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  • WEIL Simone, ‘L’enracinement – Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain’.

    Sortie : 1949, Chez : Gallimard.

    Simone Weil (1909-1943) fut une brillante philosophe de la première moitié du XXème siècle. Bien que décédée dans la fleur de l’âge elle a laissé une œuvre majeure forgée aux contacts de l’anarchisme et de l’extrême gauche dont elle fréquenta les penseurs et partagea les actions (notamment lors de la guerre d’Espagne), ainsi que du monde ouvrier dont elle endura le labeur en 1934 période au cours de laquelle elle interrompt sa carrière de professeur de philosophie pour travailler en usine. Engagée dans la résistance contre l’occupant allemand à partir de juin 1940, elle fuit ensuite le nazisme avec sa famille aux Etats-Unis en 1942 avant de revenir au Royaume-Uni où elle décède d’une crise cardiaque le 24/08/1943. Elle était tuberculeuse et s’était épuisée au travail.

    « L’enracinement » est selon ses biographes une bonne synthèse de la pensée de Simone Weil qui sera publiée six années après sa mort. Le lecteur néophyte est rapidement saisi par la puissance de la pensée de la philosophe, si jeune, qui se réfère à une monumentale culture philosophique, littéraire, politique, socioéconomique… pour développer ses propres concepts. Elève d’Alain, elle croise Simone de Beauvoir dans les couloirs de la Sorbonne, elle cite Aristote, Platon, Corneille, Lamartine comme Péguy, Bernanos, Maurras, Marx ou l’Evangile.

    Dans une première partie intitulée « Les besoins de l’âme » elle décline ce qu’elle pense nécessaire à l’âme humaine. Ce sont des droits mais aussi des devoirs des individus face à la collectivité et à eux-mêmes : l’ordre, la liberté, l’obéissance, la responsabilité, l’égalité, l’honneur, le châtiment, la liberté d’opinion, la propriété (collective comme individuelle), etc… C’est toute une série de principes de pensée forgés à l’aune d’une expérience ouvrière et de son parcours théorique, des principes qui aujourd’hui peuvent paraître quelque peu « réactionnaires » mais auxquels finalement incline souvent l’Humanité quels que soient les régimes politiques au pouvoir.

    La deuxième partie, « Le déracinement », explore les mécanismes de la confusion qui saisit les hommes et femmes lorsque du fait d’un évènement, subi ou choisi, ils se retrouvent coupés des liens « naturels » moraux, spirituels, intellectuels, propres aux communautés auxquelles ils appartiennent. C’est le déracinement de la condition ouvrière (salariat, chômage, industrialisation, mécanisation), le déracinement paysan également, parfois provoqué par l’oubli dans lequel est laissée cette corporation quand tonne la contestation ouvrière ou lorsque l’une se construit en opposition à l’autre, mais aussi le déracinement du paysan provoqué, notamment, si ce dernier est privé de la propriété de la terre qu’il cultive, ou lorsqu’il reçoit un enseignement « urbain » basé sur des certitudes scientifiques bien éloignées des connaissances naturelles millénaires du monde paysan.

    Mais il y a aussi le déracinement géographique apparût lorsque la nation, c’est-à-dire l’Etat, s’est construite sur un territoire qui n’avait plus à voir avec celui des collectivités humaines qui y résidaient. La Nation s’est substituée à ces ensembles cohérents, remplaçant même la notion de patrie qui a néanmoins repris le dessus lors des circonstances tragiques en 1914 et en 1940. Le déracinement de la Bretagne ou de la Corse lorsqu’elles furent rattachées à la France provoqua le désespoir des populations et les réactions parfois violentes de leurs minorités. Malgré tout, l’Etat, « une chose froide qui ne peut pas être aimée », a pu, progressivement au cours des siècle depuis Richelieu, générer un sentiment de fidélité de ses citoyens jusqu’au sacrifice suprême de masse lors des guerres, et qui a dépassé toute attente de 1914 à 1918 alors que l’Etat n’était qu’objet de haine et de répulsion !

    La troisième partie porte sur « L’Enracinement », ou comment insuffler l’inspiration à un « peuple tout neuf » ? Hitler s’est essayé à la propagande mais celle-ci est la négation de l’inspiration. L’éducation, la suggestion, l’exemple restent des méthodes les plus efficaces pour atteindre ce but. Le Général de Gaulle a su les incarner depuis Londres en un moment exceptionnel de l’Histoire alors que ne détenant aucune autorité officielle sur les français, ni responsabilité directe dans leur débâcle, il n’en était que plus libre pour exercer un « pouvoir spirituel » sur eux (rappelons que Simone Weil, elle-même installée à Londres, y est décédée en 1943 donc sans connaître l’aboutissement heureux du mouvement des français libres). Le choix méticuleux des mots utilisés, sa seule arme, a permis au général rebelle « d’inspirer » les français.

    Cette dernière partie rédigée d’un seul trait, non divisée en chapitres, est l’objet d’une longue et riche réflexion sur les vertus de l’action, ce qui transforme la réflexion en acte, sur la transcendance du malheur (de 1940) pour revenir au génie de la France, sur la faim et la soif de justice indispensables pour le gouvernement des hommes, sur le pouvoir, la perfection humaine, sur les effets délétères du besoin de « grandeur » (Hitler encore, mais aussi Napoléon ou César), sur le génie, la pureté dans la création, l’exercice de la force dans les relations humaines…

    Et puis, alors que née juive mais restée agnostique Simone Weil s’est rapprochée du christianisme à partir des années 1930, elle aborde dans les dernières pages de « L’Enracinement » les sujets de Dieu et de la Providence, depuis l’Empire romain jusqu’à nos jours, avant de conclure cet ouvrage par un court et plutôt inattendu déroulement sur le travail physique comme centre spirituel d’une « vie sociale bien ordonnée ».

    On sort un peu vertigineux de la lecture de ces 400 pages de pensée complexe dont il faut parfois reprendre quelques passages pour être sûrs de bien les appréhender. C’est un déluge de mots et de concepts mais on termine fascinés devant la richesse des raisonnements de l’auteure qui déclenchent un véritable bonheur de l’esprit du lecteur même non philosophe.

