PEYREFITTE Alain, ‘C’était de Gaule 2/3 « La France reprend sa place dans le monde »‘.

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Sortie : 1997, Chez : Editions de Fallois / Fayard.

C’est le deuxième tome des trois rédigés par Alain Peyrefitte (1925-1999), homme politique et écrivain, qui fut ministre de l’information et porte-parole du gouvernement à partir de 1962 pour cinq ans avant de poursuivre une carrière ministérielle jusqu’en 1981. C’est au titre du porte-parolat du gouvernement de De Gaulle et qu’il aura des entretiens particuliers avec le Général après chaque conseil de ministres. En tant que ministre de l’information il était le seul autorisé à prendre des notes en conseil des ministres. Dès sa prise de fonction gouvernementale il décide de consigner pour l’Histoire tous ces entretiens qu’il publie dans les trois volumes de « C’était de Gaulle ».

« Après avoir donné l’indépendance à nos colonies, nous allons prendre la nôtre »

Ce volume commence par traiter de la politique d’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis qui inspira de Gaulle tout au long de ses années de pouvoir : alliance, certainement oui, mais indépendance du commandement militaire français qui ne doit pas dépendre de Washington pour la défense de la France ; d’où le développement de la force nucléaire française et la sortie du commandement intégré de l’OTAN et à sa conséquence immédiate : le démantèlement des bases américaines présentes sur le sol français depuis l’après-guerre. Obnubilé par l’objectif de rétablir la grandeur de la France après le désastre de 1940 il est guidé par cette nécessité.

La grandeur c’est le chemin qu’on prend pour se dépasser. Pour la France c’est de s’élever au-dessus d’elle-même, pour échapper à la médiocrité et se retrouver telle qu’elle a été dans ses meilleures périodes.

22/03/1964

« Il faut que les Américains s’en aillent »

Il n’est pas certain que si « les soviets » envahissaient l’Europe les Etats-Unis viendraient automatiquement son secours, malgré les accords, alors il veut une France indépendante capable d’appuyer sur le bouton nucléaire toute seule et être ainsi sanctuarisée.

Aujourd’hui, la guerre atomique remet en cause tous les engagements. Vous imaginez un Président des Etats-Unis prenant le risque de condamner à mort des dizaines de millions d’Américains en vertu d’un traité d’alliance ?
Comment voulez-vous être sûr que le Président des Etats-Unis pressera sur le bouton, si le destin du peuple américain n’est pas directement menacé ? On peut être sûr du contraire.

29/09/1963

Les institutions

Sa volonté d’indépendance s’élargit aussi à la fonction présidentielle qui doit être libre des querelles partisanes, d’où la modification de la constitution de 1962 pour établir l’élection du président au suffrage universel : « le pouvoir de doit dépendre d’aucun parti, y compris celui qui se réclame de moi. »

Il règle au passage son sort au quinquennat mis en place en 2000 par l’un de ses lointains successeurs, Jacques Chirac :

Le risque, si on fait coïncider l’élection présidentielle et l’élection législative, c’est que la Président devienne prisonnier de l’Assemblée, c’est-à-dire des partis. Les deux consultations, dans la foulée, résulteraient de combinaisons électorales. … Il n’y a pas forcément accord parfait entre la majorité qui a élu le Président et la majorité législative. Mais le Président doit pouvoir se tirer d’affaire tant qu’il n’est pas désavoué par le peuple.

30/04/1963

Dans l’atmosphère plus détendue de ses entretiens entre quatre yeux avec Peyrefitte, le général se laisse aller à quelques jugements définitifs, mais toujours clairvoyants, sur la presse notamment (« en réalité ce sont des décadents. Ils présentent toujours le côté catastrophique, misérable et lamentable des choses. C’est une tendance qui a toujours caractérisé les décadents ! »), l’Algérie indépendante, certains de ses collègues présidents d’autres pays, l’Eglise de France (« ce n’est pas le patriotisme qui l’étouffe. »), les partis politiques… C’est toujours succulent.

François Mitterrand qui se présente aux élections présidentielles de 1965 en prend pour son grade lorsque de Gaulle raconte son passé vichiste (« Il avait travaillé pour Vichy avec tant de zèle que ça lui a valu la francisque. Il était entré dans ce corps d’élite. »), ou leur rencontre à Alger à l’hiver 1943-44 où le général lui propose de rejoindre une unité combattante, ce qu’il refuse. Il le qualifie de « Rastignac de la Nièvre » ou « d’arsouille ». Et alors que Mitterrand nommé secrétaire général intérimaire du ministère des Anciens combattants et Prisonniers (il s’est ensuite prétendu ministre) organise des manifestations à la libération pour obtenir la tête de son propre ministre (Henri Frénay), il est convoque par de Gaulle au ministère de la Guerre qui lui a laisse deux solutions : soit il n’est pas responsable des manifestations organisées par son mouvement et il exige sa démission immédiate, soit il est le chef et il signe immédiatement l’engagement aujourd’hui, sinon de Gaulle le met en état d’arrestation à la sortie de ce bureau. Mitterrand a opté pour la seconde alternative…

« Il faut bien que l’intendance suive »

En 1964, avec Giscard d’Estaing ministre des finances, il met en place un plan de stabilité destiné à rétablir l’équilibre du budget et de lutter contre l’inflation.

La rigueur s’impose à tous. Ce n’est pas seulement un problème d’équilibre des dépenses et des recettes, mais il faut que la part de l’Etat dans l’économie soit contenue. Sinon on va non seulement vers une inflation proprement dite qui emporte la monnaie, mais vers une inflation du rôle de l’Etat au sein de la société. Nous avons atteint une limite qu’il ne faut pas dépasser. L’Etat doit veiller aux équilibres ; à plus forte raison, il ne doit pas lui-même mettre en danger l’équilibre par sa propre masse.

02/04/1964

A cette époque les prélèvements obligatoires représentaient 34% du PNB, elles en représentent aujourd’hui plus de 55%…


Les autres thèmes abordés dans cette première moitié des années 1960 sont tous aussi passionnants : les premières actes postindépendance des anciennes colonies africaines, leurs coups d’état, les interventions militaires françaises pour y « remettre de l’ordre », l’Algérie bien sûr qui se débat dans ses contradictions internes tout en continuant à lorgner vers Paris, l’aide au développement à ces pays neufs, la communauté européenne à six membres et ses luttes intestines pour la défense des intérêts de chacun, la relation franco-allemande après le départ du Chancelier Adenauer et la signature du traité de l’Elysée, l’engagement américain au Vietnam qui s’intensifie, sans oublier les questions internes, la transformation de la France rurale, l’émergence du premier ministre Georges Pompidou qui succédera au général, tant d’autres sujets qui sont ceux d’un pays en pleine restructuration, dirigé par un homme de grande valeur.

Ces conversations dévoilent un président conscient de sa valeur, sûr de ses objectifs dont la finesse d’analyse et de jugement inspirent de l’admiration, dont l’intelligence supérieure force le respect quand on le voit maîtriser de haute main des sujets dont il n’est pas si familier, et ne délaissant pas un humour dévastateur ce qui ne gâche pas les choses.

Vivement le tome III.

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