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  • NAFISI Azar, ‘Lire Lolita à Téhéran’.

    NAFISI Azar, ‘Lire Lolita à Téhéran’.

    Sortie : 2003, Chez : Penguin Random House / Zulma.

    Azar Nafisi est une écrivaine iranienne née en 1955, exilée aux Etats-Unis dont elle a obtenu la nationalité. Professeur de littérature à Téhéran elle démissionne de son poste en 1995 lorsque le régime religieux veut lui imposer le port du voile. Elle organise alors des séminaires privés chez elles pour des étudiantes avec qui elle se consacre à la lecture d’œuvres occidentales. Les quatre parties du ce récit autobiographique sont consacrés à « Lolita » de Nabokov, « Gatsby » de Fitzgerald, « Portrait de femmes » de James et « Orgueil et préjugés » d’Austen.

    Il s’agit bien entendu de littérature (très) politiquement incorrecte pour le régime des mollahs au pouvoir. Ces livres « immoraux » sont l’occasion pour ces femmes de découvrir le monde occidental, les sentiments et attitudes universels y sont abordés, ceux qui restent « interdits » en Iran : l’amour, la liberté, la politique, le féminisme… Il n’y a pas d’hommes dans ces groupes mais certains apparaissent dans le roman, notamment Bijan, le mari d’Azar et « le magicien », une espèce de sage-poète auquel se réfère l’auteure pour échanger sur les sujets autant poétiques que politiques.

    Mme. Nafizi anime ces groupes littéraires de femmes avec une grande affection et un professionnalisme dévoué. Ils sont aussi un moyen de résistance contre l’oppression délirante des religieux au pouvoir. Les évocations qu’elle en fait sont l’occasion de narrer la dégradation de la vie de tous les jours. L’emprisonnement puis la réapparition de certaines de ses étudiantes, l’exécution d’autres, illustrent la folie d’un régime régressif et répressif. La littérature occidentale, mais aussi la poésie perse, permettent de tenter de survire face à l’absurbe.

    Toute œuvre d’art digne de ce nom, ai-je déclaré un peu pompeusement, est une célébration, un acte d’insubordination contre les trahisons, les horreurs, les infidélités de la vie. La perfection et la beauté formelle se révoltent contre la laideur et les désastres du sujet abordé. »

    Azar essaye de donner à ses étudiantes les clés pour survivre face à leurs « geôliers » qui veulent à tout instant formater leurs gestes et leurs âmes. Elle aborde l’existence de la forte opposition au Chah d’Iran, d’obédience marxiste-léniniste qui s’opposa aux mollahs, perdit ce combat, alors que finalement ces deux mouvements « révolutionnaires » étaient tout aussi idéologiques et totalitaires. Elle parle de la guerre contre l’Iraq et des bombardements sur Téhéran et, surtout, elle narre la vie ordinaire de jeunes intellectuels vivant dans une capitale sous oppression religieuse. Tout ceci est terrifiant mais écrit avec humour et légèreté, rendant d’autant plus incompréhensible un régime d’une telle nature dans ce pays à la culture millénaire.

    Issue d’une famille bourgeoise éduquée, son père fut maire de Téhéran, elle eut la possibilité de voyager à l’étranger au cours de ses études, puis de s’exiler pour fuir son pays et le régime d’un autre âge qui y sévit toujours. Dans un court épilogue elle parle bien sûr avec nostalgie de l’exil et de ses étudiantes qui ont connu des parcours divers mais qui, toutes, son restées inspirées par cette littérature rédemptrice.

  • L’abrutissement des masses toujours à la hausse

    L’abrutissement des masses toujours à la hausse

    A la suite de la mort d’un gendarme tué par un chauffard sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, multirécidiviste, sa veuve a prononcé quelques mots durant la cérémonie d’hommage qui lui a été rendue dans sa caserne du sud de la France à Mougins fin août. Elle a parlé de « laxisme », « d’excès de tolérance », affirmé que « la France a tué [mon] mari » et fait référence à l’année 1981, sans doute pour évoquer l’abolition de la peine de mort qui a été adoptée cette année-là.

    Elle est depuis la cible de cyberharcèlement sur les réseaux dits « sociaux » où se déverse toute une logorrhée haineuse et vulgaire la visant ainsi que les forces de l’ordre. L’effet de meute joue à plein et chaque « auteur » rivalise de violence avec ses collègues. Cette veuve est traitée de « truie », menacée de mort, invitée à « rejoindre son mari », etc. Devant l’abjection de cette communication, le procureur général s’est saisi du dossier pour d’éventuelles poursuites. On arrive généralement assez facilement à retrouver les auteurs « anonymes » grâce aux adresses IP de leurs ordinateurs ce qui d’ailleurs montre leur naïveté et le côté naturel de l’insulte adopté comme mode d’expression. Et quand on les retrouve devant un tribunal on voit généralement M. et Mme. Michu, qui pourraient être nos voisins de paliers, expliquer « qu’ils n’avaient pas conscience de ce qu’ils faisaient » avec des mimiques d’angelots implorant l’innocence.

    De telles attitudes sont le fruit d’une ou deux générations de citoyens laminés par l’irresponsabilité générale qui gouverne notre société, abrutis par une publicité envahissante, le fouteballe décérébrant, les influenceuses à forte poitrine, la télé-réalité, Cyrille Hanouna et Christine Boutin, bref un environnement où on a l’impression que la bêtise, l’inculture et la facilité sont érigés en modes de vie et largement valorisés. Evidemment on peut imaginer que si ces forbans de réseaux dits « sociaux » lisaient Balzac et Hannah Arendt au lieu de déverser leurs tombereaux d’injures numériques nous n’en serions pas là, mais tel n’est pas le cas. Comment inverser cette décadence ? Pas facile d’voir des idées efficaces pour sortir notre civilisation de ce marigot de la pensée.

    En attendant, la veuve éplorée du gendarme et ses enfants subissent l’ignominie dans une indifférence largement partagée.

  • Une mesure de salubrité publique : le non-renouvellement de la fréquence TNT de C8

    Une mesure de salubrité publique : le non-renouvellement de la fréquence TNT de C8

    Fin juillet, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom, n’a pas retenu les chaînes C8 et NRJ12 pour l’attribution des 15 fréquences de la Télévision numérique terrestre (TNT) qui cesseront donc d’émettre à partir de février 2025. C’est évidemment une mesure de salubrité publique quand on connaît le niveau de bêtise crasse d’au moins le premier des deux recalés. C8 appartient aux médias du groupe Bolloré et son animateur vedette, Cyrille Hanouna, bellâtre racoleur, vulgaire et bas du front, se vautre dans la fange depuis des années en subissant régulièrement les foudres de l’Arcom chargée de faire respecter les contreparties sur lesquelles s’engagent les attributaires de ces chaînes. Il s’agit majoritairement de conditions liées au pluralisme politique et à la dignité humaine. Ces fréquences qui sont des actifs publics sont attribuées gratuitement par l’Arcom, il n’est donc pas illégitime que ceux qui les reçoivent soient soumis à des contreparties.