  • « Bowie Odyssée » au Palace

    Une vraie exposition pour fans de Bowie est proposée par le théâtre parisien Le Palace, autrefois haut lieu des nuits parisiennes et scène de concerts de légende dans les années 1970/1980. Il y a les photos, célèbres, de Mick Rock sur la période Ziggy Stardust, celles moins connues de Pierre Terrasson dans les années 1980, et tout un bric-à-brac d’objets plus ou moins cultes que seuls les amoureux transis de la vedette ont pu accumuler au cours de leurs vies. Classés chronologiquement dans des bacs vitrés, chacun consacré à un disque, c’est un amoncellement de collectors : billets de concert, pins, photos de journaux et magazines, articles de presse, quelques partitions, parfois des lignes écrites de « la main de Dieu » sur un papier à lettres d’hôtel, etc.

    Un écran de télévision diffuse quelques courtes interviews de Bowie menées par Yves Mourousi et Michel Drucker, sans grand intérêt. Radio-France a ouvert sa discothèque en exposant les pochettes des 33 tours de Bowie dans leurs multiples versions avec des indications sur les influences musicales reçues par l’artiste, ses disques live, ses collaborations avec d’autres musiciens (Mick Jagger, Steve Ray Vaughan, Bing Crosby…), ses bandes originales pour le cinéma, ses participations au théâtre, ses reprises… Un juke-box joue les morceaux célèbres, et moins.

    Une exposition indispensable pour tout fan de Bowie qui se respecte, dispensable pour le reste de la population, mais il ne sera pas dit qu’un évènement Bowie se déroule à Paris sans que votre serviteur y participe.

    Sans doute le véritable instant d’émotion de cette visite est ressenti par les seniors lorsqu’ils remettent le pied dans ce théâtre où ils assistèrent à tant de concerts inoubliables : Iggy Pop, Magazine, Devo, UB40, Robert Fripp (leader de King Crimson qui joua ses frippertronics dans la petite salle du sous-sol), et bien d’autres. On ne se souvenait plus que cette salle était de dimensions si modestes mais que de fantastiques souvenirs musicaux remontent à la surface dès que l’on foule le bitume de la rue du Faubourg Montmartre !

  • L’offre et la demande… à l’œuvre

    Un effet collatéral imprévu de la crise sanitaire est en train d’apparaître et pose une intéressante question à l’économie de marché. Depuis la fermeture des restaurants, bars et autres lieux accueillant des consommateurs. Depuis la réouverture de ces sites, leurs patrons peinent à recruter de nouveau le personnel nécessaire à leur pleine activité. Il manquerait 100 000 personnes à l’appel pour reconstituer les effectifs d’avant la crise sanitaire d’environ 500 000 en équivalent temps plein.

    Il semble qu’une partie des manquants ayant été mis au chômage partiel durant de long mois a goûté les joies d’une vie moins contrainte par les horaires très lourds imposés au personnel de la restauration pour des salaires plutôt faibles. S’ils ne veulent pas retourner à leur activité d’origine il leur faudra trouver une activité de substitution lorsque le chômage partiel subventionné sera arrêté. Pas sûr qu’ils y parviennent tous auquel cas il n’est pas exclu qu’ils reviennent à la restauration pour subsister…

    Du côté des employeurs, s’ils veulent recruter à hauteur de leurs besoins et si le refus de revenir d’une partie de leurs anciens employés persistent, il faudra peut-être augmenter les salaires pour attirer les récalcitrants, c’est en tout cas ce que dit la théorie économique. Et si les coûts salariaux s’accroissent dans ce secteur où le niveau faible des marges est faible, l’addition elle-aussi augmentera pour les consommateurs. Si l’addition augmente il y aura mécaniquement moins de consommateurs.

    Les mois à venir permettront de voir comment l’équilibre va se rétablir entre des entreprises qui manquent de personnel, des employés qui veulent une amélioration de leur situation et des consommateurs qui souhaitent optimiser leurs dépenses de restauration. Car un niveau d’équilibre va évidemment être atteint mais ce ne sera pas forcément celui anticipé ni attendu. Relisez « Salaire, prix et profit » de Marx si vous voulez en savoir plus. Ainsi va la loi du marché !

  • Le goût de la polémique

    Après les polémiques liées au traitement par la France de la crise sanitaire : les masques, les vaccins, les lits de réanimation, le couvre-feu, etc. les citoyens et les plateaux médiatiques commençaient à manquer de sujets d’affrontement et le pays en ressentait une grande frustration sans rien à se mettre sous la dent !

    Affaire réglée grâce à l’ineffable Stéphane Bern, diplômé d’une école de commerce, chargé d’une mission de préservation du Patrimoine par le pouvoir actuel. Avec sa tête de ravi de la crèche il vient de lancer une attaque en règle contre les éoliennes qu’il qualifie de « supercherie », dont l’énergie produite ne serait ni « écologique ni renouvelable » et qui seraient « responsables d’un drame écologique en ruinant la diversité ».

    Aussitôt reprise par le chœur des pleureuses de l’opposition systématique, la complainte anti-énergie éolienne a animé pour quelques jours les conversations du Café du Commerce. En réalité, comme toujours, les gens aiment bien le principe les éoliennes du moment qu’elles sont installées loin de chez eux. Il en est de même pour les centrales nucléaires : c’est une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre, tout le monde apprécie mais pourvu que l’on ne construise pas une centrale nucléaire dans leur jardin et que l’on ne stocke pas les déchets dans leur village.

    Il est probable que la transition énergétique en cours basera la production française future sur un savant mélange entre les différentes sources que sont le nucléaire, le gaz, l’hydraulique, le solaire, l’éolien et d’autres à venir. Chacune a ses avantages et inconvénients et la définition du mix relève des programmes politiques et du choix des électeurs pour l’un de ces programmes. Les saillies médiatiques d’un Stéphane Bern sont inutiles et polémiques ; elles ne servent qu’à satisfaire, peut-être, la soif de reconnaissance de l’impétrant. C’est un problème d’égo « bernien » et non un débat énergétique. Le mieux à faire serait qu’il se consacre à ses émissions de télévision et laisse les sujets techniques aux spécialistes encadrés par le gouvernement.

  • « Salgado Amazônia » de Sebastião et Lélia Salgado à la Philharmonie de Paris

    Salgado Amazônia

    C’est une impressionnante exposition de photos de Sebastião Salgado présentée à la Philharmonie de Paris sur une illustration sonore de Jean-Michel Jarre : plus de 200 clichés en noir et blanc, tirés en grand format et issus des pérégrinations de Salgado durant sept années, à pied ou en hélicoptère, au cœur de la forêt amazonienne pour la sauvegarde de laquelle le photographe brésilien consacre une grande partie de son œuvre et da vie.

