrorisme dans son pays a été renforcé notamment par suite de la déstabilisation de la Libye en 2011 par… les forces de l’OTAN et tout particulièrement la France. La encore, ceci est formellement vrai. Il est ensuite précisé que les objectifs sécuritaires n’ont pas été atteint au Mali qui est désormais au bord de la partition et sur le territoire duquel le terrorisme a pu étendre ses actions.
Ce communiqué est un véritable bijou de juridisme et de mauvaise foi mais il est très malin, bien plus que celui auquel il répond. Il a sans doute du mal à passer auprès des autorités françaises qui vont bien devoir avaler leur chapeau. C’est ainsi, ce n’est pas agréable mais l’essentiel est de sortir au plus vite de ce pays avec le moins de dégâts possible pour l’armée françaises et ses quelques partenaires européens. Paris va devoir boire le calice jusqu’à la lie mais pourrait envoyer ses stagiaires diplomates énarques prendre des cours de rédaction à Bamako !
Déclaration conjointe sur la lutte contre la menace terroriste et le soutien à la paix et à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
A la veille du Sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, nous, les pays sahéliens et voisins ainsi que les partenaires internationaux, nous sommes réunis pour échanger sur la situation au Sahel. Nous restons déterminés à soutenir le Mali et sa population dans leurs efforts pour obtenir une paix durable et la stabilité, ainsi que pour combattre les menaces terroristes au Sahel.
Nous réaffirmons tous notre forte volonté de poursuivre notre partenariat avec et notre engagement pour le peuple malien dans la durée, pour faire face à tous les défis posés par l’activité des groupes armés terroristes au Sahel.
Nous constatons et regrettons que les autorités maliennes de transition n’aient pas tenu leurs engagements envers la CEDEAO, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022. Nous exhortons les autorités maliennes à achever la période de transition et à organiser des élections libres, équitables et crédibles. Nous soutenons pleinement les efforts en cours de la CEDEAO et de l’UA pour le retour du Mali à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.
Nous exhortons les autorités maliennes à réengager un dialogue constructif avec la CEDEAO et l’Union africaine, au plus haut niveau, afin de trouver une solution en faveur de la stabilité et du développement du Mali et de toute la région.
En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats Européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations. En étroite coordination avec les Etats voisins, ils ont également exprimé leur volonté de rester engagés dans la région, dans le respect de leurs procédures constitutionnelles respectives.
A la demande de leurs partenaires africains, et sur la base de discussions sur les futures modalités de leur action conjointe, ils sont néanmoins convenus de poursuivre leur action conjointe contre le terrorisme dans la région du Sahel, notamment au Niger et dans le Golfe de Guinée, et ont engagé des consultations politiques et militaires avec eux dans l’objectif d’arrêter les paramètres de cette action commune d’ici juin 2022.
Nous soulignons la contribution essentielle de la MINUSMA à la stabilisation au Mali, à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, à la protection du peuple malien, notamment des droits humains, et à la création d’un environnement sûr pour l’aide humanitaire. Nous reconnaissons également l’engagement et le prix payé en termes de vies humaines par les pays contributeurs de troupes et de policiers.
De même, nous rappelons la contribution substantielle de l’Union européenne et de ses missions à la paix et la sécurité au Sahel. Nous réaffirmons l’objectif crucial de renforcer les moyens et capacités des forces de sécurité des pays de la région et d’accroître ainsi la sécurité des populations locales là où, et si, les conditions nécessaires sont réunies.
Compte tenu des impacts de la situation sur la population malienne, nous soulignons collectivement notre engagement de longue date envers le peuple malien, ainsi que notre volonté de continuer à nous attaquer aux causes profondes de l’insécurité en mobilisant l’aide pour répondre aux besoins immédiats et à plus long terme de la population, en particulier des personnes les plus vulnérables. Nous réaffirmons aussi notre disponibilité à poursuivre le dialogue avec les autorités de transition maliennes.
Afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes en direction du Sud et de l’Ouest de la région, les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes. Ces actions viendraient soutenir les initiatives et organisations régionales pertinentes telles que l’UA, la CEDEAO, le G5 Sahel et l’Initiative d’Accra et renforcer les stratégies nationales visant à améliorer la résilience ainsi que les conditions de vie et de sécurité dans les régions les plus vulnérables.
