L’extrême gauche française est extrême

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Un débat sémantique agite le microcosme politico-médiatique franchouillard pour savoir si l’attaque du mouvement religieux Hamas contre Israël est de nature « terroriste » ou non. Devant la barbarie des exactions massives commises contre les civils israéliens lors des attaques du 8 octobre, une grande partie de l’échiquier politique français s’accorde à le penser et à le dire quand le parti La France insoumise (LFI) s’y refuse, parlant certes de crimes de guerre commis par les combattants du Hamas, mais évitant de les qualifier de « terroristes ».

Les politiciens de plateaux télévisés s’en émeuvent et les journalistes qui les interrogent sont bien jeunes pour se souvenir des liens qui ont toujours unis l’extrême-gauche française avec les mouvements palestiniens. Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, la gauche, et pas uniquement extrême, a soutenu la cause palestinienne, y compris parfois dans ses actions illégales. Dans les années 1960-1980 nombre de militants révolutionnaires français sont allés se former à la guérilla dans les camps palestiniens. Le groupe terroriste Action Directe commet des attentats en France dans les années 1980 contre des intérêts israéliens, en solidarité avec le nationalisme palestinien. Des intellectuels français ont également fait le voyage en Palestine. Le curriculum vitae de l’avocat Jacques Vergès (1924-2013) mentionne une période blanche d’une dizaine d’années sur laquelle il ne s’est jamais clairement exprimé mais certains de ses biographes estiment qu’il aurait pu séjourner durant une partie de cette période en Palestine. L’écrivain-dramaturge Jean Genet (1910-1986) y a fait plusieurs séjours et forgé son antisionisme teinté d’antisémitisme. Le trotskisme qui a irrigué la pensée de la gauche française depuis l’après-guerre l’a naturellement poussée vers la cause palestinienne, après avoir soutenu fort logiquement l’indépendance de l’Algérie. En effet, cette cause rassemblait nombre des idées force de l’internationalisme propre au trotskisme : l’autodétermination des peuples, l’anti-impérialisme (dirigé contre les Etats-Unis, soutien permanent d’Israël), l’anticolonialisme et, plus généralement, la défense des plus défavorisés et maltraités par l’Histoire… L’extrême-gauche française de la fin du XXème siècle s’est engouffrée dans cet espace, parfois un peu gênée aux entournures car Israël était le peuple qui avait affronté la Shoah et l’antisémitisme dévastateur de certains peuples européens durant la seconde guerre mondiale. L’intellectuel Jean-Paul Sartre a navigué d’une position à l’autre, soutenant la création d’Israël et les actions de son gouvernement dans les années 1950-1960, puis apportant un soutien intellectuel aux mouvements palestiniens, même dans certaines de leurs dérives terroristes à partir des années 1970, sans contester pour autant l’existence d’Israël.

Le patriarche de LFI, Jean-Luc Mélanchon (né en 1951) a participé à ce mouvement intellectuel dès 1968. Les autres dirigeants de LFI sont les enfants de cette génération « révolutionnaire ». Leur demander de changer leur position historique propalestinienne est juste peine perdue d’autant plus qu’une partie de leur électorat d’origine arabe est naturellement en faveur de la cause comme le confirment les manifestations propalestiniennes qui se déroulent dans différentes villes françaises. Qu’ils refusent de qualifier le mouvement Hamas de « terroriste » n’a rien d’étonnant et n’est finalement de guère d’importance. Ils en ont le droit. Les positions de Jean-Luc Mélanchon et de LFI n’exercent aucune influence sur l’évolution du conflit alors le mieux est de cesser de gloser à l’infini sur un adjectif manquant dans leur discours et de passer à autre chose. Que ceux qui ne sont pas d’accord avec LFI ne votent pas pour eux, c’est encore la meilleure attitude à adopter.

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