    On apprend tout sur l’incroyable système climatologique de cet ensemble forestier grand comme l’Europe, composé de 300 à 400 milliards d’arbres, s’étendant sur plusieurs pays d’Amérique latine bien que majoritairement située au Brésil. La forêt tropicale humide pompe elle-même l’eau de la terre par les racines des arbres, qui s’évapore ensuite pour constituer les « rivières volantes » qui, enfin, se déversent à nouveau sur les arbres. Le tout est auto-suffisant mais mis en risque par déforestation qui elle-même alimenterait le réchauffement climatique.

    Sebastião Salgado

    Les photos de paysages sont majestueuses et plongent le visiteur dans un abyme de méditation sur ce monde primaire que l’humain n’a pas encore perverti. C’est sans doute l’un des derniers endroits de la planète Terre qui est encore dans l’état dans lequel nous l’avons « reçu » et cela rend la contemplation du travail de Salgado émouvante. Les clichés aériens sont tous pris avec de grands angles et l’option du noir et blanc fait parfois confondre la canopée avec un sol volcanique ou lunaire. L’eau est partout, dans les nuages comme au sol. Les fleuves débordent et peuvent monter 20 mètres au-dessus de leur cours normal en saison des pluies, modelant d’éphémères archipels d’eau douce.

    Quelques tribus subsistent encore dans cette immensité et Salgado réalise aussi des clichés de ces humains survivants si loin du modernisme, veillant à maintenir leurs pratiques culturelles traditionnalistes. Leurs photos montrent des personnes plutôt trapues, taillées pour survivre dans cet improbable environnement fait d’arbres et d’eau. Les Surawahá par exemple, spécialistes de poisons, dont le taux de mortalité est important car beaucoup des adultes en bonne santé âgés de 14 à 28 ans ingèrent un poison puissant qui provoque leur mort. Il existe dans leur cosmologie trois cieux où se rendent les âmes après le décès. Le plus désirable est celui où se retrouvent les personnes qui meurent en bonne santé quand les deux autres rassemblent celles qui ont été mordues par un serpent, et celles qui meurent de vieillesse. On dirait un texte de loi sur le suicide assisté !

    Quel espace, quel mystère !

    La musique sur laquelle est posée cette exposition est la porte d’entrée de la Philharmonie de Paris pour aborder les questions écologiques. Jean-Michel Jarre a composé ses habituelles nappes de clavier sur lesquelles ont été greffés des échantillons des bruits de la forêt : pépiements d’oiseaux ; bruissements du vent, éclats d’eau, etc. qui sont diffusées dans les salles de l’exposition des photos. Dans les deux petites salles de projection on écoute des compositions de musiciens brésiliens : Heitor Villa-Lobas (1887-1959) et Rodolfo Stroeter, bassiste-compositeur contemporain. La Philharmonie organise par ailleurs un week-end de concerts de musiciens brésiliens et des communautés d’Amazonie.

    J’ai conçu [cette musique] comme une déambulation à travers des éléments naturels, ethniques, orchestraux, électroniques, figures passagères d’une forêt que l’on traverse  et qu’on laisserait derrière soi, vestiges d’un temps et d’un espace infinis.

    Jean-Michel Jarre

  • « Des Hommes » de Lucas Belvaux

    Basé sur le roman « Des Hommes » de Laurent Mauvignié sorti en 2009, le film de Lucas Belvaux retrace le traumatisme de deux cousins anciens appelés de la guerre d’Algérie qui, revenus dans leur village familial, gèrent différemment les suites d’un drame dont ils furent les acteurs durant cette guerre. Le film colle au roman et transmets le syndrome de ces hommes qui, encore adolescents, sont allés guerroyer pour tenter de maintenir ce fantasme politique que fut le concept d’une Algérie « française ».

    Gérard Depardieu, à l’état physique dégradé, incarne à merveille le personnage le plus violent du duo qui ne s’est jamais vraiment remis de son expérience algérienne, comme tant d’autres. Le film se termine sur la question de son avenir, le pire est à craindre !

    Lire aussi : MAUVIGNIER Laurent, ‘Des hommes’. – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • Le Royaume-Uni procrastine

    Chappatte/Le Canard Enchaîné (30/12/2020)

    Comme cela était prévisible, le Royaume-Uni rechigne à respecter ses engagements pris lors de sa sortie de l’Union européenne (le brexit) qui stipulaient l’établissement d’une frontière commerciale en mer d’Irlande pour éviter d’avoir à rétablir une frontière formelle entre l’Irlande du nord (province britannique) et la République d’Irlande laissant ainsi sans contrôle l’importation en Irlande du nord de produits britanniques, donc en provenance d’un pays tiers, qui peuvent ainsi accéder, toujours sans contrôle, en République d’Irlande, donc au marché intérieur de l’Union européenne, et vice-versa.

    Le « protocole nord-irlandais » devait permettre de résoudre, au moins provisoirement, l’insoluble question de la présence britannique sur l’ile d’Irlande. Le non-respect de certains éléments de l’accord du brexit fait partie du jeu, des procédures existent pour le régler et/ou le sanctionner. Il suffit de les appliquer, ou de changer les textes du brexit. Entre gens intelligents et de bonne compagnie on devrait bien trouver un arrangement, au moins temporaire.

    A plus long terme, la question ne se résoudra que par la réunification irlandaise. Peut-être le brexit la précipitera-t-elle ? Il faudra alors régler le cas des unionistes protestants qui tiennent au maintien de leur statut britannique ce qui s’annonce complexe mais arrivera bien… un jour. Ces confettis de l’Empire coûtent et empoisonnent la vie de nombre d’Etats : la France avec la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et d’autres, l’Espagne avec Ceuta et Melilla, le Royaume-Uni avec Gibraltar, etc. Ils se résoudront avec le temps et l’indépendance de ces confettis ou leur rattachement aux territoires géographiques auxquels ils appartiennent. C’est la logique, elle demande de l’intelligence et des dirigeants visionnaires pour être mise en œuvre. Cela viendra.

  • « Follement drôle – Wahnsinnig komisch » au Musée d’Art et d’Histoire de l’hôpital Sainte-Anne

    Prolongée jusqu’en juin 2021 pour cause de confinement, l’exposition « Follement drôle » est présentée dans le petit musée de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris. Montée en association avec un autre hôpital psychiatrique, allemand, elle rassemble des œuvres réalisées par des patients dont on ne connaît pas exactement les pathologies, sinon qu’ils résidaient dans ces lieux spécialisés dans les maladies mentales. Ces œuvres ont aussi fait l’objet de travaux de recherche scientifique entre art et psychiatrie.