    Aussitôt la décision connue, tous les médias du groupe Bolloré et, globalement, l’intelligentsia de droite, ont crié à la violation de la « liberté d’expression ». En réalité les deux chaînes retoquées ont été remplacées par Réels TV appartenant à l’homme d’affaires Daniel Kretinsky et OF TV du groupe de presse Ouest-France. Ni les uns ni les autres ne sont véritablement répertoriés comme « de gauche » donc on ne voit pas bien en quoi la liberté d’expression est mise en cause quand on remplace des chaînes « de droite » par des chaînes « de droite ». Cependant, l’intelligence devrait y gagner mais la « faux-jettonerie » générale empêche les commentateurs d’utiliser cet argument car il est plutôt subjectif et risque de blesser les nombreux téléspectateurs de ces chaînes. En réalité on peut imaginer que les décideurs de l’Arcom se sont basés sur ce critère de l’intelligence pour exclure C8, mais sans le dire.

    Les chaînes exclues des fréquences publiques de la TNT ne sont pas censurées ; personne ne les empêche de continuer à émettre via l’Internet ou des bouquets payants, simplement, dans ce cas, elles auront sans doute moins d’audience. Cyrille Hanouna pourra probablement se recaser sur une autre chaîne de la TNT à moins que cette situation ne serve de leçon et que plus personne ne veuille lui proposer un emploi. Dans ce cas il recevrait certainement des offres pour un autre média du groupe Bolloré, peut-être pas pour le même salaire.

    Lire aussi :
    M. Hanouna sur C8 : une bêtise affligeante doublée d’une insolence vulgaire
    Le racolage des médias du groupe Canal+ et les règles de l’ARCOM
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  • “Dahomey” de Mati Diop

    “Dahomey” de Mati Diop

    Le film documentaire de Mati Diop évoque la restitution d’œuvres d’art africaines qui avaient été prélevées à l’époque coloniale. La réalisatrice se qualifie elle-même « d’afrodescendante », née d’un père sénégalais et d’une mère française. Son film porte l’ancien nom de l’actuelle République du Bénin avec laquelle le processus de retour des œuvres est le plus avancé avec un premier lot de 26 pièces sur 7 000 qui seraient encore détenues en France.

    Finalement cette question [la restitution] traverse mon travail. Mais aussi les films que j’ai réalisés à Dakar entre 2009 et 2019 s’inscrivent dans une démarche de retour. Un retour vers mes origines africaines, vers une part de moi-même trop longtemps ensevelie sous l’hégémonie de mon environnement occidental.

    Mati Diop (dépliant « Dahomey » de l’AFCAE – Association française des cinémas art & essai)

    La caméra suit la statue homme-oiseau du roi Ghézo depuis son emballage au musée du Quai Branly jusqu’à l’ouverture de la caisse au nouveau musée construit pour ce faire au palais présidentiel de la Marina à Cotonou. La statue parle d’une voix sépulcrale pour réciter un gloubi-boulga de proverbes africains et de considérations philosophiques de bazar. Plus intéressants sont les dialogues échangés dans un auditorium de l’université d’Abomey Calavi, rempli de jeunes discourant sur le thème de cette restitution. Certains crient au scandale que seulement 26 œuvres seulement sur 7 000 soient de retour au pays, d’autres rendent hommage au président béninois qui a lancé le processus, tous se plaignent d’une colonisation qu’ils n’ont pas connue, et de la France coupable de tous leurs maux.

    Les sous-titres en français de la voix sépulcrale en langue fon sont en écriture inclusive, chacun se vautre dans la victimisation, le « décolonialisme » transpire de partout, la culture « woke » déborde sur le rivage de Cotonou. Quelques éléments historiques sur les royaumes du Dahomey, sur les personnages représentés par ces statues, sur la colonisation française dans ce pays auraient pu donner un peu plus d’intérêt à ce documentaire.

    La bonne nouvelle est que la restitution des œuvres africaines détenues par la France a commencé. De la famille franco-béninoise Zinsou qui a initié ce retour, le film ne dit pas un mot.

    Statue homme-oiseau du roi Ghézo (« Dahomey »)
  • Des mauvaises nouvelles en cascade en Calédonie

    Des mauvaises nouvelles en cascade en Calédonie

    De la non-réélection du président indépendantiste du congrès du territoire, Roch Wamytan qui a présidé cette institution environ une dizaine d’années, et son remplacement par une candidate modérée, Veylma Falaeo, jusqu’aux désastres économiques qu’affronte ce territoire pacifique, c’est une vague de mauvaises nouvelles qui déferle.

    La non-reconduction du président indépendantiste

    Contre toute attente le président indépendantiste Roch Wamytan a été remplacé à la tête du congrès calédonien par Mme. Veylma Faleo du parti l’Eveil océanien. Plutôt modérée, elle s’affiche comme « « ni indépendantiste, ni non-indépendantiste ». Son curriculum-vitae publié sur le site web du congrès (cv Veylma Faleo) déborde de bonnes intentions, d’engagements associatifs, de défense des droits de la femme et de « troisième voie » quant à « l’avenir institutionnel du pays ». Le terme « pays » est d’ailleurs systématiquement retenu dans la documentation émise par le congrès lorsqu’il parle du territoire.

    Cette femme n’est sans doute pas vraiment formatée pour emmener l’archipel vers son indépendance, seule issue possible pour sortir de ses contradictions existentielles politiques et économiques.

    La Nouvelle-Calédonie s’enfonce dans la crise économique

    Les émeutes du mois de mai dernier ont dévasté le tissu économique et les troubles ne sont d’ailleurs pas vraiment terminés, un dixième mort étant à déplorer en juillet dernier, un jeune homme touché lors d’échanges de tirs avec des gendarmes. Le gouvernement calédonien se propose de mettre en place

    Un plan de « sauvegarde de refondation et de reconstruction » (S2R) a été élaboré par le congrès. Les grandes lignes en sont présentées sur son site web (S2R) et l’article se termine par :

    Le plan a vocation in fine à être transmis à l’État dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2025 (PLF 2025).

    Il n’y a pas de montant affiché dans ce plan mais la presse a parlé d’une enveloppe de 4,2 milliards d’euros demandée par le gouvernement calédonien à l’Etat français, c’est-à-dire à ses contribuables.