Nous demandons au Haut-représentant de la Coalition pour le Sahel d’organiser rapidement une réunion ministérielle de la Coalition, qui aura pour objet d’établir un bilan de la feuille de route adoptée en mars 2021 et de prendre en compte ces nouvelles orientations.
Signataires : Allemagne ; Belgique ; Bénin ; Canada ; Côte d’Ivoire ; Danemark ; Estonie ; France ; Ghana ; Hongrie ; Italie ; Lituanie ; Mauritanie ; Niger ; Norvège ; Pays-Bas ; Portugal ; République Tchèque ; Roumanie ; Sénégal ; Slovaquie ; Slovénie ; Suède ; Tchad ; Togo ; Conseil européen ; Commission européenne ; Haut représentant de la Coalition pour le Sahel ; Commission de l’Union Africaine.
Ian McDonald (1946-2022) est mort ce 11 février d’un cancer. Il fut l’un de cocréateurs du groupe King Crimson et participa à son disque fondateur : In the Court of the Crimson King (1969) dont il cosigne toutes les compositions. Multi-instrumentiste il joue en particulier de la flûte et du saxophone. Ce disque majeur a lancé le rock progressiste et fut très marquant pour l’époque. McDonald n’est pas resté longtemps dans le groupe qu’il a quitté pour co-fonder en 1976 le groupe Foreigner, de bien moindre intérêt, sorte de grosse machine américaine sans beaucoup d’inspiration. Il est revenu joué du sax sur l’album Red des Crimson en 1974, autre disque capital du groupe, ouvrant la voie de la musique répétitive des guitares métalliques, filon que King Crimson continue d’exploiter aujourd’hui.
Le groupe est toujours dirigé par l’exceptionnel guitariste-auteur-compositeur Robert Fripp (75 ans), qui, outre son immense talent de musicien a su également s’entourer d’artistes d’exception comme Ian McDonald.
Après quelques reports dus à la situation sanitaire, Suzanne Vega nous revient à Paris à la Cigale (avant un autre concert à l’Olympia le 22 juin) pour un show intimiste, accompagnée de son fidèle guitariste irlandais Gerry Leonard. Elle n’a pas produit beaucoup de nouvelle musique malgré la pause Covid mais a rassemblé dans un disque live d’anciennes compositions plus ou moins liées à New-York, sa ville d’adoption (elle est née en Californie à Santa-Monica). Enregistré au Café Carlyle le 11 septembre 2020, le disque s’appelle An Evening of New York Songs and Stories, et c’est d’ailleurs le nom de sa tournée actuelle.
Pas vraiment de nouveauté donc, ni dans les morceaux choisis ni dans leur interprétation ; si tout de même, une reprise de Blondie, autre égérie new-yorkaise, en plus trash, des années punk 1970-1980. Qu’importe, car on ne se lasse pas du charme tranquille de cette artiste intemporelle qui envoute son public de sa musique folk chantée avec une si jolie voix. Evidemment elle nous raconte toujours un peu les mêmes histoires dont celle de son premier amoureux de Liverpool : In Liverpool/ On Sunday/ No reason to even remember you now…
Mais le charme opère dès qu’elle entre en scène, et encore plus lorsqu’elle ouvre le show avec Marlene on the Wall :
Even if I am in love with you All this to say, what’s it to you? Observe the blood, the rose tattoo Of the fingerprints on me from you
Elle s’accompagne merveilleusement bien à la guitare électro-acoustique et Gerry apporte sa touche électrique énergisante à un show poétique et parfait. Nous sommes à New-York, peut-on entrer dans l’univers musical de cette ville dans évoquer son enfant terrible : Lou Reed ? Bien sûr que non alors elle interprète Walk on the Wild Side qu’elle a déjà à son catalogue depuis quelques années.
An Evening of New York Songs and Stories : un concert dispensable, mais pourquoi faudrait-il s’en passer ?
Setlist : Marlene on the Wall/ Freeze Tag/ Caramel/ Gypsy/ In Liverpool/ The Queen and the Soldier/ Frank & Ava/New York Is My Destination/ New York Is a Woman/ Walk on the Wild Side (Lou Reed cover)/ Left of Center/ I Never Wear White/ Some Journey/ Luka/ Tom’s Diner
Encore : Dreaming (Blondie cover)/ Tombstone/ Rosemary
C’était une décision attendue tant elle était devenue inévitable : le gouvernement français a annoncé l’évacuation du Mali par son armée après neuf années de présence et de combats contre les rebelles religieux et les séditieux Touaregs, souvent mêlés d’ailleurs et réunis par une communauté d’intérêt pour lutter contre la France et forcer le pouvoir de Bamako à négocier avec eux. Ils obtiennent donc satisfaction et vont pouvoir désormais se développer plus librement et discuter avec un gouvernement militaire qui a d’ailleurs déjà commencé à le faire contre l’avis de Paris, notamment à l’occasion de la libération en 2020 de Mariam Pétronin, citoyenne franco-suisse enlevée par un groupe djihadiste local durant quatre ans et convertie à l’islam durant sa captivité.
