A peine quelques laboratoires pharmaceutiques ont-ils annoncé de bons résultats médicaux sur leurs candidats vaccins que tout le monde, et d’abord les marchés financiers, respire et croit la crise terminée. Ces vaccins il va falloir maintenant les approuver, les produire, les payer, les transporter, les stocker et les injecter pour quelques milliards d’individus. On n’en a pas fini… sans parler d’éventuels effets secondaires qui ne manqueront pas d’apparaître, voire d’être fantasmés, ce qui promet d’animer encore longtemps les plateaux médiatiques de commentateurs mondains.
Blog
-
Mort de Giscard
La mort de l’ex-président de la République Valéry Giscard d’Estaing le 2 décembre a été annoncée. Il avait 94 ans et est décédé des suites du covid-19. Aussitôt, et suivant une ancestrale et mauvaise habitude, l’ensemble des commentateurs le couvre de louanges, oubliant les torrents de boue dans lequel certains essayèrent de le noyer du temps de sa splendeur.
Giscard n’a pas été un mauvais bougre. Durant son septennat 1974-1981 il a tenté de secouer une France post-soixantuitarde engourdie par quinze années de gaullisme puis de pompidolisme. Sous son empire les finances publiques de l’Etat ont été gérées avant les graves dérives entamées sous la présidence Mitterrand qui suivit et qui sont allées s’aggravant depuis. Plus notable, cette présidence de sept ans aura été marquée par la bataille féroce et les haines recuites entre la droite conservatrice (représentée par le clan Chirac) et le centre droit (représenté par le clan Giscard). Chirac, premier ministre de Giscard démissionna avec fracas en 1976 après deux ans d’exercice, avant d’utiliser son parti UDR, futur RPR, pour abattre Giscard d’Estaing et lui bloquer l’accès à un deuxième mandat présidentiel.
Il est maintenant acquis que Chirac a appelé discrètement ses partisans à voter et faire voter pour Mitterrand en mai 1981 en pensant que ce dernier n’arriverait pas à faire plus d’un mandat et que Chirac serait élu triomphalement en 1988 pour relever la France de la « faillite socialo-communiste ». L’Histoire, et les électeurs, en ont décidé autrement… et Chirac dut attendre quatorze ans après son infamie pour s’installer à l’Elysée.
Mais Giscard est malin et tint son éclatante revanche en l’an 2000 en imposant une modification de la constitution pour passer du septennat présidentiel au quinquennat, contre la volonté du président Chirac, celle-ci étant plutôt molle et affaiblie à l’époque par la cohabitation avec le parti socialiste. Ce quinquennat a durablement déréglé le fonctionnement de la République comme résultat d’une vendetta personnelle.
La politique française a montré à cette occasion son nombrilisme dévastateur quand un responsable de droite préféra favoriser l’élection d’un président de gauche par haine d’un président de centre-droit. La droite française ne s’est d’ailleurs toujours pas remise de cette hérésie. Ainsi va la vie politique hexagonale… pas joli-joli tout ça.
-
SIMMONS Sylvie, ‘I’m your Man – La vie de Leonard Cohen’.
Sortie : 2018, Chez : Editions L’Echappée.
Une biographie de 500 pages, sensible et documentée, de Sylvie Simmons, une admiratrice de la première heure, journaliste musicale, dont la vie et l’âme ont été influencées par les mots du grand poète canadien né en 1934.
Jeune homme séduisant issu d’une famille juive d’ascendance polonaise émigrée à Toronto, d’un milieu plutôt favorisé, Leonard se révèle rapidement un poète un peu brumeux, grand séducteur à la personnalité mesurée et bienveillante, travailleur acharné, perfectionniste obsessionnel ; il gardera ce profil sa vie durant manifestant une empathie à l’égard de tous et récoltant une admiration sans borne de ses fans tout au long de sa longue carrière artistique. Ses œuvres littéraires ayant un faible succès commercial, il s’oriente vers la musique où il rencontrera beaucoup plus de reconnaissance.
Alors on suit le parcours exceptionnel de Leonard Cohen à travers le milieu artistique nord-américain pendant une période qui fut particulièrement féconde et marquante. Habitant du monde il réside à Hydra en Grèce, à Toronto au Canada, à New-York aux Etats-Unis puis Los Angeles, et dans les avions qui le mènent constamment d’un lieu à l’autre. Amoureux compulsif, ses plus belles chansons sont inspirées par cette étrange objet qu’est l’amour. Dépressif cyclothymique, il soigne ses états d’âme à force d’addictions et de méditations. Poète convaincu, il travaille des années sur ses textes et ses musiques pour en sortir de pures joyaux. Mystique impénitent, il suit les enseignements de sages zen, bouddhistes, sans jamais abandonner son attachement à sa religion juive dont il étudie les textes sans relâche.
Ruiné par une manageuse indélicate à la fin des années 2000, il bouscule un peu ses projets et repart sur la route, pour se refaire, à plus de 70 ans pour trois années de tournées mondiales qui déclenchèrent une critique enthousiaste dans le monde entier et un succès d’estime et commercial majeur. Dans le même temps il continue à produire des disques et des livres de poésie jusqu’à son dernier souffle en 2016.
Ces dernières années de création ont été particulièrement fécondes et ont élevé ce « juif errant » au statut de légende. Sylvie Simmons a pu interviewer une grande partie de son entourage et mener de longues conversations avec Leonard pour aboutir à ce portrait amoureux d’un homme au profil simple et au mental tellement complexe, pétri d’humour et de sens de l’autodérision, créateur inlassable qui laisse une œuvre monulentale du XXème siècle.
Lire aussi : Leonard Cohen – 2012/09/29et30 – Paris l’Olympia, Leonard Cohen – 2009/07/07 – Paris Bercy, Leonard Cohen – 2008/11/26 – Paris l’Olympia
-
La Pologne et la Hongrie bonnets d’âne de l’Union européenne
La Pologne et la Hongrie ont mis leur veto au budget pluriannuel (2021-27) de l’Union européenne ainsi qu’au plan de relance, soit au total à peu près 2 000 milliards d’euros. Ces deux pays d’Europe de l’Est s’opposent à ce que le versement des fonds soit conditionné au respect des valeurs démocratiques qu’eux même ne respectent pas intégralement. Du coup, tout est bloqué en attendant un marchandage qui viendra bien un jour. A partir du moment où certaines décisions doivent être votées à l’unanimité, un seul Etat membre peut donc bloquer le mécanisme en votant contre.
