La Turquie fait revenir « provisoirement » sur son territoire les candidats réfugiés installés à la frontière gréco-turque

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La Turquie qui avait facilité l’arrivée de candidats réfugiés à sa frontière avec la Grèce afin de faire pression sur l’Europe et l’OTAN qu’elle estime trop frileux dans leur soutien à ses actions militaires en Syrie, fait machine arrière à cause de l’épidémie de coronavirus. Elle a ainsi « rapatrié » les 5 à 10 mille réfugiés vers leurs camps de rétention à l’intérieur de son territoire en précisant bien que cette décision est provisoire et qu’une fois la pandémie achevée ces réfugiés seront de nouveau encouragés à essayer de passer en Europe.

Face à cette tactique turque, la Grèce soutenue par l’Europe avait refusé d’ouvrir ses frontières et finalement peu de réfugiés avaient pu les forcer, si ce n’est en passant par la mer. Comme elle l’a déjà annoncé, ne doutons pas que la Turquie va réitérer sa démarche dès que la situation sanitaire le permettra. L’Europe est soumise au chantage de soutenir, au besoin militairement, Ankara dans sa politique d’occupation du nord de la Syrie, ou alors de subir l’assaut des masses de réfugiés cherchant à migrer dans un pays européen. Cruel dilemme car la justification officielle avancée par Ankara de son invasion du nord de la Syrie est de pouvoir y réinstaller… les réfugiés syriens actuellement accueillis en Turquie tout en les protégeant de la répression du régime soutenu par la Russie, ce qui n’est pas en soi complètement illégitime, mais le devient tout de suite un peu plus lorsque l’on sait que cette occupation militaire a également comme but d’anéantir les forces kurdes syriennes, obsession d’Ankara depuis des années.

Ne faudrait-il pas imaginer une sorte d’accord multilatéral qui pourrait mettre cette zone sous protection internationale pour y réimplanter les réfugiés syriens avec un financement conséquent ? C’est évidemment un doux rêve qui nécessiterait l’accord du régime syrien (et de son allié russe) pour une perte de souveraineté sur une partie de son territoire. Il faudrait également que les 3 ou 4 millions de réfugiés syriens en Turquie, ou au moins une partie d’entre eux, acceptent de revenir « volontairement » en Syrie alors qu’ils se sentent sans doute plus en sécurité en Turquie. Les pays occidentaux ne manifestent pas non plus un grand enthousiasme à l’idée de mettre en place une UNRWA bis, cette organisation des Nations unies créée en 1949 pour s’occuper des réfugiés palestiniens chassés de leur terre lors de la création de l’Etat d’Israël et à la suite de la guerre de 1948. 70 ans plus tard l’organisation en est toujours à maintenir des camps de réfugiés dans tout le Proche-Orient dont les effectifs se sont multipliés car elle attribue également le statut de « réfugié palestinien » aux descendants des palestiniens expropriés en 1948.

La responsabilité originelle de tout ce désastre est tout de même essentiellement syrienne. On se souvient d’une relative vague d’optimisme qui avait saisi l’Occident, et sans doute aussi nombre de syriens, lorsque le président Bachar El Assad venait faire ses courses à Paris en se laissant prendre en photo avec son épouse sur le perron de l’Elysée avec le président de la République française. On parlait alors de modernité et d’espoir pour ce pays sur lequel la France avait exercé un mandat délivré par la Société des nations (SDN) entre les deux guerres mondiales. C’était en 2010, une éternité… Depuis la Syrie est revenue à ses démons, un inextricable patchwork de religions, de clans, d’intérêt et de sauvagerie.