Le divorce est prononcé de façon nette. Il reste maintenant à l’exécuter en organisant le repli des troupes hexagonales avec le minimum de dégâts. On se souvient qu’en Afghanistan une négociation aurait été conclue en 2020 avec les rebelles religieux Talibans pour que ceux-ci n’attaquent pas les troupes occidentales qui ont fini d’être évacuées le 25/08/2021. Il se murmure qu’un accord du même ordre avait été convenu avec le chef de guerre Massoud, dit « commandant Massoud », lors de l’évacuation de l’armée rouge soviétique du même Afghanistan en 1989. Il ne serait pas incongru de procéder de la même façon au Mali afin d’éviter d’accroître encore la liste déjà longue des morts (53 militaires tués à ce jour) et des blessés français dans ces combats qui durent depuis 2013. Le pouvoir militaire malien semble suffisamment malin pour le comprendre. Il a obtenu avec adresse ce qu’il souhaitait, le départ de la France de son territoire, en procédant par petites touches et sans jamais formellement demander ni la révocation des accords de défense entre la France et le Mali, ni formellement le départ des troupes étrangères sur son territoire. Une habilité diplomatique inattendue de la part de Bamako et son gouvernement de galonnés dépenaillés.
Notons au passage que les accords de défense avec le Mali sont toujours d’actualité. Il conviendra donc que le gouvernement français prenne bien soin de les dénoncer rapidement afin d’éviter que Bamako ne puisse y faire appel un jour s’il retourne ses alliances.
Voici maintenant le Mali face à son destin et c’est bien ainsi. Il pourra choisir ses nouveaux amis : la Russie, l’Algérie, la Chine ou qui que ce soit d’autre. Comme pour l’Afghanistan aujourd’hui, le problème du financement de l’économie de ce pays en voie de développement va se poser dès demain. Gageons qu’après quelques mouvements d’humeur bien compréhensibles des occidentaux qui vont les pousser à fermer les robinets de leur aide financière au Mali, celle-ci reprendra sans doute assez rapidement, plutôt via les canaux multilatéraux, et les contribuables français continueront à payer pour le Mali, ce qui n’est pas un drame.
La France quant à elle va pouvoir rapatrier une partie de ses forces et réaliser ainsi des économies budgétaires bienvenues. Ces neuf années dans le désert malien auront finalement été, aussi, un formidable terrain d’entraînement permettant d’aguerrir cette armée à la guerre asymétrique dans les rudes conditions du Sahara, ce qu’elle fit avec un relatif succès opérationnel d’un point d’un point de vue strictement militaire.
L’ancienne salle des machines du phare du Créac’h a été recyclée en un petit musée sur cette activité des « Phares et Balises » propre aux pays comme la France qui ont une importante longueur de côtes maritimes. Désormais alimenté par EDF, le phare n’a plus besoin de produire sa propre énergie, et encore moins celle de l’ile, ce qu’il fit jusque dans les années 1970.
On voit dans le musée des films documentaires sur la vie des gardiens de phare à l’époque où il y en avait, des explications scientifiques sur la fameuse « lentille de Fresnel » (les souvenirs de classes de sciences physique remontent vaguement à la mémoire du visiteur) appliquée à la signalisation maritime, des exemplaires desdites lentilles et des souvenirs du temps où ces phares étaient habités. L’automatisation de ceux-ci et les aides modernes à la navigation ne les ont pas rendus inutiles. Ils continuent de briller, et pas seulement comme emblème du Finistère.
Imre Kertész (1929-2016) est un écrivain hongrois qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2002. De confession juive il a fait partie des convois déportant les juifs hongrois vers Auschwitz-Birkenau à partir de mai 1944, peu après l’invasion allemande de la Hongrie, dans les derniers mois de la guerre. C’est Adolf Eichmann qui a organisé les opérations. Environ 450 000 juifs sont déportés dont 80% ont été directement exécutés à leur arrivée. Si l’on ajoute les juifs exécutés directement en Hongrie par les nervis locaux pronazis ce sont environ 550 000 juif qui furent massacrés dans ce pays.