    Et comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, la compétition actuelle sur le marché du nickel a entraîné la fermeture, sans doute définitive, de l’usine « du Nord » détenue par des capitaux privés et l’administration indépendantiste de la région nord. A ce stade il n’y a pas de repreneur connu pour cette installation industrielle de toute première importance pour cette région et il est peu probable qu’elle puisse être gérée dans des conditions économiques acceptables par des intérêts uniquement publics qui n’auraient sans doute ni les compétences ni les ressources nécessaires.

    Quelle voie de sortie de l’imbroglio ?

    Difficile d’imaginer une porte de sortie positive dans une situation aussi désastreuse pour toutes les parties. Il semblerait qu’un certain nombre de personnes de la communauté non-canaque soient en train de liquider leurs affaires sur place pour émigrer soit dans la région, Australie ou Nouvelle-Zélande, soit pour revenir en France hexagonale. L’avenir politique à court terme est sombre, les émeutes vont certainement reprendre un jour ou l’autre, les besoins de financement sont considérables alors que la France est en grande difficultés financières et, le plus grave, personne ne sait bien par quel bout prendre le dossier.

    Pas très loin de Nouméa, environ 500 km au nord, étaient le condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides qui obtint son indépendance en 1980 par suite d’un référendum qui se prononça en faveur de ce statut. C’était il y a 40 ans, les enjeux étaient sans doute moindres, 110 000 habitants seulement, pas de matières premières et, sans doute, des dirigeants locaux, français et britanniques plus visionnaires. Puisse la Nouvelle-Calédonie suivre le chemin apaisé montré par le Vanuatu dans les années 1980 !

    Lire aussi : Vous avez aimé Abdelkader ? Vous allez adorer Christian Tein !
    Un chemin heurté vers l’inévitable indépendance de la Nouvelle-Calédonie
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  • Christine Boutin pardonne à l’abbé Pierre

    Christine Boutin pardonne à l’abbé Pierre

    Christine Boutin (80 ans), ex-députée, ex-ministre, ex-maire, ex-soutien de Mme. Pen aux élections présidentielles 2017 pour « faire barrage » à M. Macron, puis soutien de M. Zemmour à l’élection suivante en 2022, catholique radicale, occupe sa retraite à diffuser ses idées sur le réseau « X » où elle affiche tout de même 94 800 followers.

    La lecture de son fil sur « X » permet de cerner ses sujets favoris :

    • La nocivité des vaccins contre la Covid19
    • La haine du président de la République Macron et de l’Europe
    • Et toutes une série de bondieuseries sans grand intérêt

    Depuis les révélations sur la sexualité débridée de l’abbé Pierre, elle défend ce curé qu’elle admire malgré ses déviances. A priori elle était au courant de « son attirance pour les seins » et précise que « tout le monde le savait ». Le pardon étant l’un des piliers de sa foi, Mme. Boutin pardonne à son grand homme au regard de ses réalisations.

    Le problème est surtout de savoir jusqu’à quand Christine Boutin va continuer à s’exprimer sur les sujets qui lui passent par la tête. Ne ferait-elle pas mieux de s’occuper de ses enfants et petits-enfants ? Encore un drame de l’addiction aux réseaux dits « sociaux ». Quand on pense qu’elle a exercé des responsabilités ministérielles on en frémit a posteriori.

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  • Appel de la gauche à manifester pour ce samedi

    Appel de la gauche à manifester pour ce samedi

    La branche propalestinienne et majoritaire au sein de l’alliance électorale Nouveau front populaire (NFP), La France insoumise (LFI), a publié sur son site web les mots d’ordre retenus pour la manifestation organisée dans différentes villes de France pour contester « le coup de force de Macron ». En effet, le président de la République n’a pas retenu la femme haut-fonctionnaire proposée par le NFP pour occuper le poste de premier ministre. Les arguments des uns et des autres sont bien connus et restent irréconciliables, ce ne n’est pas utile d’y revenir.

    Maintenant que le NFP est sûr de ne pas prendre la responsabilité du pouvoir, au moins à court terme, sa composante principale peut sans risque rappeler les éléments clé de son programme, d’où ces six mots d’ordre vigoureux dont quatre concernent l’augmentation des dépenses et deux sont plus sociétaux, dont la reconnaissance de l’Etat de Palestine.

    Rien de bien nouveau si l’on se réfère au « contrat de législature » déjà publié par le NFP mais on note qu’il n’y a aucun mot d’ordre concernant les recettes à mettre en œuvre pour financer les dépenses mise en avant pour la manifestation.

    Lire aussi : Le programme du « Nouveau Front Populaire »

    Un simple retour au programme permet de compléter cette liste :

    Adopter un projet de loi de finances rectificative le 4 août, pour se doter d’une politique fiscale juste avec notamment les mesures suivantes :
    • Accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches
    • Rendre la CSG progressive
    • Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique
    • Supprimer la flat tax et rétablir l’exit tax
    • Supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes
    • Réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum
    • Instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés

    Bien sûr l’appel à abolir les privilèges des « milliardaires » souligné en rouge satisfait presque tout le monde d’autant plus qu’il n’est pas précisé à partir de quel revenu joueront les nouvelles tranches d’imposition ni la progressivité de la CSG. On peut raisonnablement penser que ce ne sera pas que pour les « milliardaires ». Rester dans le flou permet de ne pas trop effrayer ceux qui devront immanquablement payer pour le programme de dépenses et qui sont probablement aussi les participants potentiels aux manifestations d’aujourd’hui.

  • La France championne olympique de la dépense publique

    La France championne olympique de la dépense publique

    Le ministère des finances français a remis au parlement une note de la direction générale du trésor, celle qui tient les cordons de la bourse, annonçant un déficit des finances publiques en 2024 de 5,6% du produit intérieur brut (PIB) si aucune mesure d’économie n’est prise pour freiner le paquebot de la dépense publique. La situation aurait été qualifiée par le ministre de « sérieux dérapage des finances publiques ». C’est le moins que l’on puisse dire…

    Les dirigeants politiques au pouvoir passant leur temps à annoncer de nouvelles dépenses à tout bout de champ, de campagnes électorales en meetings politiques, il aurait été étonnant que la situation des finances publiques s’améliore ! Et les dirigeants politiques dans l’opposition passent le leur à exiger de nouveaux engagements financiers. Côté dépenses la République ne sait que les accroître, sans forcément s’interroger sur leur nécessité ou leur efficacité. L’organisation des jeux olympiques de PARIS 2004 est un bon exemple de ce paradoxe qui devrait d’ailleurs de poursuivre en 2030 puisque la France est la seule candidate pour organiser les jeux olympiques d’hiver de cette année. En ce qui concerne les recettes, les idéologies s’opposent entre les partisans de l’augmentation des impôts, « il suffit de taxer les riches », et ceux en faveur d’une « politique de l’offre » qui consiste à mettre les entreprises « qui créent la richesse » dans un contexte fiscal et juridique favorable en réduisant les impôts et en stabilisant l’environnement juridique dans lequel elles exercent leurs activités.