    Classés par thèmes (la critique sociale, la critique de la psychiatrie, la grivoiserie, etc.) plutôt que par ordre chronologique, nombre de ces tableaux traduisent l’humour de leurs auteurs sur leur environnement, y compris psychiatrique. Il y a également des dessins, des illustrations, des portraits gigantesques de Danton ou du Dr Guillotin. On a du mal à oublier la maladie des créateurs et l’on se demande si leur inspiration artistique est le produit de la pathologie ou un traitement de celle-ci. En se promenant dans les allées de l’hôpital qui portent les noms de géants (Verlaine, Artaud, Camille Claudel, etc.) aux créations aussi complexes que leurs neurones on médite sur les liens étranges entre l’art et la folie !

    Mais on ne sait toujours pas quelle est la cause ni quel est l’effet…

  • La fin de l’opération militaire française Barkhane au Sahel

    Le président de la République française a annoncé cette après-midi dans une conférence de presse la fin de l’opération militaire Barkhane au Sahel. C’est un bon début. On ne connaît pas bien encore la forme que prendra l’opération suivante, car il y en a déjà une annoncée. On a seulement appris qu’elle impliquerait une baisse significative des effectifs de l’armée française dans ces territoires étrangers. L’option d’un retrait total des troupes françaises du Sahel, comme c’est actuellement le cas pour les troupes de l’OTAN d’Afghanistan, n’a pas été retenue. Peut-être a-t-elle été évoquée ?

    Pour le retrait occidental de l’Afghanistan une négociation a été menée entre les Etats-Unis et les rebelles religieux. On ne sait pas s’il en est ainsi pour le Mali et les pays avoisinants. A-t-on demandé leur avis aux gouvernements locaux sur les contours de la nouvelle opération et la fin de l’ancienne ? Il est peu probable que la France puisse maintenir des troupes dans des pays étrangers sans un accord des pays d’accueil et on se dit que si l’on demande son avis au gouvernement malien actuel celui-ci pourrait être négatif.

    Les quelques éléments donnés sur la nouvelle opération mentionnent plus de formation et d’encadrement des troupes locales et moins d’interventions directes de l’armée française. C’est une petite musique déjà régulièrement entendue (dans le cas du Rwanda par exemple, ou du Vietnam du sud pour les Etats-Unis) et l’on sait bien que lorsque les armées africaines seront en danger elles demanderont un appui militaire français tant que des militaires hexagonaux seront postés dans leur pays. Et l’on devine qu’en de pareilles circonstance les dirigeants politiques françaises trouveront toujours de bonnes raisons pour « y aller une dernière fois »… L’avantage du retrait total est qu’il n’y a plus d’intervention directe facilitée par le positionnement de personnels et de matériels sur place. Elle est donc beaucoup plus complexe à mettre en branle, le cas échéant.

    Bref, cette affaire est sans doute loin d’être terminée puisque l’option du complet retrait n’a pas été choisie, comme elle l’a été pour l’Afghanistan.

    Lire aussi : Un départ de l’armée française du Mali pour bientôt ? – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • La France s’enrichit

    Dans un dîner en ville, les convives notent un récent article paru dans le journal Le Monde ce 8 juin sur « La France heureuse, la France qui va bien, et si c’était elle, la majorité silencieuse ? » qui détonnerait dans le pessimisme ambiant d’un pays passant beaucoup de temps à se lamenter sur son sort et à critiquer ceux qui le gouvernent. Le reportage est centré sur une ville de Mayenne, Château-Gontier, qui a l’air en pleine forme économique et morale. Excellente nouvelle !

    Comme souvent, le discours pessimiste, rabâché par un système médiatique plus concerné par le scoop que par l’information, pénètre les esprits qui en oublient de s’informer à la source. Les chiffres de l’INSEE montrent que le produit intérieur brut (PIB) de la France est passé de 363 milliards d’euros en 2000 à 593 en 2018.

    Source INSEE

    Le pays s’est donc enrichi de plus de 60% en 18 ans. Même retraités de l’inflation, des marges d’erreur statistiques et de l’âge du capitaine, ces chiffres confirment une augmentation de la richesse nationale créée par le travail et la production de tous. Bien sûr il y a des inégalités en France et tout le monde n’a certainement pas profité dans la même proportion de cet enrichissement mais il n’est pas intégralement tombé dans les poches des grands capitaines du CAC40 qui ne sont que… 40, il a aussi diffusé dans le pays, et dans la ville de Château-Gontier, entre autres. La France est malgré tout un des pays où la redistribution entre « riches » et « pauvres » est la plus importante par le biais des dépenses sociales financées par l’impôt. Si l’on veut encore augmenter cette redistribution, il suffit de le décider. Le budget voté annuellement par le parlement est là pour ça.

    La série ci-dessus s’arrête à fin 2018 et il est probable que la crise sanitaire actuelle marquera un freinage en 2020 comme elle fait apparaître un recul après la crise financière de 2008, recul qui a été absorbé en deux ans. La nature sanitaire de la crise de 2020 devrait permettre une reprise encore plus rapide une fois l’orage passé. Mais cette fois-ci encore cette crise a profité à de nombreux secteurs, et pas qu’aux entreprises du numérique. Demandez-donc son avis à votre boucher ou votre poissonnier… On entend beaucoup les secteurs défavorisés par la crise, ceux de la culture par exemple, mais leur présence médiatique est souvent largement supérieure à leur importance dans l’économie. Ceux qui se portent bien restent silencieux et font le dos rond. C’est l’habituelle comédie humaine régie plus par les rapports de force que par la réflexion.

    Il y a une « France qui va bien » mais dans le domaine économique comme dans celui des idées sociétales la « majorité silencieuse » est… silencieuse. Les commentateurs seraient donc bien avisés d’aller consulter les statistiques économiques de l’INSEE pour illustrer leurs analyses et enrichir les radiotrottoirs dans lesquels Mme. Michu détaille son mal de vivre et celui de sa « minorité agissante ».

  • Un départ de l’armée française du Mali pour bientôt ?