La France a fait exactement la même chose au mitan des années 1960 avec la fameuse « politique de la chaise vide » menée sous l’égide de MonGénéral alors installé à l’Elysée. La France avait alors refusé de siéger au conseil des ministres européens durant plusieurs mois bloquant de facto toute décision. Il s’agissait à l’époque pour la France justement d’empêcher l’abandon du principe de l’unanimité au profit d’un système majoritaire. Un compromis fut trouvé.
Au-delà de ces questions électorales, le problème de fond ne fait que s’aggraver au fur et à mesure de l’élargissement de l’Union européenne à des pays exotiques. D’un club de six pays riches à l’origine, et à peu près d’accord sur un corpus de principes démocratiques communs, on a ouvert l’auberge espagnole à tout va et plus d’une vingtaine de pays tiers, souvent divers, parfois exotiques, sont rentrés. Chacun est arrivé avec ses objectifs nationaux et sa capacité de nuisance, plus le club grandit, plus la cacophonie s’intensifie et plus le concept de politique communautaire devient irréaliste.
Et ça n’est pas fini, demain les négociations d’adhésion avec la Macédoine du nord et l’Albanie vont être lancées. La France a tenté de s’y opposer quelques semaines avant de s’incliner en mars 2020, sans doute à la suite d’un marchandage de couloirs. On se demande bien qui pourrait expliquer les avantages d’un tel élargissement qui s’annonce comme une mine de problèmes, y compris pour les candidats à l’adhésion. Qu’on y pense juste une minute : l’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine à l’Union européenne ! Si ces deux pays ont besoin de sous pour financer leur développement il existe des mécanismes européens qui le permettent, mais les intégrer dans le processus politique européen n’est que chronique d’un désastre annoncé. Vous avez aimé la Bulgarie et la Roumanie ? Vous allez adorer l’Albanie et la Macédoine du Nord !
Le mouvement d’accueil des nouveaux pays sera désormais difficile à inverser, sauf si la sortie du Royaume-Uni à la fin de l’année se déroule bien, mais il faudra au moins dix ans pour juger de son résultat avant peut-être de provoquer de nouvelles vocations de départ… En attendant, il faut donc gérer la diversité et les capacités de nuisance des uns et des autres. C’est le jeu de billes dans une cour d’école mais c’est ainsi que cela marche dans un groupe dont la majorité des membres a abandonné l’esprit des pères fondateurs de l’Europe.
-
La teinture déborde…
Incident comique dans les suites de l’élection présidentielle américaine, l’avocat du président sortant, Rudy Giulani (76 ans), lors d’une intervention devant la presse durant laquelle il faisait un peu chaud et la teinture dont il couvre le peu de cheveux qui lui reste s’est mise à couler. Cet évènement, à la hauteur du galimatias déversé par l’impétrant pour tenter de contester les résultats de l’élection de son mentor, illustre une nouvelle fois le syndrome de la teinture chez le personnel politique.
Lorsque l’on refuse d’accepter les effets du vieillissement sur ses cheveux on présente un sérieux handicap pour faire de la politique où la réalité est parfois bien plus dérangeante que le simple blanchiment de ses cheveux… Message transmis à Mme. Hidalgo, Royale, Aubry, M. Hollande et bien d’autres !
-
Christine Boutin heureuse !
Les règles d’assouplissement du confinement sanitaires prononcées par le gouvernement la semaine dernière prévoyaient d’autoriser de nouveau l’organisation de cérémonies religieuses mais dans le cadre d’une audience maximale de 30 personnes par cérémonie. Les évêques de France (et Christine Boutin) n’ont pas accepté cette restriction à leur « droit d’assister à la messe ». Ils ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat qui vient de leur donner raison en instruisant le gouvernement de revoir cette limite qui manque de « proportionnalité » et ce, dans un délai de trois jours.
Dans ce monde à la dérive dans lequel nous vivons aujourd’hui, même l’Eglise conteste les décisions de l’Etat, oubliant Saint-Paul qui prescrivait de se soumettre à l’autorité. Alors on se plaint et on attaque en justice, que l’on soit évêque ou manant. Et l’on obtient parfois satisfaction, en attendant l’apocalypse.
Ce dossier ne fait pas honneur ni aux évêques ni à leurs fidèles mais au moins il a rendu Christine Boutin heureuse, qui n’a sans doute plus tant d’occasions que ça de se rendre heureuse.
-
Lisons l’article 24…
La France est saisie de toute une agitation médiatique, comme seul notre pays sait en créer, au sujet de « l’article 24 » d’une proposition de loi relative à la « sécurité globale » qui a été adoptée par 388 voix contre 104, soit la majorité actuelle plus bien d’autres, dont une centaine de députés du groupe Les Républicains. En résumé : 79% des députés ont voté « pour », l’opposition (très) conservatrice de droite la trouve « laxiste » et celle de gauche la qualifie de « liberticide ». On pourrait en conclure qu’elle est donc équilibrée et en rester là pour poursuivre le processus législatif avec la discussion et le vote au sénat à majorité de droite conservatrice ? Eh bien non, nous sommes en France et plusieurs centaines de milliers de personnes manifestaient cette après-midi dans les rues du pays (133 000 selon la police et 500 000 selon les organisateurs).
Le mieux à faire est sans doute de commencer par lire l’article en question :
Article 24
I. – Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 35 quinquies. – Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police. »
II. – Les dispositions de l’article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale.Il s’agit de protéger les forces de l’ordre des menaces dont elles sont régulièrement l’objet sur les réseaux dits « sociaux » où des excités diffusent les noms et coordonnées exactes de membres de ces forces de l’ordre, comme d’ailleurs d’autres citoyens, appelant plus ou moins explicitement à la vengeance. Et on vit dans certaines occasions des policiers directement agressés, voire assassinés, à leur domicile. C’est un peu la poursuite du syndrome de Mme. Michu qui en 1942 dénonçait la famille Cohen à la Kommandantur ou à la Gestapo, mais sous une autre forme ! Les réseaux dits « sociaux » ont remplacé les courriers mais l’intention est la même : nuire et se venger en restant caché derrière l’anonymat !