    Lire aussi : A peine nommé, le premier ministre accroît la dépense publique

    Quoi qu’il en soit, la France est l’un des pays de l’OCDE où la dépense publique est la plus forte en pourcentage du PIB, soit 57% en 2023 selon l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381414), c’est-à-dire que l’Etat prend dans la poche des uns pour donner aux autres. On peut faire passer ce taux à 70 ou 80%, il suffit de le décider collectivement et de voir ce que cela donne.

    Dans une récente interview sur la chaîne radio d’information en continue France-Info, la secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT) que pour financer les coûts qui seront générés par l’abrogation voulue de la loi qui a réformé les retraites en faisant passer l’âge légal de départ en retraite de 62à 64 ans, il suffisait de « taxer les dividendes et de revoir les aides octroyées aux entreprises sans contreparties ». Beaucoup de citoyens sont en accord avec ces propositions tant que « les riches [à taxer] ce sont les autres ».

    Le dialogue ou les explications avec les tenants de ces théories économiques sont vains tant les positions sont idéologiques et imperméables aux réalités financières. La seule solution pour, peut-être, convaincre est de laisser faire. C’est ce qui s’est passé en 1981 après l’élection présidentielle qui a porté François Mitterrand à l’Elysée. Pendant deux ans l’Etat a appliqué un vrai programme de gauche : nationalisation d’une grande partie de l’économie, passage au 39 heures, retraite à 60 ans, instauration d’un ministère du temps libre, etc. et, dès 1983, il n’y avait plus de sous dans la caisse ni personne pour prêter à la République à des taux acceptables. Celle-ci s’est alors tournée vers la Commission européenne pour obtenir un prêt de trésorerie en échange de ce qui a été qualifié à l’époque de « plan de rigueur » mais qui n’était en réalité qu’un rééquilibrage des dépenses et des recettes publiques. Par la suite, la gauche mitterrandienne s’est convertie en social-démocratie et le ministre de l’économie et des finances Bérégovoy, fils d’un russe « blanc » menchévik exilé en France, lui-même ancien ouvrier métallurgiste, fut le ministre qui libéralisa les marchés boursiers et financiers français et mit fin l’indexation automatique des salaires sur l’inflation. Même dans ses rêves les plus fous, aucun ministre de droite n’aurait osé pareille révolution !

    A l’époque la gauche eut tous les pouvoirs en 1981 pour mener sa politique économique socialiste, ainsi que pour inverser le balancier après 1983. Ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui où la gauche réunie sous la casquette Nouveau front populaire (NFP) est loin d’être unie, n’a pas la majorité absolue et, pour faire passer tout ou partie de son programme, devra trouver des alliances à l’assemblée nationale. Son projet, un peu obsessionnel de ramener l’âge légal de départ en retraite de 64 à 62 ans (en attendant de viser 60) est partagé par le Rassemblement national (RN). Il n’est pas sûr que ces deux partis aux extrêmes arrivent à se retrouver sur un projet commun. Si malgré tout ils y parvenaient, eh bien, la réforme emblématique du macronisme ayant porté l’âge légal de 62 à 64 ans dans le bruit et la fureur serait abrogée. Et les discussions commenceront sur comment financer les coûts générés par cet aller-retour. Le peuple serait content… au moins pour un moment. A suivre.

    Lire aussi : Mauvaise foi et langue de bois : des finances publiques à la dérive

  • « Jardins du monde en mouvement » à la Cité Universitaire

    « Jardins du monde en mouvement » à la Cité Universitaire

    L’exposition « Jardins du monde en mouvement » montre une forêt composée de lanières de station de lavage-auto fixées à des troncs d’acacias, « Les contes de la forêt, Soro Bardudo » ; des constructions solides faites à partir de champignons « C8H5NO5 » (le nom de la molécule utilisées ; un champ de fleurs en papiers posées sur des tiges métalliques retraçant les parcours et les interactions des résidents de la Cité, « Les reflets du vivant ».

    Tout ceci fleure bon l’écologie et les idées saugrenues et sympathiques.

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  • PA KIN, ‘Famille’.

    PA KIN, ‘Famille’.

    Sortie : 1933, Chez : Flammarion-Eibel / Le Livre de Poche.

    Pa Kin (1904-2005), de son vrai nom Li Feigang, est un écrivain chinois qui a vécu tous les chambardements de son pays, de la République de Chine au maoïsme, des seigneurs de guerre à Sun Yat-sen, du Sichuan où il est né à la Place Tienanmen. Anarchiste-libertaire il est percuté par la dictature maoïste, doit dénoncer les siens avant de subir les avanies de la « Révolution culturelle » dans les années 1960 avant d’être réhabilité ensuite. Au moins aura-t-il sauvé sa tête.

    Une partie de son œuvre volumineuse est consacrée au combat de la jeunesse pour se sortir des traditions ancestrales qui l’immobilise dans un mode de vie d’un autre âge. « Famille » écrit en 1933, suit le cheminement de trois frères issus d’une grande famille bourgeoise de Chengdu. Quatre générations vivent dans la vaste demeure du grand-père Gao et doivent suivre rigoureusement ses préceptes, ceux de traditions ancestrales, hermétiquement fermées aux lumières de la science et aux attraits de la liberté. Le héros qui est sans doute à l’image de l’auteur pousse tant qu’il peut pour vaincre ce refus familial de toute évolution. Il va y réussir en fuyant son environnement familial sclérosé pour rejoindre Shangaï et ses mirages, à l’image de la Chine elle-même qui a traversé ses révolutions pour devenir un pays moderne sans avoir réussi pour le moment à atteindre la liberté pour ses citoyens.

    Le style de Pa Kin est assez naïf mais éclairant sur la Chine des années 1930. Une lecture simple et rapide.

  • CHALANDON Sorj, ‘Mon traître’.

    CHALANDON Sorj, ‘Mon traître’.

    Sortie : 2007, Chez : Editions Grasset & Fasquelle / Le Livre de Poche.

    La guerre bat son plein en Irlande dans les années 1970-1980. Mi-conflit de décolonisation de l’Irlande du Nord, mi-guerre de religion entre catholiques et protestants, elle présente en tout cas toutes les caractéristiques d’une guerre civile, terrible, sauvage, sanglante. Antoine, un luthier parisien, se trouve embarqué dans le soutien à la cause catholique, jusqu’à servir de porteur de valise aux soldats de l’IRA (Armée républicaine irlandaise). Délaissant son atelier, il se rend régulièrement à Belfast visiter ses amis républicains et partager avec eux de longues soirées arrosées dans les pubs. Tous plus ou moins militants, ils sont durs au mal, restent silencieux sur leurs activités réelles et beaucoup sont passés par la prison de Long Kesh à la sinistre réputation, celle où Bobby Sands et les siens se sont laissés mourir de faim.