    Colonel Assimi Goïta – président de la République du Mali

    A la suite du deuxième coup d’Etat galonné au Mali en quelques mois, les désaccords entre la France et ce pays du Sahel s’accentuent. Toujours ravagé par le terrorisme religieux malgré plus de 5 000 militaires français, avec armes et bagages, dans la région, le Mali prend ses distances avec Paris. Le premier, qui est chez lui, prône un rapprochement avec les terroristes religieux qui sont au cœur de sa population quand le second les combat.

    La France vient de « suspendre sa coopération militaire » avec le Mali sans que l’on sache exactement ce que cela veut dire mais l’armée française, légèrement aidée par d’autres armées européennes, continue à agir militairement dans ce territoire étranger sur lequel elle a été « appelée » à la rescousse en 2012 par le président de l’époque. C’était il y a dix ans et il va falloir tourner la page. Outre les changements politiques en cours, les populations commencent à se demander à quoi sert ce déploiement d’armées étrangères sur son sol.

    Comme les armées occidentales sont en train de finir l’évacuation de leurs troupes de l’Afghanistan après 20 années de guerre, les militaires français vont devoir quitter le Mali. Dans les deux cas, un pouvoir religieux plus ou moins violent va reprendre les rennes, marquant ainsi la défaite stratégique des occidentaux qui combattaient sur place justement pour éviter une telle hypothèse. L’Histoire contemporaine l’a montré à de nombreuses reprises : il est difficile de maintenir longtemps une armée étrangère sur un territoire, quelle que soit la raison de son intervention, contre la volonté de son peuple et de ses autorités. Les Russes et les Turques vont aussi le ressentir un jour en Syrie…

    Une fois les troupes françaises et européennes évacuées du Sahel, il adviendra ce qui doit advenir. Si les peuples veulent être gouvernés par la religion, qu’il en soit selon leur volonté. Les économies ainsi réalisées par la France pourront être utilement redéployées, soit pour rembourser partiellement les dettes abyssales de l’Etat, soit pour renforcer les frontières européennes qui deviendront des points sensibles si des gouvernements religieux extrêmes prennent le pouvoir dans les pays du Sahel.

  • Un bon projet pour la Nouvelle Calédonie

    Libérons la Nouvelle Calédonie

    Les partis calédoniens réunis à Paris avec le gouvernement français viennent d’arrêter la date du troisième référendum d’indépendance qui se tiendra en décembre 2021. Il semble que les participants pro-indépendance craignaient une date après les élections présidentielles de mai 2022 avec le risque que si Marine Le Pen était élue, la perspective d’une indépendance, et donc du référendum, ne soit repoussée aux calendes grecques. Voilà qui est fait.

    Il est également prévu une période de transition de deux années qui sera nécessaire quel que soit le résultat. Si l’indépendance l’emporte il faudra transférer les pouvoirs et régler le sort de ceux qui voudront émigrer, si c’est le Non qui vainc, il faudra définir de nouveaux accords sur un mode de fonctionnement entre la métropole et ce territoire pacifique lointain.

    Si indépendance il y a, le Front de libération kanak nationale et socialiste (FLNKS) et ses différentes composantes ont déjà leur programme prêt. C’est un bon programme.

    Au niveau institutionnel on ne peut pas dire que le schéma envisagé soit très original. Un parlement à deux composantes : l’assemblée nationale élue par les provinces elles-mêmes soumises au suffrage des électeurs, une chambre des représentants élus par les conseils coutumiers ; un président de la République élu par le parlement ; un gouvernement dirigé par un premier ministre ; une armée nationale ; une force de sécurité intérieure (FSI) pour assurer l’ordre ; une monnaie propre arrimée à un panier de monnaie mais l’adoption d’une monnaie tierce n’est pas exclue, etc.

    Quant au financement de la dépense publique le schéma envisagé est le même que celui de la situation actuelle sauf que la source « Participation de l’Etat français » est remplacée par « Revenu de l’Etat [calédonien] actionnaire ».

    Si l’indépendance l’emporte, il suffira donc d’appliquer ce programme et de laisser voguer la Nouvelle Calédonie vers son destin. Il faudra certainement que les contribuables français continuent à aider ce nouvel Etat. Nous pouvons le faire comme nous l’avons déjà fait, et continuons à le faire dans une certaine mesure, pour les anciennes colonies françaises qui ont accédé à l’indépendance.

    Lire le programme du FLNKS : ici

  • L’OTAN à livres ouverts

    A l’occasion du détournement d’un avion civil organisé par le satrape biélorusse dans l’espace aérien de son pays, on apprend que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) va réduire les habilitations de l’ambassadeur biélorusse auprès de cette organisation. Pardon ? Il y a une « ambassade biélorusse » auprès de l’OTAN, une alliance militaire occidentale crée au temps de la guerre froide pour endiguer le communisme ?

    Une visite sur le site web institutionnel de l’OTAN permet de le confirmer. La Biélorussie fait partie de la quarantaine de pays « partenaires » de l’organisation comme la Russie, l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan ou la Mongolie. La définition du pays « partenaire » est donnée comme :

    L’OTAN s’attache à promouvoir la sécurité et à projeter la stabilité au moyen d’un vaste réseau de partenaires, qui compte plus de quarante pays non-membres de l’Organisation et qui s’étend de l’Europe centrale et orientale à des régions aussi éloignées que la région Asie-Pacifique.

    Les pays partenaires établissent individuellement des relations avec l’OTAN, qui couvrent différents aspects de la coopération pratique et du dialogue. De nombreux partenaires participent activement aux opérations et aux missions dirigées par l’OTAN. Certains d’entre eux aspirent à devenir membres de l’Alliance.

    L’Alliance travaille aussi avec les autres organisations internationales, telles que l’Union européenne (UE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU).

    Certes ces objectifs sont sympathiques et on se dit que discuter est toujours mieux que de s’envoyer des missiles mais quand on voit la volonté affichée de nuire à l’occident déclinée par la Russie et ses affidés on peut raisonnablement se demander si le partenariat de ces deux pays, entre autres, avec l’alliance militaire occidentale sert à quelque chose d’autre qu’à affaiblir l’Ouest ? Il est peu probable que les pays de l’Est ouvrent de tels partenariats. Réduire les accès de l’ambassadeur biélorusse à l’OTAN semble bien être une réaction a minima. N’était-ce pas Lénine qui dit « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons » ? On en est toujours là !