La lettre de cet article contesté parle bien de la diffusion d’images dans le but de nuire personnellement à un membre des forces de l’ordre. A priori il n’est pas interdit de filmer ni de montrer mais seulement de diffuser avec « intention de nuire ». Après, comme toute loi, si celle-ci était promulguée elle donnera lieu à interprétation par des juges s’il y a litige. Dans la majorité des cas ce sera fait par des gens intelligents et de bonne compagnie, dans quelques cas marginaux il y aura évidemment des dérives. C’est la loi du genre humain.
Alors les contestataires professionnels associés aux râleurs compulsifs envahissent les médias pour délayer sur cette « attaque contre la liberté d’expression ». L’article 24, comme d’ailleurs l’ensemble de la loi, réduit les libertés publiques. Depuis les attentats religieux de septembre 2001 aux Etats-Unis, puis leur généralisation dans la quasi-totalité des démocraties occidentales, les gouvernements et les parlements ont progressivement rogné sur les libertés publiques pour renforcer les mesures de sécurité, le plus souvent avec une large approbation des populations. Nous sommes toujours dans ce mouvement cette fois-ci destiné à prendre en compte le contexte de violence civile.
Est-ce agréable ? Non. Nécessaire ? Sans doute. Irréversible ? Techniquement non mais l’expérience montre que l’on ne revient que rarement en arrière sur ce genre de restrictions. Pour le moment la montée des violences à tous les étages de notre société rend improbable leur assouplissement à court terme mais il suffirait de voter pour un président et un parlement dominé par les partis qui affichent leur opposition à ces mesures pour que celles-ci soient détricotées. C’est ce qu’on appelle la démocratie.
-
Résultat d’étape dans la guerre Azerbaïdjan-Arménie
Un simple coup d’œil sur cette carte suffit à comprendre que le cessez-le-feu signé il y a quelques jours entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie n’est pas durable et que la prochaine guerre est sans doute déjà programmée. Cette situation géopolitique paraît aussi « stable » que celle de la Cisjordanie enclavée en Israël…
Cette région dite du Haut-Karabagh est peuplée d’arméniens depuis bien longtemps et est donc d’essence chrétienne. Géographiquement cernée par des pays musulmans elle se retrouve à l’intérieur de l’Azerbaïdjan devenu indépendante après la chute de l’Union soviétique qui lui reconnaissait une certaine autonomie. Elle prononce unilatéralement son indépendance en espérant son rattachement à l’Arménie dont elle est séparée par une portion de territoire azerbaïdjanais, ce qui agace le pouvoir de Bakou qui n’a qu’une idée en tête : rétablir sa souveraineté sur cette portion de son territoire. Une situation évidemment invivable !
Entre 1992-1994 blocus, escarmouches et massacres animent les relations entre l’Azerbaïdjan et cette région séparatiste. Un cessez-le-feu est signé en 1994 et une partie du territoire azerbaïdjanais séparant l’Arménie et le Karabagh est occupée par les habitants d’origine arménienne qui en chassent les azéris. Vingt-cinq ans plus tard l’Azerbaïdjan attaque le Haut-Karabagh avec le soutien de la Turquie, gagne la guerre en quelques semaines, récupère une partie des territoires perdus en 1994 et y réinstalle ses populations en chassant les précédentes.
S’agissant d’une guerre ethnique à tendance religieuse il y a de la haine et de l’esprit de vengeance sur un champs de bataille encore fumant. Depuis le cessez-le-feu, les habitants d’origine arménienne ayant occupé en 1994 les territoires azerbaïdjanais les rendent après avoir brûlé les maisons, abattus le bétail et détruit ce qui pouvait l’être. Le Haut Karabagh lui-même a vu son territoire initial amputé. Politique de la terre brûlée et haines recuites, l’affaire est loin d’être close et les quelques 150 mille habitants chrétiens de ce confetti ont probablement encore du souci à se faire.
A défaut de dirigeants visionnaires convaincus de paix et de fraternité à la manière d’Adenauer-de Gaulle ou de Mandela-de Klerck, et nous en sommes loin, la guerre va reprendre. Le mieux serait sans doute de négocier dès maintenant des modifications de frontières pour limiter les transferts de population qui risquent d’être… sanglants un jour ou l’autre.
-
Les moulins à vent de la presse
Comme à chaque fois que des déclarations politiques de haut niveau sont annoncées pour une date précise, la presse de circonstance passe les jours précédents à jouer Mme. Irma et cherche à anticiper ce qui va être dit par l’oracle. En l’occurrence le président de la République française devrait s’exprimer dans les médias demain soir pour donner ses vues sur le confinement en cours. L’allocution n’est pas mentionnée sur l’agenda officiel du président.
Bien entendu tout le monde aimerait bien qu’il annonce de bonnes nouvelles mais personne ne sait bien ce qu’il va dire puisqu’il… ne l’a pas encore dit ! Alors les commentateurs commentent ce qu’ils ne savent pas encore, une habitude pour eux. Sans doute bénéficient-ils de fuites plus ou moins officielles, plus ou moins téléguidées, plus ou moins destinées à manipuler leurs bénéficiaires. Bref, il n’y a que des risques à parler de ce que l’on ignore, et très peu d’utilité à procéder ainsi, ni pour les commentateurs, encore moins pour leurs spectateurs.
Le mieux serait que tout le monde attende demain soir, écoute tranquillement la parole présidentielle puis ensuite la commente sur des bases documentées. Ainsi, en attendant, les médias pourraient parler de choses réelles et intelligentes et leurs spectateurs se concentrer sur la vraie vie plutôt que perdre leur temps à chercher à anticiper ce que dira un président qui ne le sait pas même peut-être lui-même.
