Les risques du compromis selon Raymond Aron

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Dans la quatrième leçon (sur 19) du cours « Démocratie et totalitarisme » donné à la Sorbonne durant l’année universitaire 1957-1958, le philosophe politique Raymond Aron (1905-1983) explique le sens du compromis nécessaire en régime pluraliste moderne où cohabitent plusieurs partis. Outre le respect des règles et des lois, la notion de compromis est un principe clé du bon fonctionnement de la démocratie : « accepter le compromis est accepter la légitimé partielle des arguments des autres et essayer de trouver une solution qui ne soit agressive pour personne ».

Malgré tout il y a des domaines où le compromis « est une catastrophe » comme dans le domaine de la politique étrangère où il faut choisir entre deux voies, chacune comportant des avantages et des inconvénients, mais si le choix se porte sur la politique intermédiaire « on ne divise pas les risques par deux, normalement on les multiplie par deux ou tout au moins on collectionne les inconvénients des deux politiques possibles ».

Lorsque l’Italie de Mussolini a voulu faire la conquête de l’Ethiopie [en 1935]… la France et ses alliés avaient le choix entre laissez-faire Mussolini ou l’empêcher par l’usage de moyens militaires… En démocratie on n’aime pas prendre des risques d’opérations militaires, ce qui est d’ailleurs légitime à bien des égards, mais on ne peut pas non plus en politique extérieure atteindre des résultats sans prendre de risques.

La politique choisie a consisté à imposer des sanctions mais des sanctions suffisamment inefficaces pour qu’il n’exista aucun risque de réplique militaire par l’Italie. La conséquence prévisible et inflexible fut que l’Italie fut suffisamment irritée par les sanctions pour glisser du côté de l’Axe [Allemagne-Japon] et ne fut pas suffisamment gênée dans ses entreprises pour être obligée de s’arrêter. Cela c’est l’exemple du mauvais compromis.

Comme souvent Raymond Aron fut un visionnaire analytique et réfléchi sur le monde qui l’entourait dont nombre d’aspects sont toujours d’actualité. Rapportés à la guerre actuelle déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, ses commentaires sur le compromis sont toujours frappants d’actualité.

Lire aussi : Aron Raymond, ‘L’opium des intellectuels’.
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