Kertész avait environ quinze ans lorsqu’il fut raflé par la gendarmerie hongroise et embarqué pour Birkenau, puis Buchenwald où il passa l’essentiel de sa déportation. Déjà réquisitionné à Budapest pour travailler dans des usines de guerre, il croit tout simplement qu’il va faire la même chose en Allemagne et ne semble pas trop s’émouvoir d’y être expédié dans ces convois de la mort aux conditions de confort plutôt limitées… Il passera d’ailleurs une partie de son année de déportation dans un camp de tentes, annexe de Buchenwald, réservé aux travailleurs dans les usines alentour, avant d’être expédié à l’hôpital du camp pour être soigné jusqu’à ce que survienne la libération par l’armée américaine.
Le narrateur est l’adolescent qu’il fut à cette époque, observant son environnement avec le regard étonné et naïf propre à sa jeunesse. Il montre l’incapacité du jeune homme qu’il était à concrétiser la barbarie dans laquelle il est en train de sombrer. Certes il se reconnaît moins bien traité que lolorsqu’ilivait en famille à Budapest, mais il est parfois enchanté par le paysage montagneux et fleuri des collines sur lesquelles est situé Buchenwald. Il se réjouit de temps paisibles le soir après la distribution de la « soupe ». Et en tant qu’ouvrier hongrois il veut être performant pour défendre la réputation de son pays.
Il y a sans doute un parti-pris ironique à insister sur la naïveté de cet adolescent qui semble ne jamais vraiment réaliser ce nouveau monde de souffrance et de mort qui l’entoure. Quelques indices le mettent pourtant sur la voie, les cheminées qui crachent leur puanteur, les douches dont il entend parler et dans lesquelles du gaz remplacerait l’eau, les appels interminables qui usent sa volonté de résister et, surtout, la faim qui ronge tout sens de l’humanité et réduit ceux qui en souffrent à l’état de bête.
Kertész était toujours vivant à la libération de Buchenwald, et même relativement bien soigné, à ses yeux, à l’infirmerie où il était traité pour diverses infections corporelles, goutant le « confort » de vrais lits et de duvets douillets. Il arrive à rejoindre Budapest, retrouve l’appartement familial occupé par d’autres qui lui ferment la porte au nez, puis se rend chez ses voisins, MM. Fleischmann et Steiner, qui lui apprennent la mort de son père en Allemagne, le remariage de sa belle-mère avec celui qui géra l’entreprise familiale durant les heures sombres, mais aussi la survie de sa mère qu’il part rejoindre à la dernière page du livre.
Avec ces nouveaux compagnons de liberté il mène la conversation entre ceux qui sont passés par les camps et ceux qui ne les ont pas connus. Il lance une incroyable divagation sur la notion du temps en camp de concentration, celle de son destin que l’on vit « pas à pas », dans la file de Birkenau comme dans l’existence d’avant, et alors que les autres lui souhaitent de repartir de zéro, KeKertészéalise qu’il est condamné à poursuivre la vie déjà commencée et qui est la sienne propre, camp de la mort ou pas. Et dans ces pas de l’existence il y a aussi ceux des petites compromissions qu’il faut bien admettre avoir commis pour ne pas avoir à « avaler cette fichue amertume de devoir n’être rien qu’innocent. »
Et alors qu’il prend la route pour rejoindre sa mère, il médite sur l’incontournable « piège du bonheur » :
« Puisque là-bas aussi, parmi les cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au bonheur. Tout le monde me pose des questions à propos des vicissitudes, des « horreurs » : pourtant en ce qui me concerne, c’est peut-être ce sentiment-là qui restera le plus mémorable. Oui, c’est de cela, du bonheur des camps de concentration, que je devais parler la prochaine fois, quand on me posera des question. Si jamais on m’en popose. Et si je ne l’ai pas moi-même oublié. »
C’est une étrange vision de la déportation que nous déploie ici Imre KeKertészt le lecteur ne peut s’empêcher de se demander s’il révèle un aspect provocateur ou un regard innocent, sans doute un peu des deux et très certainement, un moyen de survie. Peut-être aussi un goût pour l’absurde comme certains autres écrivains issus de l’Europe centrale et orientale comme Kafka.
