La démocratie et le marketing

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Les Etats-Unis d’Amérique ont organisé les 9 et 10 décembre un « sommet pour la démocratie » qui réunissait une centaine de pays invités à deux jours de vidéo-conférence. Il n’en est pas sorti grand-chose sinon le rappel de grands principes et quelques déclarations de circonstance. Il faut certes les rappeler mais sans grand espoir de convaincre, d’autant plus que contrairement à ce qu’a déclaré le président américain il n’est pas complètement acquis que tous les citoyens du monde considèrent la primauté de la démocratie sur les autres formes de régimes socio-politiques.

Autocracies can never extinguish the ember of liberty that burns in the hearts of people around the world, in every portion of the world.

Joe Biden
https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2021/12/10/remarks-by-president-biden-at-the-summit-for-democracy-closing-session/

Evidement la réunion concernait plutôt les pays démocratiques, bien que certains des invités aient une conception plutôt particulière de la démocratie (le Pakistan, l’Inde… notamment) mais ni la Russie ni la Chine n’étaient de la partie. On aurait pu croire que ces deux pays allaient s’en réjouir tant ils condamnent le concept de démocratie à longueur de déclarations publiques, déversant tout leur mépris sur ce système qualifié de décadent et moribond. Eh bien c’est l’inverse qui se produit et Moscou comme Pékin se plaignent de n’avoir point été invités et le font savoir.

Le compte Twitter de l’ambassade de Chine en France publie la déclaration officielle du porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois et le texte mérite la lecture. L’attaque commence dès l’introduction :

Les États-Unis ont récemment tenu un prétendu « Sommet pour la démocratie » par lequel ils créent le clivage idéologique, utilisent la démocratie comme un instrument et une arme, pratiquent l’anti-démocratie sous le couvert de la démocratie, incitent à la division et à la confrontation, détournent l’attention de leurs problèmes intérieurs, préservent leur hégémonie dans le monde et sapent le système international centré sur les Nations Unies et l’ordre international fondé sur le droit international. Ces actes vont à contre-courant de l’histoire et sont largement rejetés par la communauté internationale.

Ambassade de Chine en France sur Twitter : « Déclaration du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères  au sujet du « Sommet pour la démocratie » tenu par les États-Unis https://t.co/M5yYE6WsJQ » / Twitter

La suite n’est qu’une longue litanie sur les mérites de la « démocratie populaire » telle que celle mise en œuvre par la Chine quand la démocratie à l’américaine serait devenue « une ‘arme de destruction massive’ utilisée par les États-Unis pour s’ingérer dans les affaires des autres pays. »

Toutes ces envolées lyriques ne présentent plus guère d’intérêt dans le monde d’aujourd’hui. Il est d’ailleurs peu probable que beaucoup de citoyens de la planète lisent ces communiqués idéologiques dignes de la guerre froide. Ce sont des batailles de diplomates dont les résultats ne sortent guère des chancelleries.

Est-il nécessaire de céder à la dictature de la communication sur le sujet de la démocratie ? Ne vaudrait-il pas mieux agir plutôt que communiquer ? Les démocraties occidentales n’ont guère besoin de vanter leur système d’organisation politique, il est ce qu’il est, et plutôt plébiscité si l’on en juge les flux d’immigration importants qui se dirigent plutôt vers l’Occident que vers la Chine ou la Russie… Les démocraties seraient bien avisées de s’occuper d’elles-mêmes, d’améliorer leurs propres modes de fonctionnement, plutôt que de vouloir mondialiser ceux-ci avec des campagnes marketing comme celle de ce sommet américain. Accueillons et aidons les pays qui souhaitent rejoindre le camp démocratique mais nul besoin d’en faire la publicité auprès d’Etats qui n’en veulent pas.

En clair, organisons des « sommets pour la démocratie » s’il y a un besoin en la matière mais nul besoin de publier des communiqués fumeux, laissons les opposants et les contradicteurs s’opposer et contredire, « les chiens aboient et la caravane passe ! ». Pas besoin de leur donner les cordes pour nous battre.