-
« The Big Short » d’Adam McKay (2015)
Un film passionnant pour expliquer la spéculation « à la baisse » menée par quelques aventuriers de la finance lors de la crise des subprimes de 2008 qui avaient eu la clairvoyance d’anticiper l’effondrement du marché de ces titres hypothécaires. Comme ils étaient spéculateurs, eh bien, ils ont spéculé et ont gagné beaucoup d’argent. C’est la base de la finance : un jeu à somme nulle, ce que perdent les uns est gagné par les autres, sauf lorsque tout s’effondre, ce qui aurait été le cas en 2008 si les contribuables privés n’étaient pas venus au secours des spéculateurs.
Les noms des vrais personnages sont repris par le scénario, les techniques utilisées sont détaillées (Credit Default Swap [CDS], Collateralized Debt Obligations [CDO], Mortage Backed Securities [MBS]…), mais il est mieux d’avoir un peu de culture financière pour tout suivre, et le déroulement haletant de cette incroyable explosion des marchés due à la rapacité sans limite d’une bande de forbans de la finance se croyant au-dessus de tout et de tous. Le plus extraordinaire dans cette affaire fut qu’ils furent sauvés par les contribuables car ils étaient « too big too fail », la chute de leurs établissements qui aurait été moralement justifiée aurait entraîné encore plus d’inconvénients économiques que leur sauvetage.
Certains des personnages du film affichent quelques états d’âme lorsqu’ils réalisent la manière dont ils s’enrichissent : spéculer à la baisse des titres hypothécaires (CDO) signifie que, si elle se réalise, des millions de petits propriétaires qui eux-mêmes spéculaient sur la hausse de leurs biens immobiliers vont être expropriés, voire ruinés. C’est ce qui s’est passé dans la vraie vie. La morale de l’histoire fut aussi qu’un monde basé uniquement sur la spéculation fait perdre la tête à ses acteurs qui renoncent à tout sens de la mesure, et même à l’intelligence. L’Etat américain n’a pas été non plus sans tâche dans cette histoire car en autorisant, voire favorisant, l’octroi de financements bancaires au « petit peuple » pour lui permettre ainsi de bénéficier de la hausse du marché immobilier, il donnait à ces citoyens un moyen d’arrondir leurs fins de mois sans y contribuer avec des fonds publics, jusqu’à ce que la hausse de l’immobilier s’inverse, ce qui ne devait pas manquer d’arriver, et arriva !
Il fallut une dizaine d’années pour que la planète financière et le marché immobilier récupère ses pertes. Il y eut quelques réformes des marchés financiers internationaux pour cantonner certains excès du monde financier, mais sans doute pas au point d’assainir un système qui porte en lui les germes de crises régulières. Heureusement les contribuables restent fidèles au rendez-vous pour absorber les débordements jusqu’à, peut-être, la super-crise qui fera tout exploser.
Lire aussi : Margin Call
-
Les républicains américains continuent à se battre pour la victoire de leur candidat à l’élection présidentielle
Signature de Donald Trump Alors que le président Trump continue, entre deux parties de golf à inonder le réseau dit « social » Twitter de messages contestant la victoire de son concurrent démocrate Biden, les soutiens dont il bénéficie au sein de son propre parti Républicain commencent à s’étioler au fur et à mesure que sont rejetés les recours initiés en justice pour accuser les Démocrates de fraude électorale.
L’aspect plutôt comique dans cette bataille est aussi lié au mode de vote des Etats-Unis. A l’occasion de l’élection présidentielle les électeurs se prononcent sur le même bulletin pour toute une série d’élections complémentaires, variables selon des Etats. En l’occurrence ils ont voté pour le renouvellement d’un tiers des cent sénateurs et ont laissé pour le moment la majorité aux Républicains, ce qui procure à ce parti la capacité de bloquer toute mesure significative pour le pays comme cela a été fait durant la présidence Obama.
Contester la légalité du vote revient à remettre en cause non seulement le résultat en faveur du candidat démocrate mais aussi les votes en faveurs des sénateurs républicains puisque tous ont été exprimés sur le même bulletin. Difficile de rejeter l’un en gardant les autres. Mais cela peut toujours être tenté par le bataillon d’avocats mis en œuvre par l’entourage du président actuel, qui a lui aussi tendance à se réduire comme peau de chagrin face au poids de la réalité.
En réalité on semble bien se diriger vers le non-renouvellement du président Trump ce que devrait définitivement valider le vote des grands électeurs prévus pour mi-décembre. Ensuite il faudra juste faire déménager l’actuel résident de la Maison Blanche. On n’ose imaginer qu’il faille employer la force ou qu’il refuse d’assister à la cérémonie de prestation de serment de mi-janvier comme le veut la tradition du pays. Tout est possible ! En attendant il reste encore deux mois au président américain pour pratiquer la politique de la terre brûlée et jouer au golf.
Lire aussi : Compte Twitter Donald Trump
-
MALRAUX André, ‘Antimémoires’.
Sortie : 1967, Chez : Gallimard.
On suit dans les « Antimémoires » les pérégrinations culturelles et mystiques d’un André Malraux envoyé en voyage en Asie par de Gaulle, président de la République française, en 1965. Il se murmure que cette mission avait aussi un but curatif pour apaiser ce personnage hanté, en proie à dépression et addictions. Le récit est basé sur deux rencontres capitales : Nehru en Inde et Mao en Chine, complétées par des visites à personnages moins connus mais tout aussi importants dans le cheminement intellectuel de Malraux, ainsi que des lieux de référence : les pyramides d’Egypte, Singapour (où l’on retrouve Clappique qui inspira le personnage du même nom de la « Condition Humaine »), Hong-Kong, les jardins japonais présentés par un moine bouddhiste…
Avec Nehru (qu’il avait déjà rencontré auparavant) ils échangent sur le pouvoir et la spiritualité, sur Gandhi et les masses indiennes, sur la violence de la partition du pays postindépendance et l’influence du Bhagavad-Gîtâ (long poème fondateur de la pensée religieuse hindouiste) écrit quelques siècles av. J.-C. Il est question de Krisna, de Dieu… de la vie, de la mort et la pensée.
Avec Mao, il est question de la « Longue Marche » qui a ponctué l’interminable prise de pouvoir des communistes chinois contre le Kuo-min-tang de Tchang Kaï-check qui aboutit en 1949. Ils parlent du monde rural qu’il fallut convertir, souvent de force, aux « mérites » du maoïsme, des « intellectuels » dont il fallut réduire les tendances contrerévolutionnaires. Il conclut son entretien avec Malraux :
« Je suis seul,
– enfin avec quelques lointains amis, veuillez saluer le général de Gaulle.