    Lire aussi : La mauvaise foi comme stratégie – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • La mauvaise foi comme stratégie

    Alors que la communauté occidentale s’émeut du fait que la Biélorussie ait pu détourner un avion civil qui survolait son territoire pour le faire atterrir de force sur l’aéroport de sa capitale et arrêter un de ses opposants qui s’y trouvait, Roman Protassevitch, ainsi que sa femme de nationalité russe, les autorités de cet Etat expliquent doctement que l’avion avait demandé à atterrir d’urgence car menacé d’un attentat à la bombe par le mouvement palestinien Hamas mais en aucun cas « détourné » par la Biélorussie. Ce sont les autorités biélorusses qui avait informé l’avion des menaces qui planaient sur lui…

    L’ambassadeur en France de cette sympathique République a d’ailleurs expliqué sur son compte Twitter que l’équipage avait demandé un aéroport de détournement alors qu’il assurait la ligne Athènes-Vilnius, et que le plus proche était celui de Minsk… Le fait que la police en ait profité pour arrêter son opposant et sa fiancée n’est pas mentionné.

    Plus c’est gros plus ça passe. On se souvient que lorsque des militaires russes avaient été arrêtés en Ukraine dans les combats qui opposaient les forces officielles contre les séparatistes soutenus par Moscou, le président russe avait affirmé, sans rire, « je ne peux pas empêcher mes citoyens d’aller passer des vacances en Ukraine. »

    Nos démocraties sont bien faibles face aux comportements des satrapes de l’ex-URSS qui ne risquent pas grand-chose. La colère de leurs populations est sous contrôle et, dans le cas de la Russie, semble ne pas même se manifester tant le peuple russe apparaît majoritairement satisfait de faire la nique à l’Occident qui ne déploie que des effets de manche face à ces comportements de voyous. L’OTAN ne va probablement pas déclarer la guerre à la Biélorussie pour son comportement violent mais les appels du ministre français des affaires étrangères à « une réponse ferme et unie des Européens » est juste inutile. Comme toujours, lorsqu’on ne sait pas employer les mêmes méthodes que les adversaires, le mieux est de rester discret et d’activer les quelques leviers qui restent disponibles aux mains des démocraties, ceux des visas et du commerce par exemple. En attendant, l’espace aérien de l’Union européenne a été interdit aux avions biélorusses et les compagnies européennes ont été priées de ne plus survoler la Biélorussie. On peut craindre que ces mesures ne durent pas très longtemps.

    Un accord a été conclu entre l’Union européenne et la Biélorussie en mai 2020 visant à faciliter la délivrance réciproque des visas et facilitant la réadmission des personnes en séjour irrégulier. Est-il bien nécessaire de faciliter l’octroi respectif des visas ? En revanche l’aspect réadmission est intéressant. Mais quand on voit la facilité avec laquelle la Biélorussie ne respecte pas les accords internationaux qu’elle a signé, on se dit que la résiliation de celui-ci pourrait être envisagée facilement ?

    Lire aussi : Détournements d’avion par des Etats – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • AGHION Philippe au Collège de France, leçon donnée le 20/10/2020 : « Destruction créatrice et richesse des nations / Expliquer le déclin de la croissance et la montée des rentes » 3/6

    Chaire : Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance

    Cours : Destruction créatrice et richesse des nations

    Leçon : Expliquer le déclin de la croissance et la montée des rentes – Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance – Philippe Aghion – Collège de France – 20 octobre 2020 14:00 (college-de-france.fr)

    Le débat sur les inégalités a été relancé ces dernières années, notamment par les travaux de Thomas Piketty. Les revenus qui reviennent au Top1% après avoir décru depuis le début du XXème siècle se sont accrus significativement depuis les années 1980 jusqu’aux année 2010. Qu’est ce qu’il a derrière cette évolution ?

    Comment mesurer les inégalités

    3 façons :

    1. Le coefficient GINI > courbe de Lorenz, on regard les déciles des revenus par ménage des plus pauvres au plus riches et on regarde les % des ménages. Par exemple les 20% les moins riches gagnent moins que 20% des revenus du fait des inégalités. Le GINI mesure l’écart global de la société à l’égalité parfaite (différence entre la courbe de Lorenz et la droite de l’égalité parfaite). Nombre entre 0 et 1, plus le GINI est proche de 0 plus l’égalité est parfaite.
    2. Part du Top1% > on totalise le revenu de 1% le plus riche que l’on divise par le revenu total. On mesure l’inégalité au niveau des riches, le 1% (ou 0,1% si l’on veut affiner).
    3. Inégalité dynamique > corrélation entre revenu des parents et revenus des enfants. Si élevée, cela signifie que le revenu est fortement déterminé par celui des parents, à l’inverse, cela veut dire qu’il y a beaucoup de mobilité sociale.

    Il y a des relations entre ces trois mesures.

    Entre les pays de l’OCDE on s’aperçoit que plus le GINI est élevé plus l’inégalité dynamique est importante : c’est la courbe de « Gatsby le Magnifique ». Les scandinaves ont un GINI faible et une inégalité dynamique réduite (mobilité sociale), par contre c’est l’inverse pour les Etats-Unis et le Royaume Uni. La France est plus proche de US-UK que des scandinaves, malgré un fort taux de prélèvement.

    Si on regarde des zones d’emplois américaines et que l’on suit les revenus des parents puis des enfants 15 ans plus tard, on retrouve la même courbe de « Gatsby ».

    En revanche il n’y aucune relation entre mobilité sociale et Top1%. En Californie, beaucoup de mobilité sociale mais le Top1% y est considérable vs. Alabama ou Mississipi. C’est l’effet de l’innovation, présente en Californie mais moins en Alabama.

    Il ne faut pas forcément être obsédé par la richesse du Top1% comme l’est Piketty. Ce qui est aussi important est la mobilité sociale : en Suède nous avons des individus très riches mais aussi beaucoup de mobilité sociale et donc une inégalité réduite. Le Top1% ne doit pas être la seule mesure de l’inégalité.

    L’innovation comme source d’inégalités au Top1%

    On constate que la richesse du Top1% croit en même temps que la courbe des dépôts de brevets (mesure de l’innovation). C’est une corrélation, pas une causalité. Cette relation s’explique par plusieurs raisons.

