L’aboyeur aboie

L’aboyeur en chef de l’opposition de droite depuis des années, Christian Jacob, 60 ans, chef du groupe parlementaire Les Républicains, n’a pas déçu son auditoire aujourd’hui à l’assemblée nationale. A la suite d’une prestation du premier ministre venu présenter une première restitution du « grand débat », il a invectivé, critiqué, aboyé, éructé, blâmé, une heure durant, tout ce qui passait dans son esprit à courte vue, terminant en apothéose en réclamant de nouvelles élections. Sa prestation est visible sur le site de l’assemblée : https://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA1695).

Quand on pense que le programme économique mis en œuvre actuellement est grosso-modo celui que proposait le candidat de droite à l’élection présidentielle de 2017, on reste coi devant le niveau de mauvaise foi dont est capable ce garçon, cela force vraiment l’admiration mais laisse penser que l’ancien monde est toujours bien vivant dans la politique française.

Jamais avare d’une incongruité, il est, notamment, auteur d’une proposition de loi n°1721 du 20/02/2019 « visant à rétablir le pouvoir d’achat des Français » en six articles dont la lecture est un vrai délice. Qu’on en juge :

  1. L’article 1 propose de réindexer en 2019 les pensions de retraites et les allocations familiales sur l’inflation, avec un effet rétroactif.
  2. L’article 2 propose de réindexer les aides au logement sur l’inflation.
  3. L’article 3 prévoit d’annuler la hausse de la CSG pour l’ensemble des retraités.
  4. L’article 4 vise à rétablir les plafonds du quotient familial, tels qu’ils existaient avant qu’ils ne soient fortement abaissés par la majorité socialiste en 2012.
  5. L’article 5 prévoit de baisser de 10 % l’impôt sur le revenu des deux premières tranches, pour réduire la pression fiscale supportée par les classes moyennes.
  6. L’article 6 prévoit de gager cette proposition de loi. « Nous ne pouvons malheureusement pas, juridiquement, gager une proposition de loi par une baisse des dépenses, ce qui nous oblige à gager cette proposition de loi sur le tabac. Mais Les Républicains ne souhaitent évidemment pas d’augmentation des taxes sur le tabac et proposent de compenser le coût de ces mesures de pouvoir d’achat (10 milliards d’euros) par une baisse des dépenses publiques de 20 milliards d’euros par an. »

Quand on pense que ce personnage a été ministre de la République à plusieurs reprises en participant très largement à une politique financière en partie responsable de la situation actuelle (le dernier budget en équilibre remonte à 1974, Jacob avait 15 ans) il faut quand même un culot hors pair pour asséner une telle langue de bois en chêne massif ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est élu comme chef de groupe parlementaire depuis bientôt dix ans.

Allez, une petite dernière pour la route. C’est un peu long mais cela vaut vraiment les quelques minutes de lecture à y consacrer pour mesurer l’étendue du talent de contrefacteur de l’orateur : l’exposé des motifs de sa proposition de loi.

Mesdames, Messieurs,

Le Président de la République et le Gouvernement portent la responsabilité d’avoir mis en œuvre, faute de réelles baisses de la dépense publique, une politique massive de matraquage fiscal qui s’est révélée particulièrement préjudiciable pour le pouvoir d’achat des Français. Par une politique fiscale particulièrement injuste, le Gouvernement a par ailleurs monté les catégories de Français les unes contre les autres.

De ce fait, la question du pouvoir d’achat, mis à mal par ces augmentations d’impôts et de taxes, s’est imposée comme la revendication centrale des Français, et a été le catalyseur de la mobilisation des gilets jaunes.

En effet, en 2018, les automobilistes ont subi une hausse sans précédent des taxes sur les carburants, les retraités ont vu leur contribution sociale généralisée (CSG) augmenter de 25 %, sans aucune compensation pour huit millions d’entre eux, et les familles ont été appauvries par un important coup de rabot sur l’aide à la prestation d’accueil du jeune enfant. Au final, les mesures prises par la majorité ont eu pour conséquences d’augmenter les prélèvements obligatoires des ménages de 4,5 milliards d’euros, diminuant d’autant leur pouvoir d’achat.