– quant à eux [les Russes] la révolution, vous savez, au fond, ça ne les intéresse pas… »Les différents chapitres du récit sont ponctués de mentions des évènement historiques auxquels Malraux participa : la guerre d’Espagne, la résistance, son arrestation à Toulouse, la libération de la France. Il est souvent question en toile de fond des camps d’extermination nazi comme un rappel de la barbarie de la vieille Europe face à ces pays neufs qui cherchent leurs propres voies pour émerger en se libérant des affres du colonialisme qui les a soumis, un temps.
C’est un dialogue de géants concernant des pays, des hommes, des idéologies qui ont forgé le XXème siècle. La puissance du style de Malraux et son insondable culture planétaire et historique forcent l’admiration. En lisant cet auteur de génie on approche du sens de ces grands évènements et de la spiritualité de ceux qui en ont été les acteurs. C’était le XXème siècle…
-
Corporatisme et petits intérêts particuliers
Une bande de dangereux gauchistes a envahi ce dimanche les parvis d’églises et de cathédrales catholiques d’une vingtaine de villes françaises pour exiger le retour des messes. En effet, les règles du deuxième confinement en place depuis le 30 octobre stipulent que les lieux de culte peuvent rester ouverts mais que les cérémonies (des rassemblements) sont interdites pour lutter contre la diffusion du virus, sauf les obsèques. Ces manifestations font également suite à un recours déposé par la Conférence des évêques de France devant le Conseil d’Etat le 29/10/2020 pour contester cette interdiction. Ledit Conseil a rejeté la requête épiscopale le 07/11/2020.
Les évêques déplorent avant tout que les fidèles demeurent ainsi dans l’impossibilité de participer à la messe, sommet de leur foi et rencontre irremplaçable avec Dieu et avec leurs frères.
Demander à pouvoir assister à la messe n’a rien d’une revendication catégorielle : la prière de l’Église catholique est universelle. Dans sa liturgie, elle supplie Dieu pour la paix et pour le bien de tous les peuples, sans oublier ceux qui exercent l’autorité et ont en charge le bien commun.
https://eglise.catholique.fr/espace-presse/communiques-de-presse/508994-suite-a-rencontre-premier-ministre-ministre-de-linterieur-16-novembre-2020/On croyait les églises en partie désertées par les croyants et les curés. On pensait le catholicisme plus concerné par l’altruisme et le bien de son prochain. L’Eglise catholique comme d’autres corporations défend ses intérêts propres et conteste les décisions contraignantes prises par l’Etat en principe au nom de l’intérêt général.
Depuis fin octobre toutes les professions et activités contraintes par le confinement s’ingénient à en exiger la levée en expliquant que chez eux « le virus ne circule pas ou moins que chez le voisin » ou que leur survie économique est en jeu. Il y a effectivement des situations dramatiques qui vont se traduire par des faillites, certains secteurs d’activité risquent de disparaître corps et âme, d’autres vont devoir réviser en profondeur leurs modes de fonctionnement. On pensait que les catholiques étant autorisés à se rendre librement dans les églises pour y prier et à regarder les messes à la télévision en attendant un déconfinement qui ne saurait tarder, se considèreraient comme plutôt privilégiés face au cataclysme socio-économique qui est déjà en route pour notre pays… Il n’en est rien, et les évêques réclament comme le reste des français.
Bien entendu l’inénarrable Christine Boutin est en première ligne sur le thème « Réndez nous la messe [SIC] ». Plus troublant, la Conférence des évêques de France lance un processus de contestation devant la justice administrative. Que d’énergie et de temps perdu…
Les différentes églises ne se sont pas particulièrement distinguées dans cette crise sanitaire, que ce soient les orthodoxes grecs, les juifs intégristes en Israël ou maintenant les évêques catholiques français. La preuve est donnée une nouvelle fois que science et religion ne font pas vraiment bon ménage. Et l’on se souvient que lors de la première vague l’une des sources de contagion la plus cataclysmique fut le rassemblement religieux évangélique de Mulhouse début mars 2020. Dans ces conditions, les évêques de France s’honoreraient à afficher un peu plus de sens de la discipline de façon à mieux inspirer leurs ouailles. Plutôt que d’entamer des procédures contre l’Etat il serait plus efficace qu’ils instruisent les croyants sur les mérites de la prière en solitaire dans les églises qui sont ouvertes. La messe réelle peut bien encore attendre quinze jours et Dieu se satisfaire d’encore deux semaines de messes radiodiffusées.
-
« L’instinct de mort » et « L’ennemi public n°1 » de Jean-François Richet (2008)
Ce film en deux parties résume la vie de Jacques Mesrine, braqueur-voyou-assassin-taulard, qui connut son heure de gloire dans les années 1960-70’ avant d’être abattu par la brigade antigang du commissaire Broussard qui s’était rendu quasiment aussi célèbre que la proie qu’il pourchassait. Mesrine a pu séduire en son temps par culot dont il fit preuve à l’occasion de ses multiples évasions de prison et de braquages plutôt osés qu’il mena. De la guerre d’Algérie au grand banditisme, Mesrine a vécu hors des règles de la société. Même s’il voulut se donner une image de « Robin des bois » il fut un parasite. Il était engagé dans un combat dont la fin était écrite.
Vincent Cassel joue magnifiquement le rôle qui couvre les vingt dernières années de dérive la vie de Mesrine, jusqu’à incarner sa métamorphose physique. Il illustre avec efficacité le côté flambard et égocentrique du voyou, attiré par la lumière des flashs mais guidé par le côté sombre de la vie.
-
AGHION Philippe au Collège de France, leçon donnée le 06/10/2020 : « Destruction créatrice et richesse des nations » 1/6
Covid et économie.
Chaire : Destruction créatrice et richesse des nations
Cours : Économie des institutions, de l’innovation et de la croissanceLe livre « Le Pouvoir de la Destruction Créatrice » (Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel – 2020) va servir d’architecture à ce cours.