Après la guerre, l’écrivain fut malmené par la Hongrie communiste avant de rencontrer la reconnaissance internationale à la fin des années 1980 et de recevoir la prix Nobel en 2022 pour une œuvre consacrée à la barbarie.
Jean-Claude Dassier (80 ans aux fraises) est l’archétype de ce que la presse produit de plus inexistant mais qui occupe les écrans sans discontinuer. Après avoir débuté comme journaliste en charge de la circulation routière dans les années 1960, il a beaucoup œuvré dans le commentaire sportif et a même été désigné chef du club de fouteballe de Marseille durant quelques années, le tristement célèbre « OM » qui lui a d’ailleurs valu quelques problèmes judiciaires. Le garçon a fait le boulot pour lequel il a été payé durant sa carrière, rien à signaler sinon qu’il était sans doute plus porté sur le fouteballe que sur la littérature, mais il faut de tout pour faire un monde.
Le problème c’est qu’aujourd’hui, à 80 ans passé il continue à faire le pilier de plateaux télévisés quasiment toute la journée sur la chaîne CNEWS du groupe Bolloré. Habillé d’un éternel polo ras-du-cou sous une veste (comme cela devient d’ailleurs l’uniforme de nombre de journalistes, la chemise semble rangée au rang des accessoires d’un autre âge, la cravate, n’en parlons même pas) il est manifestement en surpoids ce qui devrait le pousser à la prudence en ces temps de coronavirus, surtout qu’il a tendance à s’emporter facilement faisant certainement monter ainsi sa tension artérielle. A force d’être assis il ne pratique plus l’exercice physique minimum nécessaire à son épanouissement. Et mange-t-il au moins cinq fruits et légumes par jour ?
Surtout, sa plus-value dans l’analyse des sujets est inexistante, il ne prépare manifestement pas les émissions auxquelles il participe, assène au mieux des platitudes consternantes, au pire des contrevérités tellement flagrantes que ses camarades de plateaux télévisés se croient généralement obligés de le corriger amicalement et respectueusement. Il doit lire les gros titres du Parisien sur son smartphone le matin avec son café au bistrot en allant promener son chien ce qui lui sert de revue de presse. Cela fait bien longtemps qu’il n’interviewe plus personne ni ne lit les dépêches des agences de presse. Il passe tellement de temps sur Télé-Bolloré qu’il n’en a plus pour s’informer à la source. Peut-être profite-t-il des nombreux flashs de publicité de cette chaîne pour collecter quelques informations auprès de ses collègues encore actifs en dehors du domaine sportif ?
Le garçon n’est pas fondamentalement mauvais, il est juste inutile pour le journalisme. Il ne sert même pas la cause conservatrice de son employeur. A 80 ans il n’a plus l’agilité intellectuelle qu’il déployait lorsqu’il était chef d’Eurosport. A priori personne n’ose le lui dire et lui suggérer de prendre une retraite bien méritée auprès de sa famille. Le groupe Bolloré lui laisse son porte-serviette sur CNEWS sans que l’on sache s’il est payé pour sa présence à l’écran (sans doute oui vu le temps qu’il y passe). Une solution serait de continuer à lui verser ce revenu à cumuler avec sa retraite pour le pousser gentiment à se retirer, sans doute le groupe Bolloré pourrait se permettre cette petite dépense pour la bonne cause : amener un peu plus d’intelligence sur ses plateaux et laisser la place aux jeunes journalistes qui largement aussi compétents.
Mais qui osera pousser l’éléphant en dehors de son parc ?
Lors d’une conférence de presse commune à Moscou le 7 février avec le président français Macron, le président de la Fédération de Russie Poutine, pour essayer de faire retomber les bruits de bottes entendus de l’armée russe massée aux frontières de l’Ukraine, le Russe interpelle son ennemi ukrainien en assénant :
Que ça te plaise ou non, ma jolie, faudra supporter.
Il semble que cela rime en russe, bel effort !
