Voici un nouveau venu sur la scène actuellement très active de la communication d’états-majors : Yahya as-Saree, sanglé dans un uniforme rutilant, le verbe haut, fort et saccadé, il est le porte-parole de « l’armée Houthi », la rébellion yéménite pro-iranienne qui contrôle la moitié du Yémen, y compris sa capitale officielle Saana. Le Yémen fut un terrain de conquêtes coloniales menées par les empires Ottoman et Britannique jusqu’au XXème siècle et sur lequel l’Arabie-Saoudite frontalière au nord a toujours gardé un œil attentif. Après les décolonisations le pays est resté divisé en deux. Il y avait un Yémen du sud, constitué en République populaire et démocratique du Yémen autour du port d’Aden, pro-soviétique, et la République arabe du Yémen, mieux intégrée dans la région arabe environnante.
De guerres civiles en rébellions, de tribus en protectorats, de prébendes en famines, les deux Yémen n’ont cessé de se chamailler, parfois par les armes, situation largement attisée par les puissances environnantes dont l’Arabie-Saoudite pas vraiment raccord avec l’idéologie « révolutionnaire » prônée à Aden. C’est la raison pour laquelle Ryad a pris la tête d’une coalition arabe-sunnite en 2015 pour « libérer » le Yémen de l’emprise houthi à grand renfort d’armes achetées à l’Occident. Ce fut un échec comme l’illustre les actions encours des Houthis contre Israël.
Les deux Yémen se réunissent pour fonder la République du Yémen en 1990 mais la paix ne dure que quelques années et dès 1994 la bataille reprend entre les marxistes et les unionistes et n’a quasiment pas cessé depuis. La rébellion Houthi est largement soutenue par la République islamique d’Iran. Les Houthi sont plus ou moins musulman-chiite, comme leur protecteur, mais il semble que ce soit une version particulière de cette tendance. Ils ont en tout cas pris le parti de la cause palestinienne dans la nouvelle guerre qui oppose Israël au Hamas depuis le pogrom commis par ce dernier mouvement le 07/10/2023 (plus de 1 200 morts israéliens, dont beaucoup de civils assassinés dans la plus grande barbarie). Leurs moyens d’action sont le lancer de missiles en direction d’Israël et de bateaux militaires ou commerciaux occidentaux navigant en Mer Rouge en direction du canal de Suez. Ils ont même réussi à prendre des navires en otage en déposant des commandos amenés en hélicoptère sur le pont.
Cette tactique porte ses fruits puisque le trafic vers le, et en provenance du, canal de Suez est perturbé ce qui oblige les navires à faire le tour de l’Afrique. Les armateurs expliquent que l’augmentation des coûts de transport générée par cette route plus longue est à peu près compensée par l’économie des droits de passage sur le canal. Les à-coups sur la fluidité de la chaîne internationale de transport sont néanmoins patents ce qui réjouit les Houthis.
Le problème du jour est que ces milices Houthi que l’on assimilait jusqu’il y a peu à une bande de va-nu-pieds dépenaillés sont maintenant organisées en armée presque nationale (la prise du pouvoir et de la capitale par cette rébellion n’est pas officiellement reconnue par les Nations Unies) et capable d’envoyer des missiles balistiques vers Israël ou l’Arabie-Saoudite, ce qu’elles ne se privent pas de faire. Si les guerres claniques internes sont millénaires, les armes utilisées ont évolué… Pour bien comprendre ce pays, il est recommandé de relire « Fortune carrée » de Joseph Kessel, écrit en 1932 ; rien n’a vraiment changé sur le fond si ce n’est la portée des missiles.
Selon Wikipédia, la traduction de la devise du mouvement est :
Dieu est le plus grand, Mort à l’Amérique, Mort à Israël, Maudits soient les juifs, Victoire à l’islam.
Vaste programme ; il y a encore quelques progrès à faire pour ramener la paix dans la région semble-t-il…
L’ambassade de France au Yémen est fermée, comme celle au Niger, ce qui apparaît comme une mesure raisonnable. Il semble en revanche que l’ambassade du Yémen en France soit toujours opérationnelle dans le XVIème arrondissement parisien. On peut se demander si elle est bien utile, voire opportune ?