Il y a d’abord eu des modèles épidémiologiques d’Imperial College prévoyant des centaines de milliers de morts mais qui ne prenaient pas en compte les réactions de la société face à la menace (masques, gestes barrière, etc.) qui permirent de réduire les dégâts. Les épidémiologistes se sont alors mis à parler aux économistes qui savent prendre en compte les interactions, les effets des politiques, etc.
Le covid représente un choc d’offre et demande.
Le nombre de décès/jour augmente significativement à partir de début mars en Europe jusqu’à 4 000/j et suit aux Etats-Unis avec un mois de retard jusqu’à 2 600/j, puis la courbe redescend. Le pic n’a jamais atteint les premières prévisions épidémiologiques du fait des mesures qui ont été prises pour endiguer la contagion. Ce qui crée le choc économique ce ne sont pas les décès directement mais les mesures de confinement prises pour lutter contre les décès et la contamination.
On a mesuré la mobilité à partir de données Google de smartphones (Google mobility index) qui se sont effondrées de 70% en France et Italie, un peu moins en Allemagne et aux Etats-Unis. Si les gens se sont moins déplacés ils ont quand même utilisé le télétravail ou les transactions en ligne. On voit néanmoins dans les données de PIB trimestrielles une baisse aux T1 et T2 2020 de 10 à 20%, deux fois pire que la crise financière de 2008. Cela veut dire : vive le télétravail et vive le téléachat. Le PIB a moins baissé que la mobilité.
Comment minimiser le coût économique à court terme et remettre l’économie sur pieds ?
Le PIB a baissé à cause du choc d’offre : le confinement a obligé la fermeture de restaurants, hôtels, lignes aériennes… donc la production a automatiquement baissé (choc d’offre sur les secteurs directement affectés), le chômage a augmenté, l’incertitude également (on a peur de consommer) qui a un effet de demande qui va aussi baisser en affectant toute l’économie, y compris les secteurs non directement exposés.
Les mesures d’aide en France ont permis de limiter la baisse de consommation qui a été moins importante que la baisse du PIB, ces mesures ont été efficaces. Ce fut un mélange de politique fiscale et de politique monétaire.
Selon le modèle keynésien, à court terme c’est la demande qui détermine l’emploi et la production alors qu’à long terme il y a un ajustement de l’offre et la demande par les prix, c’est l’offre de production qui déterminerait la demande.
L’équilibre sur le marché des biens et services : Y [le PIB] = C(Y) [consommation, fonction croissante du PIB, « plus on produit, plus on épargne »] + I(r) [investissement, fonction décroissante du taux d’intérêt] + G [dépense publique]. Finalement, plus le taux d’intérêt est faible plus la production est élevée et vice versa.
C’est la Banque Centrale qui détermine le taux d’intérêt, et donc le niveau de production, à travers sa politique de vente/achat d’actifs financiers. Le Quantity Easing actuel fait que les banques centrales achètent tout et n’importe quoi, y compris de la dette privée… et font ainsi baisser les taux mais aux risques d’inflation et de bulles financières. La banque centrale détermine le taux ce qui fixe le niveau de production et donc l’emploi. C’est la politique monétaire.
Il y a ensuite la politique budgétaire : j’augmente G par exemple, je fais de la dépense publique. Si Y est constant c’est donc l’épargne qui va baisser, l’offre de capitaux (I) pour les entreprises va baisser et donc le r devrait augmenter mais il est fixé, donc c’est le Y (la production) qui augmente. En augmentant G, cela fait du revenu supplémentaire qui est dépensé donc la demande augmente et le niveau de production Y aussi ! Ce modèle à court terme ne différencie pas dans le G les dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’Etat.
On a deux manières d’augmenter (ou baisser) le Y : politique budgétaire ou politique monétaire, ou les deux en même temps.
Les effets du confinement
Dans le secteur directement affecté par la covid on a forcé la décroissance du niveau de production Y en « fermant » l’économie. La production était à son niveau d’équilibre et on l’oblige à en sortir. Comme je réduis l’emploi dans le secteur affecté cela revient à réduire la demande dans le secteur non directement affecté, et donc sa production.
La réponse macroéconomique
Dans le secteur affecté il ne sert à rien d’augmenter G puisqu’il est interdit de produire davantage du fait du confinement. En revanche la politique budgétaire va essayer d’atténuer le choc de demande du secteur non affecté.
La politique monétaire d’achats d’actifs financiers fait encore baisser le taux d’intérêt et permet aussi de compenser en partie la baisse de la production.
L’action conjuguée des gouvernements et des banques centrales a été positive.
De la théorie à la réalité
Politique budgétaire : subventions aux employés et aux entreprises, délais paiement impôts, prêts bancaires garantis par les Etats. Politique monétaire : quantity easing de la FED et la BCE.
Cette combinaison explique que la consommation a beaucoup moins baissé que l’activité (PIB). Mais ce modèle général cache les inégalités et le problème du soutien aveugle qui empêchera les restructurations (certaines activités vont disparaître : destruction créatrice). Comment protéger et permettre la réallocation vers de nouvelles activités ?
Comment repenser notre modèle économique et social à plus long terme ?
Le covid est un révélateur de déficiences plus profondes et préexistantes.
Chaînes de valeur
Contraste France-Allemagne sur le nombre de décès de beaucoup inférieur à l’est du Rhin : pourquoi y avait-il plus de respirateurs, de masques, de tests en Allemagne ? Cela révèle des problèmes industriels qui ont empêché la France de faire rapidement du testing à grande échelle. De ce fait le confinement en France a été beaucoup plus dur et impactant sur la baisse du PIB français.
On a regardé dans les statistiques de la commission européenne les données concernant les produits « anti-covid » : composants pharmaceutiques, instruments (respirateurs…), équipements de protection (masques, gants…). Au début des année 2000 la France et l’Allemagne étaient comparables en matière d’importations et d’exportations de ces biens. Aujourd’hui, la France a légèrement augmenté son niveau d’import/export de ces produits quand l’Allemagne l’a explosé. Cela veut dire que l’Allemagne n’a pas fait de protectionnisme (ses importations ont aussi beaucoup augmenté) mais elle a fait de l’innovation. En 2019 les allemands présentaient un surplus des exports sur les imports de 20 milliards d’euros sur les produits « anti-covid » quand la France était en très léger excédent. Les importations françaises viennent d’ailleurs surtout d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique, un peu moins de Chine et des Etats-Unis.