    A Belfast, le climat est toujours sombre, froid et pluvieux, à l’image de cette population déchirée au milieu d’atroces combats, vengeances et règlements de compte. Mais s’il y a des militants, il y aussi des traîtres et Antoine se retrouve impliqué dans la trahison d’un des hauts commandants de l’IRA découverte après les accords de paix de 1998. Il cherche à comprendre comment et pourquoi son ami a choisi de trahir son camp, et peut-être lui-même aussi. Il n’obtient pas de réponse à son questionnement mais reste attaché à ce pays et au combat pour l’indépendance de l’Irlande du Nord.

    Sorj Chalendon est un journaliste qui a fleurté avec l’extrême gauche et participé à la fondation de quotidien Libération. Il écrit ici un passionnant et haletant roman sur ce conflit d’un autre âge qui est, hélas, toujours d’actualité.

  • « L.627 » de Bertrand Tavernier

    « L.627 » de Bertrand Tavernier

    Ce film sorti en 1992 et dont le scénario a été écrit par Bertrand Tavernier et, Michel Alexandre, un ancien policier, dépeint le quotidien d’un groupe de flics chargé de la lutte contre les stupéfiants dans le XVIIIe arrondissement de Paris. C’était en 1992 et le moins que l’on puisse dire c’est que le spectateur ressort de cette séance avec l’impression que les bases de la délinquance n’ont pas beaucoup évolué en 34 ans.

    Tavernier traite avec humour la vie de cette brigade où cohabitent des alcolos rigolards, des flics sérieux et expérimentés, d’autres plus jeunes et engoncés dans leurs principes et leurs illusions et « Lulu », le personnage principal, qui mène sa barque entre ses collègues, ses indicateurs et son amoureuse. Il n’est pas sûr que ce film aurait pu sortir en l’état en 2024 ; les dealers et les délinquants sont tous « issus de la diversité », les flics distribuent quelques baffes au passage et cultivent le Pastis autant que le code de procédure pénale, tout ceci n’est pas très « politiquement correct ».

    Même à l’époque, la sortie du film a déclenché un peu d’émotion au ministère de l’intérieur. Relatées par l’ancien flic co-scénariste, toutes les anecdotes mentionnées dans le film seraient réelles. Cette œuvre est surtout un hommage à ces policiers avec leurs défauts et leurs qualités, mais le plus souvent passionnés par leur mission et inspirés par la solidarité des frères d’arme pour la mener à bien.

    On peut sans doute penser que trente ans plus tard les flics se sont considérablement professionnalisés (comme les voyous d’ailleurs) et picolent moins que dans le film…

  • Festival Rock en Seine – 2024/08/24>25 – Paris Parc de Saint-Cloud

    Festival Rock en Seine – 2024/08/24>25 – Paris Parc de Saint-Cloud

    Samedi 24 août 2024

    Voici 10 ans que l’on n’avait plus fréquenté les pelouses du parc de Saint-Cloud pour le festival Rock-en-Seine. Depuis l’édition de 2014 plus exactement, celle d’un émouvant concert de Portishead le samedi soir. Le cadre n’a pas changé, peut-être une scène de plus, la Firestone ? Les fumets de merguez flottent toujours dans la partie centrale.

    En revanche l’incontournable coin LGBTQIA+ a été ajouté aux différents stands et un système cashless bien pratique est désormais obligatoire pour consommer. Un QR code a été ajouté au bracelet délivré à l’entrée qui se recharge avec sa carte de crédit, il y a même un comptoir d’aide pour les vieux qui n’arrivent pas à recharger leurs bracelets.

    Et puis, aux contrôles d’entrée, ceux qui ont mal cachés leurs produits illicites se les font confisquer par les cerbères plutôt aimables.

    On vit vraiment une époque formidable, bienvenue au 20e festival Rock-en-Seine !

    The Kills (grande scène)

    Le duo The Kills parait sur la grande scène : lui (Jamie Hince) en costume noir fines raies grises et mocassins blancs, breloques dorées autour du cou ; elle (Alison Mosshart) en collant noir et veste léopard, cheveux longs blonds sur racines noires. Leur jeu est maintenant bien rodé depuis presque 25 ans qu’ils tournent ensemble. La rythmique est enregistrée sur bande et ils insèrent sur ce son basique un rock brut fait de guitares métalliques, au besoin dissonantes, et la voix sauvage d’Alison qui parcourt la scène comme une panthère en cage. Il y a une énergie sexuelle dans ce groupe post-punk. Le jeu de guitare ne fait pas dans l’harmonie mais plutôt dans l’atonal, servi par un virtuose qui prolonge le garage-rock avec brio.

    Mais on les quitte avant la fin du show pour être présent au démarrage des Blonde Redhead sur la scène de la Cascade.

    Setlist : Kissy Kissy/ U.R.A. Fever/ Love and Tenderness/ 103/ Going to Heaven/ Baby Says/ New York/ Wasterpiece/ Black Balloon/ Last Day of Magic/ LA Hex/ My Girls My Girls/ Doing It to Death/ Future Starts Slow

    Blonde Redhead (scène de la Cascade)

    Après la furie des Kills, les Blonde Redhead nous offre un concert tout en délicatesse. Le fond de la scène est décoré de longues banderoles verticales en tissu sur lesquelles sont brodés des motifs étranges et un peu enfantins. On se croirait dans un temple tibétain.

    Le groupe a sorti un nouveau disque en 2023, Sit Down for Dinner, que l’on ne connait pas encore très bien. Lancé au début des années 1990 par deux jumeaux italiens, Amadeo (guitare et chant) et Simone (batterie) Pace, associé à la japonaise Kazu Makino (chant, clavier et bass), le groupe dégage un charme exceptionnel. Avec dix albums à leur actif, ils organisent leurs tournées dans des salles de taille moyenne, privilégiant l’intimisme de leur musique romantique.

    Amadeo porte une tenue blanche avec un pantalon moucheté de petites broderies, et un bandana turquoise. Kazu, en short, affiche un large foulard façon keffieh mais qui doit plutôt illustrer ses origines japonaises. Dès que la musique démarre son expression corporelle est renversante : elle danse avec une grâce merveilleuse, les genoux fléchit elle ondule comme une liane autour de sa guitare qui reste l’élément fixe de sa chorégraphie. Même derrière son clavier elle bouge avec un érotisme torride. Sa voix haut perchée dans les aigues est brumeuse et bouleversante. Elle se loupe sur l’introduction de Sit Down for Dinner et le groupe reprend l’intro en souriant.