En 2019, de nouvelles mesures ont impacté le portefeuille de nos compatriotes. Ainsi, le Gouvernement a décidé de désindexer les pensions de retraites, les aides personnalisées au logement et les allocations familiales de l’inflation. Ces pensions augmenteront donc près de cinq fois moins vite que les prix à la consommation, ce qui représente une perte de pouvoir d’achat de 500 euros par an pour un couple de retraités touchant chacun une pension de 1 500 euros. La hausse des taxes sur les carburants devait par ailleurs se poursuivre, frappant l’ensemble de nos compatriotes obligés d’utiliser leur voiture.

Le groupe les Républicains a eu beau alerter le Gouvernement et sa majorité sur l’injustice de ces décisions, toutes nos critiques et nos propositions ont été balayées d’un revers de main. Il aura finalement fallu une crise sociale sans précédent pour que le Président de la République, face à la pression, désavoue son Gouvernement, ouvre les yeux et accepte enfin de revenir sur certains choix. L’augmentation des taxes sur les carburants, prévue au 1er janvier 2019, a été abandonnée, de même que la hausse de la CSG pour une partie des retraités. Par ailleurs, le Gouvernement a partiellement repris la proposition des Républicains de désindexer les heures supplémentaires.

Néanmoins, ces mesures d’urgences, ô combien nécessaires, restent très insuffisantes pour améliorer véritablement le pouvoir d’achat des Français. Si le Gouvernement a reculé pour les plus modestes, les classes moyennes demeurent les laissés pour compte de la politique du Président de la République. Les pensions de retraites et les allocations familiales, ne seront pas réindexées sur l’inflation, et les retraités vivant seuls qui perçoivent 2 000 euros, ou les couples de retraités qui perçoivent 3 000 euros à deux, continueront de payer la CSG au taux majoré. Rien n’est prévu non plus pour rétablir les plafonds du quotient familial ou pour baisser les impôts des classes moyennes, en contrepartie de mesures structurelles d’économies budgétaires.

En effet, malgré quelques mesures d’urgence très ponctuelles, le Gouvernement n’a pas pris pleinement conscience de l’importance de la crise du pouvoir d’achat, qui est en train de fracturer notre pays. Tout comme il n’a pas suffisamment pris conscience du ras-le-bol fiscal légitime, et du profond sentiment d’injustice ressenti par les classes moyennes françaises.

Les classes moyennes, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas considérés comme assez pauvres pour bénéficier des aides de l’État, mais qui voient leurs revenus et leur pouvoir d’achat sans cesse rognés. Toujours plus imposées, c’est essentiellement sur elles que repose le financement d’un système social perçu comme de moins en moins juste. Ainsi, chaque jour davantage, à l’inverse de nos voisins européens, l’écart se creuse entre l’impôt qu’elles acquittent et les prestations sociales dont elles bénéficient, notamment celles liées à une politique familiale progressivement détricotée depuis plusieurs années. Renversement considérable dans notre histoire, ces classes moyennes sont désormais convaincues que leurs enfants vivront moins bien qu’elles.

À rebours de ce matraquage fiscal des classes moyennes, initié par la présidence Hollande et poursuivi par celle d’Emmanuelle Macron, les députés du groupe Les Républicains souhaitent, par cette proposition de loi, redonner du pouvoir d’achat aux Français et tout particulièrement aux classes moyennes.

Cela exigera en contrepartie de s’engager dans une politique courageuse d’économies budgétaires pour mettre fin à l’excès de dépenses publiques. Car moins de dépenses publiques, c’est avant tout une fiscalité moins lourde qui encourage l’investissement dans l’économie et permet de stimuler la croissance et l’emploi. C’est dans cette optique, que les Républicains ont fait, lors de l’examen du budget 2019, des propositions précises, chiffrées et ambitieuses pour faire des économies à hauteur de 20 milliards d’euros par an.