Dans le secteur pharmaceutique France-Allemagne, la production domestique de la France stagne et celle de l’Allemagne progresse, alors que les avoirs français à l’étranger grimpent quand ceux de l’Allemagne sont stables. Cela signifie que la France a beaucoup plus délocalisé que l’Allemagne.
A la demande du gouvernement français nous avons élargi cette étude à l’ensemble des industries « critiques » et avons analysé les dépôts de brevets (enregistrés à la fois aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, donc des brevet significatifs). Dans le domaine pharmaceutique et médical la France était bonne au milieu des années 1990’ et s’est détériorée par rapport aux meilleurs depuis pour aboutir aujourd’hui loin de la « frontière technologique ». Dans l’énergie nucléaire la France était et reste dans le peloton de tête. Pour les véhicules du futur la France est proche de la frontière technologique mais en dégradation depuis la décennie 2000. Dans l’aérospatiale, très bon classement de la France et stabilité de celui-ci. Electroniques, résultats mitigés. Isolation thermique la France se maintient proche de la frontière technologique. Idem pour les machines agricoles et conception informatique de composants industriels.
Maintenant que la France a de nouveau un commissaire au plan, elle va pouvoir se relancer dans la définition d’une nouvelle politique industrielle active pour endiguer la désindustrialisation dans les filières stratégiques, par création de nouvelles entreprises, nouvelles activités, non pas en fermant des usines en Chine…
On montre aussi, et nous y reviendrons, que plus on automatise et plus baisse les coûts de production et améliore la productivité. L’augmentation conséquente des marchés (effet taille) compense les pertes d’emploi (effet de substitution) dues à cette robotisation. L’utilisation renforcée de l’intelligence artificielle et des technologies de l’information est un moyen beaucoup plus efficace pour la croissance que de jouer sur les droits de douanes supposés protéger un marché. Plus on automatise et mieux on maîtrise les chaînes de valeur, et en même temps on crée de l’emploi.
Le modèle social
Le début de la réflexion sur quel type de capitalisme :
- Le modèle américain présente peu de chômage mais un risque de pauvreté accru lors des crises et une couverture santé limitée (US cut throat capitalism)
- Le modèle allemand : chômage et risque de pauvreté faible, couverture santé pleine
- Le modèle européen : chômage élevé, risque de pauvreté faible, couverture santé pleine
La crise du covid illustre parfaitement ces modèles. On a regardé les conséquences sur le chômage, le taux de pauvreté et la couverture santé en appliquant aux prévisions de chômage du FMI les taux de pauvreté de de couverture santé constaté dans le passé. On constate en 2020 une explosion du chômage et des pertes de couverture santé quand en Allemagne le chômage augmente légèrement et tout le monde conserve sa couverture santé. Les comparaisons sont à peu près similaires entre les Etats-Unis et les autres pays européens. On a des résultats similaires quand on mesure le risque de pauvreté avec l’évolution du chômage, Etats-Unis versus pays européens.
La covid montre l’importance d’avoir des filets de sécurité en cas de crise et permet de se positionner sur savoir si nous voulons un modèle américain ou pas. Les opposants à l’Obamacare vont peut-être revoir leur position une fois que sera fait le bilan social du covid aux Etats-Unis !
Innovation
Quand on regarde les statistiques de dépôt de brevet par habitant on constate que les Etats-Unis sont les meilleurs mais qu’un pays comme la Suède est juste derrière, or la Suède a un modèle social mais a mené des réformes structurelles importantes dans les années 1990’ expliquant cette bonne performance. Les Etats-Unis ont un écosystème de l’innovation très performant que nous sommes très très loin d’atteindre en Europe, ce qui explique leur 1er rang en matière de brevets. Ils sont défaillants en matière de modèle social mais ils sont très bons pour la culture de l’innovation. Le défi est de garder la protection et d’améliorer l’innovation comme l’ont fait les pays scandinaves dans les années 1990’.
Société civile et confiance
Il faut le marché (sans marché, pas d’innovation, l’URSS n’a pas su transformer sa recherche fondamentale en innovation sauf dans les domaines militaire et spatial où elle était en concurrence avec les Etats-Unis), il faut l’Etat pour assurer les risques macroéconomiques (exemple du covid actuel), investir et protéger les citoyens comme les firmes, redistribuer. Il faut aussi la société civile (réciprocité, normes sociales, altruisme…) qui s’assure que la séparation des pouvoirs soit effective, que l’exécutif ne truste pas tout le pouvoir ni réalise de collusion entre l’Etat et le marché. Dans le cas du covid il a fallu un Etat pour confiner, pour l’imposer au besoin par coercition. Mais dans certains pays la société civile a complété l’action de l’Etat expliquant les meilleurs résultats de certains pays (Allemagne, Suède par exemple).
Des analyses statistiques montrent également la corrélation entre le niveau de défiance de la société civile à l’encontre de l’Etat, les compagnies… et le niveau des réglementations existantes. En France par exemple, on constate une grande défiance mais toujours plus de normes : on déteste l’Etat mais on demande toujours plus de règles. La covid nous fait constater qu’en France on s’est trop reposé sur l’Etat sans suffisamment prendre en compte la société civile. C’est un défi pour la France de modifier cette répartition des pouvoirs et des responsabilités.
Conclusions
La covid est un révélateur :
- Sur les chaînes de valeur, les pays qui exportaient très peu de produits anti-covid ont d’avantage souffert sur les plans sanitaire et économique. Faut-il simplement stocker des masques, par exemple, où intégrer ces produits dans une politique industrielle ? Faut-il des réformes horizontales ou verticales pour pousser l’innovation ? Du protectionnisme ou de l’investissement ? etc.
- Le modèle social, peut-on rendre le capitalisme plus « douillet » sans qu’il ne soit moins innovant ?
- Comment la France peut-elle donner un rôle plus important à la société civile (dialogue social, décentralisation, système électif proportionnel…) ?
-
Pourquoi les religieux « évangéliques » soutiennent le président Trump ?
