Une visionnaire à la dérive

Coco/Charlie Hebdo (21/10/2015)

Christiane Taubira (69 ans), née à Cayenne en Guyane, a connu en engagement visionnaire dans sa jeunesse lorsqu’elle militait pour l’indépendance de cette colonie française artificiellement transformée en « département d’outre-mer (DOM) » en 1946 (après avoir été déjà département français en 1797). Très logiquement, Mme. Taubira, surdiplômée des universités parisiennes (sciences-économiques, sociologie, ethnologie « afro-américaine », agroalimentaire) qu’elle rejoint après avoir été scolarisée en Guyane, développe une pensée qui l’amène à soutenir que l’indépendance est la seule solution possible pour ce confetti de l’empire colonial français. Elle partage cette vision avec son mari au sein du parti créé par celui-ci en 1974 : le Mouvement Guyanais de Décolonisation (MOGUYDE) et la développe à la tête de la revue indépendantiste MAWINA. Le MOGUYDE sera même impliqué dans une tentative ratée d’attentat contre les installations pétrolières guyanaises qui vaudra quelques mois de prison à son mari et leurs comparses.

Cet admirable engagement militant pour l’indépendance des dernières colonies françaises marquait une personnalité ambitieuse et exigeante, un engagement qui s’est malheureusement affadi avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Mme. Taubira se rapproche du parti radical de gauche puis du parti socialiste, est élue conseillère régionale de Guyane en 2010, puis députée de ce territoire en 1993 et se trouve ensuite aspirée par les ors du pouvoir et les dorures des palais de la République, jusqu’à abandonner sa ferveur indépendantiste pour des raisons jamais vraiment explicitées. Renonçant à assurer l’avenir de son peuple, elle va, à la place, consacrer son temps et son énergie à l’élaboration de différentes lois culpabilisantes pour l’ancien colonisateur de son territoire de naissance, dont, en 2001, une loi qui entérine que :

« …la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité. »

Cette loi exclut de fait la traite et l’esclavage dans le monde arabe ainsi qu’à l’intérieur du continent africain.

Nommée ministre de la Justice sous la présidence socialiste de François Hollande, elle promeut la loi ouvrant le mariage aux homosexuels puis démissionne en 2015 par refus du projet de légiférer pour pouvoir déchoir de leur nationalité des terroristes binationaux.

Dernier et récent avatar de sa reconversion dans l’avachissement de la pensée : elle refuse d’inciter publiquement ses concitoyens guyanais à se faire vacciner alors que l’épidémie de coronavirus fait des ravages dans les DOM où les taux de vaccination sont extrêmement faibles ce qui explique en grande partie la recrudescence du virus. Il semble que le vaccin suscite plus de méfiance qu’ailleurs dans ces anciennes colonies car il vient… des anciens colonisateurs.

On ne connaît pas l’avis de Mme. Taubira sur les évacuations sanitaires qui permettent de transférer dans les hôpitaux métropolitains les malades de la Covid de ces départements exotiques où les hôpitaux sont débordés, ni sur les renforts de soignants envoyés dans ces territoires depuis l’ancienne puissance coloniale !

Pourquoi cette femme brillante, excellente oratrice, férue de l’histoire des peuples colonisés, rouée au contact de la politicaillerie franchouillarde, ne s’en laissant pas compter par les journalistes de plateaux télévisés ni par les insultes d’une droite conservatrice déchaînée contre elle, a-t-elle abdiqué d’une pensée indépendantiste positive qui constituait une vraie révolution idéologique et un avenir souhaitable pour les DOM au profit d’engagements victimaires ressassant un passé révolu ?

C’est le syndrome des DOM-TOM, on voudrait se débarrasser de tout lien avec l’ancien colon et faire payer ses péchés originels à ses descendants. On préfère mariner dans le ressentiment plutôt que d’assurer les incertitudes de la liberté et de la responsabilité. Christiane Taubira illustre jusqu’à l’excès cet inextricable contradiction, bien installée à… Paris.

Et les doutes des guyanais sur le vaccin contre le coronavirus sont toujours aigus !