    Et lorsque Blonde Redheads joue ses classiques Dr. Strangeluv et 23, tout en douceur,le public frissonne et quelques gouttes de pluie viennent masquer l’émotion. Les caméras montrent les Kills qui sont en coulisse. Ce festival démarre magnifiquement bien.

    Setlist : Falling Man/ Dr. Strangeluv/ Doll Is Mine/ Elephant Woman/ Snowman/ Melody Experiment/ SW/ Sit Down for Dinner, Pt. 1/ Sit Down for Dinner, Pt. 2/ Spring and by Summer Fall/ 23/ Kiss Her Kiss Her

    The Offsprings (grande scène)

    On repasse ensuite sur la grande scène pour la la fin du show de The Offsprings. Du rock californien post-punk qui dépote. La soirée s’annonce chaude sur Saint-Cloud.

    Massive Attack (grande scène)

    On n’avait plus vu Massive Attack sur une scène française depuis la tournée Mezzanine XXL et leurs deux concerts au Zénith parisien en 2019. Angelo Bruschini leur guitariste depuis des années est mort l’an passé, il est remplacé ce soir par deux guitaristes, plus discrets et moins flamboyants que leur prédécesseur. Les Massive Attack jouent toujours avec le concept de géométrie variable autour de leur noyau dur Robert Del Naja (3D) et Grant Marchall (Daddy G). Ce soir les invités sont le groupe Young Fathers, l’Ecossaise Elisabeth Fraser (ex-Cocteau Twins qui chantait sur l’album Mezzanine en 1998 et lors de la dernière tournée) et Deborah Miller, chanteuse habituée des concerts de Massive Attack.

    Le show est sans trop de surprises mais délivre toujours autant de bonheur. Pendant que la nuit tombe sur le parc le beat lourd et hypnotique des Massive Attack monte vers Saint-Cloud tandis que les voix de 3D et Daddy G déjà se répondent sur Risingson. Horace arrive sous ses dreadlocks pour chanter sur Girl I love You extrait du dernier disque studio du groupe, Heligoland, qui remonte déjà 14 ans (2010). Les nappes de clavier et la bass hypersonique enrobent le tremolo inimité d’Horace Andy qui remporte toujours un franc succès sur scène :

    Girl, I love you but your loving has gone
    Forever
    Gonna miss you but my love has gone
    Forever

    Elisabeth Fraser fait son apparition pour Black Milk. Cheveux uniformément blancs et lunettes à grosses montures, sa voix aérienne et mystérieuse fait toujours des merveilles dans les hauteurs où l’emmènent les sons de Massive Attack. Cette voix d’ange se marie exceptionnellement avec la noirceur de la musique.

    Le trio Young Fathers est aussi de la partie ce soir comme lors de la tournée XXL. Les Massive Attack les ont pris sous leurs ailes. Etonnant d’ailleurs, ils sont un peu trop hip-hop et pas assez trip-hop. La pulpeuse Deborah Miller vocalise sur Safe from Harm avec sa voix d’opéra d’une énergie dévorante pendant que 3D déroule son chanter-parler obsédant et électronique :

    Serious, in-, serious, in-
    Serious, infectious, and dangerous
    Friends and enemies, I find it’s contagious
    I was looking back to see if you were looking back at me
    To see me looking back at you

    Le show est grandiose, ponctué des messages politiques auxquels tient le groupe dont son soutien au combat palestinien qui rencontre un franc succès à Saint-Cloud lorsque « STOP GENOCIDE » s’affiche sur les écrans. Modernité et obscurité accompagne cette musique sortie des tréfonds de la terre pour percuter nos âmes. Il n’y manque qu’un peu de nouveauté pour les habitués de leurs concerts.

    Pas de CD annoncé pour le moment !

    Setlist : (Gigi D’Agostino cover)/ Risingson/ Girl I Love You (with Horace Andy)/ Black Milk (with Elizabeth Fraser)/ Take It There/ Gone (with Young Fathers)/ Minipoppa (with Young Fathers)/ Voodoo in My Blood(with Young Fathers)/ Song to the Siren (Tim Buckley cover) (with Elizabeth Fraser)/ Inertia Creeps/ Rockwrok (Ultravox cover)/ Angel (with Horace Andy)/ Safe From Harm (with Deborah Miller)/ Unfinished Sympathy (with Deborah Miller)/ Karmacoma/ Teardrop (with Elizabeth Fraser)/ Levels (Avicii cover)/ Group Four (with Elizabeth Fraser)/ In My Mind (Gigi D’Agostino cover) (Reprise)

    Dimanche 25 août 2024

    Roisin Murphy

    Roisin Murphy, une blonde Irlandaise déjantée : habillée en jupe noire, chemisier blanc et chaussures vernies à talons, elle change de veste à chaque chanson, passant du boa synthétique à la tenue smoking. Ses musiciens alternent leurs instruments avec des machines. Le tout donne un mix entre électro et musique de cabaret. La personnalité originale de Roisin donne une sacrée saveur à l’ensemble. Une belle découverte !

    PJ Harvey (grande scène)

    Le concert de PJ Harvey se déroule au crépuscule sur la grande scène. Celle-ci est décorée avec du mobilier d’intérieur cosy : une table avec des chaises où la chanteuse s’assoit parfois pour boire un thé, une écritoire où elle déplie son cahier d’écolier et y prend des notes…

    Le fidèle ami et musicien John Parish, multi-instrumentiste et arrangeur-producteur de nombre des disques de PJ est présent. A la batterie, une vieille connaissance aussi, le batteur français Jean-Marc Butty. Le reste des musiciens assurent leur partie avec discrétion derrière Poly Jean qui apparaît, telle une vestale, habillée d’une longue robe blanche sur laquelle elle porte une cape pour les premiers morceaux avant d’enlever celle-ci, dévoilant les dessins de la robe dont elle nous expliquera qu’ils ont été réalisés par les membres du groupe à chacune des étapes de leur tournée européenne qui se termine ce soir à Saint-Cloud.

    Le groupe joue ses classiques avec un beau retour sur le CD Let England Shake pour lequel elle prend sa guitare sur The Glorious Land, l’histoire désespérée des combattants britanniques de la première guerre mondiale, et la cithare pour The last living rose.

    Sur le déchirant Down by the Water, l’histoire d’un infanticide commis par une mère qui noie sa fille, elle assure les percussions avec deux petites baguettes en bois qu’elle frappe en rythme devant son micro :

    I lost my heart
    Under the bridge
    To that little girl
    So much to me

    Little fish. big fish. swimming in the water.
    Come back here, man. gimme my daughter.

    Et on continue dans la nostalgie avec The desperate kingdom of love presque chanté a cappella sur quelques notes de guitare. Et le concert se termine sur un énergique To bring you my love datant de 1995 et soulevant toujours l’enthousiasme.