Les commentateurs ont parlé d’une phrase qui ferait allusion au viol. Le porte-parole du Kremlin a expliqué le lendemain que M. Poutine voulait dire que lorsqu’un Etat a pris des engagements, il doit les respecter. Dans tous les cas, cette sortie démontre le sentiment de supériorité affiché par Moscou à l’égard des anciennes possessions de l’Union soviétique. Si la rime en russe est riche, elle indique que le président russe est aussi poète à ses heures perdues…
Alors que Moscou fait résonner des bruits de bottes à sa frontière ouest avec l’Ukraine, sa capacité de nuisance et sa détestation de l’Occident se confirment. L’Ukraine est tiraillée entre sa partie est, le Donbass, russophone et russophile, et ses trois-quarts ouest plutôt attirés par l’Occident. La Russie a déjà annexé la Crimée (également russophone et russophile) en 2014 qui avait été bien imprudemment rattachée à l’Ukraine en 1954 sur décision de l’Union soviétique. Moscou se verrait bien croquer le reste de l’Ukraine…
Après la fin de l’URSS, quelques esprits ignorants ou mal intentionnés ont laissé entendre à ce pays qu’il pourrait intégrer l’alliance militaire de l’Atlantique nord (OTAN) et l’Union européenne (UE), afin de l’ancrer loin de l’influence russe. Moscou ne l’entend pas de cette oreille et agit actuellement en plein jour en massant son armée à la frontière, en sous-main via ses habituelles attaques cyber et autres actions de déstabilisation, une spécialité de ce pays depuis des décennies.
Evidemment la frontière géographique entre l’Europe et l’Asie est difficile à situer précisément. Si l’on regarde le massif de l’Oural, traditionnellement évoqué comme frontière géographique entre ces deux continents, l’Ukraine est plutôt située côté ouest. Mais si l’on se penche sur l’histoire politique et culturelle de la région, l’Ukraine fait plutôt partie du monde slave de l’est bien que les relations entre l’Ukraine et l’Empire russe, puis l’URSS, puis de la Fédération de Russie de nouveau après 1989, n’ont jamais été vraiment apaisées dans l’époque contemporaine et plutôt ponctuées de conflits, de déportations, d’empoisonnements, de rébellions, d’exécutions, de famines, de goulags, de spoliations et de vengeances…
Ce qui est sûr c’est que l’intégration de l’Ukraine dans l’UE ne serait qu’une mine de problèmes pour tout le monde et pour très longtemps, sans parler des coûts gigantesques qu’il faudrait investir dans ce pays pour ne pas arriver à le mettre à niveau des exigences occidentales, économiques comme démocratiques. Malgré un passé industriel et agricole solide, ravagé par une corruption endémique le pays reste dans les mains d’oligarques qui se sont partagés les dépouilles de l’Ukraine soviétique et gèrent depuis le pays comme s’il en allait de leur propre patrimoine. Les quelques tentatives d’aller vers plus de démocratie et d’Etat de droit ont toutes plus ou moins échoué, la dernière ayant porté au pouvoir en 2019 un ancien comédien de télévision qui semble rencontrer quelques difficultés à s’imposer. A la tête d’un pays dont la Crimée a été annexée par Moscou en 2014 et la partie orientale est en sécession avec l’aide de la Russie, il faut admettre que sa tâche n’est pas aisée.
La perspective d’un élargissement occidental à l’Ukraine a le don d’énerver considérablement Moscou qui verrait ainsi, s’il se réalisait, le système démocratique tant honni se rapprocher de ses frontières. La Russie, comme d’autres pays autoritaires, considère la démocratie comme décadente et nuisible à son propre pouvoir. C’est une vieille histoire. Depuis Catherine II (1729-1796) l’Empire russe s’étend vers l’ouest et vers le sud. Moscou a défait Napoléon et Hitler dans des batailles homériques devenues mythiques. Il s’étend même à l’est au début du XXème siècle contre les empires perse et ottoman. La Russie est une puissance qui a les ambitions de la puissance, hier comme aujourd’hui. La Révolution bolchévique a poursuivi cette internationalisation sous le drapeau de l’URSS puis a cédé la place à la Fédération de Russie avec un peu moins d’idéologie mais toujours la même volonté de s’occuper plus de ce qui se passe à l’extérieur de ses frontières qu’à l’intérieur. Et les Russes ne s’encombrent pas de subtilités diplomatiques pour le faire savoir. Avec la discrétion d’un ours dans un magasin de porcelaine, ils déploient leur armée et menacent l’Ukraine tout en expliquant qu’ils se sentent agressés par la volonté de l’Occident d’accueillir l’Ukraine en son sein.
En réalité, tout le monde a intérêt au statuquo, l’Occident comme la Russie. Peut-être que les menaces russes sont la meilleure façon de l’obtenir. Pour autant qu’elles ne soient pas mises en œuvre, faut-il s’en plaindre ?