    1. L’innovation déclenche les rentes de l’innovation temporairement (M. Skype est devenu riche car il a inventé Skype) et augmente la probabilité que les innovateurs vont rentrer dans le Top1% et augmenter la part de celui-ci.
    2. L’innovation entraîne la destruction créatrice et donc la mobilité sociale (ascenseur social). Les innovateurs deviennent riches en inventant et ils remplacent les anciens qui vont peut-être sortir du Top1%. Sur les états américains l’innovation apparaît corrélée avec le Top1% mis pas avec le GINI (mesure globale).
    3. On s’aperçoit également aux Etats-Unis que les fonds de recherche alloués par les comités d’appropriation aux Etats génèrent un accroissement des brevets universitaires puis industriels et la conséquence est une augmentation de la part du Top1%. C’est une causalité, plus une simple corrélation.                                                                

    Quand on regarde la part du Top1% on doit prendre en compte l’effet de l’innovation, ce ne sont pas uniquement des héritiers… L’innovation n’a pas d’effet sur l’inégalité globale mesurée par le GINI car d’un côté elle augmente la part du Top1% mais de l’autre elle accroît la mobilité sociale. L’innovation est une source « sympathique » du Top1% car elle favorise aussi la croissance et la mobilité, à la différence du lobbying qui a des effets négatifs (voir supra).

    L’innovation comme source de mobilité sociale

    2 raisons

    1. Destruction créatrice > les innovateurs « montent », les autres « descendent ». Dans les zones d’emploi où il y a le plus d’innovation il y a le plus de mobilité sociale c’est-à-dire que les revenus sont moins corrélés à ceux des parents. On constate également que l’innovation par les « entrants » (les nouveaux, ceux qui n’ont pas breveté au cours des cinq dernières années) est plus corrélée avec la mobilité sociale.
    2. Les entreprises innovantes procurent les « bons » emplois, ceux où on progresse (perspectives de carrière, augmentations de salaire) et où on reçoit de la formation.

    Il y a peu de mobilité sociale en France donc il faut tout faire pour favoriser les entreprises innovantes qui créent des « bons » emplois. Il faut inciter à l’innovation (subventionner l’apprentissage, s’ouvrir aux entreprises innovantes, etc.)

    L’innovation est une source du Top1%, certes, mais elle est à préserver car elle n’augmente pas l’inégalité globale.

    Les limites de l’outil fiscal

    Voyons les effets des augmentations d’impôt, on regarde la mobilité des revenus sur les mêmes personnes (et non plus entre parents et enfants) en les classant par percentile, entre l’année de départ et l’année de fin de période. Plus les revenus d’aujourd’hui sont proches de ceux d’hier, plus l’échelle des revenus est rigide comme c’est le cas en France : faible mobilité des revenus. On remarque la même chose même pendant la période 2011/2013 où il y eut de fortes augmentations d’impôts. L’outil fiscal a été sans effet sur la mobilité sociale car la France était déjà à un niveau élevé de fiscalité. Il faut donc chercher d’autres sources de mobilité : éducation, formation, « bons » emplois, qui sont complémentaires du levier fiscal.

    L’effet de l’outil fiscal sur l’innovation > on constate que plus le taux de rétention fiscale (1 – taux d’imposition) est élevé pour les innovateurs de qualité plus ils restent dans leurs pays d’origine. Il a été aussi analysé les conséquences de la chute de l’URSS sur la fuite de ses innovateurs russes : le choix d’émigration portait sur les pays les moins taxés. On a vu également que la baisse des impôts décidée en 1986 par Reagan aux Etats-Unis a entraîné une forte augmentation de l’arrivée de chercheurs étrangers « de qualité ». Par ailleurs la baisse de l’imposition des sociétés comme des individus génèrent une augmentation des dépôts de brevets.

    Les mesures fiscales ont un effet sur l’innovation et la croissance, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas taxer car l’Etat est un investisseur et un assureur et doit donc être financé. On a besoin d’impôts mais à partir d’un certain seuil trop d’impôt tue l’impôt !

    L’exemple de la Suède > en 1991 ce pays procède à une réforme fiscale majeur avec l’instauration d’une taxation duale du capital et du travail avec la réduction du taux d’imposition marginal de 88 à 55% une taxation fixe des revenus du capital à 30%. Dans le même temps il y eut une réforme de l’Etat et une dévaluation de la monnaie. On assiste alors à une augmentation significative des dépôts de brevets (c’est une corrélation pas une causalité). Le Top1% a un peu augmenté de même que le GINI mais la Suède restant tout de même un des pays les plus égalitaires en Europe.

    Lobbying

    On a dit que le Top1% n’est pas si important du moment qu’il y a de la mobilité sociale. Il faut néanmoins préciser que ce Top1% a son importance dans la mesure où ses membres peuvent faire des actions de lobbying pour y rester ou pour empêcher d’autres d’y entrer ou pour retarder des réformes qui favoriseraient la concurrence par exemple. Le lobbying peut avoir un côté vertueux qui est d’informer mais il peut aussi se révéler dangereux lorsqu’il tente de réduire la concurrence. Le paradoxe schumpetérien est qu’il faut des rentes pour inciter l’innovation mais qu’ensuite leurs bénéficiaires peuvent les utiliser pour faire pression afin d’empêcher l’arrivée de nouveaux innovateurs. C’est toute la difficulté de la régulation du capitalisme.

    L’exemple des GAFAM aux Etats-Unis est très parlant, ces innovateurs de l’économie numérique ont maintenant investi tous les secteurs profitant du fait que la réglementation américaine n’est pas formatée pour les technologies de l’information, notamment il n’y a aucune limite aux fusions-acquisitions et certains GAFAM sont devenus hégémoniques, décourageant les innovations des autres d’où la stagnation séculaire constatée.

    Le lobbying comprend les communications orales ou écrites avec un titulaire de charge publique en vue d’influencer la prise de décisions. Dans la plupart des pays le lobbying est maintenant réglementé. Les dépenses de lobbying se chiffrent en milliards d’USD/EUR.

    Généralement il y a plus de lobbying dans les secteurs peu concurrentiels et à fortes marges (typiquement des entreprises moins productives qui veulent garder leurs marges). En Italie plus la part de marché d’une entreprise est élevée plus elle « investit » dans les politiciens.

    Il existe aux Etats-Unis une corrélation entre le lobbying et l’accroissement de la part du Top1%, de même qu’avec l’augmentation de l’inégalité globale (GINI). Le lobbying réduit la mobilité sociale en bloquant les entrants. Souvent les innovateurs d’hier constituent les lobbyistes d’aujourd’hui, qui vont investir dans le lobbying plus que dans l’innovation.

    Le lobbying a un double coût : les entreprises lobbyistes innovent moins et empêchent les innovateurs d’émerger.