    PJ Harvey et ses fidèles musiciens déroulent avec toujours autant de subtilité un rock alternatif de tendance arty. Poétesse inspirée, auteur-compositrice de talent, multiinstrumentiste assumée, elle creuse son sillon solitaire et singulier depuis la fin des années 1980 au sein d’un rock britannique qui ne manque certainement pas de personnalités originales.

    Un beau concert !

    Setlist : Prayer at the Gate/ The Nether-Edge/ I Inside the Old Year Dying/ The Glorious Land/ Let England Shake/ The Words That Maketh Murder/ A Child’s Question, August/ I Inside the Old I Dying/ Send His Love to Me/ 50ft Queenie/ Black Hearted Love (PJ Harvey & John Parish cover)/ Angelene/ The Garden/The Desperate Kingdom of Love/ Man-Size/ Dress/ Down by the Water/ To Bring You My Love

    Pixies (scène de la Cascade)

    Et on poursuit dans le rock alternatif avec les Américains de Pixies menés par Black Francis. Guitariste lui-même il est également épaulé par le guitariste historique du groupe : Joey Santiago, et il faut dire que ces deux-là font bruyamment le spectacle. Le groupe fondé en 1986 a été novateur dans le mouvement post-punk américain et a inspiré nombre de musiciens bien au-delà de leur continent. Une musique simple faite d’alternances entre couplets calmes et refrains endiablés dans lesquels se déchaînent la rythmique et les guitares. Les textes de Black Francis sont beaucoup plus mystérieux, souvent inspirés par la Bible et autres fantasmes de cet auteur-compositeur.

    Bref, un rock dur et régénérant qui ravit l’assistance. Assister à un concert des Pixies donne le sentiment de partager un moment avec un mythe musical. La foule reprend en chœur le final sur Where is my mind? Une chanson de 1988 inspirée à Francis par une expérience de plongée sous-marine dans les Caraïbes et reprise un nombre incalculable de fois par d’autres groupes ou utilisée dans des films, des publicités, des défilés de mode… Un marqueur des Pixies !

    Setlist : Gouge Away/ Wave of Mutilation/ Head On (The Jesus and Mary Chain cover)/ Isla de Encanta/ Monkey Gone to Heaven/ Caribou/ Hey/ Mr. Grieves/ Debaser/ Bone Machine/ Tame/ The Vegas Suite/ Chicken/ Velouria/ The Happening/ In Heaven (Lady in the Radiator Song) (Peter Ivers & David Lynch cover)/ Vamos/ Here Comes Your Man/ Wave of Mutilation (UK Surf)/ Where Is My Mind?/ Winterlong (Neil Young cover)

    LCD Soundsystem (grande scène)

    Le groupe a bien grandi depuis le festival des Inrocks en 2004 où il s’était produit en trio pour un set incendiaire. Aujourd’hui il assure la soirée de clôture du festival parisien. Ils sont désormais nombreux sur scène et jouent avec brio une musique plus détendue toujours sous la houlette de l’américain James Murphy.

    La musique reste basée sur une rythmique répétitive et obsédante mais la multiplicité des musiciens et des instruments la rend plus fluide. La mise en scène est aussi plus colorée. Les musiciens sont habillés de façon bigarrée, notamment le guitariste leader qui a le visage peint en bleu et rouge au niveau des yeux et porte un chapeau de paille. Les claviers principaux sont assurés par deux femmes d’origine asiatique, les autres musiciens alternent leurs instruments avec des machines. L’ensemble est terriblement entraînant et cette formation montre son incroyable capacité à produire et tenir ces rythmes mécaniquement, avec des humains jouant d’instruments, plutôt qu’avec de l’électronique pure. Bien sûr les machines se mêlent aussi aux instruments pour produire cette réjouissante fusion sur laquelle se pose la voix saccadée de Murphy. LCD Soundsystem produit ce soir un mix harmonieux entre l’électronique, les instruments et le chant. Une très belle évolution de ce groupe américain original.

    Malgré cet enchantement rythmique et musical, le chroniqueur, un peu fatigué rentre chez lui avant la fin du show. Son absence ne sera pas remarquée par l’enthousiaste James Murphy qui lui pardonnera certainement…

    Setlist : Song played from tape, Real Good Time Together (Lou Reed song)/ Get Innocuous!/ I Can Change (Intro featured a « Radioactivity » (Kraftwerk) snippet)/ You Wanted a Hit/ Tribulations/ Movement/ Tonite/ Someone Great (Dedicated to Justin Chearno, who passed away on 23rd August, «Your Silent Face» – New Order outro)/ Losing My Edge ((with snippets of « Ghost Rider » by Suicide, « Robot Rock » by Daft Punk and « Don’t Go » by Yazoo))/ Home/ Dance Yrself Clean/ New York, I Love You but You’re Bringing Me Down/ All My Friends/ Song played from tape, Shout (Tears for Fears song)

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  • L’invasion allemande des Birkenstock

    L’invasion allemande des Birkenstock

    L’Allemagne est une grande nation qui a significativement participé à l’élaboration de la culture occidentale, de la musique à la philosophie, en passant par la peinture, la poésie ou le cinéma. Goethe, Brahms, Kant, Hegel, Arendt… ne sont que quelques grands noms extraits de la longue liste des intellectuels allemands qui ont marqué l’époque contemporaine. Le pays a également un côté sombre qui a mené aux dérives des années 1930 où l’idéologie nazie a dévasté l’Europe.

    Le 25 août 1944, le Général von Choltitz remettait la reddition de l’armée allemande occupant Paris au Général Leclerc et au chef communiste résistant Rol-Tanguy. 80 ans plus tard, l’Allemagne qui a réintégré ses frontières historiques continue à envahir l’Europe, et même le monde, avec un outil certes bien plus pacifique mais toujours très voyant. La sandale Birkenstock a été adoptée par une grande partie de la population mondiale. En France elle est portée à la ville comme à la plage et les Français semblent heureux de s’afficher avec ce godillot lourd et inélégant, fruit d’un improbable croisement entre le sabot paysan et la tong estivale. Le résultat est plutôt affligeant mais le porteur de sandales Birkenstock affiche une satisfaction non dissimulée de vivre ses pieds à l’air (et à l’aise) dans ses sandales.

    Birkenstock est le nom du cordonnier qui a créé la société en 1774, « pionnière dans le domaine de la santé du pied » mais c’est surtout à la fin du XXème siècle que cette godasse teutonne a envahi nos plages et nos trottoirs. C’est regrettable car le résultat esthétique est peu reluisant. L’Allemagne nous avait habitué à mieux !

