Lina Soualem représente la quatrième génération depuis son arrière-grand-mère qui a connu la « Nakba » en Palestine en 1948. Cette famille habitait Tibériade sur les rives du lac du même nom, lorsque la puissance mandataire, le Royaume-Uni, leur demanda de vider les lieux en quelques heures. La ville fut alors investie par des populations juives dont les forces paramilitaires avaient gagné la guerre l’opposant aux armées arabes levées pour s’opposer à la création de l’Etat d’Israël. Cette famille va alors errer à la recherche d’un point d’accueil qu’elle trouve dans le village de Deir Hanna, à une trentaine de kilomètres de Tibériade et désormais en territoire… israélien. C’est là que l’arrière-grand-mère installe sa famille sauf l’une de ses filles qui, dans la panique de l’exode, se retrouve dans un camp de réfugiés de Yarmouk en Syrie où elle passa une grande partie de sa vie, sans moyen de revoir sa famille, la frontière entre Israël et la Syrie étant fermée.
C’est là que nait Hiam, la mère de Lina, l’aînée d’une famille de huit filles. Assez vite elle marque son indépendance et sa volonté de sortir d’un système patriarcal d’un autre âge. Elle veut être actrice, sortir avec des garçons puis se marier avec un Anglais dont elle divorcera rapidement… toutes choses difficilement acceptables par un père arabe traditionnel. Elle réussit à gagner la France, qui lui offre la double nationalité, pour vivre de son métier d’actrice. C’est là que nait sa fille Lina, d’un père d’origine algérienne. Diplômée d’histoire, elle devient actrice et réalisatrice. Son premier documentaire, Leur Algérie, est consacré à sa découverte de sa famille paternelle en Algérie. Le second est dédié aux femmes de sa famille palestinienne.
Hiam a régulièrement ramené sa fille Lina, enfant, se baigner dans le lac de Tibériade dans les années 1990 et partager avec sa famille palestinienne. Son mari (dont elle a aussi divorcé) était vidéaste amateur et le film intègre nombre de passages de cette époque, ainsi d’ailleurs que d’images d‘actualité sur l’exode provoqué par la guerre de 1948. Les images contemporaines sont celles filmées par Lina lorsqu’elle ramène sa mère en Israël pour un retour sur les racines de la famille palestinienne. C’est surtout Hiam qui se raconte dans le film. C’est une histoire de famille, d’exil, de souvenirs gardés bien au chaud dans le cœur de chacun. Après le décès de la mère de Hiam, ses filles se retrouvent dans la maison de Deit Hanna avant qu’elle ne soit vendue. Ensemble elles vont ouvrir les boîtes à bijoux de leur mère, les albums photos revenant sur les épisodes familiaux heureux, Lina enfant dans les bras de son arrière-grand-mère déjà âgée, la peau parcheminée par le soleil méditerranéen sous son voile, lui parlant arabe, le mariage d’une de ses tantes et, toujours, le lac de Tibériade comme horizon.
Un épisode émouvant est raconté par Hiam lorsqu’elle revient sur sa rencontre avec sa tante de Yarmouk après des décennies de séparation. Grâce à son passeport français elle put entrer en Syrie à sa recherche, et la retrouver dans ce camp gigantesque près de Damas, démantelé depuis.
Ce film est plein de la douceur et de l’amour que porte Lina à son histoire et aux siens. Déracinée entre l’Algérie de son père, la Palestine de sa mère et la France où elle est née, elle reste travaillée par cette histoire de déchirement et d’exil. L’accueil que la France a prodigué à sa mère ne suffit manifestement pas à apaiser les tiraillements qui sont les siens au cœur de la violence de l’histoire du Proche-Orient et du Maghreb. Dans ce documentaire elle a su les exprimer avec subtilité et passion. Lors de la promotion du film, elle et sa mère ont fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas s’exprimer sur la nouvelle vague de violence qui embrase actuellement le Proche-Orient.