  • Il faut restituer les confettis de l’Empire

    Quelques milliers de migrants marocains ont envahi l’enclave espagnol de Ceuta en territoire marocain. Il semble que les autorités marocaines reprochent à l’Espagne d’avoir accueilli pour raisons sanitaires le chef du front POLISARION, le mouvement indépendantiste du Sahara dit « espagnol » sur lequel le Maroc affirme sa souveraineté. L’impétrant aurait la Covid.

    On connaît le cynisme de certains Etats qui n’hésite pas à utiliser les flux migratoires pour des raisons politiques. La Turquie à cet égard a montré de quoi elle était capable en incitant les réfugiés syriens sur son territoire à entrer en Grèce par la frontière terrestre. Dans le cas du Maroc on franchit une étape supplémentaire puisque ce pays envoie sa propre population comme immigrés illégaux à Ceuta. L’Espagne a déployé son armée sur place et aurait expulsé immédiatement la moitié des 8 000 migrants ayant pris d’assaut Ceuta.

    La manipulation des flux de migrants est devenue une arme à la disposition des Etats les plus cyniques, il faut s’y faire. Les Etats agressés de la sorte, généralement plus « occidentaux », hésitent à employer des armes similaires en retour, comme celle des visas par exemple. C’est la comédie humaine rapportée à la géopolitique !

    Plus important, ces incidents de Ceuta soulignent une nouvelle fois l’aberration de ces confettis d’empires répartis un peu partout sur la planète. Citons également Melilla, toujours espagnole, au Maroc, mais aussi le britannique Gibraltar en Espagne, les territoires français à Jérusalem-est, la française Mayotte dans l’archipel des Comores, etc. A l’exemple de Hong-Kong qui a été restitué par le Royaume-Uni à la Chine, la raison voudrait que l’on profite de ces évènements pour lancer les négociations de rétrocession des enclaves de Ceuta et Melilla au Maroc. Ces verrues espagnoles en territoire étranger n’ont plus aucun sens et sont source de problèmes sans fin. Les populations sont estimées à 78 000 pour la première et 72 000 pour la seconde. Même si la totalité de cette population souhaitait être rapatriée, l’Espagne devrait pouvoir le faire sans trop de difficultés en regard des bienfaits que représenteraient la restitution de ces territoires qui semble une évidence géographique lorsqu’on regarde une carte de la région.

  • On avance

    La presse quotidienne nationale fait état d’un sondage commandité fin avril 2021 par le ministère des outre-mer à la l’Institut Harris Interactive fait état que 66% des Français estiment que l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie serait une bonne chose. C’est un bon résultat qui montre que les choses avancent favorablement pour cette colonie française qui doit voter une troisième fois dans les mois à venir pour ou contre son indépendance.

    Une partie des acteurs de cet archipel est actuellement réunie à Paris pour envisager le « jour d’après » car que la réponse soit oui ou non à l’issue de ce troisième référendum il faudra bien gérer la suite, les accords de Nouméa encadrant le processus en cours devant s’éteindre avec ce référendum devront bien être remplacés par quelque chose si l’on veut éviter un malheureusement probable chaos.

    Une autre partie des acteurs (de sensibilité indépendantiste) a refusé de venir à discuter à Paris.

    Lire aussi : La dépendance de la Nouvelle-Calédonie reste légèrement majoritaire à l’issue du référendum du 4 octobre – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • Bigard : le déclin

    Jean-Marie Bigard, humouriste au style gras et tapageur se régale en ces temps de pandémie et de vaccination. On l’entend éructer contre les vaccins et l’éventualité qu’ils deviennent obligatoires, message délivré dans les brailleries et la vulgarité qui lui sont habituelles. Quelques « artistes » ont pris le parti de s’ériger contre la politique sanitaire française actuelle à grands coups de déclarations tonitruantes et antiscience. Au-delà de Bigard, le chanteur de variété Francis Lalanne ou l’actrice Juliette Binoche diffusent des théories délirantes sur les puces que Bill Gates voudrait nous installer sous la peau pour nous traquer ou un appel à la destitution du président pour coup d’Etat, etc.

    Lire aussi : Un grand moment de solitude – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

    Une autre actrice, Isabelle Adjani, affiche déjà depuis plusieurs années ses convictions antivaccins expliquant qu’elle n’a jamais fait vacciner ses enfants qui s’en portent très bien, et qu’elle a même bénéficié de faux certificats de vaccinations pour les inscrire à l’école. Dans un autre genre, l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala a aussi mis à profit sa relative popularité pour vulgariser des thèses complotistes et antisémites qui lui ont d’ailleurs valu maille à partir avec la justice.

    On assite sans doute à une manifestation collatérale de l’égo surdimensionné de ces habitués des feux de la rampe en fin de carrière qui ont le droit d’être antiscience mais qui veulent en plus utiliser leur supposée capacité d’influence pour emporter l’adhésion de fans complotistes. Il existe effectivement une partie de la population française croyant que Bill Gares nous injecte des puces-mouchardes sous la peau mais il n’est pas sûr du tout que les positions de Juliette Binoche en accroissent le nombre.

  • Mali et Centrafrique à la une

    Cela devient une habitude, les galonnés de Bamako ont arrêté le président de la République, le premier ministre et quelques autres dirigeants maliens pour les forcer à démissionner par suite du « sabotage de la transition » dont ils se seraient rendus coupables. Il semble que le dernier gouvernement désigné ne faisait pas la part assez belle auxdits galonnés.

    Lire aussi : Le képi en chef du Mali – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

    La France dont l’engagement militaire au Sahel contre le terrorisme perdure bien au-delà de ce qui est souhaitable se trouve impliquée un peu malgré elle dans cet imbroglio politico-militaire. Il se confirme une énième fois que passer des accords militaires avec des gouvernements fantoches ne peut rapporter que des problèmes. Il faut donc y mettre fin de façon ordonnée mais décisive.

    En République Centrafricaine, la soldatesque russe prend de plus en plus d’importance et c’est très bien ainsi. Elle est simplement de plus en plus difficilement compatible avec la présence de l’armée française dans ce pays, au risque de déclencher des incidents entre les mercenaires russes et les troupes française. Les Russes emploient leurs méthodes pour réduire les rébellions locales et elles sont probablement plus efficaces que celles que s’autorise l’armée française corsetée dans ses principes démocratiques. Il faut laisser la place aux Russes, ils sauront sans doute mieux faire que les militaires Français qui n’ont jamais vraiment quitté le pays depuis son indépendance.

    Lire aussi : Les Russes en Centrafrique – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)