    Lire aussi : « Paris brûle-t-il ? – Quand le cinéma réinvente la Libération » au musée de la Libération de Paris
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  • La Corse à la recherche de grands hommes

    La Corse à la recherche de grands hommes

    Le chef corse indépendantiste Jean-Guy Talamoni (avec un ‘i’ muet) a publié une chronique inattendue dans le journal Le Monde du 15 août intitulée « La Corse doit se réapproprier l’ensemble des grandes figures de son histoire, et singulièrement celle de Napoléon ». Il a passé une partie de son été à présenter dans les villages de son pays le film d’Abel Gance « Napoléon » tourné en 1927. Il rappelle avec force que Napoléon (1769-1821) était corse et reproche bien entendu aux Français de s’approprier sa gloire en laissant les aspects sanglants de celle-ci à son ile natale. Il admet que Napoléon ne fait pas l’unanimité en Corse, certains le considérant comme traître à la « cause nationale corse » dès qu’il fut aspiré par son destin guerrier européen, lui préférant Pascal Paoli (1721-1807), le « père de la patrie corse ». Talamone se réaffirme « paoliste » mais sans toutefois rejeter complètement le « bonapartisme ».

    En réalité, ce micro-pays de Corse est à la recherche de grands hommes pour fonder ses convictions et ses passions, et il n’en trouve pas beaucoup. C’est le syndrome de ces confettis de l’Empire qui rejettent les héros français par haine du colonisateur et aimeraient bien y substituer des natifs de leurs pays. Mais on ne fonde pas une histoire ni une pensée unitaire sur des mafieux ou des joueurs de fouteballe.

    Le cas de la Martinique, autre confetti de l’empire, est révélateur à cet égard. Aimé Césaire (1913-2008), poète, penseur de la « négritude » et homme politique a « régné » sur la Martinique jusqu’à sa mort à 94 ans, laissant une œuvre littéraire et politique considérable, forgeant le respect du monde culturel et politique bien au-delà de la Martinique et de la France. Même si la proportion de Martiniquais ayant lu ses publications est sans doute assez modeste, il réunissait sur son nom, par le respect qu’il inspirait dans le monde, les Martiniquais qui étaient fiers de lui. Ils avaient trouvé un héros local qui les a valorisés. A l’inverse, la Guadeloupe voisine, qui n’est pas en très bons termes avec la Martinique, n’a pas trouvé de héros unanime à qui se référer et c’est sans doute aussi l’une des raisons qui explique son retard économique et culturel par rapport à la Martinique.

    Alors suivons Talamone et favorisons l’appropriation de Napoléon par la Corse. Paris pourrait au besoin y transférer les cendres du grand homme si ce pouvait être un gage d’apaisement et de sérénité pour ce territoire dans sa route heurtée vers l’indépendance.

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    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/15/jean-guy-talamoni-la-corse-doit-se-reapproprier-l-ensemble-des-grandes-figures-de-son-histoire-et-singulierement-celle-de-napoleon_6281711_3232.html

  • Le trio Wanderer au festival de musique de chambre de Perros-Guirec

    Le trio Wanderer au festival de musique de chambre de Perros-Guirec

    C’est le dernier concert du festival ce soir qui accueille le Trio Wanderer (piano, violon et violoncelle) pour interpréter un joli programme.

    Le Trio n°1 de Bedrich Smetana compositeur tchèque (1824-1884) qui composa cette œuvre après la mort de sa fille de 5 ans, comme une thérapie face au drame, avec un premier mouvement particulièrement lancinant et douloureux avant que les deux derniers mouvements redonnent goût à la vie.

    « La Vallée d’Oberman » est une transcription pour trio d’une composition pour piano de Liszt (1811-1886). Entreprise par un de ses élèves elle a été finalisée par Liszt lui-même, qui par ailleurs était un soutien musical et financier de Smetana. Cette œuvre invite à la méditation avec un sublime dialogue entre violon et violoncelle.

    Et après l’entracte les Wanderer interprètent le Trio pour piano et cordes n°4 de Dvorak (1841-1904) composés de six danses enthousiasmantes dans une atmosphère slave, entre rire et larmes.

    Rappelons-le, « Wanderer » signifie vagabond/voyageur en allemand. Ce fut un beau voyage musical offert ce soir.

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  • Mais quand vont-ils se taire !

    Mais quand vont-ils se taire !

    Le problème avec la mort d’un artiste c’est que l’on ressort immanquablement Jack Lang et Line Renaud de leur naphtaline pour leur demander leur avis nécrologique. Ce matin, la France estivale a appris le décès de l’acteur Alain Delon. Aussitôt Jack et Line se sont exprimés sur divers réseaux dits « sociaux ». A quoi peuvent donc bien servir les commentaires de Line Renaud (96 ans) et Jack Lang (84 ans) sur la carrière et la personnalité d’un acteur décédé ?

  • de MONTHERLANT Henry, ‘Les bestiaires’.

    de MONTHERLANT Henry, ‘Les bestiaires’.

    Sortie : 1954, Chez : Librairie Gallimard / Livre de Poche n°268.

    Henry de Montherlant (1895-1972) est un romancier, dramaturge et essayiste français qui connut son heure de gloire au cours des années 1939-1970, dont on ne parle plus beaucoup aujourd’hui. Passionné de tauromachie (qu’il a lui-même un peu pratiqué) il consacre « Les bestiaires », ce roman des débuts, à l’univers espagnol des taureaux et du combat mené par les hommes contre ces bêtes, érigé en acte de suprême noblesse.

    Nous suivons ainsi le parcours d’Alban de Bricoulle dans les corridas de Séville où ses parents ont consenti à le laisser s’installer pour quelques semaines. La fascination d’Alban pour les monstres élevés pour leur violence ne l’empêche pas de chercher à séduire une jeune fille de la noblesse espagnole, elle aussi élevée dans le culte du taureau. Elle pousse Alban à toréer une bête dangereuse avant d’accepter de poursuivre son amourette avec lui. Il relève le défi, mais c’est pour mieux la délaisser ensuite, cette femme qui ose lui poser ses conditions. Nous sommes dans un monde de fierté et d’honneur !

    Le style de l’écrivain est foisonnant. Ses descriptions des taureaux dans les élevages et des combats dans l’arène sont stupéfiants de précision et de ferveur. La passion de la tauromachie et le talent de l’auteur font vivre au lecteur la frénésie de tout un peuple pour cette activité désormais d’un autre âge. Spécialiste de la Rome antique, il mêle dans ce roman les références aux civilisations du bassin méditerranéen pour illustrer l’importance du combat hommes-taureaux comme élément fondateur de notre civilisation.

    Le roman est d’ailleurs précédé d’une lettre que Montherlant adressa au président de la République, Gaston Doumergue, pour l’honorer d’avoir rétabli les « courses » de taureaux avec mise à mort dans le sud de la France après qu’elles eussent été suspendues par le parlement. Quoi que l’on pense de la tauromachie, ce court roman de jeunesse en restitue les passions avec brio.