Alors que le président Trump continue à revendiquer sa victoire à l’élection du 3 novembre, ses soutiens « évangéliques » se désolent de cette défaite annoncée. Depuis la campagne électorale de 2016 et tout au long du mandat Trump de quatre années, le soutien de ce courant religieux protestant ultra-conservateur a été total à la politique du président qui n’a pas manqué de prendre des décisions inspirées par ceux-ci. Ce soutien paraît curieux tant le comportement personnel du président semble bien éloigné de préceptes chrétiens minima ! Il s’agit en fait d’intérêts partagés et bien compris. Le président bénéficie d’électeurs et d’un soutien politique fort. Les évangéliques voient leurs convictions religieuses mieux prises en compte dans la politique américaine. Après tout, qu’importe si le président se comporte comme un jet-setteur de bas étage du moment qu’il respecte ses engagements en faveur de l’idéologie. Trump aura sans doute fait plus en direction des évanlégiques que le président Jimmy Carter qui était membre de la communauté.
Son vice-président Mike Pence est de religion catholique mais se dit « évangélique catholique » après s’être éloigné du catholicisme sans avoir jamais renié sa foi d’origine. Il soutient les thèses du créationnisme édictant que Dieu a créé le ciel et la terre. Il considère par ailleurs que la théorie de l’évolution est une théorie parmi d’autres et que l’ensemble de ces théories devraient pouvoir être enseignées à l’école, sans privilégier l’une par rapport à l’autre.
La fiche wikipédia Evangélisme nous apprend que ce courant religieux protestant retient la Bible comme seule référence à sa foi, voit la conversion à l’évangélisme comme une nouvelle naissance, promeut le bénévolat dans l’Eglise et considère le crucicentrisme comme central (la crucifixion et la résurrection de Jésus). Il y aurait 600 millions d’adhérents à travers la planète dont une petite centaine aux Etats-Unis d’Amérique.
Le site World Evangelical Alliance publie une déclaration de foi relativement classique :
Nous croyons
Que l’Écriture Sainte est la Parole infaillible de Dieu, divinement inspirée, entièrement fiable, autorité souveraine en matière de foi et de vie.
En un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit de toute éternité.
En Jésus-Christ notre Seigneur, Dieu manifesté en chair, né de la vierge Marie, à son humanité exempte de péché, ses miracles, sa mort expiatoire et rédemptrice, sa résurrection corporelle, son ascension, son œuvre médiatrice, son retour personnel dans la puissance et dans la gloire.
Au salut de l’homme pécheur et perdu, à sa justification non par les œuvres mais par la foi seule, grâce au sang versé par Jésus-Christ notre Seigneur, à sa régénération par le Saint-Esprit.
En l’Esprit Saint qui, venant demeurer en nous, nous donne le pouvoir de servir Jésus-Christ, de vivre une vie sainte et de rendre témoignage.
À l’unité véritable dans le Saint-Esprit de tous les croyants formant ensemble l’Église universelle, corps du Christ.
À la résurrection de tous : ceux qui sont perdus ressusciteront pour le jugement, ceux qui sont sauvés ressusciteront pour la vie.Jusqu’ici rien de très surprenant mais le plus curieux dans ces convictions, pour les non-initiés, est le soutien indéfectible des évangéliques à Israël. Les gestes politiques américains récents en faveur de ce pays, notamment la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat israélien et le soutien à la colonisation juive de la Cisjordanie (qu’ils désignent Judée-Samarie comme les orthodoxes juifs), ont complètement satisfait les évangéliques car conformes à la profession biblique voulant que le retour de tous les juifs en terre d’Israël préfigure le retour du Messie, Jésus-Christ, et l’établissement du royaume de Dieu sur la terre pendant mille ans. En Israël, les juifs orthodoxes acceptent ce soutien avec des pincettes par crainte du prosélytisme qui pourrait y être associé. Pas sûr non plus qu’ils attendent le même Messie…
Incidemment on comprend aussi mieux pourquoi le concept français de laïcité semble si hermétique aux Etats-Unis.
-
Le tweetos de la Maison Blanche
Donald Trump Président en principe « en sursis » sous réserve du résultat des recours qu’il fait mener contre les résultats de l’élection présidentielle du 3 novembre, Donald Trump continue à gouverner par message Tweeter. Le président ne serait pas sorti de la Maison Blanche depuis ce jour funeste du 3 novembre où il aurait perdu l’élection, sauf pour aller jouer au golf.
Son ministre de la défense a appris aujourd’hui qu’il était remplacé sine die :
On devrait pourtant être habitué après quatre années de mandat Trump, mais on reste pourtant toujours stupéfaits que la première puissance militaire mondiale puisse décider de virer son ministre de la défense par un message de trois lignes publiées sur un réseau dit « social » avec effet immédiat. On ne sait pas si le ministre en question a été préalablement averti ou non. La période est également inattendue alors que les Etats-Unis sont en pleine période de transition présidentielle… Certes, un nouveau ministre a été immédiatement désigné mais espérons que l’Etat major américain serait capable de réagir en cas d’évènement malgré toute cette agitation.
On peut quand même s’interroger sur l’efficacité de cette méthode de gouvernement alternative… Si Joe Biden entrait effectivement à la Maison Blanche voilà au moins un point qui devrait changer significativement et rapidement.
-
MonGénéral est mort il y a 50 ans
Le 12 novembre 1970 des centaines de milliers de français remontaient les Champs Elysées pour déposer une fleur sous l’arc de triomphe en hommage au Général de Gaulle qui était décédé le 9 novembre chez lui à Colombey-les-deux-Eglises. Le chroniqueur âgé de 13 ans était parmi eux et vivait sa première manifestation.
Cinquante ans plus tard la France continue à pleurer son papa disparu et les commentateurs de se demander : « qu’aurait fait Mongénéral, qu’aurait dit Mongénéral aujourd’hui… ? », comme toujours, on ne se remet jamais complètement de la mort d’un père. Ces questionnements sont vains et ne servent pas même à nous faire oublier combien notre époque et nos comportements se sont éloignés de la grandeur et de l’intelligence de cet homme d’exception !
Alors le mieux est effectivement de lui rendre hommage, de lire son œuvre littéraire et, surtout, d’éviter de le mêler à nos politicailleries du moment.